L'ex-Yougoslavie livrée à la barbarie des nationalismes et du système impérialiste

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Mai 1999

Le désastre général entraîné pour les peuples par l'agression militaire impérialiste en Yougoslavie, la cruauté et l'ampleur de leurs souffrances, les destructions innombrables qui anéantissent des années d'efforts, ne peuvent inspirer qu'une révolte sans borne.

Six semaines après son déclenchement, le 24 mars, nul ne peut plus réellement croire que l'objectif de cette intervention était de porter secours à la population albanaise du Kosovo. On ne peut, en vérité, demander à des gangsters de protéger les peuples contre d'autres gangsters !

Et, en dépit de la propagande de l'Otan, affirmant que les conséquences de son intervention sur la politique de Milosevic n'étaient pas prévisibles, et qu'elle aurait "découvert" que ce régime avait de longue date des plans de "purification ethnique" du Kosovo, en réalité, l'exode massif était anticipé dans les sommets de l'Otan, mais comme un "dommage collatéral", en quelque sorte. Car ce n'est pas leur problème (on a pu constater que rien n'était prévu, manifestement, pour accueillir décemment les centaines de milliers de réfugiés kosovars fuyant les massacres, et on constate que six semaines d'une déportation de masse n'ont toujours arraché à l'Otan en matière d'aide humanitaire que quelques effets d'annonce sans suite).

Les dirigeants impérialistes ont décidé cette guerre d'un commun accord ; ils l'ont préparée tout en feignant d'organiser des négociations de paix entre les représentants de Milosevic et les nationalistes albanais-kosovars à Rambouillet et à Paris. Ils la voulaient (même si elle les a déjà entraînés plus loin peut-être qu'ils ne l'avaient envisagé au départ).

La voulaient-ils parce que Milosevic opprimait les Albanais du Kosovo depuis quelque dix ans, et que ses forces armées les avaient brutalement attaqués au cours de l'année 1998, chassant la population d'une série de villages de chez elle ? Non, bien sûr. Sans aucun doute, Milosevic faisait tout cela, mais les responsables des pays impérialistes l'ont laissé le faire, avec leur feu vert au moins tacite.

L'aspect "purification ethnique" n'est pas ce qui dérange les dirigeants impérialistes dans la politique de Milosevic. En tout cas, leurs bombardements, en lui permettant de museler son opposition en Serbie, lui ont permis d'opérer en grand à cet égard, au Kosovo.

Comme en Bosnie, où les dirigeants occidentaux ont laissé les bandes nationalistes en guerre procéder à une redistribution des territoires entre elles par la force, le temps nécessaire pour parvenir à un "équilibre" auquel ils ont ensuite donné leur consécration officielle, de même aujourd'hui leur intervention prête la main aux menées criminelles de l'armée et des bandes nationalistes serbes qui "vident" le Kosovo de sa population albanaise.

Mais la violente répression de Milosevic à l'encontre de cette population comportait d'emblée de sérieuses menaces pour la stabilité régionale tous les commentaires l'ont souligné. En suscitant un mouvement de révolte armée grandissant, revendiquant l'indépendance du Kosovo ou son rattachement à l'Albanie, elle risquait d'aboutir à une remise en cause des frontières étatiques existantes, ce dont les dirigeants impérialistes ne voulaient absolument pas, ainsi qu'ils l'ont martelé.

Ils en sont donc venus à l'emploi de la force dans le but de faire rentrer Milosevic dans le rang, de l'obliger à se montrer docile à la loi des grandes puissances, de faire prévaloir leur volonté. Et dans le but, au-delà de Milosevic, de faire la démonstration par le fer et le feu que, par dessus les crapules dirigeantes et les potentats locaux, les puissances impérialistes demeurent les vraies maîtresses de la destinée des peuples de la région.

Quant à la stabilité des Balkans, c'est une amère ironie de constater que les pires menaces pour elle proviennent en fait des menées de l'Otan.

La responsabilité des puissances impérialistes

Le désastre actuel est évidemment l'aboutissement de l'évolution politique interne de la Yougoslavie depuis deux décennies, mais le rôle joué par les puissances impérialistes dans cette évolution en complicité, certes, avec les cliques dirigeantes locales a pesé d'un poids décisif pour conduire à cet aboutissement. Leur responsabilité est écrasante.

