États-Unis – Les syndicats contestent les candidats démocrates pour mieux soutenir le parti

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avril 1992

Alors qu'aux États-Unis les élections primaires présidentielles en sont déjà à la mi-course en ce mois d'avril, le parti démocrate n'a toujours pas trouvé un candidat qui jouisse de quelque popularité. Bill Clinton arrive en tête pour le nombre de délégués élus qui lui sont favorables, mais il ne soulève toujours aucun enthousiasme chez les électeurs. Pour, en quelque sorte, protester contre Clinton et l'appareil du parti, un certain nombre d'électeurs démocrates votent maintenant pour Jerry Brown, même s'il ne semble pas avoir la moindre chance de l'emporter. Paul Tsongas, qui s'est officiellement retiré de la course, continue à ramasser les voix d'autres démocrates mécontents. Et finalement, le nombre de suffrages démocrates exprimés dans ces primaires est allé en déclinant au fur et à mesure qu'elles se déroulaient, passant de 40 % dans le New Hampshire à 18 %, le chiffre le plus bas de tous les temps, dans l'État industriel du Michigan.

Beaucoup de responsables syndicaux, de même que des organisations de gauche, sont perturbés par la situation actuelle. Ils croient que la situation est favorable pour le remplacement de Bush par les démocrates à la Maison Blanche. Le président républicain s'est aliéné la vaste majorité des travailleurs et des pauvres du pays avec sa politique économique intérieure. Bush est au plus bas dans les sondages, la majorité de la population en âge de voter (et une majorité plus grande encore parmi les travailleurs et les pauvres) désapprouvant son administration.

Les responsables syndicaux soutiennent que la meilleure façon de tirer profit de cette situation serait que le parti démocrate mette en avant un candidat qui s'adresse à la population laborieuse, fasse vibrer ses sentiments et réponde à ses soucis. Ils reprochent au parti démocrate de ne pas avoir aujourd'hui un tel candidat, alors qu'il le pourrait et le devrait.

Sous-tendant ce reproche, il y a l'idée que le parti démocrate est une organisation politique qui représente les travailleurs et les pauvres... même s'il n'y réussit pas trop ces temps-ci ; l'idée que dans ce pays il ne peut y avoir que deux partis : les républicains pour le milieu des affaires et les riches, et les démocrates qui sont la voix de la majorité de la population, sinon même la voix de la classe ouvrière. C'est la vieille justification utilisée par les syndicats depuis des décennies pour s'aligner derrière le parti démocrate, au nom des intérêts de la classe ouvrière.

La responsabilité du parti républicain...

Les républicains tiennent la Maison-Blanche depuis 12 ans. Et il est vrai que, durant toute cette période, par leur politique ils n'ont fait que favoriser les riches aux dépens de la classe ouvrière et des pauvres.

Avec eux, la politique de la Maison-Blanche a accentué la polarisation entre les riches et les pauvres dans le pays. Selon la plupart des études faites, les 25 % les plus riches de la population ont encore accru leur part des richesses durant les années 70 et 80, le 1 % supérieur faisant plus que doubler son revenu réel... alors que les 25 % les plus pauvres perdaient environ 15 % du leur. Les secteurs les plus stables de la classe ouvrière syndiquée ont connu une relative stagnation de leur revenu réel durant les deux dernières décennies, ce qui signifie une part moins importante de la richesse générale du pays.

Quand Ronald Reagan est devenu président pour la première fois en 1981, il a donné le ton de ce que serait son administration en menant campagne pour briser la grève des contrôleurs aériens employés par le gouvernement (dont le syndicat était le PATCO) et leur imposer des concessions. Avant cette grève, certains capitalistes dans l'automobile ou l'industrie lourde avaient déjà imposé une révision des conventions collectives aux dépens des travailleurs, mais la grève du PATCO marqua un tournant. Après elle, les travailleurs du privé, dans les secteurs les plus variés de l'économie, se sont sentis moins capables de réagir devant les concessions imposées dans leurs contrats, aggravant celles parfois déjà consenties auparavant.

