France - Les mutants de l'Arche de la Défense - La difficile recherche de réinsertion du PCF

打印
Janvier-Février 1997

Le 29e congrès du PCF s'est tenu cette fois encore dans l'une des municipalités dirigées par le PCF, à Nanterre. Encore fallait-il le savoir, car le site choisi ne passe pas pour être un haut lieu de la tradition ouvrière. En effet, la grande Arche de la Défense, dominant les tours au fronton desquelles rivalisent les sigles de groupes industriels et financiers, symbolise plutôt le monde des affaires que celui du travail. Une manière de confirmer l'image que les dirigeants du PCF entendent donner depuis quelque temps déjà de leur parti ; une façon d'afficher un peu plus une rupture avec un passé qui, au goût de sa direction, lui colle encore trop à la peau et de souligner cette "mutation" qui est devenue le maître-mot, répété depuis des mois jusqu'à plus soif et bien entendu au cours de ce congrès lui-même. Des gratte-ciel, du béton, des néons... mais plus de faucille et de marteau dans la décoration centrale : les dirigeants du PCF n'ont pas fait dans la dentelle pour que leurs intentions soient bien perçues.

Cette volonté de rupture s'est exprimée, bien évidemment, de façon tout aussi ostensible, dans les interventions de la plupart des dirigeants et des délégués. Ainsi, par exemple, la notion de lutte de classe, jugée trop restrictive, et déjà fort peu présente dans les textes des précédents congrès, a cédé la place à celle d'"intervention citoyenne". Ainsi, encore, le PCF n'a plus officiellement pour objectif, même virtuel, "l'abolition du capitalisme" mais prétend agir pour son "dépassement". Robert Hue, justifiant cette révision elle aussi déjà nettement amorcée depuis des années , expliquait : "la vie a prouvé qu'il ne suffit pas de décider de l'abolition du capitalisme pour qu'elle soit effective. C'est la volonté de réussir réellement la transformation du capitalisme et pas seulement de le proclamer qui nous conduit à modifier notre formulation... L'expérience enseigne qu'en matière politique et sociale comme dans la vie même, rien ne se détruit sans que du même pas on construise. En d'autres termes, la direction du PCF envisage, et le précise désormais de plus en plus nettement noir sur blanc dans son programme, que la construction graduelle du socialisme se fera au sein même du système capitaliste... qui, assure-t-elle, sera un jour dépassé... sans doute, on peut le supposer, à l'insu des capitalistes eux- mêmes et de leurs partisans. A moins que les plus intelligents de ces capitalistes ou de leurs représentants politiques mettent eux-mêmes la main à la pâte pour oeuvrer à ce dépassement. C'est la position que défend, depuis des années, par exemple Philippe Herzog, qui profita de la tribune qui lui fut complaisamment laissée pour annoncer qu'il quittait le parti car "il n'était plus communiste depuis longtemps", même à la manière dont le PCF était communiste. Ce qui ne l'a pas empêché ces dernières années de siéger à sa direction, d'être choisi pour conduire la liste du PCF aux élections européennes en 1989 et d'animer, à partir de la fin de 1990, un groupe de réflexion dénommé "Confrontation" qui rassemblait des personnalités comme Michel Rocard et des personnalités connues du patronat et du CNPF.

Il est pour le moins osé de prétendre qu'une telle démarche soit nouvelle et moderne.

L'idée d'une transformation graduelle, progressive, du capitalisme est au moins centenaire au sein du mouvement socialiste. Ce qui ne la rend pas vénérable pour autant. "L'intervention citoyenne" fait partie de ces fleurs de rhétorique, pas de la première jeunesse, qui émaillaient les discours des "républicains" de tout poil du XIXe siècle.

En fait, ce que la direction du PCF feint de redécouvrir, ce qu'elle revalorise, y compris en en reprenant tels quels le vocabulaire et les symboles, ce sont des vieilleries réformistes qui ont fait la démonstration, pas seulement de leur indigence, mais de leur nocivité pour la classe ouvrière et le mouvement ouvrier.

