Parallèlement au mouvement ouvrier, il avait existé, dès la première moitié du XIXe siècle, un féminisme bourgeois.
Parmi les femmes de la classe aisée, les revendications féministes sont apparues aux Etats-Unis, dans les années 1830, dans le cadre de la campagne anti-esclavagiste en milieu protestant, où les femmes étaient très actives. Des femmes de la grande bourgeoisie consacrèrent leur vie et mirent en jeu leur position sociale pour organiser un mouvement anti-esclavagiste féminin, qui unissait la cause des femmes et celle des Noirs. Certaines des associations organisaient ensemble femmes noires et femmes blanches non sans rencontrer des obstacles de la part d'une grande partie des pasteurs du clergé protestant. Ce qui eut pour effet d'accentuer le féminisme des militantes, qui prirent notamment comme slogan provocateur, mais après tout pas plus provocateur que l'inverse : "Priez Dieu, Elle vous exaucera !"...
Pour l'anecdote, mentionnons que la première femme à faire acte de candidature à la présidence d'un Etat et à mener campagne fut une Américaine, nettement plus tard bien sûr, en 1884, "une jolie veuve de 40 ans, avocate, montée sur un vélocipède, sa serviette et une tabatière entre les mains", dont en France Le Figaro se moqua bien sûr abondamment.
En Angleterre, la question du suffrage féminin fut, à partir de 1850-1851, longtemps en débat au sein du Parlement, d'autant qu'il s'y trouva un homme, John Stuart Mill, qui s'y fit le porte-parole des droits des femmes. Elles avaient déjà conquis des pouvoirs locaux relativement étendus, mais le pouvoir opposait des refus répétés sur la question du droit de vote à l'échelon national. La reine Victoria était tranchante : "La reine fait appel à toutes celles qui peuvent prendre la parole ou écrire et les adjure de s'unir pour enrayer ce Mouvement des droits de la femme, pervers et fou, avec toutes les horreurs qu'il entraîne et qui aveugle les pauvres êtres de son sexe, qui en oublient le sens de la féminité et des convenances. Ce sujet irrite à ce point la reine qu'elle peut à peine contrôler sa colère".
Les suffragettes et leur organisation politique finirent par se livrer à des actions violentes pour arracher le droit de vote : incendies de maisons, bris de vitrines, attaques de membres du Parlement, et même pose de bombes et suicides spectaculaires il y eut plusieurs centaines de milliers de manifestantes suffragettes dans les rues de Londres en 1908. La bourgeoisie anglaise ne leur fit pas de cadeaux : elles subirent une répression continue, constamment emprisonnées, au régime de droit commun. Lorsqu'elles firent une grève de la faim, en 1906, le gouvernement ordonna de les gaver de force, comme des oies, et fit publier une photo de la scène dans la presse pour les ridiculiser. Mais leur organisation resta forte.