Cela fait à peine un an que, à la suite de l'effondrement de la devise thaïlandaise en juillet 1997, une crise financière a éclaté en Asie du Sud-Est, déclenchant une onde de choc qui toucha toutes les places financières à travers le monde. Or, bien avant qu'on puisse pleinement en évaluer les dégâts (sans parler bien sûr de les réparer), un autre choc a déjà frappé le système financier mondial. Cette fois-ci, c'est l'effondrement du rouble russe, à la mi-août, qui en a été le détonateur.
Bien sûr, les problèmes économiques sous-jacents à la chute des monnaies thaïlandaise et russe étaient très différents, tant par leur nature que par leur échelle. Néanmoins, malgré ces différences, le mécanisme qui a précipité l'effondrement a été similaire dans les deux cas (une spéculation à grande échelle contre la devise locale) de même que l'onde de choc qui a suivi, et la façon dont elle a affecté les marchés boursiers à travers le monde entier, y compris dans les pays riches, et ouvert des brèches dans les économies d'un certain nombre de pays plus pauvres.
S'il y a des différences notables entre ces deux crises, en-dehors de celles liés aux problèmes économiques sous-jacents dans les pays concernés, elles tiennent plus à la vitesse à laquelle la tourmente boursière s'est propagée. Entre la chute initiale du rouble, le 17 août, et la baisse de 512 points du Dow Jones à New York, le 31 août, deux semaines seulement se sont écoulées. Alors qu'en 1997, il s'était écoulé plus de trois mois entre l'effondrement du baht thaïlandais en juillet et la baisse de 554 points qui suivit à New York, le 27 octobre.
Mais quant aux mécanismes par lesquels cette nouvelle crise a affecté le système financier mondial, ils sont sans aucun doute identiques. Aujourd'hui, peu de commentateurs économiques en sont encore à nier le rôle décisif joué dans la gestation et la propagation de ces crises par les mouvements incontrôlés et incontrôlables des capitaux flottants internationaux. En fait, la plupart des "experts" en sont même venus à reconnaître, non sans réticences, que la crise financière prolongée en Asie du Sud-Est et l'onde de choc envoyée à travers le monde par la chute du rouble sont deux étapes étroitement liées d'un même processus. Seule leur servilité à l'égard du système capitaliste les empêche, par conséquent, de tirer la conclusion qui s'impose.
Car il est clair que ces mouvements de balancier du système financier ne sont pas accidentels. Sont-ils de simples "corrections", comme on se plaît à les appeler ? Peut-être.
Du point de vue de l'économie capitaliste, les crises, même celles qui affectent la production, même les plus graves, ne sont que des "corrections", par lesquelles l'offre capitaliste s'adapte, après coup, à la demande solvable. Les crises, c'est le moyen "normal" de régulation d'une économie irrationnelle.
La crise financière actuelle débouchera-t-elle sur une crise de production ? En un certain sens, elle l'a déjà fait dans le Sud-Est asiatique. Se généralisera-t-elle sous cette forme ? La question reste encore ouverte. Même en tant que simple "correction" d'un emballement financier, la crise actuelle est un maillon d'une chaîne de crises du même genre qui affectent périodiquement la finance mondiale depuis 25 ans. Et chaque fois que ces mouvements de balancier atteignent un point critique, sous la forme d'une crise comme celles parties du Sud-Est asiatique ou de Russie, ils ne peuvent être freinés qu'en aggravant encore plus les déséquilibres susceptibles de provoquer et d'alimenter la crise suivante, rendant ainsi ces crises de moins en moins contrôlables.
De la Thaïlande à la Russie
Qu'y a-t-il de comparable entre les détonateurs des deux crises la Thaïlande en 1997 et la Russie en 1998 ? Quels sont les points communs et les différences ?
En Thaïlande, comme dans la plupart des pays d'Asie du Sud-Est, une bulle financière artificielle s'est développée dans les années quatre-vingt-dix. Cette bulle a été alimentée par des capitaux spéculatifs internationaux, attirés par une devise stable indexée sur le dollar américain, une main-d'oeuvre bon marché, une réglementation peu tatillonne, et, par-dessus tout, la perspective de gains importants. Cet afflux de capitaux s'est traduit dans ces pays par des possibilités d'emprunts à court terme (au prix fort, bien sûr) apparemment inépuisables qui ont alimenté une frénésie spéculative, en particulier dans l'immobilier. Les projets d'infrastructures grandioses se sont multipliés, pour le plus grand profit des multinationales du génie civil et industriel. Mais ces projets ne correspondaient guère aux besoins des économies locales et ils se sont vite retrouvés sans acheteurs, engendrant du même coup une montagne croissante de créances "douteuses", c'est-à-dire portant sur des débiteurs devenus insolvables, qui ne valaient pas même le papier sur lequel elles étaient libellées. En fin de compte, le point critique a été atteint quand les gestionnaires des fonds de placement internationaux ont estimé qu'il était temps pour eux de se retirer du jeu, si possible en empochant quelques profits au passage, ce qui a précipité la débâcle.