Dès les premiers tiraillements sérieux à l'intérieur de la Fédération yougoslave, dans les années quatre-vingt, leurs dirigeants ont montré que c'était la perspective de sa dislocation qui les intéressait. Pas le souci de la stabilité de la fédération laissée en héritage par Tito, mort en 1980.

Cette Yougoslavie n'était certainement pas un modèle. C'était une dictature, dans laquelle les travailleurs étaient exploités et les peuples muselés au besoin par des méthodes policières. Mais au moins ces multiples peuples composant la mosaïque yougoslave cohabitaient, se mêlaient de plus en plus, le temps passant, et pouvaient établir d'autant plus de liens variés qu'ils pouvaient se déplacer dans l'ensemble de l'espace yougoslave qui formait leur pays et se sentir simplement yougoslaves plutôt que serbes, croates ou autres.

Pour aboutir à cela, Tito et son équipe avaient dû mener une politique volontariste, depuis l'époque de la Deuxième Guerre mondiale où ils avaient constitué leur armée sous le drapeau de l'union entre les peuples de la Yougoslavie, avec un commandement au pluri-ethnisme affiché. Cette volonté de faire prendre une sorte de ciment yougoslave à partir des micro-nationalismes fut un axe majeur de toute leur politique. Certes, répétons-le, le "yougoslavisme" titiste avait sa limite dans sa nature même étant lui-même un nationalisme, que le régime ne se faisait bien évidemment pas faute d'exalter. Mais l'expérience aura au moins démontré car il n'y a aucune "malédiction balkanique" qui tienne qu'une politique visant systématiquement la coexistence pacifique entre les différents peuples, avec la résorption progressive des ressentiments du passé, était en tout cas possible.

Ce type de politique-là, les dirigeants impérialistes n'ont absolument pas cherché à l'encourager au sein du personnel politique local. Ils n'avaient déjà pas soutenu Tito. Au contraire. Bien loin de rechercher et d'appuyer les forces et les hommes qui auraient pu agir dans le sens du maintien de la collaboration entre les peuples, quand la Yougoslavie est entrée en crise aiguë au cours des années quatre-vingt, ils ont renoué avec leur passé face aux Balkans : l'Allemagne d'un côté, la France et la Grande-Bretagne de l'autre, ont entrepris d'avancer chacune leurs pions. Ce qui les puissants moyens de pression de pays riches se conjuguant avec la soif de pouvoir et d'enrichissement des cliques en mal de fiefs dans les différentes républiques yougoslaves ne pouvait manquer d'envenimer leur concurrence et de pousser aux séparatismes.

L'encre du traité de Maastricht n'était pas sèche que cette Union Européenne qu'il prétendait fonder patronnait la dislocation de ce qui était en train de devenir l'ex-Yougoslavie. Les puissances européennes, l'Allemagne en tête, s'empressèrent de reconnaître les sécessions slovène et croate, qui avaient tous leurs encouragements, si tant est que les Tudjman et les Kucan n'avaient pas eu leur accord préalable.

Si les puissances impérialistes ont fait preuve d'un volontarisme politique, en présence de la désintégration de la Yougoslavie, il s'est exercé en faveur des différents chefs micro-nationalistes, chacune ayant son ou ses poulains, pas seulement Tudjman et Kucan, mais aussi Milosevic ou Izetbegovic.

Tous les dirigeants installés à la tête des Etats successeurs ont accédé au pouvoir en se servant de la démagogie micro-nationaliste, par opposition au nationalisme yougoslave du temps de Tito, et tous ont reçu l'aval des puissances impérialistes consacré par l'admission de ces Etats à l'ONU, et avec quel empressement : en l'espace de quelques mois à peine. En poussant ainsi à la création de ces nouveaux Etats, les grandes puissances montraient simplement que chacune d'elles espérait pouvoir ainsi faire plus facilement des affaires avec tel ou tel Etat indépendant.