Hue invoque "l'expérience de la vie et ses enseignements", faisant ainsi allusion au stalinisme qui prétendait "décréter l'abolition du capitalisme", et aux ravages que ce stalinisme a provoqués. Constatons en passant que le PCF a mis bien du temps à apprendre ces "leçons de la vie" sans même chercher à les comprendre puisqu'il ne condamna le stalinisme (celui qui régna en URSS) que dans les années soixante-dix. C'est-à-dire nettement après que celui-ci eut été répudié officiellement mais pas aboli par ses héritiers en URSS même. Il y aurait beaucoup à dire sur cette question, et sur la façon dont le PCF l'a traitée. Ce n'est pas notre propos dans cet article. Mais, en revanche, force est de constater que Hue n'a pas eu un mot pour évoquer le bilan du réformisme qui, durant la même période, a eu une lourde part de responsabilités dans les revers subis par le mouvement ouvrier et la classe ouvrière au cours de ce siècle.

Outre son rôle de fossoyeur de la révolution russe, le stalinisme a fait hors d'URSS des ravages sanglants et désastreux, dont les staliniens français partagent la responsabilité. Et cela, pas par excès d'esprit révolutionnaire, mais à l'inverse par réformisme, en s'alignant sur le Parti socialiste, comme en 1936, dans les années de l'immédiat après-guerre où il n'était plus question non plus de lutte de classe, ou plus près de nous, en 1981. La liste des exploits des dirigeants des partis réformistes au service de la bourgeoisie, de leurs crimes à l'égard de la population laborieuse de ce pays et des peuples que l'impérialisme français a maintenus sous la férule coloniale, n'a rien à envier à celle des staliniens.

En fait, ce que les dirigeants du PCF ont voulu faire apparaître, au sommet de l'Arche de la Défense, n'avait rien, absolument rien de neuf. Pas plus que n'est nouvelle la politique qu'ils proposent. Hue s'est d'ailleurs chargé de le rappeler d'une certaine manière en expliquant que les positions actuelles du PCF étaient l'aboutissement d'une longue évolution, dont il situe et il n'a pas tort les débuts dans les années trente. La mutation vient de loin, a-t-il déclaré, « au moment où notre parti prit l'initiative qui allait permettre le Front populaire. Quelle période ce fut ! Avec cette réflexion sur la Nation, l'union du drapeau rouge et du drapeau tricolore, de «l'Internationale» et de «la Marseillaise». Avec l'audace de l'appel lancé «aux frères ennemis», seulement quatorze ans après la scission qui avait séparé communistes et socialistes. Avec l'importance accordée à la démocratie pour la République face à toutes celles et tous ceux qui voulaient l'abattre. Avec la main tendue aux croyants.

A voir ce qu'était le Parti de la fin des années vingt divisé, squelettique, qui tenait plus d'une secte que d'un parti et ce qu'il est devenu alors grâce à tous les efforts qui allaient permettre la victoire de 1936, ne peut-on véritablement parler d'une «première mutation» ? Je le pense, pour ma part. Et ce Parti communiste français offensif, créatif, rassembleur, des années trente, a réussi à faire entrer et avec quel éclat ! et avec quelle puissance ! la classe ouvrière sur le devant de la scène politique. Non seulement par la conquête des droits et des devoirs, mais en investissant la vie nationale, la société française.
Constructif, notre parti le fut résolument alors, comme il le sera dans cet élan contribuant à la force de la Résistance française, et ensuite à la grandeur de la reconstruction du pays libéré. D'ailleurs, n'est-ce pas cet effort constructif qui habite nos mémoires et nos coeurs, avec ces conquêtes qui s'appellent les congés payés, les nationalisations, le droit de vote des femmes, le statut de la fonction publique ? ». Cet éclairage des soixante dernières années de l'histoire du PCF est significatif de la façon dont sa direction actuelle entend valoriser son passé et son bilan, significatif du profil sous lequel elle entend se présenter aux yeux de la bourgeoisie, significatif, pour tout dire, de la trajectoire sur laquelle elle se place pour décrire son avenir. Cette façon de présenter les choses a tout à fait l'allure d'un curriculum vitae, d'une lettre d'offre de service adressée à la bourgeoisie.