Par sa politique fiscale, l'administration Reagan a directement mis en œuvre de nombreux programmes qui ont transféré une part de plus en plus grande des richesses de la population laborieuse et de fractions de la petite bourgeoisie aux plus fortunés. La répartition des impôts a été aménagée de plus en plus en faveur des entreprises et des riches. Le pourcentage provenant des impôts sur les profits des entreprises dans les recettes fédérales, qui était de 32,1 % en 1952, a atteint son point le plus bas en 1983 : 6,2 %. De même les impôts sur le revenu ont été abaissés pour les riches, le 1 % le plus fortuné de la population voyant sa part réduite de 6,1 % entre 1977 et 1988.

La politique gouvernementale en matière de dépenses a aussi joué un rôle important dans ce transfert de richesses, par des fonds transférés des programmes sociaux à des subventions plus directes à la bourgeoisie. Le plus souvent les chiffres précis ne sont pas connus, mais même les estimations les plus conservatrices montrent que les dépenses militaires sont passées de 23 à 28 % dans les années 80, alors que celles consacrées aux aides sociales diminuaient de 28 à 22 %. Et si l'on n'incluait pas là-dedans les programmes d'aides médicales par lesquels le gouvernement aide l'industrie de la santé à accroître considérablement ses profits, la chute serait encore plus importante.

Le montant des intérêts de la dette fédérale, qui vont aux riches individus et sociétés qui détiennent les bons d'État, ne cesse de croître : il est passé de 96 milliards de dollars par an en 1981 à quelque 200 milliards aujourd'hui. Et il faut ajouter à cela, tout au long de cette période, les opérations de sauvetage de l'industrie et des banques, les Caisses d'épargne recevant 150 milliards de dollars pour cette année seule.

Le parti républicain à la Maison-Blanche a bien servi la bourgeoisie. Cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi tant de travailleurs veulent voir renvoyés Bush et les Républicains. Mais dire cela ne signifie pourtant pas que les Démocrates soient le parti des travailleurs.

...Et celle des Démocrates

Pour commencer, les Démocrates ont agi au niveau fédéral en pleine collaboration avec les Républicains en faveur des intérêts de la bourgeoisie. En fait les changements de politique économique du gouvernement ont commencé dans la deuxième moitié de l'administration démocrate de Jimmy Carter. A la fin des années 70, le mouvement noir et les autres mouvements sociaux étaient finis, et le calme ramené dans la population. D'un autre côté la crise économique mondiale pressait la bourgeoisie d'augmenter l'exploitation des autres couches sociales pour protéger ses positions. Elle a alors senti à la fois la possibilité et la nécessité de peser encore davantage sur la population laborieuse et les pauvres.

En 1978, le démocrate Jimmy Carter introduisit la première réduction des impôts sur les gains du capital de la période. Les dépenses en matière de défense, qui avaient perdu quelques pour cent dans le budget fédéral après le Vietnam, furent augmentées à nouveau par Carter durant ses deux dernières années au pouvoir. Dans cette même période, la durée de l'indemnisation pour les chômeurs fut réduite, et les dépenses fédérales pour le logement, les transports et les ressources naturelles connurent une baisse relative. En 1979 le gouvernement fédéral accorda une subvention pour sauver Chrysler, qui fut conditionnée à l'acceptation de concessions par les ouvriers. Paul Tsongas, un des candidats démocrates de ces primaires, sénateur à l'époque, fut le principal architecte de ce règlement.

De plus, durant les administrations républicaines de Reagan et puis de Bush, les démocrates détinrent une nette majorité à la chambre des représentants... avec une marge d'une centaine de sièges. Toutes ces années, sauf deux, ils ont aussi contrôlé le Sénat. Cela signifie que les démocrates auraient pu mettre leur veto sur chaque mesure fiscale du gouvernement. Ils ont fait le contraire. Les démocrates ont voté systématiquement le soutien aux changements de politique fiscale proposés par les Républicains. Et quand ils ont avancé des contre-propositions, dans la plupart des cas ce fut pour offrir des gains encore plus importants aux entreprises, sous le faux prétexte d'une réforme de l'impôt.

A l'échelon des États et des villes le pouvoir appartient aux Démocrates

Le parti démocrate est loin d'être un petit parti minoritaire, relégué à un rôle insignifiant. Qu'il soit ou pas à la présidence, il a gardé le contrôle des appareils gouvernementaux des États ou des municipalités. En moyenne dans cette période les deux tiers des gouverneurs ont été des Démocrates. Actuellement, les Démocrates contrôlent au moins une des chambres dans 47 États sur 50. Au niveau des villes, en gros 75 % des maires sont Démocrates.

