L'article qui suit est une traduction libre d'un article paru dans le numéro 41 de Class Struggle, la revue trimestrielle de Spark, organisation trotskiste américaine.
Le jour même de cet automne 2003 où les dirigeants du syndicat américain de l'automobile United Auto Workers (UAW) signaient avec les représentants du patronat la version définitive des nouveaux contrats dans l'automobile, après leur ratification par les votes des travailleurs chez Chrysler, Ford & Visteon ainsi que GM & Delphi, un journal de Détroit dévoila que ces accords entraînaient des changements importants en matière de couverture médicale : la couverture maladie complète de Blue Cross, organisme privé d'assurance maladie, serait éliminée, et remplacée par un système de prestataires de soins encore à créer, appelé PPO (Preferred Provider Organisation), et qui doit être mis sur pied par les entreprises de l'automobile, Blue Cross et les dirigeants de l'UAW.
Ce changement drastique touchera immédiatement 360 000 personnes. Dans le cadre des anciens accords de branche, près des trois quarts des retraités et une proportion variable, selon l'entreprise, de travailleurs en activité, étaient couverts, ainsi que leurs proches, par un plan d'assurance maladie complet de Blue Cross.
Le nouveau plan n'étant pas encore élaboré, personne ne peut encore en mesurer les conséquences exactes pour les travailleurs. Mais on sait déjà qu'il y aura des restrictions concernant les médecins que les assurés seront autorisés à consulter et les équipements qu'ils pourront utiliser. La réduction des honoraires payés aux médecins et autres fournisseurs de soins par les sociétés d'assurance - caractéristique de ce type de plans comme de Medicare (la couverture médicale des personnes âgées) - n'est certainement que la première d'une série d'attaques lancées par le patronat dans le cadre d'une campagne destinée à " maîtriser l'envolée des coûts ". Rien ne permet de croire que ce plan échappera au lot des autres plans de ce type à cet égard : la fixation d'honoraires réduits, afin de réduire les coûts supportés par les entreprises, aboutit fatalement, directement ou indirectement, à une dégradation de la qualité des soins fournis par les médecins et autres prestataires.
Mais ce qui importe, ce ne sont pas seulement, ni même d'abord les détails du changement : c'est le fait que ce changement considérable a été approuvé par vote par les travailleurs, qui ne soupçonnaient absolument pas que cela figurait dans les contrats sur lesquels ils se prononçaient. Dans le résumé de ces accords, qui est la seule chose que les travailleurs lisent avant de voter, il n'était dit nulle part que la couverture maladie complète de Blue Cross allait être supprimée, ni que les travailleurs en activité et les retraités qui bénéficient actuellement de cette couverture allaient être affiliés à une PPO. Chez General Motors, le résumé expliquait, comme si de rien n'était, que la " couverture maladie traditionnelle sera mise à jour afin de refléter les changements intervenus dans le système de fourniture des soins, " après quoi il faisait une allusion vague aux " synergies permises par les réseaux ". Le même discours fut servi aux travailleurs de Chrysler, la seule différence étant que les bureaucrates syndicaux parlaient cette fois de la " couverture maladie standard ". Ces formulations tarabiscotées, dignes d'un avocat véreux, étaient bien loin de la réalité. Chez Ford, il n'y eut même aucune explication.
Les leaders syndicaux de l'UAW déclaraient, sans vergogne, dans le résumé du contrat : " Notre équipe de négociateurs dans l'automobile s'est fixé un objectif clair dès le début de ces négociations : pas de transfert de coûts à la charge des patients. Grâce à une solidarité exceptionnelle et à une négociation résolue, nous avons réussi à atteindre cet objectif, et même davantage. À une époque où des millions de travailleurs doivent faire face à des coupes dans les remboursements de leurs dépenses de santé, les travailleurs de Daimler Chrysler [ou de GM ou Ford] syndiqués à l'UAW conserveront une couverture maladie entièrement financée par l'employeur : ni transfert de coûts à la charge des assurés ni réduction des prestations. "
Le mépris et le dédain complets que les bureaucrates syndicaux manifestent envers les travailleurs ne pouvaient pas s'exprimer plus clairement que dans ce discours trompeur.
Lire entre les lignes
La suppression de la couverture intégrale de Blue Cross n'est pas la seule concession faite par les syndicats dans le volet couverture médicale de ce contrat. Des franchises sont mises en place sur les honoraires des consultations des médecins et la part du prix des médicaments restant à la charge du patient est augmentée - autrement dit, il y a bel et bien transfert de coûts à la charge des patients. Les travailleurs qui ont besoin de traitements indispensables pour des affections comme le diabète ou l'hypertension - qui constituent environ la moitié du total des prescriptions aux États-Unis aujourd'hui - seront obligés de passer par une entreprise de vente de médicaments par correspondance pour renouveler leur ordonnance. Autrement dit, la dégradation des prestations a bien lieu. Il est clair qu'on ne peut garantir le bon état et la stérilité de médicaments envoyés par courrier, en cas de températures très élevées ou très basses. Des travailleurs se passeront de leurs médicaments le temps que la livraison leur parvienne. Les médecins auront encore moins de contacts avec les pharmaciens, ce qui entraînera une augmentation des erreurs, etc. Tous ces désagréments toucheront d'abord les personnes les plus fragiles : les travailleurs plus âgés ayant de graves problèmes de santé et les travailleurs ayant de jeunes enfants.