En revanche, dans le cas de la Russie, la perspective de bonnes affaires et de nouveaux débouchés, que l'introduction du marché dans l'ancienne Union Soviétique était censée promettre, n'a attiré au début qu'une quantité très limitée de capitaux. Le chaos causé par l'impact combiné de l'éclatement de l'URSS et de la mainmise des cliques rivales de la bureaucratie sur l'économie a conduit au désastre économique. Les bonnes affaires se sont révélées limitées, et les nouveaux débouchés illusoires. Loin de faire des miracles et d'apporter la prospérité à la population russe, comme les médias occidentaux l'avaient promis, l'introduction des mécanismes du marché n'a fait que rendre encore plus désastreux le pillage de l'économie par la bureaucratie.
Ce qui a fini par attirer de grandes quantités de capitaux spéculatifs en Russie a été la création, en mars 1995, d'un nouveau type de créance d'Etat, avec le soutien enthousiaste du FMI et la promesse d'autres prêts internationaux sous sa garantie. De sorte qu'au lieu de financer un développement économique relatif (même artificiel), comme cela fut le cas en Asie du Sud-Est, en Russie les capitaux spéculatifs n'ont fait que fournir aux différents organismes et appendices de l'appareil d'Etat le crédit et les devises étrangères dont ils avaient besoin pour combler, au moins de façon temporaire, leurs déficits énormes et croissants. Comme aucune nouvelle ressource n'a pu être dégagée pour combler ces déficits (en raison, en particulier, de l'incapacité de l'Etat central à faire appliquer son propre code fiscal et de la dégradation persistante de l'économie), ces déficits se sont transformés en gouffres sans fond.
C'est alors que les spéculateurs (russes et étrangers, d'ailleurs) ont commencé à parier sur une chute du cours des actions et des créances d'Etat, et à retirer de Russie leur argent. En avril dernier, la presse s'est mise à rapporter de grosses ventes d'obligations en général et de créances du Trésor en particulier. En mai, une tentative de vendre en bourse 75 % du capital de Rosneft, la dernière grande compagnie pétrolière contrôlée par l'Etat central, a été un fiasco complet. A la fin du mois, Eltsine fit adopter une série de coupes claires dans les dépenses publiques, tandis que la banque d'Etat triplait certains de ses taux d'intérêt de base mais sans résultat.
En juillet, le FMI est intervenu en envisageant un montage de secours d'un montant de 22,6 milliards de dollars, le troisième plus gros montage de ce type jamais réalisé par le FMI. Mais cette tentative de soutenir l'Etat russe s'est avérée tout aussi vaine. A la mi-août, le gouvernement renonça à maintenir une parité fixe du rouble par rapport au dollar. Et le 17 août, il annonça qu'il laisserait le cours du rouble "flotter" à l'intérieur d'une fourchette assez large, ce qui équivalait à une dévaluation de fait du rouble de 34 % par rapport au dollar. En même temps, le pouvoir suspendit le marché des bons de créances d'Etat à court terme et annonça un moratoire de 90 jours sur tout paiement ou remboursement de la dette extérieure.
Cela n'empêcha pas, seulement neuf jours plus tard, la Bourse russe de connaître une nouvelle chute de 10 %, le 26 août, tandis que le rouble se rapprochait dangereusement de la valeur plancher qui lui avait été fixée. Cela menaçait d'être le coup de grâce pour de nombreuses banques russes, déjà rongées par des dettes extérieures qui se trouvaient considérablement gonflées. Pour parer au plus pressé, le gouvernement les autorisa à utiliser une partie de leurs réserves obligatoires pour honorer leurs paiements immédiats. Mais en fait, les banques échangèrent l'essentiel de ces liquidités contre des dollars, poussant ainsi le rouble encore plus bas. Cela décida le gouvernement à recourir à des mesures encore plus draconiennes le jour suivant. Non seulement la banque centrale suspendit la convertibilité du rouble en dollars mais elle annonça l'échange obligatoire des bons du Trésor à court terme (qui rapportaient alors des intérêts vertigineux) contre de nouveaux bons de créance à long terme assortis d'un taux d'intérêt bien plus faible. En fait, cela revenait, de la part de l'Etat russe, à refuser le paiement d'une partie de sa dette, c'est-à-dire, de façon déguisée, à une banqueroute partielle.
Ainsi, alors que la forme finale des crises thaïlandaise et russe fut similaire (une crise monétaire), les mécanismes qui les ont produites ont été très différents, malgré l'étiquette commune de "marchés émergents" que les médias occidentaux appliquaient habituellement à ces deux pays.
