La Russie après la "bataille du Parlement" - Eltsine concentre un peu plus de pouvoir mais c'est le pouvoir qui se désagrège

Εκτύπωση
Octobre-Novembre 1993

Eltsine a donc gagné le dernier en date des affrontements pour le pouvoir suprême en Russie. Le conflit qui opposait depuis un an le président au parlement et à ses chefs n'a pas été tranché par des élections. Il a été tranché par les unités spéciales du ministère de l'Intérieur et par une division de parachutistes dont Eltsine a obtenu l'appui, non sans mal semble-t-il. Cent soixante-dix morts officiellement, sans doute bien plus.

Comme le dit avec un doux euphémisme la presse occidentale, tout acquise à Eltsine, ce dernier a quelque peu "terni son image de démocrate". Il a surtout laissé entrevoir par quels moyens et de quelle façon il pourrait consolider un pouvoir qui se dérobe sans cesse - à supposer qu'il soit capable de le consolider.

Eltsine a profité de sa victoire pour régler un certain nombre de comptes. L'ex-vice président, Routskoï, et l'ancien chef du Parlement, Khasboulatov, sont en prison. Le très eltsinien maire de Moscou n'a donné que quelques jours aux familles des députés non ralliés à Eltsine pour déguerpir de leurs logements de fonction. Le Parlement dissous, il leur a été signifié qu'ils sont licenciés sans indemnité. Histoire sans doute de rappeler que même si le système de nomenklatura, c'est-à-dire de nomination par en haut pour accéder à des postes comportant des privilèges, a été officiellement supprimé, ces privilèges sont tout de même réservés à la clientèle du chef du moment.

Un certain nombre de partis, notamment parmi ceux qui se revendiquaient d'une façon ou d'une autre du communisme, ont été interdits. Des journaux aussi, dont la Pravda (réautorisée, semble-t-il ultérieurement). Des chiffres très divers circulent concernant le nombre des arrestations pendant l'état de siège de deux semaines imposé à Moscou, sans parler des rafles à caractère démagogique contre les Caucasiens et des originaires d'Asie centrale, rendus responsables de la criminalité. Le nouveau ministre de la Sécurité - ancien chef du KGB en Ukraine - a laissé entendre qu'il procédera à la reprise de la surveillance systématique des personnalités et des militants politiques.

Eltsine et ses conseillers font mine de concentrer désormais entre leurs mains tous les pouvoirs et publient décret sur décret (250 en un mois depuis le 21 septembre, paraît-il).

Mais il ne suffit pas d'afficher son autoritarisme pour avoir de l'autorité. A Moscou même, de nouvelles rivalités chassent les anciennes. L'envoyé du journal Le Monde titre : "foire d'empoigne au Kremlin". Et de s'écrier que "les kremlinologues feraient bien de reprendre du service". On ne sait guère en effet qui est contre qui et encore moins quelle est la configuration des clans qui se disputent le pouvoir - le nouveau vice-président, Tchernomyrdine, contre Eltsine ; des ministres "eltsiniens" de premier plan, Chakhraï et Gaïdar qui s'affrontent ouvertement tout en commençant à se démarquer d'Eltsine ; ou des conseillers d'Eltsine les uns contre les autres ? - mais les clans concurrents étalent leur rivalité au grand jour. Quelques-unes des mesures d'autorité portant la signature d'Eltsine - l'interdiction de la Pravda notamment - sont publiquement remises en cause. Mieux, des hommes du cercle le plus étroit d'Eltsine, celui qui est censé prendre les décisions, se demandent publiquement qui diable a bien pu prendre certaines de ces décisions.

Tout cela, à l'intérieur même de la camarilla du Kremlin, sous le regard direct d'Eltsine, deux semaines à peine après une "victoire décisive" remportée sur la concurrence.

Cela n'empêche pas la machinerie de la répression de continuer à tourner : les gens arrêtés, les journaux interdits continuent de l'être. Il suffit pour cela aux agents du KGB reconvertis dans la police d'une "démocratie naissante", ou encore aux censeurs professionnels de l'ère dictatoriale, de retrouver leurs réflexes professionnels. Mais rien ne dit que cette machinerie tourne dans le sens du rétablissement d'un pouvoir central incontesté et encore moins que ce rétablissement se fasse au profit d'Eltsine.

Et puis, il y a le reste du pays.

Il y a toutes ces baronnies bureaucratiques, ces 88 "sujets de la Fédération russe", pour reprendre l'expression officielle, dont les chefs ne sont certes pas en situation de se poser en rivaux d'Eltsine pour le pouvoir au Kremlin, mais qui sont en revanche en situation de refuser le pouvoir du Kremlin chez eux.

Et au-delà, il y a ce mouvement de fond, ce mouvement social au sein de la bureaucratie, engagé de fait dès l'atténuation de la phase la plus féroce de la dictature de Staline, accentué et rendu partiellement public sous Khrouchtchev, amplifié dans l'ombre sous Brejnev et se déroulant ouvertement depuis la perestroïka, au travers duquel la bureaucratie s'est débarrassée du contrôle du pouvoir central.

