La nécessité d'un parti représentant les intérêts politiques des travailleurs, des chômeurs, des jeunes

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Juillet-Août 1999

La vie est en passe de devenir invivable pour bien des familles ouvrières et dans bien des quartiers populaires. Et même ceux qui ont encore du travail vivent dans la peur du prochain plan social, de la prochaine vague de licenciements.

Si on laisse le chômage au niveau où il se maintient malgré tous les mensonges gouvernementaux, malgré les manipulations statistiques, la société s'achemine vers la catastrophe.

Voilà pourquoi nous en appelons à tous les militants de la classe ouvrière, afin qu'ils se rendent compte que la politique d'alignement sur le gouvernement tourne le dos aux intérêts des travailleurs.

Nous disons aux militants du Parti Communiste, aux militants des organisations syndicales, qu'il leur faut agir pour contraindre leurs organisations à infléchir leur politique vers la défense des intérêts matériels, moraux et politiques de toute la classe ouvrière. Et le meilleur moyen d'exercer cette contrainte est de préparer les luttes à venir, les luttes indispensables.

Nous n'avons pas pour objectif l'affaiblissement des organisations auxquelles ils appartiennent. Bien au contraire.

Nous sommes pour l'unité de toutes les forces politiques et syndicales, pour combattre le patronat, pour combattre la politique de ce gouvernement et pour changer le cours des choses en modifiant le rapport des forces.

Voilà le sens de notre activité dans l'avenir immédiat.

Mais nous en appelons aussi à tous ceux qui ressentent comme nous que les travailleurs de ce pays sont privés d'un parti qui représente vraiment leurs intérêts politiques et sociaux. Nous en appelons à eux pour qu'ils s'emploient avec nous, ou parallèlement à nous s'ils le préfèrent, à ce qu'un tel parti puisse renaître le plus vite possible.

Les luttes engagées sur le terrain économique et social ne pourront réellement aboutir, c'est-à-dire changer réellement le rapport des forces, que si elles confluent en une lutte qui soit aussi politique. Une lutte politique en ce sens qu'elle ne visera pas des patrons isolés, autour de revendications dispersées, mais qu'elle visera tout à la fois l'ensemble du patronat et l'Etat sur des exigences communes à l'ensemble des exploités.

Mais une telle lutte exige un parti représentant les intérêts de la classe laborieuse, un parti qui défende en permanence ses intérêts politiques et pas seulement au moment des élections.

La bourgeoisie ne cesse pas un instant de peser sur la politique des gouvernements, par son argent, par sa puissance économique, par les multiples liens qu'elle entretient en permanence aussi bien avec la caste politique qu'avec les responsables de l'appareil d'Etat qui, eux, ne sont jamais élus : préfets, hauts fonctionnaires des ministères.

Et puis, le patronat et la classe des riches disposent d'une pléthore de partis représentant leurs intérêts. A certaines périodes, face à certaines situations, ces partis peuvent offrir des options politiques différentes. Ils les offrent cependant toujours à la classe privilégiée. Mais, dans leur alternance au pouvoir, durant les vingt années passées, la droite parlementaire et la gauche n'ont même pas mené des politiques différentes. On est passé de Rocard à Balladur puis de Juppé à Jospin, sans même s'en rendre compte dans la vie de tous les jours.

Mais pour que naisse un parti représentant les intérêts de la classe ouvrière, il ne suffit pas de proclamations d'état-major. Il faut l'engagement militant de dizaines de milliers de femmes, d'hommes, de jeunes. Il faut qu'une fraction significative de la classe ouvrière se reconnaisse dans ce parti, non seulement au moment des élections, mais aussi dans les luttes diverses et multiples qu'elle a à mener, dans les entreprises, comme dans les quartiers populaires, pour faire prévaloir ses intérêts.

Lutte Ouvrière comme la Ligue Communiste Révolutionnaire sont de petites organisations. Nous sommes faibles en nombre. Nous ne sommes pas présents dans la majeure partie du pays et même pas dans toutes les grandes entreprises. Et là où nous ne sommes pas présents, les travailleurs n'ont l'occasion de nous entendre qu'une fois de temps en temps, à l'occasion en particulier des élections.

Un véritable parti, représentant les intérêts de la classe ouvrière et capable de se faire entendre sur ce terrain devra être largement présent dans le pays, partout où il y a une usine, une entreprise, un quartier populaire. Il devra avoir pour ambition d'intervenir dans les luttes grévistes comme dans les luttes quotidiennes dans les entreprises et dans la vie quotidienne des quartiers populaires. Il devra en effet prendre sa part dans les combats multiples qui se déroulent hors des entreprises mais qui concernent quand même les travailleurs, contre des menaces d'expulsion de familles ouvrières ici, contre l'activité d'un groupe d'extrême droite là, contre les bandes organisées ou les trafiquants de drogue qui imposent leur loi dans une cité HLM ou dans un quartier populaire. Ou encore pour défendre toute catégorie de travailleurs en butte à des injustices ou à la répression, à commencer par les travailleurs immigrés qu'ils ont transformés en sans-papiers.

