Annexe : tract de l'OTR

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Septembre-Octobre 1994

Le texte qui suit est celui d'un tract, signé par l'Organisation des Travailleurs Révolutionnaires (OTR), qui a circulé dans certains quartiers pauvres de Port au Prince et de villes de province.

"Le Conseil de Sécurité vient de donner aux dirigeants américains carte blanche pour envahir Haïti au moment choisi.

La population pauvre a eu plusieurs réactions face à cette annonce.

Certains, par exemple, ont fait leur valise, quitté la capitale pour s'installer en province.

D'autres aimeraient qu'un débarquement ait lieu pour que des étrangers les débarrassent de Cédras et de Michel François.

C'est pourtant clair : laisser la capitale n'est pas une solution ; la répression s'étend à tous les coins du pays : au fin fond de Chadonyè par exemple, dans la zone sud, un caporal qui se fait appeler Saddam Hussein, par pur plaisir, a massacré à coups de bâton un curé et un séminariste.

De plus, nous savons tous quel calvaire font subir les chefs de sections, les "secoueurs de rosée", aux habitants des campagnes.

Il est clair aussi que nous ne pouvons compter sur nos ennemis pour défendre nos intérêts, quelles que soient les circonstances. Et puis, même si les Américains destituaient quelques-uns des criminels militaires, que se passerait-il après ? La répression, les coups continueraient toujours parce que le reste de l'armée demeurerait. L'histoire est là pour nous le rappeler : Namphy, J.-C. Paul, Avril, Regala, etc., ne font plus partie de l'armée ; cependant rien n'a changé pour les pauvres. Au contraire, c'est pire !

Parmi ceux de la population d'accord pour l'invasion américaine, il y en a qui disent même qu'ils préfèrent la répression blanche à la répression

haïtienne. Cette façon de raisonner n'est pas juste. Chien blanc, chien noir, c'est la même morsure ! Et c'est toujours la population pauvre la victime. Alors, il ne s'agit point de choisir la couleur du chien qui nous dévorera, mais de se battre pour que plus jamais un chien ne nous morde et ce quelle que soit sa couleur.

En cas d'invasion, les militaires blancs ne feront qu'aider les militaires haïtiens à nous massacrer au cas où nous nous dresserions contre cette dictature criminelle.

Nous pouvons d'ailleurs déjà le constater ; dès que le Conseil de Sécurité a donné carte blanche aux USA, l'armée haïtienne a déclaré la guerre à la population. D'état de siège en état d'urgence, arrestations, disparitions, mauvais traitements, exécutions se multiplient.

Les bourgeois sont de la partie. Ils sont en train de nous affamer avec le marché noir. La plupart des gens dans les quartiers populaires ne peuvent plus faire bouillir la marmite.

Aux enfants comme aux vieux, il ne reste que la peau et les os.

C'est pourquoi nous ne pouvons rester les bras croisés à regarder ou bien à attendre l'intervention étrangère.

C'est nous-mêmes, seule la masse pauvre, qui pouvons résoudre les problèmes de la répression et de la faim, si nous organisons notre force dans nos quartiers.

L'armée d'Haïti, les dirigeants américains savent quelle bombe représentent les quartiers pauvres, bombe capable de leur exploser au visage à n'importe quel moment, vu la situation actuelle [].

Commençons à préparer le matériel qui faciliterait cette explosion, c'est la seule façon de nous en sortir !

Organisation des Travailleurs Révolutionnaires (OTR)

Vendredi 5 août 1994"