La politique des Démocrates au niveau de l'État ou de la ville a suivi celle menée par les Républicains au niveau fédéral, simplement avec un petit décalage dans le temps.

En fait, à partir de 1982, beaucoup des programmes sociaux jusque là gérés par le gouvernement fédéral furent transférés aux États et aux municipalités. Cela comprenait non seulement les grands programmes d'aide sociale (aide aux familles, aux enfants, les bons alimentaires) mais aussi 61 autres programmes allant des pensions aux anciens combattants à l'assistance au commerce et à l'environnement. Les Démocrates étaient d'accord pour ce transfert de programmes, à la fois au niveau fédéral où ils soutinrent le projet, et au niveau local où ils recevaient les fonds. Tant que le niveau de ceux-ci fut maintenu, les Démocrates locaux disposèrent de davantage d'argent à distribuer en leur nom.

Ce ne fut que dans la deuxième partie de la décennie, quand le montant réel des subventions aux États et aux municipalités baissa de 38 % (réduisant la part du budget fédéral allant aux États et aux villes de 22 % en 1979 à 16 % en 1989), que quelques Démocrates commencèrent à protester. Ils condamnèrent l'administration fédérale républicaine... en oubliant que leurs collègues de parti au Congrès auraient pu empêcher ces réductions.

Durant les deux dernières années, dans les États et les municipalités, les Démocrates ont agi comme s'ils étaient prisonniers des économies fédérales, ou de la récession dont ils ont fait porter la responsabilité à l'administration républicaine. S'il est vrai qu'il y avait de nouveaux et sérieux problèmes de déficit budgétaire (en 1991, les deux tiers des États ont eu à faire face à des déficits d'un montant total de 30 milliards de dollars) les Démocrates avaient tout de même le choix de réagir.

Face à ces pressions budgétaires, la politique des administrations démocrates, comme républicaines, a été d'aider les riches au détriment de la population laborieuse. Pour compenser ce qu'ils n'obtenaient plus du côté fédéral, 34 États ont augmenté les impôts dans la seule année 1991. Mais ils l'ont fait de manière à toucher les plus pauvres. Ils ont maintenu, comme source majeure de leurs revenus, la taxe à la consommation, qui pèse d'un poids proportionnellement plus grand sur les revenus les plus modestes. Quant à l'impôt sur le revenu, la plupart des États ont fait comme le gouvernement fédéral, c'est-à-dire qu'ils l'ont réduit encore sur la fortune. Dans le même temps, dans la dernière décennie, le revenu que les États tirent des impôts sur les profits des sociétés a diminué.

Pour prendre l'exemple de l'État de New York, les impôts sur les sociétés représentaient 8 % de tous les impôts collectés en 1981 ; ils sont tombés à 4,6 % en 1991. New York est dirigé par un gouverneur démocrate, Mario Cuomo. Quant à la ville de New York, dirigée par un maire démocrate, David Dinkins, elle a accordé aux promoteurs immobiliers des remises d'impôts supplémentaires de plusieurs millions de dollars, tandis que les impôts sur le revenu des habitants augmentaient.

Au chapitre des dépenses, 40 États ont choisi de réduire ou de geler les subventions du programme d'aide aux familles. Les programmes d'aide sociale aux individus ont été réduits ou gelés dans 27 des 30 États qui fournissent une telle aide. Au moins un demi-million de personnes ont été directement touchées. Vingt États ont réduit l'aide aux sans-abri, même si le nombre de gens sans domicile s'est accru dans les dernières années. Les mêmes réductions ont touché à peu près tous les programmes sociaux.

Cependant dans le même temps, les États et les villes ont encore des fonds à mettre à la disposition des entrepreneurs privés... quand les entreprises menacent de supprimer des emplois, jouant une ville contre une autre pour l'obtention de subventions plus importantes. ATT, Gulf Western et d'autres grandes sociétés se sont vu accorder des réductions d'impôts quand elles ont menacé de transférer leur siège de la ville de New York dans le New Jersey, de l'autre côté du fleuve. Les constructeurs automobiles ont reçu de coquettes subventions pour laisser une usine ou deux à Détroit.