L'abandon du système traditionnel de Blue Cross n'a pas été le seul élément passé en contrebande lors du vote des travailleurs. Quatre cent projeteurs de chez Chrysler, par exemple, n'ont découvert qu'après avoir voté que le contrat comprenait une disposition qui prévoyait de supprimer leurs postes à tous. Sans parler de la baisse de salaire " de principe " adoptée pour tous les travailleurs qui seront embauchés chez Visteon et chez Delphi à l'avenir. Non seulement les travailleurs de Visteon et de Delphi ont dû voter sur cette baisse de salaire des futurs embauchés sans en connaître le montant, mais, afin d'empêcher une victoire du " non " si les travailleurs refusaient ce système de deux poids deux mesures, les voix des travailleurs de Delphi furent mêlées à celles des travailleurs de GM, bien plus nombreux, alors que les accords signés à GM et à Delphi sont différents.
Les retraites, que les responsables syndicaux prétendent avoir " améliorées ", ont également été durement touchées. Pour la première fois depuis le début des années soixante, les travailleurs à la retraite ne bénéficieront d'aucune augmentation du taux de leur pension au cours des quatre prochaines années, mais seulement de sommes forfaitaires. Et ces paiements forfaitaires seront inférieurs à ceux que les retraités recevaient dans le cadre des contrats précédents, alors qu'ils bénéficiaient également d'augmentations du taux de leur pension. Il s'agit là d'une attaque directe contre des travailleurs que les patrons ont exploités pendant des décennies. Quant à ceux qui prendront leur retraite au cours des quatre prochaines années, ils s'en tireront moins bien que leurs aînés. En théorie, le niveau des pensions, qui correspond à un pourcentage du salaire hebdomadaire à temps plein, est censé suivre l'évolution des salaires. Mais si c'était le cas, la pension mensuelle complète après 30 ans de cotisation devrait être augmentée de 305 dollars au-dessus des taux actuels, au lieu des 290 dollars prévus au cours des quatre prochaines années. La différence peut sembler faible, mais le nouvel accord est truffé de ce type de " petites différences " qui, additionnées, constituent des milliards de dollars d'économies pour les entreprises et une dégradation du niveau de vie des travailleurs.
Les salaires des travailleurs en activité sont gelés pour deux ans, après n'avoir augmenté que de 2 et 3 % ces deux dernières années. Les primes forfaitaires, dont 3 000 dollars payés d'avance, visaient sans doute à faire passer la pilule (ou à mettre de l'huile dans les rouages de la ratification). L'accord " maintient la protection améliorée contre l'augmentation des prix obtenue lors des négociations de 1999 " - sauf que la formule utilisée par le gouvernement pour calculer l'indice des prix a été bien sûr revue à la baisse, et que la prime de vie chère a été réduite, ce qui coûtera au bas mot 600 dollars par an aux travailleurs. Les bureaucrates syndicaux justifièrent la mesure en disant que l'argent déduit servirait à " assurer une amélioration des pensions versées ". Leur explication fit long feu car ils n'avaient pas briefé les entreprises : lorsqu'un journaliste économique interrogea Ford sur l'attribution de cet argent aux fonds de pension, un représentant de Ford déclara simplement : " Cet argent a été attribué au budget de Ford Motor Co. sans destination particulière " à part les profits bien sûr. Les autres entreprises donnèrent des réponses similaires.
Par ailleurs, il y a une multitude de dispositions comme, par exemple, des contrôles d'assiduité renforcés chez Chrysler, davantage de possibilités pour les entreprises de muter les travailleurs vers un site éloigné, le rallongement des durées limites en cas de conflits - permettant aux patrons de jouer la montre. Si on additionne toutes ces petites concessions, on arrive à un recul important en matière de conditions de travail.
Mais du point de vue des intérêts à long terme des travailleurs, les pires concessions ont été celles qui ne peuvent qu'entraîner d'importantes suppressions d'emplois - estimées à 50 000 par le journal Detroit News - qu'il faut ajouter aux quelque 35 000 emplois supprimés depuis le dernier contrat il y a quatre ans. Encore une fois, comme en 1999 et en 1996, chaque compagnie s'est engagée par écrit à de ne pas fermer ni vendre des usines pendant la période de validité du contrat. Ces promesses sonnent creux quand on sait que les mêmes accords comprennent des dispositions autorisant Chrysler à vendre, fusionner ou fermer sept sites ; GM & Delphi, trois sites ; et Ford, cinq sites. De plus, au moins onze autres sites de différentes entreprises furent avertis qu'ils pouvaient être vendus s'ils ne réussissaient pas à " se reprendre en main et à devenir rentables ". Voulant expliquer la disposition des syndicats à contresigner toutes les fermetures de sites, Nate Gooden, vice-président de l'UAW chez Chrysler, déclara : " Nous avons tout essayé pour sauver les sites. Mais quand le docteur vous met sur la table d'opération et vous propose de vous amputer une jambe ou un bras pour vous sauver la vie, vous acceptez ! "
En fait, la plupart des gens chercheraient un deuxième avis médical. Mais pour Gooden et les autres bureaucrates de l'UAW, le seul avis autorisé est la volonté des patrons de se débarrasser d'usines... et de travailleurs.