Ce mouvement a été le fait politique dominant des toutes dernières années de l'URSS, qui en est morte, dépecée en républiques indépendantes par les cliques dirigeantes des bureaucraties des anciennes républiques fédérées. Il demeure le fait politique dominant dans la Fédération russe comme dans les autres républiques succédant à l'URSS, ici, sous une forme violente et armée, là, sous une forme pacifique. Dans une agitation moléculaire, tous ceux qui ont la moindre parcelle de pouvoir essaient de l'accroître en le préservant des empiétements d'un pouvoir supérieur.

Bureaucratie et clientélisme

Le clientélisme a toujours été un des traits majeurs du fonctionnement politique de la bureaucratie. Le rôle de ce clientélisme a toujours été capital dans la sélection et l'ascension des dirigeants. Ce réseau hiérarchisé de relations de pouvoir a de tout temps porté en lui la menace de constitution de baronnies bureaucratiques, nécessairement au détriment du pouvoir central. C'est par des purges sanglantes en même temps que par des procédures de fonctionnement - notamment en faisant périodiquement changer de région les hauts responsables à la direction des différentes républiques, à la direction des différents appareils - que Staline remédia en son temps à cette menace. Mais s'il put le faire et s'il avait les moyens de le faire, c'est parce que la crise sociale grave des années trente et quarante, les menaces venant du côté du prolétariat comme du côté de la bourgeoisie internationale, créaient une situation où il y avait un consensus dans la bureaucratie pour souhaiter un arbitre suprême, quitte à en payer le prix.

Cela fait bien longtemps que les bureaucrates ont oublié à quel point la dictature du pouvoir central les avait protégés socialement, leur assurant la jouissance en quelque sorte collective des biens détournés à la société. Les rivalités et les conflits publics au sommet les ont débarrassés du contrôle du pouvoir central. Les pouvoirs régionaux et locaux ont grandi sur la décrépitude de ce dernier. Le morcellement des pouvoirs morcelle l'appareil d'État. L'administration et l'appareil policier locaux, voire la caserne locale, sont plus enclins à se constituer en pouvoir local qu'à obéir à un pouvoir lointain et, surtout, qui semble de moins en moins bien établi.

D'autant plus que les autorités régionales et locales se sont dépêchées de mettre la main non seulement sur le nerf de la guerre, en gardant une part croissante des recettes locales des impôts (voire l'intégralité) ; mais aussi, en faisant main basse, de fait, sur les usines de leur région, propriétés d'État.

Le pouvoir local lui-même devient l'objet de rivalités de plus en plus acharnées. Mais, et ce n'est nullement contradictoire, il se forme tout naturellement une sainte alliance locale, composée de toutes les composantes locales de la bureaucratie : les chefs de l'administration - souvent ex-chefs du PCUS -, les bureaucrates des soviets, les dirigeants des entreprises d'État, la hiérarchie militaire et policière, les notables des kolkhozes... C'est cette couche sociale, loin du centre représenté par le Kremlin, s'en méfiant et s'en protégeant, qui commande, décide, organise la vie sociale et économique. En n'oubliant pas de se servir elle-même en premier. C'est une vieille habitude dans la bureaucratie. A ceci près qu'auparavant, c'était le centre qui s'occupait de justifier les prélèvements de la bureaucratie au nom de son rôle social - et plus encore, de dissimuler ces prélèvements. C'était le centre aussi qui s'occupait de répartir, par l'intermédiaire de la hiérarchie étatique et du système de nomenklatura, le produit de la rapine collective.

Désormais, plus de centre, plus de nomenklatura. Ce qui n'empêche pas un gonflement de la bureaucratie, ne serait-ce qu'en raison du renforcement des clientèles et des appareils locaux. Il existe une complicité de brigands au sein de la bureaucratie locale, entre des coteries qui se connaissent bien, à force d'avoir fréquenté ensemble les allées du parti et de l'État. C'est cette couche, la même bureaucratie qu'avant mais débarrassée désormais du carcan d'un pouvoir central, qui prélève ses commissions sur toutes les opérations destinées à faire fonctionner ce qui fonctionne encore de l'industrie locale, sur les trocs qui assurent l'approvisionnement de la population. Ce sont les membres de cette couche, dont les limites se perdent dans la mafia, qui sont en position de détourner, à leur profit individuel ou au profit de leur groupe, les stocks des entreprises d'État, voire les subventions venues du centre.

Le processus de décomposition de l'État s'alimente de lui-même, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan économique. Le gouvernement central compense son manque à gagner du côté des impôts en faisant marcher la planche à billets. Mais plus le rouble s'enfonce dans les profondeurs, moins les autorités locales sont enclines à se dessaisir des biens réels dont elles ont pris le contrôle et plus se renforcent les autarcies locales.