Les Démocrates dans les États et les municipalités se sont mis à réduire substantiellement les emplois... ceux des travailleurs qui les ont sans doute élus, et qui sont certainement membres de syndicats dont les dirigeants sont liés aux administrations démocrates. L'État de New York annonce la suppression de 19 000 emplois pour l'année qui vient ; le Massachussetts 7 500 ; l'Illinois 6 400, etc. La même chose a lieu au niveau des municipalités.

Ainsi, même si les Républicains tiennent la Maison-Blanche depuis les trois dernières élections, la responsabilité des Démocrates dans la situation de la classe ouvrière et des pauvres est bien aussi écrasante.

Une prétendue différence qui remonte à loin

Le parti démocrate n'a jamais été le représentant de la classe ouvrière et des pauvres. Il a toujours été un des deux partis représentant la bourgeoisie. Si dans le passé certains Démocrates sont apparus différents des Républicains, ou différents de ce qu'ils sont aujourd'hui, c'est parce que la bourgeoisie avait alors des problèmes différents. Dans les années 60, par exemple, il y eut un mouvement social de masse dans la population noire. Face à cette situation, la bourgeoisie dut faire des concessions à ce mouvement pour essayer d'acheter la paix sociale. Bien des programmes comme l'aide sociale, les aides médicales, les droits à l'éducation ou au logement, furent développés ou étendus dans cette période.

Des Démocrates, élus à ce moment, se présentèrent comme les héros des changements en se comparant aux Républicains, ou même à d'autres Démocrates qui étaient venus avant eux. Mais loin d'être les représentants de ces mouvements, comme les responsables syndicaux ou les dirigeants noirs voudraient les présenter aujourd'hui, ces Démocrates furent simplement ceux qui officialisèrent les concessions que ces mouvements avaient arrachées eux-mêmes.

Loin d'avoir pour but de développer le mouvement, ces Démocrates visaient à le détruire. Ils utilisèrent leur rôle de distributeurs d'une petite part des richesses impérialistes - richesses développées sur l'exploitation de la classe ouvrière aux États-Unis et dans le monde, noire et blanche - pour estomper les luttes de la population grâce auxquelles ils avaient été élus. Ce rôle leur permit de proclamer que c'était de leur élection que tout avait dépendu. De cette manière les Démocrates ont servi les intérêts de la bourgeoisie en aidant à canaliser le mouvement noir et à lui enlever son indépendance politique.

La vraie nature du parti démocrate peut être vue dans cette dernière période. Quand il n'y a pas de mouvements sociaux, nul besoin pour la bourgeoisie de faire la moindre concession à la population laborieuse ou aux pauvres. Au gouvernement on ne peut pas distinguer les Démocrates des Républicains. Tous ont pour politique d'enrichir la bourgeoisie aux dépens de la majorité de la population.

Enfin, on peut voir aussi la nature du parti démocrate dans ces élections. Il n'y a pas un seul candidat qui tente d'aborder les problèmes de la classe ouvrière et des pauvres. Bien sûr, parfois, quelqu'un comme Jerry Brown est à la recherche désespérée d'un électorat. Alors il se transforme en une sorte de caméléon, portant l'uniforme syndical dans le Michigan, ou à Harlem attaquant Clinton pour avoir joué dans un club de golf dont les membres sont tous blancs. Il peut annoncer qu'il prendra Jesse Jackson comme vice-président. Mais quoi... le candidat milliardaire, H. Ross Perot, laisse entendre la même chose en proposant de se présenter comme "indépendant". En tout cas, Jerry Brown ne s'engage pas sur un programme dans l'intérêt des travailleurs ou des pauvres, même si des promesses électorales ne signifient rien sur la politique que mènera l'élu.

Plus significative du parti démocrate est la conduite de Jesse Jackson lui-même. Si d'une manière ou d'une autre, même par simple démagogie, le parti démocrate voulait aujourd'hui apparaître comme le représentant du monde du travail, tout ce qu'il aurait à faire serait de présenter Jackson dans ces primaires. A cause de son passé et de sa réputation, sa candidature changerait la situation. Cela renouvellerait l'intérêt pour les élections, et le soutien pour les démocrates... ce qui est exactement ce que les syndicats et la gauche prétendent vouloir.

