Pression à la baisse sur les salaires

Imprimir
24 avril 1998

Le traité de Maastricht signé, il y avait d'autres problèmes à régler. L'un de ceux-ci était le taux de change avec lequel on allait entrer dans la monnaie unique. Ce détail est important car de ce taux dépendent en partie les taux respectifs des salaires, donc des coûts de production, dans un pays ou l'autre. Après l'entrée dans la monnaie unique, on ne pourra plus faire baisser le taux des salaires relativement aux voisins par le simple recours à l'inflation et à la dévaluation, il faudra trouver d'autres méthodes.

L'Italie a réglé ce problème, par exemple, par le biais de la dévaluation de 1992. Avant celle-ci, du fait du maintien de la lire dans le système monétaire européen et donc de taux de change stables avec les autres monnaies de la communauté, et d'une inflation intérieure relativement forte, les salaires italiens avaient rejoint le niveau moyen d'autres salaires européens, les salaires français par exemple. En septembre 1992, une vague de spéculation se déchaîna contre la lire, et en même temps contre la livre. En quelques jours, les gouvernements italien et britannique annoncèrent qu'ils sortaient du système monétaire européen et laissaient flotter leur monnaie. La chute fut spectaculaire: en quelques jours la lire perdit presque 30 % de sa valeur par rapport aux autres monnaies du Système monétaire européen. Elle est restée pratiquement à ce niveau depuis, et c'est à ce niveau qu'elle est rentrée de nouveau dans le système monétaire européen, et qu'elle rentrera sans doute dans l'euro.

Bien sûr les capitaux n'ont pas été dévalués d'autant, car ils avaient pris la précaution de se convertir en marks ou en francs et c'est bien ce mouvement de capitaux qui était une des causes de la dévaluation , mais les salaires, si ! Et ensuite les gouvernements se sont évertués à prôner la "modération" salariale, avec d'ailleurs la collaboration des syndicats. A ce moment a même été signé un accord entre patronat, syndicats et gouvernement, pour mettre fin à l'échelle mobile des salaires garantissant les salaires contre la hausse des prix. Tout cela a été fait au nom de la lutte contre l'inflation mais le résultat est que, si les prix intérieurs ont rapidement répercuté la dévaluation et sont restés au niveau européen, les salaires n'ont pas suivi la même voie.

Voilà dans quelles conditions les différentes bourgeoisies d'Europe rentrent dans la monnaie unique. Bien sûr, celle-ci intéresse en priorité les deux impérialismes majeurs que sont la France et l'Allemagne. Mais elle intéresse aussi l'impérialisme italien, moins riche, ou l'Espagne et le Portugal qui le sont encore beaucoup moins. Car outre l'intérêt pour les capitalistes de disposer d'une monnaie comme l'euro, le fait d'être un pays à relativement bas salaires à l'intérieur d'un grand marché de 300 millions de personnes, c'est évidemment intéressant pour toute une série d'industriels exportateurs.

Le problème aujourd'hui est que la pression à la baisse exercée sur les salaires est telle dans toute l'Europe, que les salaires britanniques par exemple, ou même les salaires français, peuvent devenir plus bas que les salaires italiens.

Alors pour garder ce type d'avantages, puisqu'on ne pourra plus dévaluer, du moins par rapport aux Etats européens, les bourgeoisies européennes cherchent déjà à faire baisser les salaires nominaux pour mieux supporter la concurrence de leurs voisins. La flexibilité des horaires et des salaires est là pour faire baisser le coût de la main-d oeuvre. Patrons et gouvernants français étudient comment contourner l'obstacle du SMIC, qui limite les salaires à la baisse. Coté italien, sous prétexte d'aider la création d'emplois dans le Sud, gouvernement, patronat et syndicats ont décidé de créer des zones spéciales où les minima salariaux fixés par les conventions collectives ne s'appliqueront plus. Et partout, les prétendues aides à l'emploi payées par l'Etat au patronat sont également un moyen de faire baisser le prix de la main-d oeuvre pour celui-ci.