Mais il y a un autre volet à cette même histoire que Hue passe sous silence, sans doute parce que ce sont des choses qui vont sans dire. Ce sont les conséquences de cette politique pour la classe ouvrière. A partir des années trente, la politique du Parti communiste n'eut pas pour objectif, ni comme résultat, contrairement à ce que prétend Robert Hue, de permettre à la classe ouvrière d'occuper "le devant de la scène politique... en investissant la vie nationale, la société française". Elle consista, au contraire, à mettre cette classe ouvrière à la remorque des politiciens bourgeois. Le Parti communiste (qui n'était pas "français" il faudra attendre 1943 et la dissolution de l'Internationale communiste à l'initiative de Staline pour qu'il adjoigne le "F" de français à son sigle), utilisa l'autorité dont il disposait au sein de la classe ouvrière en 1934-36 et jusqu'en 1938 pour freiner, canaliser les luttes ouvrières, pour dévoyer les aspirations de la classe ouvrière vers le soutien aux gouvernements de Front populaire, à commencer par celui dirigé par Léon Blum. Les dirigeants du PC mirent tout leur poids pour faire cesser une grève qui s'était déclenchée et étendue à leur insu et qui, de fait, mettait en cause l'ordre social. Dans un discours resté fameux, le secrétaire du PC de l'époque, Maurice Thorez, appela les grévistes à reprendre le travail, sur la base des accords signés, à l'Hôtel Matignon, par Blum et les représentants du patronat. "Tout n'est pas possible, il faut savoir terminer une grève", expliquait-il alors, faisant rentrer les travailleurs dans le rang, à la traîne de ce gouvernement de Front populaire qui s'inclina devant le "mur d'argent" et se comporta, pour reprendre les déclarations que Léon Blum fit plus tard pour justifier son rôle durant cette période, en "loyal gérant du capitalisme".

De la même façon, Hue ne précise pas que la contribution du PCF à la "résistance", loin de donner l'initiative politique à la classe ouvrière, consista en un ralliement corps et âme du PCF à De Gaulle. Le PCF pesa, là encore, de toute son autorité pour mettre la classe ouvrière à la remorque de De Gaulle, faisant de ce dernier l'incarnation de "la France" au sein de laquelle il ne fallait plus faire la distinction entre exploiteurs et exploités, entre capitalistes et travailleurs. Pour les dirigeants du PCF d'alors, il n'y avait, du bon côté, que des "patriotes" (aujourd'hui le PCF dirait "des bons citoyens"). Le PCF aida activement De Gaulle à restaurer l'Etat de la bourgeoisie. Dans la foulée, il mit tout son poids pour que la classe ouvrière "reconstruise le pays sans rechigner, sans revendiquer", permettant à la bourgeoisie française de disposer d'un appareil de production restauré, de nouveau en état de marche.

Oui, dans ces deux circonstances, aussi bien dans la période de 1936 qu'entre 1941 et 1947, la bourgeoisie française a dû une fière chandelle à la direction du PC. C'est ce que Hue rappelle à cette bourgeoisie, tentant de la convaincre que durant les quatre cinquièmes de son existence, lui aussi n'a aspiré qu'à être un "gérant loyal" du capitalisme. Plus particulièrement dans les moments décisifs.

Il est exact que la "mutation" dont parle la direction du PCF s'est amorcée dans ces années trente qu'évoque aujourd'hui Robert Hue en termes lyriques.

Et pourtant s'il est encore nécessaire, soixante ans plus tard, pour les dirigeants du PCF, de parler de "mutation", c'est bien parce que ce parti n'a pas toujours été ce qu'il est aujourd'hui et que son passé le marque encore. Il garde, malgré les années, des traces de sa spécificité originelle ne serait-ce que, par exemple, dans son titre puisqu'il continue à s'appeler parti communiste.

Ce fut la révolution prolétarienne en octobre 1917 en Russie qui provoqua, au sein du mouvement socialiste, une scission qui perdure encore sur le plan organisationnel, même si, sur le plan politique, les différences essentielles entre les deux courants issus de cette scission ont depuis longtemps disparu. Né de la révolution russe avec pour ambition de devenir le parti capable de conduire le prolétariat au renversement de l'ordre capitaliste, le PC a dégénéré en même temps que l'Etat soviétique. Ce qui n'empêche pas que le PCF n'arrive pas à se faire admettre au statut de parti "comme les autres", malgré les efforts de ses dirigeants pour démontrer qu'ils ne sont plus du tout les mêmes qu'en 1921, et que le Congrès de Tours n'a été qu'une parenthèse circonstancielle, voire malencontreuse.

