La situation intérieure en France – La situation politique

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décembre 1991

Après les deux années sans scrutin national que nous venons de traverser (ce qui constitue une situation exceptionnelle pour ce pays), la vie politique française est de nouveau dominée, depuis déjà plusieurs mois, par les prochaines échéances électorales.

Qu'il s'agisse des discussions sur une possible réforme de la loi électorale, sur la réduction du mandat présidentiel à cinq ans, ou sur la possibilité de législatives anticipées, tout cela ne concerne en fait que les états-majors politiques, soucieux de trouver le système électoral qui leur permettra d'obtenir la meilleure représentation possible au parlement, voire de profiter, en provoquant des élections législatives ou présidentielle anticipées, du discrédit actuel du gouvernement socialiste.

Car le remplacement de Rocard par Cresson au poste de premier ministre n'a pas donné un deuxième souffle de popularité à la majorité en place.

Dans le Parlement actuel, le gouvernement socialiste a jusqu'ici pu compter sur le soutien quand c'était nécessaire, ou la neutralité quand cela suffisait, du PCF, qui compte tenu de son recul électoral a besoin de son côté pour maintenir autant que faire se peut ses positions (existence d'un groupe parlementaire, municipalités, etc.) de la bienveillance du PS. Cette situation peut certes se maintenir. Mais lors de nouvelles élections législatives, si la droite revenait plus nombreuse à la Chambre, ce soutien déguisé du PCF au gouvernement socialiste ne suffirait sans doute pas à empêcher son renversement.

Quant à "l'ouverture" vers le "centre", c'est à dire la droite, prônée par Mitterrand en 1988, ses résultats se sont réduits au ralliement d'une petite poignée de parlementaires. Il ne serait bien sûr pas impossible, si de nouvelles élections donnaient naissance à une Chambre ingouvernable dans le cadre des clivages politiques actuels, qu'un certain nombre de personnalités politiques, qui se sont manifestement mises en réserve pour une telle éventualité (Barre, Veil), puissent accepter de participer à une "grande coalition" située "au-dessus des partis". Mais encore faudrait-il, pour réussir, qu'ils rallient à eux un nombre suffisant de parlementaires. Et en dehors de cette très hypothétique perspective, la seule possibilité qui reste au Parti socialiste est celle de la chasse aux voix écologistes.

A droite, le problème qui se pose depuis des années est celui du Front national, sans lequel cette droite est loin d'être majoritaire. C'est un problème qui ne se pose évidemment pas au niveau des principes (comme le prouve la facilité avec laquelle tant de politiciens professionnels, et pas seulement à droite, spéculent à l'occasion sur les mêmes préjugés et les mêmes idées réactionnaires), mais au niveau de l'arithmétique électorale, les faits ayant largement démontré, depuis 1984, que toute tentative de collaboration trop ouverte de la droite classique avec le Front national risquait de rejeter la partie la plus libérale de son électorat vers le Parti socialiste. Cela ne sera certes pas automatiquement vrai, si les idées réactionnaires continuent à progresser, dans l'avenir. Mais c'est en tout état de cause un problème que les dirigeants du RPR et de l'UDF ne négligent pas.

Reste donc comme autre possibilité, pour la droite comme pour le Parti socialiste, de se livrer à des tentatives de séduction vis à vis des écologistes, et elle ne s'en prive pas depuis quelques mois.

Pour autant que l'on puisse en juger à partir des différents scrutins locaux qui ont eu lieu ces derniers mois, l'électorat du Front national s'est pour le moins maintenu, et il est même bien possible que le prochain scrutin national le voie dépasser ses scores précédents. Cela traduira alors le recul croissant des idées de gauche et l'avancée des idées réactionnaires l'accompagnant qui caractérise la période que nous traversons, et marquera une nouvelle détérioration du climat politique. Mais en tout état de cause de nouveaux progrès électoraux du Front national ne constitueraient pas un changement qualitatif de la situation politique, dans la mesure où, quelles que soient les idées fascistes ou fascisantes de nombre de ses cadres, sa politique et ses pratiques actuelles restent celles d'une extrême droite à visées parlementaires, et où c'est sur ces bases-là qu'il obtient ses succès électoraux.

Au delà des spéculations sur d'éventuelles législatives ou présidentielle anticipées, les seules élections certaines à court terme restent cependant les régionales de mars 1992. Elles ne constituent pas un enjeu national, en ce sens que leur résultat, quel qu'il soit, n'aura aucune conséquence légale sur la constitution du gouvernement. Mais elles intéressent cependant au premier chef les grands partis politiques, non seulement par les postes qu'elles offrent, mais aussi parce qu'elles réaliseront une préparation et une simulation en vraie grandeur des législatives qui auront lieu au plus tard en 1993, voire d'une éventuelle présidentielle anticipée, et un banc d'essai des différentes alliances possibles.

Les décisions que nous avons à prendre concernant notre participation à ces élections doivent partir de nos principes et tenir compte de la situation politique, telle que nous la voyons, comme des faibles forces qui sont les nôtres, et du fait que nous ne sommes encore qu'un groupuscule, peu crédible électoralement.

La raison principale pour laquelle nous devons présenter des candidats à ces élections n'est pas qu'elles se déroulent à la proportionnelle au niveau départemental (avec, il est vrai, une barre à 5 % des suffrages) et que ce sont donc l'une de celles où nous avons le plus de chance d'être élus. C'est que pour nous, qui défendons tous les jours nos idées politiques, il serait absurde de nous réfugier dans l'abstention, et de ne pas être présents au moment où la campagne électorale amènera sans doute nombre de gens à s'intéresser un peu plus à la politique.

Mais même si nous atteignions nos meilleurs scores des scrutins précédents (comme les résultats des législatives partielles de Belfort et de Saint-Nazaire peuvent le laisser espérer), et même si nous les dépassions un peu, nous ne pouvons pas être, dans la situation actuelle, un moyen permettant à une fraction radicalisée notable de la classe ouvrière (à supposer qu'elle existe) de s'exprimer. Eventualité qui nous demanderait de présenter des candidats dans tous les départements. C'est donc là où nous avons une activité d'entreprise, et là où nous nous présentons régulièrement, que nous devrons concentrer nos forces.

Nous avons toujours refusé de nous fondre dans des conglomérats flous, type "alternative", avec des gens qui n'ont rien à voir avec la classe ouvrière et le communisme. De telles alliances électorales, dans une situation où tout le monde politique, de la social-démocratie "de gauche" à la droite enterre les idées communistes, seraient aujourd'hui plus fausses que jamais. Il est en effet de notre devoir de nous revendiquer clairement des idées communistes, même si nous ne faisons pas du programme communiste l'axe de notre campagne électorale.

Compte tenu des prises de position de la direction de la LCR, à la recherche de telles alliances avec les écologistes, les rénovateurs et autres reconstructeurs, cela signifie que nous devrons nous présenter seuls à ces élections.

$$s11 novembre 1991