Cela n'a rien de surprenant, car cette étiquette de "marché émergent" était précisément destinée à entretenir confusion et illusions plutôt qu'à décrire la réalité. C'était déjà tromper le monde que de cataloguer ainsi des pays du tiers monde comme ceux d'Asie du Sud-Est. Car, contrairement à ce que cette étiquette laissait entendre, le développement industriel limité qu'ont connu ces pays jusqu'à l'année dernière ne leur a jamais laissé la moindre chance de bâtir une économie industrielle à part entière, sans parler de rejoindre les rangs des pays riches. Dans le cas de la Russie et de son économie en déliquescence, cette étiquette tenait a fortiori de la farce, comme le souligne, par exemple, une estimation des placements occidentaux en Russie publiée dans le Financial Times du 28 août : sur un total de 205 milliards de dollars, seuls 11 milliards étaient constitués par des actions et biens dans l'économie réelle ; le reste, soit 95 % du capital occidental "investi" en Russie, l'était en prêts et autres bons de créance. En réalité, la Russie n'avait pas, et n'a toujours pas, de véritable marché pour les capitaux, pas même du type limité de celui qui existait dans les pays d'Asie du Sud-Est avant les années quatre-vingt-dix. Plutôt que de parler de "marché émergent" à propos de la Russie, il aurait été plus approprié de parler de "marché inexistant".
En fin de compte, le seul trait commun aux crises asiatique et russe fut le rôle joué par les capitaux flottants internationaux, qui ont accéléré l'effondrement financier et précipité la crise dans les deux cas.
Les "coupables" sont-ils à Moscou ou à Tokyo ?
La chute générale des marchés boursiers à travers le monde, le 31 août et le jour suivant, est survenue en fait après une baisse relativement longue, quoique plus lente, qui fut brièvement accélérée par l'effondrement du rouble. Dans le cas de l'Asie du Sud-Est et de l'Amérique Latine, cette chute a commencé en mars et en avril, pour atteindre à la mi-septembre 18 % au Japon, 34 % à Hong-Kong et 61 % au Brésil. Dans les pays riches d'Occident, la baisse commença en juillet. A New York, par exemple, les actions avaient déjà perdu 14 % de leur valeur avant que la chute la plus brutale se produise le 31 août. En d'autres termes, plutôt que d'avoir été à proprement parler déclenchée par l'effondrement du rouble, l'onde de choc qui a traversé les marchés boursiers du monde entier s'est propagée parallèlement à la baisse finale du rouble, anticipant son issue et amplifiant du même coup son impact à l'extérieur de la Russie.
Mais, au moins dans un premier temps, cela n'a pas empêché les "experts" économiques de blâmer les politiciens russes pour leur "mauvaise gestion" de l'économie, voire pour leur "nostalgie" de l'époque de l'Union Soviétique (accusation d'autant plus ridicule qu'aucun de ces politiciens russes ne songerait à abandonner de son plein gré les avantages significatifs que l'introduction du marché a offerts aux couches privilégiées auxquelles ils appartiennent !).
Par exemple, l'hebdomadaire d'affaires britannique The Economist a usé d'un curieux tour de passe-passe dans un éditorial du 5 septembre : "Bien que les souffrances économiques qui sont infligées à la Russie et aux ex-tigres [d'Asie du Sud-Est] soient hors de proportion avec les erreurs politiques de leur gouvernement, le fait est que leur vulnérabilité à la crise financière fut créée non par les spéculateurs internationaux et autres épouvantails, mais par une surveillance négligente des finances intérieures privées, publiques et semi-publiques."
En d'autres termes, il n'y a aucun mal à ce que les spéculateurs (c'est-à-dire les capitalistes en général, car la spéculation est un trait inhérent à la finance capitaliste) cherchent à extorquer des profits aux dépens d'économies plus faibles, même si cela signifie les plonger dans la crise et la récession ! Du point de vue des capitalistes, et c'est de toute évidence celui de The Economist, le raisonnement sous-jacent est infaillible : si l'on admet que le libre flux des capitaux à travers le monde est partie intégrante du fonctionnement capitaliste normal, on ne peut jamais reprocher aux spéculateurs les conséquences de leurs agissements. C'est à tous les autres de prendre en compte les dangers de la spéculation et d'apprendre à vivre avec, en anticipant son impact destructeur ! On ne peut pas mieux décrire le vrai visage du capitalisme : la loi de la jungle. Mais à ce moment-là il faudrait aussi dire que, puisque le vol est aussi partie intégrante de toute société basée sur la propriété privée, plutôt que d'emprisonner les voleurs on devrait condamner leurs victimes pour s'être laissées prendre...