Mais la campagne de Jackson pourrait aussi soulever de nouveaux espoirs dans la population. Elle pourrait peut-être redonner quelque inspiration et quelque encouragement aux Noirs et plus généralement aux travailleurs, comme elle le fit pour certains il y a quatre ans.

Alors Jesse Jackson s'est montré aux côtés de tous les différents candidats, et a gracieusement pris bonne note de toutes les offres d'être vice-président qui lui étaient faites. Fondamentalement, il a joué le rôle du Démocrate loyal, qui évite de se présenter... pour éviter tout problème à l'appareil du parti.

Aujourd'hui la bourgeoisie est relativement satisfaite. Sur le front intérieur, elle a réussi à s'attribuer une part de plus en plus grande des richesses, arrachée aux plus démunis. La population doit affronter de multiples problèmes, mais il y a eu très peu de réactions, et certainement pas de mouvements sociaux bien profonds de protestation contre la politique de la bourgeoisie. On est dans une période générale d'acceptation, même si l'insatisfaction est générale.

Dans cette situation la bourgeoisie n'a pas intérêt à accepter un politicien qui prendrait des risques, même par simple démagogie électorale comme Jesse Jackson, et même si ces risques sont minimes. Jackson comprend très bien le parti démocrate, comme le parti démocrate comprend les intérêts de la bourgeoisie.

De la contestation aux illusions

Aujourd'hui les responsables syndicaux, ainsi que les sociaux-démocrates, reprochent au parti démocrate de ne pas avancer contre Bush un candidat différent... un candidat qui pourrait mener campagne comme le représentant des travailleurs et des pauvres. Mais ce qui semble une critique significative des démocrates en revient à promouvoir le parti démocrate en cultivant les illusions à son sujet, explicitement ou implicitement.

Aujourd'hui, ce serait l'occasion de montrer que le parti démocrate n'est pas différent du parti républicain. Les reproches des dirigeants syndicaux et d'une certaine gauche impliquent exactement le contraire. Ils impliquent que le parti démocrate devrait et pourrait être le représentant de la classe ouvrière et des pauvres. Leurs reproches maintiennent l'illusion, finalement, que l'expression politique de la classe ouvrière dépend des Démocrates : qu'il n'y a rien d'autre à faire sinon faire pression sur eux pour qu'ils parlent pour la population laborieuse. Beaucoup de responsables syndicaux le disent explicitement. Et ils apportent l'argent, l'appareil syndical et les votes de nombreux syndiqués aux Démocrates. Ils parlent comme des gens qui sont prêts, si on les accepte, à jouer un plus grand rôle dans ce parti bourgeois même s'il impose une politique anti-ouvrière. La gauche ne dit pas tout à fait la même chose. Elle parle d'étapes, de tirer profit du parti démocrate pour développer d'abord un sentiment anti-Bush afin d'aller au-delà. Mais en ne disant rien de plus, elle se place aussi sur le terrain du parti démocrate, défendant implicitement des idées qui vont à l'encontre des intérêts de la classe ouvrière.

Aujourd'hui les travailleurs ne manifestent guère d'intérêt pour ces élections. Mais quand les travailleurs et les pauvres commenceront à rechercher quelqu'un pour les représenter et défendre leurs intérêts, alors ces fausses idées sur le parti démocrate pourraient devenir nuisibles. Ceux qui développent des illusions dans ce parti aujourd'hui proposent que se répètent à l'avenir les expériences des années 30 ou 60. Ils proposent de lier politiquement les travailleurs et les pauvres à leurs ennemis.

Dans les syndicats, il y aurait suffisamment de militants honnêtes pour construire une organisation indépendante de la classe ouvrière, qui s'opposerait à la fois aux partis démocrate et républicain. Mais ce n'est pas dans cette direction qu'ils vont. Quant aux appareils, ils sont au moins autant au service de la bourgeoisie que le parti démocrate lui-même.

Cependant, il y a au moins une idée qui peut être défendue auprès de ces militants et, plus généralement, des travailleurs, c'est que la classe ouvrière a besoin de son propre parti politique. C'est la seule "campagne électorale" dans laquelle la gauche devrait s'engager cette année.