C'est que la bourgeoisie, elle, a des principes. Elle a considéré et considère toujours cette naissance comme un péché originel qu'on n'efface pas par de simples gestes de contrition, par quelques abjurations et par le ralliement affiché au credo réformiste. Le fait que le PCF se soit constitué hors du sérail est certes un handicap, mais pas le plus rédhibitoire. Ce qui l'est beaucoup plus, ce sont ses attaches certes de plus en plus lointaines, à la fois dans le temps et dans l'esprit avec une révolution prolétarienne qui ébranla l'ordre bourgeois mondial et faillit même le jeter bas. Mais plus encore que les attaches avec la bureaucratie stalinienne soviétique, la tare du PCF aux yeux de la bourgeoisie a toujours été, et reste encore, les liens particuliers qu'il garde avec la classe ouvrière, sa particulière sensibilité à son égard. Même si, évidemment, il est bien difficile de dissocier ces deux aspects issus d'une histoire unique.

Rien donc n'a réussi à faire disparaître les réserves de la bourgeoisie à l'égard du PC. Ni son attitude dans la période du Front populaire ni sa servilité durant la Deuxième Guerre mondiale, à partir de 1941 et au lendemain de cette guerre. Ces gestes d'allégeance ne lui ont valu aucune reconnaissance, aucune gratitude de la part de cette bourgeoisie qui a toujours refusé de le traiter comme membre à part entière de la maisonnée, même au titre de domestique permanent. Tout au plus elle l'a considéré comme ces "extras" que l'on embauche provisoirement, lorsque le besoin s'en fait sentir.

La méfiance n'a pas été levée. D'autant que, même si, à partir des années trente, les périodes de collaboration du PCF avec la bourgeoisie française firent que se créèrent des liens concrets entre l'appareil du PC et la bourgeoisie française, ces liens ne se substituèrent pas à ceux que le PC gardait avec la bureaucratie soviétique. Certes, la tentation existait désormais au sein du PC de se faire une place au service de la bourgeoisie, d'être admis comme une composante nationale prête à s'intégrer aux institutions. L'envie n'en manquait pas aux dirigeants du PC, comme l'a montré le zèle qu'ils déployèrent chaque fois qu'ils eurent l'occasion de collaborer. Mais le fait est que cela a eu lieu uniquement dans les périodes où les intérêts et les choix de la bureaucratie soviétique ont coïncidé avec ceux de la bourgeoisie française. En revanche, chaque fois que ces intérêts ont divergé, le PCF a choisi, difficilement certes, avec des déchirements qui firent parfois des dégâts en son sein, de s'aligner sur l'URSS stalinienne. Cela fut le cas en 1939, au moment de la signature du pacte germano-soviétique, comme ce le fut de nouveau en 1947, au moment où l'impérialisme américain choisit la rupture avec l'URSS et déclencha ce que les journalistes appelèrent la "guerre froide". Aujourd'hui encore, il est bien difficile de savoir s'il y eut, et quand, une rupture formelle entre le PCF et l'URSS stalinienne. Car cette rupture a été bien plus le produit de la disparition de l'URSS que de l'initiative des dirigeants du PCF. Sans doute se serait-elle faite même si l'URSS ne s'était pas effondrée. Mais le fait est, là encore, que les événements vinrent à la rescousse des dirigeants du PCF et les dispensèrent d'un tel geste, mettant fin à leur valse-hésitation. Il faut bien admettre que, du point de vue de la bourgeoisie, l'attitude de l'appareil stalinien français vis-à-vis du tuteur soviétique avait de quoi alimenter les réticences dont elle a fait preuve à son égard.

Mais ce ne fut pas la raison majeure de cette méfiance. Cette raison a été les liens que le PC a entretenus, dès l'origine, avec la classe ouvrière.

Ces liens ont jusqu'à présent constitué sa force. Parce que, bon an mal an, c'est par eux que le PC a pu maintenir longtemps, et encore aujourd'hui bien qu'à un niveau nettement plus faible qu'il y a quinze ou vingt ans un appareil militant, efficace, discipliné, capable de tenir, y compris quand il a été politiquement isolé, lorsqu'il s'est trouvé à contre-courant. C'est grâce à ses militants ouvriers qu'il a su gagner et conserver l'estime et la sympathie politique d'une fraction importante du monde du travail. C'est cette force-là, bien plus que son influence électorale encore que ces deux aspects ne soient pas indépendants qui a permis au PCF de jouer le rôle qu'il a joué par le passé. Un rôle néfaste, on l'a vu, pour le monde du travail et pour le mouvement ouvrier, mais un rôle reconnu.