Cependant, reprocher aux victimes leurs propres maux et les conséquences pour l'économie mondiale ne fait pas très crédible, encore moins quand il s'agit de la Russie. Après tout, comme le remarque un article à la une du quotidien Le Monde, "la Russie, fort heureusement, ne peut guère diffuser de fortes perturbations économiques vers l'Occident puisqu'elle nous a rendu le service de refuser très largement son insertion dans le marché mondial". C'est sans aucun doute une appréciation juste de la situation, étant donné le volume comparativement faible du commerce et des échanges financiers entre la Russie et l'Occident. Il faut donc bien que la menace pour l'avenir, et la cause de l'onde de choc récente, viennent d'ailleurs. Et comme, pour l'auteur de cet article, Alexandre Adler un ancien membre du Parti Communiste Français devenu anti-communiste et avocat zélé du capitalisme , le danger ne peut venir du système capitaliste lui-même, il doit venir du... Japon.
Cette théorie alternative des "coupables" japonais a en fait de nombreux partisans. Dans une interview à un journal japonais publiée dans la première semaine de septembre, Henry Kaufman, ancien responsable des analyses économiques à la banque d'affaires Salomon Brothers (un des gros joueurs de la spéculation mondiale), a expliqué de la façon suivante la débâcle russe et la tourmente financière mondiale qui en a résulté, en particulier la chute brutale du yen par rapport au dollar : "Derrière la crise russe, la principale raison était la situation au Japon. Le montant des créances douteuses des institutions financières nippones semble avoir atteint mille milliards de dollars. (...) Comme les taux d'intérêt sont si faibles au Japon, les investisseurs à travers le monde achetaient des obligations russes en empruntant des yens. Confrontés à la crise russe, ils les ont vendues (...). Ils ont remboursé leurs emprunts en yens, et cela a poussé la valeur du yen à la baisse." Le coupable, donc, c'est le gouvernement japonais qui a fixé des taux d'intérêt si bas (0,5 % à ce jour). Mais au lieu d'arrêter son raisonnement là, ce qui est un peu facile, Kaufman aurait pu expliquer l'origine des taux d'intérêt ridicules au Japon et de ses colossales "créances douteuses" : d'une part la spéculation permanente sur les monnaies qui ronge les finances nippones, d'autre part la crise bancaire héritée de l'explosion d'une autre bulle spéculative, en 1990.
Bien sûr, nul ne peut nier qu'un effondrement au Japon représenterait pour l'économie mondiale une menace bien plus grande que celui du rouble en Russie. Mais, quelle que soit la façon dont on considère le problème, et indépendamment de la politique de son gouvernement, il s'avère que le Japon est lui aussi soumis et vulnérable à la rapacité des gestionnaires de fonds internationaux et autres spéculateurs capitalistes, c'est-à-dire aux ravages que le capitalisme lui-même fait sur son passage.
Un nouveau maillon dans une chaîne de crises
Même The Economist a dû reconnaître, après la crise russe, que "la maladie qui a commencé en Asie continue de se propager, faisant des victimes bien loin de là où elle est partie. Les investisseurs ne trouvent pas le temps de faire le compte de leurs pertes, tant ils sont occupés à essayer de deviner où le fléau frappera de nouveau". Comme toujours, The Economist donne le beau rôle aux "investisseurs", c'est-à-dire aux capitalistes eux-mêmes, car bien peu de petits investisseurs peuvent jouer sur les marchés prétendument "émergents". Peu importe le fait que, par exemple, un "gros perdant" dans la crise russe, le célèbre spéculateur George Soros, ait fait sur ses autres placements des profits qui représentent presque deux fois ses pertes en Russie. Peu importe aussi que, bien que les détenteurs d'actions cotées à New York aient perdu presque tous leurs gains depuis janvier dernier, ils puissent toujours se rabattre sur ceux, plus que confortables, qu'ils ont accumulés au cours des trois années précédentes, pendant lesquelles le cours des actions a plus que doublé à Wall Street. Décidément, les "investisseurs" ne s'en sortent pas si mal !
Mais au moins The Economist reconnaît-il que les tourmentes boursières qui ont suivi la crise russe et celle du Sud-Est asiatique font partie de la même crise financière prolongée et qu'il y a toutes les raisons de penser qu'il y aura d'autres explosions dans cette chaîne de crises.
On peut remonter le fil qui relie les crises d'Asie du Sud-Est et de Russie jusqu'aux années quatre-vingt (en gardant à l'esprit le fait que la fin de l'expansion capitaliste et les deux premières crises, celle du système monétaire international et celle du pétrole, remontent aux toutes premières années soixante-dix). A l'époque, les capitalistes recherchaient de nouveaux moyens de faire des profits rapides dans un contexte où la crise générale du système capitaliste rendait l'investissement productif plus incertain et moins rentable. La déréglementation financière introduite pendant cette décennie dans les principaux pays occidentaux augmenta la vitesse des transactions financières, diminua les frais généraux qui pesaient sur ces transactions en supprimant les intermédiaires et créa de nouveaux moyens de canaliser une partie sans cesse croissante des capitaux dans des opérations spéculatives. De ces changements sortirent les gigantesques fonds de pensions et de placement actuels, qui constituent l'essentiel des capitaux flottants naviguant constamment autour du monde à la recherche d'investissements à haut rendement et à court terme, afin de gagner de l'argent facile.