Ce sont aussi ces pouvoirs locaux qui sont les mieux placés pour appliquer à leur profit, lorsqu'ils le souhaitent et comme ils le souhaitent, ces lois ou décrets de privatisation que le centre édicte par vagues successives sans avoir les moyens de les faire appliquer. Mais ils ne le souhaitent pas autant que le voudraient les partisans les plus affirmés du retour à la propriété privée et à l'économie de marché.

Sur les raisons de ce peu d'empressement, disons seulement ici que le pillage pur et simple, les détournements, le racket rapportent plus dans les conditions actuelles de la Russie que des investissements productifs d'ailleurs impossibles. Car le tout n'est pas de transformer une entreprise d'État en entreprise privée, ni même d'effectuer cette opération à un prix bradé, mais de faire ensuite marcher cette entreprise, de trouver des fournisseurs, des marchés, des capitaux, etc. Et cela se révèle le plus souvent impossible, les capitalistes étrangers ne voulant pas investir dans un marché à risque et les enrichis locaux n'ayant pas les moyens.

Et puis, le vol des biens de l'État grâce à la corruption, les "pratiques mafieuses", sont infiniment plus dans les habitudes sociales de la bureaucratie et plus à sa portée. L'exportation sauvage des matières premières sous des licences de complaisance, la constitution d'entreprises fantômes, le bradage des biens d'État, le détournement des métaux précieux, etc., constituent une des premières sinon la première source d'enrichissement. Mais il faut rappeler que tout cela se pratiquait très largement et au niveau le plus haut pendant l'ère brejnévienne (ce qui laisse penser que le clientélisme qui le permettait remonte plus loin encore). Quelques-uns des membres de la famille de Brejnev - sa fille, son gendre, etc. -, quelques-uns des plus hauts dignitaires des républiques - Aliev, ex-chef du KGB en Azerbaïdjan, ex-premier secrétaire du PCUS dans cette république, membre du Politburo et actuellement... de nouveau dirigeant de l'Azerbaïdjan - l'ont pratiqué à une échelle telle qu'il fut, même à l'époque, impossible d'étouffer le scandale. Et déjà à l'époque, les liens entre les profiteurs de ce qu'on appelait l'économie de l'ombre et les truands étaient de notoriété publique. C'est dire que, avec l'éclatement de l'URSS, les frontières plus perméables et l'affaiblissement du pouvoir central au profit des potentats locaux, ces pratiques anciennes, protégées par l'ombre, la dictature et les complicités dans la haute bureaucratie, peuvent aujourd'hui se dérouler au grand jour.

Le mouvement de fractionnement de la bureaucratie et de morcellement de l'appareil d'État a été encouragé par Eltsine à l'époque où il voulait saper le pouvoir de Gorbatchev. Il est aujourd'hui le principal obstacle à l'établissement du sien.

Profitant de sa victoire sur le Parlement, Eltsine s'en est pris verbalement aux soviets locaux. Il est vrai que la plupart des soviets des "sujets de la Fédération russe" avaient pris fait et cause pour le Parlement ou se sont réfugiés dans une prudente expectative. Courageux mais pas téméraire, Eltsine n'a pas dissous les soviets locaux : il leur a demandé de "s'autodissoudre" (avec, pour le moment, un succès fort limité). Il a en même temps annoncé pour le 12 décembre, l'élection d'une Douma à la place du Soviet suprême. Le Soviet suprême n'a certes plus aucun rapport avec les soviets révolutionnaires d'Octobre 1917 ; et cela depuis bien avant que la constitution stalinienne de 1936 eût officiellement transformé ce Soviet suprême en Parlement sans pouvoir, tout en lui conservant son ancienne dénomination. Mais enfin, symboles pour symboles, les ex-hauts dignitaires à la Eltsine de l'ex-parti communiste de l'URSS préfèrent ceux de la Russie tsariste à ceux de l'ère soviétique. Cela plaît plus en Occident où l'on n'en finit pas de gloser sur la "fin du système soviétique". Eltsine a décidé de faire élire également les 176 membres du futur Conseil de la Fédération, constitué actuellement d'office par le président du soviet régional et par le chef de l'administration de chacune des 88 entités territoriales.

Commentant cette décision, Le Figaro a écrit, dans un bel élan d'enthousiasme : "pièce par pièce, le puzzle de la Russie post-communiste commence à prendre forme".

Mais il ne suffit pas à Eltsine de se venger des soviets régionaux et de vouloir les dissoudre. L'opposition des pouvoirs locaux à une reconstitution du pouvoir central peut passer par n'importe quelle voie institutionnelle. Eltsine en a déjà fait l'expérience : bien des gouverneurs régionaux, nommés par lui, se sont rapidement transformés en représentants de la bureaucratie locale (parfois après avoir eux-mêmes dissous le soviet local qui leur portait ombrage).