Les dirigeants occidentaux ne pouvaient ignorer que c'était là la pire politique possible. Créer de tels Etats, aux objectifs mono-ethniques proclamés, imposer des frontières étatiques là où n'existaient que des subdivisions administratives, c'était du même coup, vu les mélanges de populations dans ces territoires, transformer des groupes entiers de populations en minorités opprimées au sein d'Etats hostiles, cherchant à s'agrandir en tant qu'Etats-nations. Autant dire des Etats aux mains de chefs de guerre impitoyables, pour lesquels leurs "frères" minoritaires dans le fief voisin allaient servir de prétextes, de masse de manoeuvre et d'aliment à leur démagogie nationaliste, tandis que leur politique dans leur propre Etat et dans les territoires conquis se résumerait à l'infamie de la "purification ethnique".

Tout cela la guerre serbo-croate, le dépeçage de la Bosnie, aujourd'hui la déportation du peuple albanais du Kosovo était contenu dans la logique de la décomposition de l'ensemble yougoslave telle qu'elle s'est passée, à l'initiative des couches dirigeantes de l'ex-Yougoslavie et en même temps facteur plus décisif avec l'impulsion et la tutelle des puissances impérialistes.

Les racines du désastre : pillage et sous-développement économiques

Les puissances impérialistes occidentales portent une responsabilité directe dans les enchaînements qui ont abouti à la désintégration sanglante de la Yougoslavie et au drame actuel du Kosovo. Mais l'impérialisme porte une responsabilité plus profonde encore, qui a ses racines dans le sous-développement économique de la région.

Après la mort de Tito, la crise de succession et la course au pouvoir des chefs de cliques antagonistes sont restées relativement feutrées pendant plusieurs années ; le système politique fédéral que Tito laissait en héritage, avec sa présidence tournante entre les différentes républiques constitutives de la fédération, a tenu bon, malgré des cahots, jusqu'en 1990-91. Mais le contexte était celui d'une dégradation brutale d'une situation économique déjà précaire.

Le pillage de ces contrées par les capitaux occidentaux ne date pas d'hier. La Yougoslavie formée en 1918-1919 sur les décombres des empires ottoman et austro-hongrois était déjà passée à l'époque sous la coupe, selon les régions, des intérêts austro-allemands et franco-britanniques. Qui plus est, les interventions guerrières périodiques ont entravé toute possibilité pour la région de sortir du dénuement et de l'oppression. On peut rappeler que la Première Guerre mondiale fut précédée par deux guerres "balkaniques" successives, derrière lesquelles les visées des camps impérialistes rivaux étaient manifestes.

Et les conséquences des deux guerres inter-impérialistes mondiales, au cours desquelles les Balkans servirent de champ de bataille, furent encore plus dramatiques.

Par dessus le marché, la Yougoslavie eut à subir, après la fin de la deuxième de ces guerres, le blocus économique imposé par l'URSS de Staline. Si bien que, si la Yougoslavie titiste a fini par s'intégrer peu à peu dans le circuit économique de l'Occident capitaliste, ce ne pouvait être que dans une position de subordination et de dépendance. Et c'est dans la position des pays pauvres et dépendants qu'elle eut à affronter la crise économique.

La fédération a été bien vite mise à mal par les tensions et les conflits d'intérêts qui en résultèrent inévitablement, en particulier à cause des inégalités entre régions très pauvres (Kosovo, Macédoine, Monténégro) et régions moins défavorisées (Slovénie, Croatie). Il faut souligner à ce propos que le fonctionnement du marché capitaliste a puissamment contribué à accentuer ces inégalités régionales, comme il le fait partout (on le voit en particulier en Italie). Les intérêts capitalistes austro-allemands étaient très présents en Slovénie et en Croatie, liés à ceux des couches dirigeantes, et tiraient parti de l'inégalité de développement à l'intérieur de la Yougoslavie elle-même. Ce n'est pas un hasard si des séparatismes à base économique se firent jour de plus en plus nettement dans ces régions, au sein des couches privilégiées qui cherchaient à se désolidariser d'une fédération en crise. Et ce n'est pas un hasard si les groupes capitalistes les ont envisagés favorablement.