Le volume de ces fonds est parfois comparable à celui du budget de grands pays. Par exemple, le fonds de placement le plus important au monde, la société américaine Fidelity Investment, gère l'équivalent de plus de 3500 milliards de francs, plus de deux fois le budget de l'Etat en France. Et les dix plus gros fonds du monde gèrent un total qui représente plus de trois fois la valeur de la production annuelle d'un pays comme la Grande-Bretagne. Avec de telles quantités de capitaux disponibles, qu'ils peuvent déplacer instantanément d'un bout à l'autre de la planète par le biais des réseaux informatiques, les gestionnaires des gros fonds peuvent en fait bouleverser l'équilibre financier de la plupart des petits pays et même parfois des plus riches, comme l'a montré la vague spéculative qui a contraint la livre anglaise à sortir du Système Monétaire Européen en 1992.
L'éclatement de la bulle spéculative au Japon, en 1990, semble avoir été le premier maillon dans la chaîne de crises actuelles. A la différence des crises les plus récentes, cette crise n'a pas pris la forme d'un effondrement monétaire (bien que le yen en soit sorti fort mal en point), et elle n'a pas non plus entraîné de tourmente significative sur les marchés financiers en dehors du Japon. Mais elle s'est traduite par d'énormes sorties de capitaux flottants en direction du reste du monde, et en particulier en direction du reste de l'Asie du Sud-Est. Cet afflux de capitaux a ensuite donné un coup de fouet à la bulle spéculative qui a fini par éclater l'an dernier dans la région. Et en ce sens, on peut dire que la crise de 1990 au Japon a amorcé la bombe qui a finalement explosé en Asie du Sud-Est en 1997.
L'épisode suivant est survenu en décembre 1994, avec l'effondrement du peso mexicain. Quand la pression spéculative a forcé le gouvernement mexicain à dévaluer le peso de 15 %, les gestionnaires de fonds, en particulier les gestionnaires de fonds de pensions et de placement américains, qui avaient fait des profits considérables en prêtant de l'argent au gouvernement mexicain à un taux d'intérêt élevé, se sont retirés dans un mouvement de panique. Ils ont ainsi précipité la chute du peso, qui a perdu 30 % de sa valeur, bien plus que les 15 % annoncés. Au même moment, un certain nombre de devises de pays du tiers monde ont subi d'importantes chutes. Comme la dette publique et privée du Mexique était surtout en dollars américains, en quelques jours, le pays s'est retrouvé avec une montagne de dettes démesurément gonflée. Le Mexique n'échappa à la banqueroute que grâce à un montage financier de secours de 50 milliards de dollars que mirent sur pied Clinton et le FMI afin de protéger les prêteurs américains.
Ces capitaux flottants qui avaient précipité la crise au Mexique et l'avaient conduit au bord de la banqueroute sont allés ailleurs, en Asie du Sud-Est et dans d'autres pays d'Amérique Latine. Entre 1994 et 1996, dans les cinq pays d'Asie du Sud-Est les plus gravement touchés par la crise de l'an dernier, les nouveaux prêts bancaires (à court terme aussi bien qu'à long terme) ont augmenté de 138 %, les placements en actions de 50 % et les placements en créances à court terme de 845 % !
Alimentée par l'afflux de capital flottant des crises japonaise et mexicaine, une nouvelle bulle financière a commencé à atteindre des proportions alarmantes en Asie du Sud-Est, avant d'éclater deux ans plus tard et de dévaster toute la région. Pendant ce temps, d'autres gestionnaires de fonds, ou les mêmes, affluaient vers la Russie, offrant de compléter les prêts et investissements à long terme accordés parcimonieusement par les puissances occidentales, par une énorme quantité de prêts à court terme bien plus coûteux. Mais trois ans plus tard, cette invasion de capitaux spéculatifs a fini par se révéler incapable de dissimuler le déficit croissant de l'Etat et elle a précipité l'effondrement du rouble.
Cette chaîne de crises ne peut que continuer à engendrer des crises ailleurs, car son principal mécanisme est contenu dans le déplacement de la cause de la maladie (les capitaux flottants) des zones malades vers celles qui le sont (relativement) moins. Le fléau ne peut donc que continuer à se propager plus loin, et comme les régions "saines" deviennent à la fois plus rares et moins saines, la maladie ne peut que devenir de plus en plus destructrice.
La question du contrôle des capitaux
Il fut un temps, il y a de cela seulement quelques mois, où Camdessus, le directeur général du FMI, parlait de la crise d'Asie du Sud-Est comme d'une "bénédiction déguisée" parce qu'elle forçait les pays touchés par la crise à appliquer les mesures libérales exigées par le FMI. Cette époque semble aujourd'hui révolue. Dans une interview au journal d'affaires Les Echos publiée le 14 septembre, Camdessus adopte un ton très différent : "Je vais tirer le tocsin : il faut se préparer sans attendre à la prochaine crise".