Eltsine face aux pouvoirs locaux

Eltsine pourra-t-il briser les résistances des pouvoirs locaux comme il a brisé la résistance du Parlement à Moscou, par la force des armes ? Encore faudrait-il que l'état-major et la hiérarchie militaire le soutiennent - et que ces derniers soient obéis par les commandements locaux et par les troupes. Eltsine pour l'instant n'en a pas l'assurance. La bureaucratie militaire est soumise aux mêmes forces centrifuges que la bureaucratie civile. Les deux évoluent en général en symbiose au niveau régional ou local, liées par des complicités fondées sur leur intérêt commun à mettre la région en coupe réglée.

Mais cet éclatement de l'armée, cet état de désobéissance virtuelle à l'égard du pouvoir central, comme l'éclatement de l'appareil d'État lui-même, reflètent un problème bien plus général.

Il y a toutes les raisons de penser qu'Eltsine tient à rétablir le pouvoir central et qu'il tient à ce que cela se fasse à son profit. Les ambitions personnelles d'Eltsine rejoignent ici les intérêts généraux de la bureaucratie, mais les intérêts généraux seulement car les membres de celle-ci sont trop irresponsables, trop avides d'autorité et d'enrichissement personnel pour en être conscients. Le morcellement de l'appareil d'État le rend moins apte à gérer la société comme à réagir contre une éventuelle réaction de la classe ouvrière devant l'effondrement de ses conditions d'existence. Cela présente un danger certain du point de vue de la couche privilégiée, quelle que soit la façon dont évoluera la composition de celle-ci entre une bureaucratie pour l'instant politiquement, socialement et économiquement dominante et une bourgeoisie renaissante mais encore très faible. Mais pour que la bureaucratie, et les nouveaux et anciens riches, dans leur ensemble, prennent peur, il faudrait sans doute que la classe ouvrière commence à bouger.

Il n'y a que dans les contes de fées que l'on pourrait imaginer que ce pouvoir central se rétablisse à partir de l'anarchie actuelle, par des méthodes "démocratiques", par voie d'élections, etc. Les commentateurs occidentaux des transformations en cours en Russie utilisent les termes "économie de marché" et "démocratie" comme synonymes. C'est une escroquerie. L'"économie de marché" ne signifie la démocratie que dans un nombre limité de pays impérialistes riches. Et encore, pas toujours ; l'évolution de l'Allemagne, de l'Italie et même de la France avant et pendant la dernière guerre mondiale le prouve amplement. La Russie n'est pas un pays riche. Sa seule richesse, en dehors de ses richesses naturelles, a été cette économie planifiée à l'échelle du pays le plus étendu du monde, rendue possible par la révolution de 1917 et que la bureaucratie, après l'avoir dénaturée, a disloquée avant de la détruire.

Ce n'est pas pour rien que les partisans les plus affichés du rétablissement du capitalisme rejoignent sur ce plan les nostalgiques de l'ère brejnévienne : il faut un État fort ! Leur tentative n'est pas de protéger une "économie de marché" qui serait déjà existante, mais de procéder à des transformations dans les rapports de propriété, dans le système des lois, afin de tenter de permettre au marché de s'installer.

Le rétablissement du pouvoir central (s'il est encore possible), qu'il se fasse au profit de la bureaucratie telle qu'elle est aujourd'hui ou au cours du rétablissement du capitalisme, signifierait nécessairement un régime autoritaire et probablement un pouvoir personnel. Eltsine a posé sa candidature pour être l'homme autour de qui se cristalliserait une telle évolution. Pour ce faire, il est même "dans la place", comme le furent Staline... et aussi Gorbatchev. Mais la chute de ce dernier rappelle qu'occuper la place ne suffit pas. Le pouvoir personnel ne tombe pas du ciel : il suppose un certain consensus dans la couche dominante. Il faut qu'elle consente à se laisser dessaisir du pouvoir politique et qu'elle trouve préférable pour ses intérêts de s'en remettre à un arbitre. Rien n'indique qu'un tel consensus existe aujourd'hui dans la bureaucratie. Encore moins qu'il existe au profit de la personne d'Eltsine.

La facilité avec laquelle surgissent des rivaux d'Eltsine montre qu'il ne bénéficie ni du prestige, ni de l'autorité, ni de la force qui rendraient sa candidature indiscutable.

Il a, par rapport à ses rivaux successifs, l'avantage d'une notoriété à l'échelle de l'ensemble du pays et d'avoir été légitimé en quelque sorte par le suffrage universel. Il essaie d'ailleurs de maintenir cet avantage par la mainmise sur la télévision et par le contrôle de la presse écrite. Mais ce n'est un avantage que face à ses rivaux pour le pouvoir au Kremlin. Cela ne suffit pas pour se faire accepter par les potentats locaux qui, au demeurant, contrôlent très souvent les médias locaux.