Au-delà des fermetures de sites, il y a les pertes d'emplois bien plus importantes dues à l'augmentation effrénée de la productivité, à la chasse aux coûts " inutiles " que les syndicats approuvèrent dans l'accord de Chrysler, avec comme conséquence de faciliter les heures supplémentaires, de ne pas tenir compte des classifications professionnelles et d'externaliser des emplois - sans parler de l'intensification du rythme de travail. En ce qui concerne l'augmentation de la productivité que les trois grands constructeurs de l'automobile espèrent arracher aux travailleurs dans les quatre prochaines années, un analyste du secteur automobile écrivit dans Detroit News : " En privé, les représentants de Ford se félicitent de ce que les nouvelles règles plus flexibles sont un coup de maître qui leur a permis de changer la donne à leur avantage. Mais en public, ils se sont efforcés de ne pas présenter les changements comme une victoire sur l'UAW. "
Ce ne sont là que quelques uns des renoncements des bureaucrates de l'UAW dans les contrats de l'automobile en 2003.
C'est à juste titre que le New York Times a écrit que les concessions contenues dans ces contrats " étaient les plus importantes depuis celles de 1982, lorsqu'une profonde récession et un état de quasi-faillite chez Chrysler forcèrent l'UAW à accepter de rouvrir les négociations chez GM et chez Ford. "
Les patrons veulent imposer des sacrifices dans tous les secteurs
Les concessions faites par les syndicats dans l'automobile ne sont certes pas aussi grandes que celles faites dans d'autres industries.
Dans le transport aérien, le spectre du 11 septembre et l'aiguillon des tribunaux des faillites ont amené les syndicats à se mettre d'accord avec les patrons pour imposer des réductions de salaires réels, entre autres ignominies. Les travailleurs syndiqués à l'IAM (International Association of Machinists) durent supporter une baisse de salaire de 13 %. Cette baisse fut même de 17,5 % pour les mécaniciens d'American Airlines et de 16 % pour les travailleurs des passerelles de la même compagnie. Les mécaniciens de USAir perdirent 8 % de salaire. Les syndicats de United Airlines et de USAir acceptèrent tous les deux des réductions de prestations pour la couverture maladie et l'assurance retraite. Chez United Airlines et American Airlines, les syndicats laissèrent, sans protester, la direction confier de forts volumes de travail à des transporteurs régionaux ou à des sous-traitants pratiquant des salaires beaucoup plus bas. Les équipages furent réduits et la charge de travail augmentée. Chez American Airlines, le nombre de jours fériés fut divisé par deux et la paie de ces jours-là réduite de moitié. Les congés annuels furent réduits et les primes pour travail posté furent supprimées. Les nouvelles règles qui vont s'appliquer font craindre la disparition de dizaines de milliers d'emplois supplémentaires, qui s'ajouteront aux 80 000 emplois déjà supprimés depuis le 11 septembre 2001.
Dans la sidérurgie, les deux plus grandes entreprises, U.S. Steel et ISG, liquidèrent les plans de retraites des entreprises qu'elles avaient rachetées. Traditionnellement, lorsqu'une entreprise en achète une autre, elle est légalement tenue de conserver toutes les dispositions de l'accord existant, y compris celles concernant les retraites, au moins jusqu'à expiration de l'accord. Mais lorsque U.S. Steel acquit National Steel en 2002, elle reprit à sa charge la majeure partie de la dette de National Steel sauf l'obligation de financer le fonds de pension des travailleurs et de payer les retraites de National Steel. Elle déclara simplement qu'elle ne rachèterait pas National Steel si elle devait aussi être responsable du volet retraites. Le tribunal des faillites donna son accord. La même chose se produisit lorsque Bethlehem Steel se mit en faillite, en attendant de se faire racheter par ISG.