Bien entendu, comme pour tant d'autres pays en proie à la pauvreté, les créanciers impérialistes de la Fédération yougoslave (dans les années quatre-vingt, celle-ci se retrouvait avec un endettement de quelque 20 milliards de dollars) lui ont mis le couteau sur la gorge. Les couches dirigeantes se sont alors attaquées aux classes populaires, à la classe ouvrière en premier lieu, en imposant une augmentation massive du chômage et une brutale diminution du niveau de vie de la population qui ramenait celle-ci vingt ans en arrière.

C'est face aux menaces d'explosions sociales que les différentes cliques dirigeantes ont alors renoué avec le traditionnel instrument de domination des privilégiés dans les Balkans : la fuite en avant délibérée sur le terrain de la démagogie nationaliste. C'était l'expression d'un choix et d'une volonté politiques, face à la crise. Et c'est ainsi qu'elles ont fait resurgir volontairement les antagonismes, les ressentiments hérités d'un bon siècle d'exploitation par l'impérialisme, et en particulier de ses guerres, quand elles ne les ont pas suscités, en trouvant pour cette sale besogne, en Serbie comme en Croatie et ailleurs, le concours actif d'une grande partie de leurs intellectuels, romanciers, hommes de médias, etc. Avant de s'appuyer, en plus de cette pègre intellectuelle, sur la pègre tout court, ses chefs de bandes et ses hommes de main, et leurs méthodes d'assassins.

Il reste que, pour expliquer le fait que ces bandes et leurs chefs ont pris le poids et l'ascendant que l'on sait, il faut en revenir aux raisons de fond : la pauvreté croissante, le chômage massif, la situation de crise économique aiguë, n'offrant aucun espoir aux masses populaires et excitant en revanche autour du maigre gâteau la rapacité de tous ceux qui détiennent le moindre pouvoir. Une simple et misérable anecdote : aujourd'hui même, les dirigeants de l'Etat bosniaque, ministres, dirigeants politiques, en sont à se disputer les... logements récupérés grâce aux positions qu'ils ont occupées à la faveur de la guerre.

Des conséquences présentes et futures désastreuses pour l'ensemble des pays balkaniques

Les dirigeants impérialistes se montrent préoccupés de la stabilité des Etats, mais ils se soucient avant tout des intérêts de leurs capitalistes. La stabilité de la Yougoslavie, on a vu le cas qu'ils en ont fait : ils l'ont maintenue dans la pauvreté et l'arriération et, à l'heure de la crise, ils ont mis leur poids et leurs moyens au service de la politique la plus nuisible à son unité, celle du soutien aux différents dirigeants nationalistes, qui menait à sa destruction. L'ex-Yougoslavie dans son ensemble, à l'issue des années de guerre et de la paix de Dayton (novembre 1995), était déjà saignée à blanc. Plusieurs centaines de milliers de morts, plusieurs millions de personnes "déplacées", réfugiées, exilées, des économies aux dimensions restreintes et où le peu qui n'est pas anéanti est approprié et mis en coupe réglée par les cliques mafieuses, où l'appareil d'Etat se réduit, au sens littéral de l'expression d'Engels, à des bandes d'hommes armés.

Et on aboutit aujourd'hui à la guerre menée par l'Otan en Serbie et au Kosovo, au nom de la loi des grandes puissances, qui donne une autre ampleur encore au malheur des peuples.

Mais le désastre va plus loin encore. C'est toute la région des Balkans qui est aujourd'hui, de proche en proche, en passe d'être déstabilisée par l'intervention militaire de l'Otan.

Celle-ci entraîne la militarisation croissante de ces pays. Déjà, la misérable Albanie a été transformée en porte-avions et en garnison pour le compte des Occidentaux (pas pour les secours aux réfugiés !) ; en Macédoine, il y a plus de soldats occidentaux que n'en compte l'armée locale tout entière. Et la plupart des pays environnants à leur tour ont été amenés, de plus ou moins bon gré, à mettre leur espace aérien et une partie de leurs infrastructures au service de l'Otan.