Le consensus nécessaire à l'affermissement du pouvoir central ne se déciderait pas dans des votes, mais dans des affrontements. A moins que les masses et plus précisément le prolétariat interviennent, ce sont les forces armées qui trancheraient. Mais comment ? En mettant seulement la dernière main et en apportant la caution de la force armée à un processus de recomposition plus ou moins pacifique de l'appareil d'État ? Peut-être. Mais les craintes de la population, dont la presse se fait l'écho, que la fusillade du Parlement soit le signe avant-coureur d'une guerre civile, ne sont pas sans fondements. Le passé ne permet pas de deviner l'avenir : il permet cependant d'éclairer certains des processus qui peuvent conduire au rétablissement d'un pouvoir autoritaire. Ce sont des crises sociales graves ou la crainte de telles crises qui avaient amené la bureaucratie dans le passé à la conscience collective de la nécessité de maintenir un régime autoritaire et de finir par lui donner pour de longues années un pouvoir absolu.

Et la contre-révolution sociale ?

Constatant "le degré de dégénérescence complète" de l'appareil de l'État ouvrier, devenu un "instrument de violence bureaucratique contre la classe ouvrière" et un "instrument de sabotage de l'économie du pays", Trotsky a formulé, il y a plus d'un demi-siècle, le caractère alternatif du pronostic qu'il pouvait porter à l'époque sur l'avenir de l'URSS : "ou la bureaucratie, devenant de plus en plus l'organe de la bourgeoisie mondiale dans l'État ouvrier, renversera les nouvelles formes de propriété et rejettera le pays dans le capitalisme ; ou la classe ouvrière écrasera la bureaucratie et ouvrira une issue vers le socialisme". Depuis quelques années, parallèlement à la crise du pouvoir, s'est considérablement accélérée l'évolution dans le sens du premier terme de l'alternative.

La direction politique de la bureaucratie est aujourd'hui officiellement acquise à la conviction que le moment est venu de rétablir le capitalisme et l'économie de marché. Eltsine en a fait en tout cas un drapeau, aussi bien pour parvenir au pouvoir suprême que pour s'y maintenir. Il faut, dans ce parti pris, faire la part de la roublardise du politicien chevronné qui sait jouer la musique qui plaît à celui dont il a besoin : l'Occident impérialiste à l'extérieur et la couche privilégiée russe pour qui cette prise de position sonne surtout comme une perspective d'enrichissement illimité.

Il est déjà infiniment plus difficile de savoir comment la masse des bureaucrates - une couche sociale de dix millions de personne au bas mot ! - traduit à son usage ce parti pris. Si l'économie de marché signifie des perspectives d'enrichissement, nul besoin de référendum ou de sondages pour deviner un consensus largement partagé. Le rétablissement de la propriété privée et de l'héritage est une aspiration de la bureaucratie aussi vieille que la bureaucratie elle-même. Mais il n'y a pas nécessairement un tel consensus quant aux modalités de ce rétablissement et surtout quant à ceux qui en profiteraient.

Il est un exemple significatif, quoique dans un secteur qui n'est pas des plus déterminants pour l'avenir du régime social de la Russie : l'agriculture. La presse vient d'annoncer qu'Eltsine a signé un "décret révolutionnaire", en rétablissant la propriété privée et l'aliénabilité de la terre (décret "révolutionnaire", mais pas rapide, deux ans après l'ascension d'Eltsine au pouvoir). En réalité, des décrets dans le même sens, il y en a eu beaucoup d'autres, mais qui n'ont jamais eu d'effet. La déliquescence du pouvoir est sans doute pour quelque chose dans le fait que ces décrets n'aient pas eu de suite, à l'instar de bien d'autres. Mais justement : on peut supposer que s'il y avait une poussée dans les campagnes pour l'appropriation de la terre, il n'y aurait pas besoin d'appareil pour l'appliquer. Non seulement on n'a pas vu de poussée dans ce sens du côté de la masse des paysans, mais on n'en a pas vu non plus du côté de la bureaucratie des campagnes, responsables et cadres de kolkhozes et des sovkhozes, etc. Au contraire. Tout indique que les tendances capitalistes des kolkhozes ne se manifestent pas sous la forme d'un retour à la propriété privée de la terre - c'est souvent des dirigeants des kolkhozes ou de leurs alliés de l'administration locale que viennent les tentatives violentes pour décourager les "entreprises individuelles" - mais sous une forme qui consiste à profiter de l'affaiblissement du pouvoir pour éviter les livraisons à l'État, au profit d'opérations de troc avec les dirigeants d'entreprises d'État devenues autonomes, pour l'approvisionnement de leurs villes ou de leurs ouvriers. En tout cas, il y a au moins des divergences dans la vision de l'avenir entre la bureaucratie agrarienne qui, pour le moment, ne semble nullement pressée de toucher au fonctionnement actuel de l'agriculture dans ses cadres hérités du passé, et ceux qui, au gouvernement, édictent décrets sur décrets dans le sens de la propriété privée de la terre.