Les retraités de ces deux entreprises ont vu leurs pensions transférées dans la Pension Benefit Guaranty Corporation, un organisme chargé de gérer les retraites des salariés d'entreprises ayant fait faillite. Alors que les journaux entendaient rassurer l'opinion publique en affirmant que les travailleurs n'avaient pas perdu leur pension de retraite puisque la PBGC en assurait la gestion, la réalité était bien différente puisque la PBGC ne prend pas en charge l'intégralité des retraites ni la couverture médicale des retraités. Tous les retraités perdirent donc leur couverture médicale. Les travailleurs qui n'avaient pas encore pris leur retraite virent leur pension de retraite gelée au niveau du nombre d'années cotisées dans leur ancienne entreprise au moment de sa mise en faillite. Les travailleurs partis en retraite tôt ou ayant bénéficié d'une retraite anticipée virent leur pension sévèrement réduite. Finalement, la PBGC ne revalorise pas les pensions qu'elle gère en fonction de l'inflation, si bien que le pouvoir d'achat des pensions fond au fur et à mesure. Et aujourd'hui, la PBGC affirme être à son tour menacée de faillite, ce qui fait planer une menace même sur cette chiche couverture.
Depuis 1998, 37 entreprises de la sidérurgie ont cessé leurs activités dans des circonstances similaires, une partie de leurs équipements étant repris par des entreprises plus importantes. La conséquence, c'est que plus de 240 000 retraités et leurs familles sont privés de toute assurance vieillesse, hors de la couverture réduite encore assurée par la PBGC.
La " concurrence ", prétexte à une exploitation accrue
Alors que les syndicats du transport aérien ont utilisé le prétexte du 11 septembre à chaque fois qu'ils ont eu besoin de justifier une nouvelle réduction de prestations, et alors que les syndicats de la sidérurgie évoquaient toutes les entreprises qui avaient disparu, les syndicats de l'automobile eurent du mal à brandir un épouvantail comparable : les ventes de véhicules ne se sont pas effondrées après le 11 septembre, elles ont même atteint aujourd'hui des records historiques, et même les commentateurs les plus pessimistes n'ont pas parlé de faillite en évoquant le cas de Chrysler, l'entreprise la plus faible. Les trois grands constructeurs sortaient à peine d'une période de profits record. GM et Ford ont déjà dépassé leur objectif de profit pour 2003. Les trois constructeurs possédaient des liquidités importantes début 2003, quelques mois avant les négociations de ces contrats : 31 milliards de dollars (environ autant d'euros) chez GM, 7 milliards chez Ford et 9 milliards chez Daimler Chrysler. Les trois constructeurs avaient distribué des dividendes supplémentaires importants - peut-être pour se délester de ces embarrassantes liquidités et se présenter les poches vides aux négociations, sans que les commentateurs éclatent de rire.
Aucun constructeur en faillite, pas d'effet " 11 septembre " et aucun constructeur en liquidation qu'est-ce que les bureaucrates syndicaux pouvaient donc trouver pour justifier toutes les concessions faites ? Toujours la même antienne éculée des importations japonaises, mais cette fois avec une nouvelle variante : les constructeurs américains doivent maintenant faire face à une " concurrence mortelle " de la part des entreprises japonaises... implantées aux États-Unis.
Il est vrai que Toyota vend maintenant plus de véhicules que n'importe quel constructeur américain. Mais il ne faut pas oublier que les trois grands constructeurs se sont depuis longtemps retirés du marché des voitures que les constructeurs japonais produisent, et notamment des petites voitures (en d'autres termes, générant moins de profits), leur préférant le créneau des 4 x 4, bien plus profitables.
Les trois grands constructeurs osèrent même se plaindre du fait que les constructeurs japonais implantés aux États-Unis avait un personnel plus jeune avec pratiquement aucun retraité - comme si les entreprises ne commençaient pas à cotiser pour les retraites de leurs travailleurs dès l'embauche de ceux-ci. Et de fait, les trois grands constructeurs sont censés avoir cotisé pour les retraites d'aujourd'hui de leurs salariés pendant les trente et quelques années au cours desquelles ces salariés ont travaillé et produit du profit pour eux. Alors, on peut se demander maintenant où est passé cet argent.
Le grotesque de l'affirmation selon laquelle les trois grands doivent faire face à une concurrence mortelle de la part des entreprises japonaises implantées aux États-Unis rappelle cette fameuse réplique d'un personnage de bande dessinée : " nous avons trouvé l'ennemi et c'est nous-mêmes ". Moins d'une semaine après la signature des contrats, Ford et Mazda annoncèrent la conclusion d'un accord visant à investir ensemble plus de 500 millions de dollars dans une joint venture qu'elles possédaient déjà... en Thaïlande. Toyota a depuis longtemps conclu des accords avec GM, Chrysler avec Daimler et Mitsubishi, et Ford avec Mazda. Et cela ne tient pas compte des pièces détachées que ces entreprises s'achètent entre elles et des travaux qu'elles se sous-traitent les unes aux autres.