Economiquement, outre les dégâts infligés à l'économie de la Serbie, la paralysie gagne les échanges commerciaux, notamment le trafic sur le Danube, entraînant les pires conséquences sur les productions agricoles et industrielles de pays déjà en proie au dénuement. La Macédoine, qui trouvait en Serbie l'essentiel de son marché d'exportation, est en train de sombrer, l'Albanie s'enfonce plus que jamais dans la misère et le chaos. Au-delà, les circuits économiques sont disloqués, la Roumanie, la Bulgarie appellent au secours.

Les organismes financiers de l'impérialisme, les gouvernements des pays occidentaux prétendent travailler à des programmes d'aide économique pour l'après-guerre. On a parlé de reconstruction, de nouveau "plan Marshall"... Ces belles paroles, ces promesses sont d'une hypocrisie sans nom, car on sait ce qu'elles recouvrent, et qui n'est pas destiné au soulagement des populations : à savoir l'aubaine de nouvelles sources de profits pour les "reconstructeurs" capitalistes après les marchands d'armes , les Bouygues et autres Alcatel pour ce qui est des capitalistes français, et les banquiers derrière eux. Les créanciers impérialistes ne songent même pas à lâcher prise : tout au plus parlent-ils d'alléger un peu, une partie du poids des intérêts de la dette, pour certains des pays concernés... Les créanciers du Club de Paris viennent d'accepter seulement un différé des paiements dus par l'Albanie et la Macédoine au titre de leur dette extérieure, et jusqu'au 31 mars 2000 seulement, cette même Albanie et cette même Macédoine que les pays de l'Europe riche laissent faire face pratiquement seules au poids que représente l'arrivée de plusieurs centaines de personnes refoulées du Kosovo.

Le cynisme des impérialistes ne connaît pas de bornes.

Et déjà se profile la gué-guerre économique entre prétendants capitalistes au partage du gâteau sanglant, la presse économique ne le cache pas. Comme cela a été le cas, pour nous en tenir à la Yougoslavie, dans la Bosnie dévastée mais en bien plus grand.

Sans oublier les menaces de déstabilisation interne dans des pays comme la Bulgarie, la Roumanie, la Grèce, dont les Etats font partie de l'Otan ou demandent à le faire tandis qu'une partie au moins de leur population manifeste massivement contre ses bombardements et en faveur du peuple serbe, ce qui crée de nouveaux foyers de tensions explosives.

Cette nouvelle guerre dans les Balkans non seulement n'apporte que la mort et les ruines en guise de reconnaissance du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais elle ne résoudra aucun des problèmes existants, et sûrement pas celui de la pauvreté et du sous-développement économique qui en sont à la racine. Au contraire, ces problèmes n'en seront qu'aggravés, de même que ces pays seront plus que jamais enfoncés dans leur état de dépendance et de sujétion face aux puissances impérialistes. Les peuples des Balkans n'ont pas fini de payer le prix fort pour cette guerre qui est menée avant tout contre eux.

* * * * * *

Aucun choix n'a été laissé aux peuples de l'ex-Yougoslavie. Ni d'en haut, au niveau de l'Europe qui se dit unie et ne l'est qu'au niveau de ses financiers, mais mène la guerre contre ses peuples parmi les plus petits et les plus pauvres. Du point de vue des intérêts des peuples, les grandes puissances d'Europe occidentale ont toujours mené la politique inverse de celle qui leur aurait été utile.

Ni sur place, où seules des politiques nationalistes rivales ont été présentées, pour ne pas dire imposées, aux peuples. Ceux-ci sont restés des victimes et des otages bien plus que des acteurs volontaires des conflits, ils ne se sont vu offrir aucun autre choix politique qu'entre les nationalismes exacerbés.

Pour les révolutionnaires communistes, ce problème n'est pas nouveau.

Militant pour le renversement de l'ordre bourgeois, du système d'exploitation capitaliste, qui entretiennent et renouvellent en permanence toute une série d'oppressions et d'injustices, ils ne peuvent évidemment pas ignorer la force des sentiments, et des préjugés, d'ordre national. On peut constater l'existence de tels préjugés dans la vie courante de la plupart des pays, sans parler des périodes de l'histoire où ils deviennent dramatiquement nuisibles lorsque la crise économique, l'extension du chômage, de la misère et du désespoir prennent des proportions catastrophiques et que des démagogues tels que Le Pen peuvent s'en servir, en les aggravant.