Industrie et privatisations

La question décisive est évidement le devenir de l'industrie et surtout, de la grande industrie. De la même façon que, dans les années vingt, les dirigeants du régime soviétique comptabilisaient les pourcentages respectifs des secteurs entre les mains de la bourgeoisie au titre de la propriété privée et entre celles de l'État pour mesurer le rapport des forces sur le terrain économique, de même, le progrès du rétablissement de la propriété privée pourrait être un indice décisif pour mesurer l'avancement de la contre-révolution en cours dans le domaine économique et social. Mais, tout comme dans les années vingt, le problème ne tient pas seulement à l'évolution du nombre d'entreprises mais à l'évolution de leur capacité de produire et de leur production.

Il n'est malheureusement pas possible d'avoir des chiffres fiables dans ce domaine. La bureaucratie n'a jamais brillé par la fiabilité de ses statistiques. Dans le passé, c'est parce qu'elle était désireuse de cacher l'ampleur de ses détournements. Aujourd'hui, pour des raisons inverses, sa frange engagée dans le "retour à l'économie de marché" et désireuse de plaire à l'Occident, au FMI, à la BERD ou à la Banque mondiale, a peut-être tendance à en dire plus qu'elle n'en fait.

Mais, problème plus fondamental encore, les relations de propriété elles-mêmes se trouvent dans le flou parce que non garanties et instables. On ne peut pas sous-estimer à cet égard l'interférence entre la crise du pouvoir et la contre-révolution sociale. Pas seulement parce que de nombreux "potentats locaux" mettent la main sur des entreprises d'État de leur région sans pour autant vouloir qu'elles deviennent propriété privée et échappent à leur contrôle ; ou encore, tâtonnent pour trouver des formules juridiques leur permettant de faire échapper telle ou telle entreprise à l'emprise du pouvoir central comme à la mainmise de capitaux privés. Mais aussi, plus fondamentalement, parce que la faiblesse du pouvoir central, ses hésitations autant par crainte de réactions sociales qu'en raison des rivalités pour le pouvoir, ont empêché jusqu'ici l'élaboration d'un ensemble de lois protégeant la propriété privée. Et enfin et ce n'est pas la moindre raison, parce que les bureaucrates trouvent parfois plus profitable - à court terme, mais quelle importance pour eux ! - de dépouiller leurs entreprises de leurs matières premières, de leurs avoirs financiers, de leurs produits semi-finis, pour les vendre à vil prix, à l'étranger si possible.

Dans les pays occidentaux, la très grande majorité des lois, du code civil comme du code pénal, est destinée à la protection de la propriété privée. L'absence d'un tel système juridique est, soit dit en passant, un des acquis qui reste encore, même s'il est de plus en plus entamé il est vrai, de la révolution de 1917. Pendant son long règne, la bureaucratie n'a jamais pu toucher à un système juridique qui consacrait au contraire la propriété collective (même si cela n'empêchait nullement la jouissance privée inégalitaire de cette propriété de moins en moins collective dans les faits). C'est un des aspects fondamentaux parmi d'autres de sa différence d'avec la bourgeoisie.

Pour être parachevée, la contre-révolution exige non seulement le retour complet à un ensemble de lois et à une jurisprudence bourgeois, mais aussi un appareil d'État capable de faire respecter ces lois. Une des raisons qui découragent les investisseurs occidentaux, en plus évidemment de l'insécurité générale, du racket, etc., tient précisément à ce vide juridique, à l'incapacité de savoir faire respecter des contrats, et à la multiplicité des centres de décisions qui font qu'un terrain, par exemple, peut être vendu très bon marché grâce à la corruption, mais sans que rien garantisse qu'un autre "ayant droit" ne viendra pas réclamer de nouveau le prix de la vente...

La lenteur avec laquelle les choses avancent dans ce domaine et qui désespère l'essaim de conseillers occidentaux qui s'abattent sur la Russie - plus d'ailleurs pour y toucher des honoraires confortables que pour offrir des conseils gratuits - n'est d'ailleurs pas seulement due aux incapacités du pouvoir central. Comme le déclarait récemment à Libération un conseiller d'Eltsine, découragé : "les réformes n'avancent pas parce qu'il y a trop de gens qui n'y ont pas d'intérêt". Alors que peu de voix s'élèvent dans la bureaucratie contre le rétablissement du capitalisme - y en a-t-il eu beaucoup, avant, contre le "communisme" ? - les conditions concrètes de rétablissement du capitalisme suscitent en revanche de nombreux freinages et résistances.

Tous ceux qui profitent de l'économie de pillage ne sont évidemment pressés ni de voir cesser le flou juridique actuel, ni d'assister un retour à l'ordre protégeant la propriété... fût-elle la propriété privée.