Quelques jours plus tôt, en Californie, Alan Greenspan, le président de la Réserve Fédérale américaine, sonnait aussi l'alarme à sa manière : "Il n'est simplement pas crédible que les Etats-Unis puissent demeurer une oasis de prospérité qui ne soit pas affectée par un monde qui subit une tension grandement accrue. (...) A mesure qu'augmente la dislocation, agissant par contrecoup sur nos marchés, il est vraisemblable que les contraintes vont se multiplier". En même temps, un autre dirigeant financier américain expliquait avec une appréhension manifeste que seulement la moitié des fonds retirés des marchés boursiers américains depuis la fin août avait été réinvestie en bons du Trésor ce qui signifie que l'autre moitié a probablement été investie en spéculation à court terme sur les marchés monétaires, préparant peut-être ainsi des ravages sur ces marchés dans les semaines ou les mois à venir. Oui, il est bien révolu le temps où les dirigeants économiques américains se réjouissaient de la santé des "fondamentaux" de l'économie américaine comme d'un rempart infranchissable contre la tourmente financière en Asie.
En fait, la situation semble si alarmante aux experts que la presse des milieux d'affaires est maintenant pleine d'articles sur le contrôle des capitaux pour ou contre. Même le Financial Times, ce chantre inconditionnel du libéralisme, explique à propos des contrôles sur les mouvements de capitaux imposés le 1er septembre par le gouvernement de Malaisie que, bien que cela sonne comme "un mot ordurier dans l'orthodoxie financière d'aujourd'hui", il faut considérer l'instauration de tels contrôles dans certains pays où "des mouvements sans entraves de capitaux peuvent avoir des effets dévastateurs" comme une option possible.
Les têtes pensantes du grand capital elles-mêmes parlent de la nécessité d'un contrôle ou d'une régulation. Mais le dire est une chose. Discipliner le flux mondial des capitaux spéculatifs en est une autre. En fait, compte tenu de l'internationalisation du processus au travers duquel les classes capitalistes des pays riches font leurs profits, maîtriser la valse des capitaux flottants signifierait effectivement réduire les profits financiers de ces bourgeoisies. Or, ceux-ci sont devenus un élément important dans le bilan de toutes les grandes compagnies, y compris celles qui interviennent uniquement dans la production ou le commerce. Ces bourgeoisies et leurs gouvernements ne seraient certainement pas d'accord avec de telles mesures dans le contexte actuel. Tout au plus pourraient-ils tolérer un retour à des contrôles étatiques limités, mais seulement à condition que cela n'empiète pas sur leur liberté de faire des profits, c'est-à-dire à condition que cela soit largement inefficace.
Ceux qui plaident en faveur de contrôles sur les capitaux et de mesures similaires pour rendre le capitalisme plus "civilisé" (c'est-à-dire moins ravagé par les crises) sont ainsi pris dans une contradiction insoluble. Ce qu'ils prônent, c'est la dissimulation des fissures béantes du système, alors que c'est le système lui-même, et pas seulement ses fissures, qui constitue le problème.
Le FMI : pompier ou incendiaire ?
La discussion à propos des contrôles sur les capitaux est de toute évidence liée à celle sur l'intervention du FMI qui, dans le cas de la Russie, s'est révélée tout à fait inutile, malgré la tentative du FMI de prévenir une chute possible du rouble plutôt que d'intervenir une fois que les dégâts étaient faits.
Dans une interview publiée le 7 septembre, Fisher, le directeur adjoint du FMI, reconnaissait d'ailleurs avec une certaine naïveté l'impuissance de son organisation : "Les spéculateurs internationaux, les spéculateurs de la mafia financière, se sont mis à vendre des roubles russes. (...) Ils ne s'inquiétaient que de leurs propres profits, sachant que leur vente pouvait entraîner une réaction en chaîne sur les marchés financiers mondiaux. (...) Le FMI ne va pas prétendre que ces spéculateurs sont la cause du mal, puisque le FMI prône le libéralisme". Puis, s'en prenant au spéculateur George Soros, Fisher ajoutait avec amertume : "M. Soros n'a pas anticipé la crise et la chute mondiale des marchés boursiers. M. Soros aurait perdu 2 milliards de dollars dans cette crise. C'est de sa faute. Il a mis le feu à la Russie et a fait échouer l'aide financière du monde libre. Sans son intervention, notre aide à la Russie aurait fonctionné de manière efficace".