Néanmoins, les bureaucrates de l'UAW reprirent à leur compte cet argument absurde de la " concurrence ". Dans le résumé des accords GM-Delphi, par exemple, on peut lire : " Pendant les négociations 2003, l'équipe de l'UAW dut faire face à de nombreux défis, dont le plus complexe - et le plus urgent - était celui d'assurer à long terme le travail et la sécurité économique des travailleurs syndiqués à l'UAW chez Delphi, à une époque où la concurrence s'intensifie, tant de la part de fournisseurs étrangers que de fournisseurs nationaux n'ayant pas de syndicats, dont les coûts de production extrêmement bas leur permettent d'arracher des marchés à Delphi et à d'autres fournisseurs dont le personnel est syndiqué à l'UAW. Pour relever ce défi, l'UAW et Delphi ont convenu ensemble d'une série d'actions destinées à favoriser chez Delphi le souci de la qualité, pour qu'elle devienne une entreprise compétitive et viable à long terme. "
En réalité, il ne s'agit pas d'autre chose que d'un argument pour inciter les travailleurs à aider " leur propre " entreprise à augmenter ses profits en acceptant des baisses des salaires réels, une dégradation des conditions de travail, etc. Et c'est exactement ce que l'UAW a fait dans ces accords, acceptant, entre autres choses, la réduction des salaires des nouveaux embauchés chez Delphi et chez Visteon à un niveau que l'UAW qualifiait de " niveaux de salaire et de prestations compétitifs ". Le résumé des accords GM ajoutait que " des niveaux de salaires et de prestations compétitifs signifient des salaires et des prestations correspondant à ceux d'un groupe d'entreprises représentatif où l'UAW est représentée, dans la branche des constructeurs de pièces détachées pour automobiles et camions américains. " Et quel niveau de salaire l'UAW considère-t-elle comme compétitif pour une entreprise dans laquelle elle est représentée ? Significatif est le cas de l'usine de fonderie et d'usinage de Chrysler dans l'État de l'Indiana, vendue récemment à Metaldyne, où l'UAW a accepté une baisse des salaires horaires de 26 dollars à 16 dollars, la diminution de 50 % du paiement des heures supplémentaires et la suppression presque complète de la couverture maladie et des plans d'assurance retraite. Le syndicat a également accepté que tous les travailleurs, quelle que soit leur ancienneté chez Chrysler, commencent chez Metaldyne avec un nombre de jours de congé minimum.
Des baisses de salaires aussi importantes ne se limiteront pas à une seule usine ou à la branche des pièces détachées pour l'automobile : elles ouvrent la porte à des attaques encore plus larges contre les salaires de tous les travailleurs, comme c'est le cas avec les nouveaux taux de salaires adoptés chez Delphi et Visteon, fournisseurs de pièces de GM et Ford. Doron Levin, rédacteur ouvertement pro-patronal aux Bloomberg News, s'est plaint du fait que des salaires et des prestations UAW trop élevés empêcheraient les entreprises de profiter pleinement des gains de productivité permis par ces accords, mais a trouvé encourageant que l'UAW accepte la fixation de deux niveaux de salaires chez Delphi et chez Visteon : " Qui sait si, d'ici quatre ans - voire avant -, le syndicat n'acceptera pas de négocier la mise en place d'un salaire revu à la baisse pour les nouveaux embauchés des usines d'assemblage de Détroit ? D'autres vaches sacrées vont sans doute être sacrifiées, à mesure que nous nous rapprochons du jour du jugement. "
Supprimer des emplois pour augmenter la productivité
Pendant des années, les syndicats, et pas seulement l'UAW, ont incité les travailleurs à aider leur propre entreprise à diminuer les coûts, en brandissant l'épouvantail des importations, de l'ALENA (la zone de libre échange États-Unis - Canada - Mexique), de l'OMC, etc. Ils prétendent que sans les sacrifices des travailleurs, les entreprises ne peuvent pas être compétitives.
Or, la valeur de la production industrielle dans son ensemble a été multipliée par 2,5 ces trente dernières années, alors que le nombre de travailleurs industriels aujourd'hui correspond à 80 % de ce qu'il était il y a trente ans. Dans l'automobile, le fossé est encore plus marqué, étant donné que les gains de productivité y ont toujours été supérieurs à ceux de la plupart des autres industries.
La campagne actuelle des syndicats pour inciter les travailleurs à aider " leur propre " entreprise à devenir plus compétitive ne peut que contribuer à accroître le nombre de suppressions d'emplois. Il importe peu de savoir si les gains de productivité sont dus à une intensification du travail ou à une participation des travailleurs à une " rationalisation " de la production (rationalisation qui peut les faire bénéficier provisoirement de meilleures conditions de travail, jusqu'à ce que le cycle infernal des gains de productivité redémarre de plus belle). La conséquence finale des augmentations de productivité est toujours une accélération du rythme des suppressions d'emplois, sauf si les travailleurs se battent pour réduire le temps de travail. Et même lorsque la plupart des travailleurs d'une entreprise arrivent à conserver leur emploi (et c'est rarement le cas), ils ne les conservent pas pour la génération suivante. C'est elle qui devra absorber l'essentiel des conséquences catastrophiques de cette course aux suppressions d'emplois à laquelle on assiste dans des secteurs comme l'industrie automobile.