On peut se dire qu'il ne s'agit que d'une phase passagère et que, à travers le pillage et le grand banditisme, se produit une sorte d'accumulation primitive, permettant l'apparition et la concentration de ces capitaux privés russes dont tous les économistes disent qu'ils manquent pour faire à peu près fonctionner l'économie sur une base capitaliste.

Cela se peut ! C'est le dénouement final qui donnera son sens à ce qui se produit actuellement.

Les gangsters actuels peuvent en effet se transformer en respectables propriétaires de blanchisseries, sinon de bars et de casinos. Mais pour l'instant, ce qu'on peut en dire, c'est que si les méthodes d'accumulation sont en effet, primitives, cela ne débouche pas sur une accumulation capitaliste, en tout cas pas suffisante pour faire fonctionner l'économie russe. Et de toutes façons, cet argent ne s'accumule et ne s'investit pas en Russie.

L'argent illégalement ou légalement amassé s'accumule dans les banques occidentales. Même dans ce domaine, la bureaucratie n'innove pas, elle ne fait que poursuivre une pratique largement répandue sous Brejnev. Les capitaux intérieurs ne se portent pas plus vers les entreprises industrielles que les capitaux de l'extérieur.

Les investisseurs extérieurs n'ont, pour l'instant, pas confiance. Les investissements étrangers dans l'immense Russie sont restés, en 1992 encore, inférieurs à ce qui s'investit dans la petite Hongrie qui, déjà, se plaint de manquer de capitaux. Depuis le début, ils se montent à la somme ridicule de 2 milliards de dollars. Et rien ne dit que cela aille mieux dans les mois qui viennent. Comme vient de le formuler, avec un solide bon sens capitaliste, le président de la Deutsche Bank (chef de file tout de même des 600 banques occidentales créditrices de la Russie) : "Les investisseurs ont besoin d'ordre pour s'installer" [] "Je conseille d'aller voir, mais de ne pas y faire des investissements maintenant."

Des gens pour "aller voir", il y en a. Pour ouvrir des sièges officiels pour le moment inactifs, aussi. Même les trusts pétroliers, habitués à "travailler" dans des conditions d'insécurité et qui, alléchés par la richesse des gisements pétroliers, se sont d'abord précipités pour signer contrats sur contrats, commencent à faire marche arrière. En tout cas, ils n'investissent pas. Au point que des spécialistes américains et allemands pronostiquent que, n'étant plus entretenue, ne recevant d'un côté plus de dotation d'État et de l'autre côté pas d'investissement occidental non plus, l'industrie du pétrole ex-soviétique risque de s'effondrer et de ne plus pouvoir exporter d'ici 3 à 5 ans. C'est à se demander s'il restera alors quelque chose à privatiser... et c'est la principale question.

Il ressort des statistiques portant sur le degré de privatisation - où les chiffres vont du simple au double, voire au triple suivant les sources - que c'est surtout le petit commerce qui a été privatisé, en tout cas, dans les grandes villes. Les données portant sur le nombre d'entreprises n'ont guère de signification, car elles incluent dans des mêmes chiffres les petits kiosques privés qui pullulent dans les rues de Moscou ou de Saint-Pétersbourg et les gigantesques trusts d'État. Les statistiques portant sur les capitaux ne sont pas plus éclairantes, car comment définir et comparer la valeur des entreprises sans même parler de la dépréciation monétaire galopante...

Reste le pourcentage de main d'œuvre utilisée. Un rédacteur du Monde Diplomatique affirme, s'appuyant sur des publications économiques russes et anglaises, que "les entreprises privatisées dans la Fédération russe... concerneraient 20 % de la main d'œuvre". Ce chiffre concerne l'ensemble des entreprises, y compris le commerce de détail, la restauration, l'hôtellerie, etc. Etant donné que c'est dans ces secteurs-là que ce qu'on appelle la "petite privatisation" a le plus avancé, le pourcentage est plus faible dans l'industrie.

Mais surtout, l'auteur affirme par ailleurs que "dans la plupart des cas, les nouveaux propriétaires sont des collectifs de travail réunissant administratifs, ouvriers et employés".

Ces chiffres valent ce qu'ils valent, c'est-à-dire peu de chose. En essayant d'interpréter ce qu'ils signifient, si l'on croyait l'exemple cité qui n'a sûrement pas une fiabilité excessive, on pourrait dire qu'environ 80 % des salariés (sans compter les chômeurs) travaillent dans des entreprises d'État et que le reste (10 % ? 15 % ?) s'éparpille entre entreprises de formules juridiques variées - coopératives, entreprises contrôlées par des collectivités locales ou régionales, entreprises aux actions réparties entre leurs salariés, etc. - parmi lesquelles la propriété privée à proprement parler, si tant est que cela signifie quelque chose dans les conditions présentes de la Russie, ne représente qu'un tout petit pourcentage.

Manifestement, le renversement des formes de propriété créées par Octobre avance lentement. La contre-révolution est en cours, mais elle n'est ni achevée, ni consolidée dans les domaines où elle s'est réalisée.