Face à ces problèmes, les révolutionnaires communistes ont une réponse à offrir aux peuples, et depuis bien longtemps.

Au tournant des XIXe et XXe siècles, les mouvements socialistes qui se développaient sous le drapeau du marxisme dans les jeunes Etats du sud-est européen, Bulgarie, Roumanie, Serbie, et qui se donnaient pour tâche de combattre l'ordre social existant, responsable du sous-développement de leur région convoitée par les grandes puissances, se trouvèrent d'emblée confrontés à la question nationale. Sans transiger avec les principes de l'internationalisme, et en réaction contre les nationalismes ambiants, ils avancèrent l'idée d'une Fédération des républiques démocratiques balkaniques englobant l'ensemble des nationalités vivant dans le sud-est européen, s'appuyant sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à former des Etats nationaux.

Ils savaient bien que même la révolution sociale ne pourrait suffire à faire disparaître du jour au lendemain les préjugés nationaux, et ils eurent à coeur de proposer une perspective à l'ensemble des peuples opprimés des pays balkaniques et, opprimés, ils le furent plus ou moins tous, tour à tour , une perspective de cohabitation fraternelle, se plaçant du point de vue de leur intérêt commun.

Ce programme est toujours d'une tragique actualité.

Une cohabitation fraternelle durable entre les peuples des Balkans, ce n'est pas une perspective utopique, à condition que s'impose la volonté politique, claire et ferme, de se placer au service de l'intérêt commun des peuples.

Un pouvoir défendant les intérêts réels de ces populations mêlées mènerait une politique volontariste au service de leur coexistence pacifique.

Disons d'emblée que, loin bien sûr de rechercher quelque stérile homogénéisation ethnique, de viser une quelconque uniformisation, les révolutionnaires communistes voient au contraire dans la variété des peuples une source d'enrichissement, dont la collectivité pourrait profiter dans tous les domaines de sa vie sociale.

Déjà, un tel pouvoir au service des classes populaires, en se donnant d'emblée les moyens de faire table rase de la vieille domination des classes privilégiées, serait à même de s'attaquer aux racines du sous-développement économique, générateur de misère et d'inégalités sociales. Il appliquerait sa volonté notamment à rechercher les voies pour surmonter les inégalités de développement entre les différentes régions, pour tarir les sources économiques des inégalités dans le sort matériel des diverses communautés. Mais il est clair qu'une telle politique se trouverait en même temps devant la nécessité d'offrir une réponse au problème posé par les préjugés nationaux, dont la disparition ne peut être que progressive, même après une révolution sociale.

Elle commencerait par affirmer, à travers des actes et pas seulement en paroles, le droit de tous les peuples à décider de leur avenir, aussi minoritaires soient-ils, le droit de se séparer ou au contraire de se rattacher à qui ils veulent, de voir respecter leurs préférences linguistiques bien évidemment, tout en s'entendant avec leurs voisins, et au-delà, pour les aspects de la vie économique et sociale qui exigent une vaste échelle.

Et un pouvoir socialiste, communiste, se donnerait, simultanément, pour tâche de combattre les préjugés nationaux, les obscurantismes qui les renforcent, et qui dressent les peuples les uns contre les autres ; il s'attacherait à encourager et à promouvoir, par sa politique, par l'éducation, la propagande, l'accès à la culture, toutes les tendances à la coopération entre les peuples.

Non, les haines nationales et les guerres inter-ethniques, derrière lesquelles le jeu des grandes puissances n'est jamais loin, ne sont pas une "fatalité", pas plus dans les Balkans qu'ailleurs. Mais seule la politique proposée par les révolutionnaires communistes peut ouvrir la perspective d'un avenir qui en serait débarrassé. Car, sous la coupe de l'impérialisme et de ses relais, on le voit, toute "solution" n'est qu'un leurre, quand elle n'aboutit pas à attiser le feu et à aggraver sans cesse le sort des peuples.