Certains bureaucrates syndicaux peuvent fort bien travestir cette réalité, en évoquant le partenariat et l'idée qu'il y a des " situations gagnant-gagnant " - autrement dit, l'idée folle selon laquelle le patron et les travailleurs peuvent gagner tous les deux, à condition que des négociateurs " déterminés " trouvent un moyen " créatif " de résoudre les problèmes.
L'incapacité persistante de l'UAW à conserver les acquis est là pour prouver le contraire. Les intérêts des patrons - qui font des affaires pour faire des profits, dont le niveau est déterminé par le degré auquel ils pressurent les travailleurs - sont totalement opposés aux intérêts des travailleurs. La course aux profits ne peut être ni arrêtée, ni freinée par un " partenariat ". Au contraire : un partenariat entre syndicats et patronat ne fait que faciliter une exploitation accrue des travailleurs.
Ce partenariat amène également beaucoup de bureaucrates syndicaux à s'exprimer bien plus ouvertement pour le compte des patrons, au point qu'il devient difficile de distinguer leur discours de celui du patronat. Lorsqu'un vice-président de l'UAW expliqua la nouvelle politique très restrictive de Chrysler en matière d'absentéisme, il lança un avertissement aux travailleurs accusés d'absentéisme : " Vous serez renvoyés. Vous ne retournerez pas chez DaimlerChrysler : on en a marre de s'occuper de vous, ici. " Que voulait-il dire par " on " : parlait-il du patron, des leaders syndicaux comme lui ou des deux à la fois ?
Quand les dirigeants de l'UAW et d'autres syndicats commencèrent à inciter ouvertement les travailleurs à faire des sacrifices au début des années quatre-vingt, ils affirmèrent que si les travailleurs voulaient défendre leurs emplois, ils devraient faire des concessions provisoires en matières de salaires et de prestations sociales - lesquelles, de provisoires, finirent par devenir permanentes. Cela n'a évidemment pas empêché les suppressions d'emplois massives et incessantes.
Dans les contrats de 2003, l'UAW ne tente même plus de cacher tout cela. Non seulement l'UAW dit aux travailleurs qu'il faut renoncer à une partie de leur salaire et des prestations sociales auxquelles ils ont droit, mais elle leur dit également de renoncer à des emplois - pour rendre " leur entreprise " compétitive. Dans le résumé de l'accord UAW-Chrysler, il est dit que les entreprises doivent se débarrasser des usines qui ne sont pas compétitives.
Quand les syndicats demandent au patronat de les aider à augmenter leurs effectifs
En 1980, les effectifs de l'UAW atteignirent leur maximum, avec plus 1 528 000 travailleurs affiliés. Aujourd'hui, elle compte moins de 640 000 membres. La baisse des effectifs dans l'automobile - qui fut le cœur de l'UAW - est encore plus marquée. Non seulement le syndicat n'a pas été capable de protéger les acquis des luttes passées dans l'automobile, mais il n'a pas réussi non plus à conserver ses propres effectifs.
Mais, rétorquent les leaders de l'UAW, le nouvel accord donne l'espoir de regagner une partie des effectifs perdus. Nate Gooden, vice-président de l'UAW chez Chrysler, est allé jusqu'à affirmer : " Sous ma direction, le drapeau de l'UAW flottera sur le site de Mercedes-Benz. " Son optimisme s'appuyait sur un marché conclu, dit-on, entre Gettelfinger, le PDG, et Gooden, lors de précédentes discussions en Allemagne et dont la substance est intégrée au nouveau contrat. En échange de l'acceptation de la fermeture de sites et des autres concessions intégrées à l'accord, l'UAW est censée avoir reçu l'assurance que la compagnie ne ferait rien pour l'empêcher de convaincre les travailleurs de créer un syndicat dans ses usines où il n'y en a pas - y compris, apparemment, sur le site de Mercedes en Alabama. Autrement dit, l'UAW sera reconnue sur tout site sur lequel elle obtiendra l'adhésion de la majorité des travailleurs. Et la direction " réaffirme son engagement à recourir aux fournisseurs qui pratiquent une bonne citoyenneté d'entreprise..., à demander à ses fournisseurs de traiter correctement leurs employés, de leur payer de bons salaires et des prestations sociales de qualité et d'assurer la sécurité sur le poste de travail. L'entreprise s'engage également à informer ses fournisseurs de ses relations constructives et positives avec l'UAW et à affirmer que DaimlerChrysler estime que chaque employeur doit reconnaître intégralement le droit de ses employés à avoir une représentation syndicale. "
Bien entendu, cette même déclaration était déjà intégrée aux deux contrats précédents, non seulement chez Chrysler, mais aussi chez GM et Ford. Ce conseil d'ami donné par les trois grands constructeurs à leurs fournisseurs n'a pas empêché les effectifs de l'UAW de continuer à se réduire pendant toute la durée de ces deux contrats - y compris dans l'industrie des pièces de rechange censée être celle à qui le conseil s'adresse.