Que Soros soit vraiment responsable à lui seul de l'échec du prêt de secours du FMI (parce qu'il a été le premier à prôner publiquement une dévaluation du rouble) est sans doute discutable. Mais qu'un haut fonctionnaire du FMI reconnaisse publiquement, avec une frustration si évidente, la paralysie de cette puissante institution face aux spéculateurs, montre à l'évidence que le FMI ne peut ni arrêter ni surtout anticiper de nouvelles crises financières provoquées par les capitaux flottants internationaux.
Le FMI joue un rôle de régulateur pour le compte du grand capital international. Mais il a surtout colmaté les brèches, pour préserver le système bancaire international, c'est-à-dire celui des pays riches, de tout dégât majeur. Quant aux pays pauvres qui se trouvaient être près du centre de la tempête, ils l'ont payé d'un prix terrible, comme l'ont montré par exemple les récentes émeutes de la faim en Indonésie.
Non seulement le FMI est paralysé face à la spéculation, mais ses interventions ont en fait excité le goût pour les risques payants parmi les spéculateurs. Si les gestionnaires de fonds ont tiré une leçon de la crise mexicaine de 1994-1995, ce n'est pas qu'ils devraient être plus prudents à l'avenir quant aux dégâts que leurs agissements pourraient entraîner dans les pays où ils placent leur argent. Au contraire, l'aide de 50 milliards de dollars du FMI leur a montré que quelle que soit l'imprudence de leurs actes, les agences internationales de l'impérialisme seraient toujours là pour renflouer leurs victimes parmi les institutions financières, et eux-mêmes par-dessus le marché si nécessaire. Dans la mesure où ils n'ont que faire des conséquences humaines et sociales de leurs paris, tout ce que les spéculateurs ont besoin de savoir c'est que le squelette financier du pays qu'ils prennent pour cible sera préservé par le FMI, assez en tout cas pour payer ses dettes. Avec une telle caution, pourquoi voudrait-on que les spéculateurs se privent de faire quelques milliards de plus en misant sur la chute d'une devise ?
Mais en plus, le fait de renflouer les fonds d'investissement, les banques, etc., après l'écroulement de la bulle spéculative, en injectant des dizaines de milliards de francs dans la sphère financière, comme le fait le FMI, a d'autres conséquences. Car cela revient en fait à remplacer par de l'argent une valeur qui n'avait jamais eu d'existence que sur le papier, dans l'illusion créée par la flambée spéculative, mais sans avoir d'équivalent dans l'économie réelle. Du coup, ces dizaines de milliards de francs mis en circulation ne sont eux-mêmes rien de plus que de la fausse monnaie. Ainsi, non seulement les Etats qui financent le FMI subventionnent les spéculateurs, mais ils alimentent l'inflation mondiale, accumulant ainsi les facteurs de déséquilibres pour la prochaine crise.
Quelle sera la prochaine étape ?
Les experts économiques ne considèrent plus la prochaine crise comme une possibilité lointaine. Selon le FMI lui-même, elle est d'ores et déjà en gestation, quelques semaines seulement après l'effondrement en Russie, cette fois-ci en Amérique du Sud. Le Brésil, dit le FMI, montre déjà des signes d'épuisement. Son marché boursier fléchit rapidement. Des taux d'intérêt élevés, à près de 50 %, n'ont pas réussi à empêcher la fuite des capitaux puisque, depuis le début septembre, on estime qu'un milliard de dollars quitte le pays chaque jour. Sa devise, qui est indexée sur le dollar, ne parvient à se maintenir que grâce à des emprunts à court terme extrêmement coûteux. Tous les ingrédients pour un effondrement monétaire sont réunis, dans un pays qui est de loin le plus grand en Amérique du Sud et, qui plus est, étroitement dépendant des banques américaines. D'où, sans aucun doute, les messages d'alarme lancés par les dirigeants du FMI.
Nul ne peut dire ce qui va sortir de la crise russe, ni si le Brésil sera le prochain maillon dans la chaîne des crises financières, et si c'est le cas, ce que sera l'impact de cette nouvelle crise intervenant si tôt après la précédente.
Mais même si cette nouvelle crise ne se matérialise pas à court terme, les crises passées ont déjà fait des dégâts bien au-delà du monde abstrait de la finance. En Asie du Sud-Est, le coût humain de la crise, en termes de chômage, d'appauvrissement et même de famine, est déjà énorme. L'économie réelle a été considérablement affectée. Dans toute la région, un grand nombre d'usines, de bureaux, etc., ont été fermés, souvent démantelés, parce que la chute de la devise nationale et la contraction du crédit entraînées par la crise font qu'il est impossible d'acheter des pièces détachées ou des matières premières, de renouveler les machines ou simplement de trouver des clients. Et comme il n'est guère vraisemblable que les conditions s'améliorent dans un avenir prévisible, la plupart de ces usines et de ces tours de bureaux seront probablement laissées à l'abandon, à pourrir sur pied, à côté d'autoroutes, d'hôpitaux, d'usines d'assainissement des eaux et de centrales électriques inachevés ou paralysés, parce que l'Etat n'a plus les moyens d'en financer la construction voire le fonctionnement. Il est même probable que dans les plus pauvres de ces pays, comme l'Indonésie ou la Thaïlande, cette destruction de forces productives ramène l'économie très loin en arrière, à ce qu'elle était bien avant que quiconque songe à parler de "marchés émergents".