Mais cette force-là constitue en même temps une faiblesse, aux yeux des dirigeants actuels du PCF. En ce sens qu'elle constitue un obstacle à leurs ambitions. Certes, il y a une bonne part de calcul politicien dans la propagande de la droite lorsqu'elle agite la menace bolchévique elle ne peut plus parler de la "main de Moscou" pour discréditer le Parti socialiste, quand ce dernier parle d'une éventuelle alliance avec le PCF. Y a-t-il des électeurs de droite qui croient encore à ces sornettes ? Peut-être. Mais par-delà ce procédé de propagande, il y a une méfiance plus essentielle. Et la direction du PCF en a conscience. Elle le dit elle-même : c'est parce qu'on nous considère comme un parti représentant prioritairement les travailleurs, c'est-à- dire, dit-elle, "une partie de la société, et pas la société dans son ensemble", que l'on nous tient à l'écart. C'est d'ailleurs, si on s'arrête à l'essentiel de son argumentation, la justification qu'a donnée Viannet, le secrétaire de la CGT, pour expliquer qu'il ne se représentait pas au Bureau national du parti. C'est parce que, a-t-il dit en substance, de mauvais esprits reprochent à la CGT d'être la courroie de transmission du PCF dans la classe ouvrière, et qu'il faut donc montrer non seulement que ce n'est pas le cas, mais que le PCF et la classe ouvrière, cela fait deux.

La direction actuelle du PCF se trouve donc devant une vieille contradiction. Gommer tout ce qui fait son identité sociale pour postuler au rôle de parti bourgeois patenté, reconnu comme tel, c'est en même temps réduire la source de son recrutement militant, sa cohésion organisationnelle, donc son efficacité, et c'est en même temps réduire sa capacité de s'imposer à ses partenaires, diminuer ses possibilités de marchander sa présence autrement que sur le strict terrain électoral.

Les dirigeants du Parti communiste français ont choisi de précipiter leur évolution, leur "mutation" comme ils disent, en parti social-démocrate. Mais le hic est qu'ils briguent une place déjà occupée, et bien occupée. Car un parti réformiste existe en France depuis longtemps, qui n'a, lui, plus à faire la preuve de sa loyauté et de son efficacité au service des intérêts de la bourgeoisie et qui, de plus, domine depuis 1981, électoralement, le PCF. Du coup, ce dernier ne peut être accepté s'il l'est que comme second rôle, dans une coalition gouvernementale qui sera dominée obligatoirement par le PS. Les représentants de celui-ci se chargent de le préciser à chaque fois qu'ils en ont l'occasion. Pendant le congrès du PCF, Moscovici qui y assistait en tant qu'observateur du PS, rappelait qu'un gouvernement, cela n'était pas une fédération des partis qui le composent, qu'il y avait une discipline gouvernementale derrière celui qui dirigerait ce gouvernement, en l'occurrence Jospin.

Y aura-t-il des ministres communistes au gouvernement, en 1998, si la situation le permet, c'est-à-dire si la "gauche" emporte la majorité ? C'est un pari que fait le PCF. Un pari à plusieurs niveaux. Il faut, une fois cette majorité élue, que les dirigeants du PS le décident, avec l'accord de Chirac, qui restera à la présidence de la République. La seule certitude est que cette participation se fera aux conditions du PS. Celui-ci le rappelle avec insistance afin que les points soient mis sur les "i" du mot ministre. S'il disait le contraire, on aurait tort de le prendre au mot, mais là il le dit et le redit...

Ainsi, les dirigeants du PCF à la recherche de leur "mutation" scient la branche sur laquelle reposait l'existence de leur parti sans même avoir la garantie d'un point de chute, ni dans l'immédiat ni dans un avenir plus lointain.

C'est leur choix. Mais ni la classe ouvrière ni les militants du PCF dans les entreprises qui, eux, ne peuvent ignorer que la "lutte de classe" ne se biffe pas d'un trait de plume dans un texte programmatique, parce qu'ils la subissent quand ils ne la mènent pas, n'ont intérêt à suivre des dirigeants qui liquident ainsi leur parti.