En négociant l'accord actuel - avec ses taux de salaires plus bas chez Delphi et chez Visteon, davantage de suppressions d'emplois et ses attaques directes contre les retraités -, Gettelfinger informe les constructeurs de pièces détachés qui ne reconnaissent pas les syndicats qu'ils n'ont rien à craindre de l'UAW. Et pour bien se faire comprendre, il fit savoir aux médias que c'était là effectivement l'un de ses objectifs dans les récentes négociations : rassurer les fournisseurs qui n'acceptent pas les syndicats.
L'UAW n'est pas le seul syndicat qui accepte d'imposer des sacrifices à ses syndiqués en échange de la possibilité de faire de nouveaux syndiqués. À Las Vegas - ville que les syndicats jugent modèle en matière de syndicalisme -, les dirigeants du syndicat des employés de l'hôtellerie et de la restauration, HERE (Hotel Employees & Restaurant Employees), ont accepté de faire des concessions sur l'organisation du travail dans les hôtels où il y a un syndicat en échange de l'autorisation de faire adhérer librement les travailleurs d'autres hôtels faisant partie des mêmes groupes. La volonté de montrer aux patrons à quel point ils savent être " responsables " est devenue une caractéristique de nombreux syndicats - avec l'argument que si le syndicat est autorisé à recruter de nouveaux membres, l'entreprise a beaucoup à gagner et peu, voire rien, à perdre.
" S'entendre avec les entreprises ", c'est désarmer la classe ouvrière
Les leaders de l'UAW ont fait également tous les efforts possibles pour démontrer leur " responsabilité " en matière de maintien de la paix sociale. Fin juillet 2003, des responsables de l'UAW de cinq entreprises se rencontrèrent pour discuter de l'organisation pratique d'une grève éventuelle - et ils se donnèrent du mal pour souligner le fait qu'il s'agissait d'une simple formalité. À la fin de la rencontre, des personnalités officielles locales s'adressèrent aux médias, en répétant le même refrain, presque avec les mêmes mots, comme s'ils avaient été dictés. Selon un trésorier local de l'UAW chez GM : " Je ne pense pas qu'il y aura une grève. Je ne pense pas que quelqu'un parmi nous pense qu'il y en aura une. Une grève aurait des conséquences dévastatrices pour nous et pour l'entreprise. Nous venons ici pour nous préparer mais, au fond de nous, nous ne pensons pas qu'il y aura une grève. Aucun de nous ne veut d'une grève. " Un président local de l'UAW chez GM fut encore plus direct : " Nos gars à l'usine et la plupart des gens ici savent que nous devons nous entendre avec les entreprises. On n'est plus à l'époque où on peut dire à son patron d'aller se faire voir. "
" S'entendre avec les entreprises " : les leaders de l'UAW peuvent le dire ouvertement aujourd'hui, mais ce sont des mots qui résument en fait toute leur politique depuis des années. L'UAW n'a appelé à une grève nationale chez aucun des trois grands constructeurs depuis 18 ans - et encore, il s'est agi alors d'une brève grève d'avertissement chez Chrysler. Les seules grèves organisées par l'UAW dans l'automobile depuis ont été des grèves locales - parfois organisées dans des usines prétendument stratégiques. Et même ces grèves ont été très peu nombreuses. La dernière grève locale importante dans l'automobile date de 1998.
La dernière grève importante touchant l'ensemble d'une compagnie appelée par l'UAW remonte à la grève qui dura 100 jours à General Motors en 1970, et qui permit d'obtenir le principe de la retraite après 30 ans de cotisation pour tous les travailleurs - à condition d'avoir travaillé 30 ans pour la même entreprise. Cela ne veut pas dire que cette grève entraîna une forte mobilisation des travailleurs, étant donné que, comme depuis de nombreuses années, les piquets furent réduits au minimum et les assemblées pour discuter du déroulement de la grève inexistantes. Les travailleurs ne furent certainement pas organisés pour planifier, organiser ou contrôler leur grève. Mais cette grève eut néanmoins un caractère combatif, ne serait-ce que parce que les patrons ne cédèrent que sous la contrainte à la revendication de la retraite après 30 ans de cotisation. Et cette grève développa aussi un certain sentiment de solidarité, car le syndicat doubla les cotisations des syndiqués de chez Ford et Chrysler pour renflouer la caisse de grève épuisée par le soutien à près de 500 000 grévistes de chez GM. Cette grève fut suivie attentivement à l'époque par d'autres travailleurs, et pas seulement dans l'automobile.
Le fait que le syndicat ait été si manifestement réticent à appeler à des grèves, ne serait-ce qu'au niveau de l'ensemble d'une entreprise, est allé de pair avec la disparition d'autres traditions de combativité et de solidarité qui existaient parmi les générations précédentes de la classe ouvrière. Malheureusement, ce n'a pas été une grande surprise de voir la section du Michigan de l'AFL-CIO annuler cette année la traditionnelle manifestation du mouvement ouvrier à Détroit lors de la journée des travailleurs (Labor Day), sur l'ordre de l'UAW, pour la remplacer par une " Fête des travailleurs ", deux semaines plus tard, au cours de laquelle l'une des principales activités fut de faire signer de grandes cartes postales anti-ALENA adressées au Congrès.