Quel avenir ?

Dans un récent article publié dans Courrier International envisageant "trois scénarios pour l'avenir", Egor Gaïdar, redevenu depuis peu premier ministre et présenté par les médias occidentaux comme le prototype le plus accompli des hommes politiques partisans de l'établissement du capitalisme, n'exclut aucune hypothèse quant à l'évolution de la Russie. Pas même "le retour au modèle socialiste d'organisation de la société". Dans le fait d'envisager cette hypothèse qu'il ne croit tout de même pas la plus vraisemblable, il faut faire également la part du chantage vis-à-vis de l'Occident.

Son cœur penche pour la troisième hypothèse : "la Russie opère un passage vers une modeste économie de marché avec des ressources naturelles abondantes et une main d'œuvre peu coûteuse. Un scénario optimiste mais qui exige une situation politique stable".

Lui-même n'est pas très optimiste, et son pronostic va dans le sens de ce qu'il appelle une "évolution nationale-socialiste", avec "de faibles investissements privés et un large éventail de revenus" et avec une prédominance et un "contrôle généralisé de l'État".

Gaïdar ne sait évidemment pas plus que d'autres de quoi l'avenir sera fait. Mais son opinion reflète un état d'esprit dans la bureaucratie. Il reflète surtout le fait que les jeux ne sont pas faits en Russie. L'alternative posée par Trotsky, et rappelée plus haut, n'a toujours pas trouvé une réponse définitive.

En l'exposant, dans le Programme de Transition, c'est-à-dire en 1938, Trotsky croyait que la réponse viendrait rapidement avec la guerre. Cela n'a pas été le cas. C'est seulement plus de cinquante ans après, au tournant de la décennie, que les chefs politiques de la bureaucratie commencèrent à parler ouvertement de "renverser les nouvelles formes de propriété" et de "rejeter le pays dans le capitalisme". Même maintenant que ce pas, capital il est vrai, est franchi, les choses ne vont pas vite. La crise du pouvoir en elle-même - à commencer par l'éclatement de l'URSS - a fait reculer la production dans des proportions catastrophiques. Toutes les tendances profondes de la bureaucratie, bridées jusque-là par un pouvoir central dictatorial et dissimulées sous une phraséologie pseudo-communiste, paraissent aujourd'hui au grand jour. Mais en même temps, l'anarchie bureaucratique elle-même se révèle comme un frein au rétablissement rapide de la propriété privée des moyens de production et du capitalisme.

La victoire de la contre-révolution peut exiger le retour à un appareil d'État fort, à une armée forte.

Personne ne peut prédire aujourd'hui comment cela se ferait. Mais personne ne peut, non plus, prévoir si la situation instable actuelle ne va pas conduire à un éclatement, à une balkanisation de plus en plus grande de l'ex-URSS dont les fragments seraient transformés en autant de "républiques bananières" du type de celles d'Afrique noire ou d'Amérique Latine. Car cet avenir-là n'est pas le plus invraisemblable et il est peut-être même plus probable que le rétablissement d'un pouvoir central fort, tellement la bureaucratie est divisée et irresponsable.

Il est encore moins possible de prédire si la classe ouvrière pourra intervenir sur la scène politique et, à plus forte raison, si elle peut se trouver en situation de faire prévaloir l'autre terme de l'alternative politique envisagé par Trotsky. Pour le moment, la classe ouvrière reçoit coups sur coups. Son niveau de vie - celui surtout de ses catégories les plus exposées, retraités, etc. - s'effondre de mois en mois du fait de l'inflation galopante. On est en train de la priver de toutes les protections sociales, de l'accès à l'enseignement, à la santé, etc., dont la bureaucratie n'avait pas osé la priver dans le passé. Cette classe ouvrière voit en même temps une couche de margoulins afficher une aisance criarde. Elle voit des bureaucrates ex-"communistes" qui la faisaient taire dans le passé au nom de la marche vers le communisme, se faire les chantres du capitalisme et s'enrichir dans des affaires louches... Elle voit que c'est elle qui paie non seulement la différenciation sociale en cours qui, en elle-même, pourrait ne pas être bien plus coûteuse que l'engraissement de la bureaucratie, mais qui paie aussi l'effondrement catastrophique de l'ex-URSS.

Tout cela conduira-t-il à une explosion sociale ? Les délais seront-il suffisants pour que puisse apparaître, au sein de la classe ouvrière, un courant politique proposant à celle-ci de s'opposer, par les méthodes révolutionnaires, au rétablissement de la propriété privée et du capitalisme en se débarrassant par la même occasion de la bureaucratie ? Pourra-t-elle remettre sur pied une économie étatisée, planifiée mais débarrassée des bureaucrates, avant que ces derniers aient tout volé et démantelé ?

Ces questions demeurent pour le moment sans réponse autre que celle que peut donner la confiance dans le rôle révolutionnaire du prolétariat mondial.