Et même si le Brésil réussissait, avec ou sans l'aide du FMI, à éviter un effondrement, en trouvant le moyen d'inciter les capitaux spéculatifs à rester (à un coût exorbitant), tout en s'arrangeant pour surmonter l'inévitable pénurie de crédit, les conséquences en seraient moins brutales que celles d'une crise ouverte, mais elles impliqueraient néanmoins un ralentissement considérable de l'économie qui affecterait aussi les principaux partenaires commerciaux du Brésil en Amérique du Sud, en particulier l'Argentine. De surcroît, dans un pays aussi pauvre que le Brésil, non seulement un tel ralentissement détruirait une partie des forces productives, mais il entraînerait un appauvrissement pire encore, peut-être même la famine, pour de larges couches de la population. Dans ce cas, on aurait sans doute évité une crise ouverte, mais à quel prix !
En outre, même à supposer qu'il n'y ait pas d'autres crises dans l'avenir immédiat, il est possible que la contraction du marché mondial due à l'appauvrissement de l'Asie du Sud-Est et peut-être maintenant de l'Amérique du Sud sans parler de la "crise dans la crise" du système bancaire japonais et ses éventuelles complications pour le marché japonais se traduise par une récession sévère dans les pays industrialisés.
La menace d'un krach mondial généralisé est peut-être encore éloignée. Mais les faits, comme les avertissements des experts du système capitaliste, semblent indiquer que nous en sommes plus proches aujourd'hui que l'année dernière, quand s'est déclenchée la crise en Asie du Sud-Est. De toute façon, les mécanismes qui nous rapprochent toujours plus de cette crise sont là, en action de façon permanente, parce que partie intégrante de l'organisation capitaliste d'une économie mondiale qui n'en finit pas d'agoniser.
Quant aux politiciens qui, de Jospin à Blair, concèdent qu'il y a quand même un "problème", pas dû au capitalisme bien sûr, mais à ses "excès" comme ils disent, et qui proposent des mesures de régulation à divers niveaux, tout ce qu'ils proposent réellement c'est de mettre un emplâtre sur la jambe de bois pourrie du capitalisme. Mais ce n'est pas cela qui empêchera la pourriture de se répandre sous l'emplâtre.
Et en attendant, même s'ils prennent des mesures pour tenter de limiter les soubresauts du système par exemple, en interdisant les véhicules les plus extrêmes de la spéculation, comme ces "fonds d'arbitrage", les fonds de placement à hauts risques qui ont fait la fortune de gens comme Soros chaque Etat devra quand même trouver le moyen d'attirer les capitaux spéculatifs vers son système financier pour alimenter son économie en crédits. Et pour les attirer, il faudra les allécher, leur garantir des profits toujours plus substantiels, parce qu'il faut bien faire face à la concurrence des autres Etats qui en feront autant.
C'est ainsi que les capitaux spéculatifs, dont les méfiances et les mouvements erratiques affectent même les grands groupes capitalistes privés d'Occident comme vient d'en témoigner l'affaire d'Alcatel, en France , ont tendance à se réfugier dans des obligations ou des emprunts d'Etat. D'où la course entre Etats pour les attirer chez soi. Mais d'où, aussi, l'endettement croissant des Etats, dont on fait payer le prix à la population laborieuse.
Alors, quand bien même on arriverait à rendre les mouvements planétaires de ces capitaux plus "civilisés", il ne s'en livreraient pas moins à un parasitage croissant de l'économie réelle, prélevant pour le compte de la bourgeoisie une part de plus en plus grande de chaque revenu national, et donc de la plus-value, aux dépens des classes laborieuses. C'est-à-dire que ce que l'on verrait se poursuivre et s'aggraver, ce sont le chômage et l'appauvrissement d'une fraction croissante de la population ouvrière tandis que la bourgeoisie s'enrichirait de plus en plus.
Et c'est pourquoi tous les emplâtres que l'on pourra trouver pour tenter de "civiliser" les soubresauts financiers ne changeront rien quant au fond pour la classe ouvrière, ni d'ailleurs pour la grande majorité de la population mondiale. Le parasitisme du capital, et sa forme moderne représentée par la circulation planétaire de ces vastes masses de capitaux spéculatifs, ne disparaîtront qu'avec le capitalisme lui-même, c'est-à-dire avec l'avènement d'un système social fondé non sur la propriété individuelle et la loi de la jungle de la concurrence capitaliste, mais sur la propriété collective et la planification planétaire de la production la société communiste.