Il devra, dans tous les domaines de la vie sociale, opposer à la politique des partis bourgeois la politique correspondant aux intérêts des travailleurs.

Il devra cultiver, éduquer tous ceux qui viennent à lui ou qu'il rencontre, oeuvrer pour émanciper les travailleurs de l'influence politique et morale de la classe riche et leur donner les armes de la connaissance.

Un certain nombre d'associations, comme Droit au Logement, Agir contre le Chômage, des associations de sans-papiers et bien d'autres, mènent certains de ces combats contre telle ou telle forme d'exclusion ou contre telle ou telle conséquence de l'exclusion. Et c'est tant mieux. Tous les combats partiels peuvent en effet se compléter, confluer vers un combat plus large.

Mais à condition, là encore, qu'existe un parti dont la raison d'être soit le combat contre les causes profondes de cette exclusion, contre les mécanismes mêmes de l'économie capitaliste, contre l'exploitation.

Un tel parti ne pourra se constituer, se développer que grâce à la jeunesse.

La jeunesse ouvrière, la jeunesse qui travaille, comme celle qui attend de pouvoir le faire, mais aussi, avec la participation et l'apport de cette fraction de la jeunesse intellectuelle qui a d'autres ambitions, au sens noble du terme, que de faire carrière dans cette société injuste et inégalitaire.

Oui, il y a besoin de la jeunesse, de son enthousiasme, de son énergie et de sa volonté de transformer le monde !

Le parti nécessaire à la classe ouvrière ne se fera pas, et c'est une évidence, avec les seuls militants et sympathisants de Lutte Ouvrière et de la Ligue Communiste Révolutionnaire.

Mais ce que nous savons, c'est qu'il se fera grâce aux idées communistes révolutionnaires dont toutes les deux nous nous revendiquons par notre programme trotskyste et dont la Ligue Communiste Révolutionnaire se réclame par sa dénomination même.

Et, si nous disons cela, ce n'est pas par prétention d'organisation, car nous sommes conscients de part et d'autre d'être de petites organisations, avec un bilan politique et un bilan de luttes bien modestes. Nous le disons parce que, de par nos idées et de par notre programme, nous nous revendiquons d'un héritage autrement plus vaste et plus riche. Nos idées nous viennent de cet héritage du mouvement ouvrier que le Parti Communiste, par exemple, aurait pu assumer et transmettre avec bien plus de moyens que nous, mais que sa direction a abandonné et trahi depuis longtemps.

Un véritable parti au service de la classe ouvrière implique de renouer avec les valeurs dont seule la classe ouvrière peut être porteuse et que les deux grands partis de gauche, le Parti Socialiste puis le Parti Communiste, ont dénaturées depuis longtemps en quelques fades "valeurs de gauche".

Bien sûr, il ne s'agit pas de revenir au Parti Socialiste de l'époque du Front populaire, même s'il avait encore, en cette période, une véritable implantation ouvrière, car cela n'a servi au gouvernement de Léon Blum qu'à trahir plus facilement les travailleurs.

Il ne s'agit évidemment pas, non plus, de revenir au Parti Communiste de l'époque stalinienne, même si c'est au sortir de la guerre qu'il était le plus puissant. Car déjà à cette époque, tant que la bourgeoisie lui en a donné la possibilité, il a participé à des gouvernements où il mettait son influence au service des intérêts de cette bourgeoisie. Et puis, le stalinisme dont il se revendiquait et dont il eut tant de mal à se défaire par la suite, fut une véritable catastrophe pour le mouvement ouvrier. Et nous sommes fiers en tant que trotskystes d'avoir choisi d'appartenir à un courant politique qui l'a combattu depuis toujours au nom du communisme.

Non, ce n'est pas à ces partis qu'il faut revenir. Il faut revenir à ce que représentait le mouvement socialiste à l'époque, certes lointaine, de la fin du siècle dernier et du début de celui-ci, où il incarnait un puissant élan de toute la classe ouvrière vers l'organisation sur le terrain politique.

Il faut revenir à ces années d'après la Première Guerre mondiale, où le Parti Communiste naissant incarna à son tour la prise de conscience par des milliers et des milliers de travailleurs de la nécessité de transformer la société de fond en comble.

Car un parti ne peut être véritablement au service de la classe ouvrière, même pour défendre jusqu'au bout ses intérêts, que s'il s'agit d'un parti que rien, ni l'intérêt matériel, ni l'idéologie, ne rattache à la société actuelle. Pour paraphraser le Manifeste communiste, le prolétariat n'a rien d'autre à perdre que ses chaînes en combattant pour mettre fin au capitalisme.

L'économie basée sur la propriété privée des moyens de production, sur l'exploitation, sur le profit, sur l'anarchie du marché, doit être remplacée par une autre économie où la production soit organisée et planifiée en fonction des besoins de la collectivité.

Un parti représentant les intérêts politiques de la classe ouvrière doit faire sienne la conviction que la forme actuelle de la société ne représente pas l'avenir de l'humanité, mais son passé.

Tels sont nos objectifs à courte et à longue échéances. Mais, évidemment, les deux aspects de nos activités sont profondément liés.