La monnaie unique n'est qu'un aménagement adopté à grand peine par les Etats européens sous la pression de la situation de crise et d'instabilité. Elle est l'élément indispensable de la création d'un marché intérieur comparable à celui des Etats-Unis, susceptible de permettre aux groupes capitalistes européens de produire à l'échelle de plusieurs centaines de millions de consommateurs. Les groupes capitalistes européens espèrent, à tort ou à raison l'avenir le dira, que ce vaste marché intérieur leur donnera une base arrière pour mieux se défendre sur le marché mondial.
Et puis, ses créateurs espèrent que la nouvelle monnaie, l'euro, parviendra à se hisser au niveau du dollar, ou du moins du yen, dans les transactions internationales ainsi qu'en tant que monnaie de réserve pour des banques centrales de pays tiers. Car même si, à certains moments dans le passé, une monnaie européenne comme le mark allemand a pu apparaître plus forte que le dollar, il n'était évidemment pas question qu'elle puisse s'y substituer. Il n'y avait pas assez de marks pour cela, et l'économie allemande toute seule n'avait pas l'envergure nécessaire pour en fabriquer plus. Il en ira différemment d'une monnaie s'appuyant sur l'ensemble de l'économie de l'Europe occidentale.
Est-ce que l'euro aura vraiment cet avenir ? Et surtout quelle sera la solidité de cette construction, notamment si une véritable crise financière éclate ? La monnaie unique ne signifie même pas que c'en est fini des oppositions d'intérêts entre les différents Etats européens. Nous sommes à l'époque du capitalisme impérialiste, une époque où, du fait de son instabilité et de sa crise profonde, tous les aspects les plus rétrogrades du système capitaliste peuvent très vite prendre le dessus.
Même si aujourd'hui ils prennent la voie de s'unifier sur le plan monétaire, les Etats européens ne sont pas près de s'unifier politiquement. Cela signifie qu'en cas de crise, chaque gouvernement garde la possibilité de jouer son propre jeu.