Ce que nous avons dit de l'UAW est vrai des autres syndicats - il suffit d'examiner la courbe des statistiques des grèves, en chute libre depuis les années soixante-dix. En 1974, il y eut 424 grandes grèves (c'est-à-dire des grèves impliquant plus de 1 000 travailleurs) et 1,8 million de travailleurs en grève. En 2002, il y en eut seulement 20, avec 47 000 travailleurs - c'est-à-dire moins de 3 % du nombre de grévistes de 1974 !
Et même les syndicats dits progressistes font tous les efforts du monde pour utiliser des moyens autres que la grève. Cela va des " campagnes d'entreprises " aux boycotts et au lobbying. La marche de la liberté des travailleurs immigrés (Immigrant Workers Freedom Ride) en est une assez bonne illustration. Elle ignore complètement la combativité dont certains travailleurs immigrés ont fait preuve dans les quelques situations locales où ils prirent eux-mêmes la tête de la mobilisation ces dernières années. Au lieu de cela, cette tournée en bus sponsorisée par l'AFL-CIO visait à faire du lobbying auprès des hommes politiques amis. Les leaders syndicaux adoptèrent le nom de la marche des militants des Freedom Rides de 1961, qui s'intégrait dans un mouvement qui lança la population noire dans des actions de rue contre les partisans de la ségrégation. Mais ils n'en ont repris que le nom.
La grève n'est pas la seule arme des travailleurs, mais elle reste celle qui leur permet de regrouper leurs forces pour peser ensemble sur les patrons dans les périodes ordinaires. Toute grève est une lutte dans laquelle s'expriment les rapports de forces réels dans l'entreprise, qui met à nu toute l'hypocrisie du discours selon lequel le patron et les travailleurs ont des intérêts communs. Et, dans la mesure où elle est décidée, mise en œuvre et contrôlée par les travailleurs et dirigée par des responsables élus par eux, la grève devient une école où les travailleurs prennent conscience de leurs capacités et de leur force, et grâce à laquelle ils apprennent à distinguer leurs alliés véritables de ceux qui veulent se faire passer pour leurs amis.
La raréfaction des actions militantes n'est pas seulement due aux politiques des responsables syndicaux. Il est manifeste que la conscience de classe des travailleurs joue un rôle déterminant dans toutes ces questions. Personne ne saurait affirmer que la combativité qui caractérisait la classe ouvrière et d'autres couches de la population dans les années soixante et soixante-dix existe toujours aujourd'hui. On en est loin. Mais ce que les bureaucrates syndicaux, à quelques rares exceptions près, ont fait pendant des années pour éloigner les travailleurs de toute action qui pourrait s'apparenter à la lutte ne peut qu'avoir contribué à rabaisser le niveau de conscience général des travailleurs.
Les syndicats représentent depuis longtemps les intérêts historiques généraux de la bourgeoisie, même si, dans leurs activités quotidiennes, ils peuvent défendre certains intérêts spécifiques immédiats des travailleurs. Mais dans le pourrissement général qui caractérise le capitalisme à l'âge de l'impérialisme, ils sont de moins en moins capables ne serait-ce que de mener une lutte pour des réformes immédiates. Dans son article inachevé sur les syndicats, écrit en 1940 (" Les syndicats à l'époque de la décadence impérialiste "), Trotsky insistait sur le fait que les syndicats " ne peuvent plus être réformistes, parce que les conditions objectives ne laissent plus de place aux réformes. Les syndicats de notre époque peuvent ou bien servir comme instruments secondaires du capitalisme impérialiste pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution, ou bien au contraire devenir les instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat. "
Dressé il y a plus de 60 ans, ce constat garde non seulement toute son actualité aujourd'hui, mais il a même gagné en pertinence, comme le montre l'effondrement total des syndicats devant le grand capital américain. Aux États-Unis, où s'est accumulée pendant des décennies une part toujours plus importante de la production mondiale de richesses, la classe ouvrière recule de plus en plus. Même ses couches prétendument " les plus privilégiées " subissent d'inexorables reculs.
Pour résister à cette offensive, les travailleurs ont besoin de syndicats dont la politique soit axée sur la défense exclusive des intérêts de la classe ouvrière, comme l'était celle du syndicat Industrial Workers of the World (IWW) du début du XXe siècle, dont les statuts contenaient la phrase suivante : " La classe ouvrière et la classe capitaliste n'ont rien en commun. " Les révolutionnaires, même s'ils sont très peu nombreux aujourd'hui, ont le devoir d'aider les travailleurs à se battre pour reprendre le contrôle de leurs syndicats et les transformer en instruments de lutte et de défense des intérêts généraux de la classe ouvrière contre la classe capitaliste.