Les relations internationales

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décembre 2018 - janvier 2019

La persistance des tensions dans les relations internationales est l’expression de la durée et de l’approfondissement de la crise du capitalisme.

Le temps semble loin où, lors de l’éclatement de l’Union soviétique, les vedettes politiques des grandes puissances et les plumitifs à leur service annonçaient un avenir apaisé, voire, pour les plus stupides des augures, la fin de l’histoire.

L’opposition entre les deux blocs occultait à l’époque le fait que la véritable raison de la remise en cause continuelle de l’ordre impérialiste mondial résidait dans la nature même de cet ordre, basé sur l’oppression des peuples et plus fondamentalement encore sur l’exploitation et la concurrence capitalistes.

L’Union soviétique était présentée en Occident comme le principal facteur perturbateur de l’ordre mondial, alors pourtant que la bureaucratie dirigeante en était un des gendarmes, tout en cherchant à y préserver ses intérêts particuliers.

Un quart de siècle après la disparition de l’Union soviétique, les relations internationales ne sont nullement apaisées.

L’affrontement d’intérêts entre puissances impérialistes elles-mêmes apparaît aujourd’hui au grand jour. Quant aux relations entre les puissances impérialistes et la majorité sous-développée ou semi-développée de la planète, elles n’ont jamais cessé d’être ni d’apparaître comme des rapports de domination.

Les dirigeants des puissances impérialistes de seconde zone ne cessent de se revendiquer de ce multilatéralisme dont Macron essaie de se poser en champion.

Par multilatéralisme, ces gens-là n’entendent jamais le droit à la parole des autres nations capitalistes plus petites. La formule exprime, en termes diplomatiques, les lamentations des dirigeants politiques des impérialismes moins puissants qui subissent les diktats des États-Unis. Trump ne fait qu’énoncer, avec la brutalité qui caractérise le personnage, le rapport de force entre puissances impérialistes elles-mêmes.

Dépenses militaires et menaces de guerre

Pour le moment, la guerre commerciale est plus verbale que réelle tant est grande l’interdépendance économique des pays capitalistes.

Les mesures envisagées ou déjà prises par les États-Unis pour protéger certaines catégories de leurs entreprises capitalistes sont préjudiciables à d’autres, qui tirent profit de leurs sous-traitants ou fournisseurs de matières premières à l’étranger.

La simple annonce de mesures protectionnistes ou leur mise en œuvre partielle ont cependant, dans l’économie mondiale financiarisée, des effets sur les placements et déplacements de capitaux et contribuent à rendre l’économie plus chaotique.

Les guerres commerciales, même limitées à des hausses de taxes, au renforcement des barrières douanières et à l’établissement de quotas d’importation, avivent par elles-mêmes les tensions dans les relations internationales. Ces tensions ne se limitent pas à la diplomatie.

Les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2017 la somme de 1 700 milliards de dollars. Elles ont représenté 230 dollars par habitant de la planète. Les dépenses d’armement en constituent une part importante. Cette somme fantastique est en croissance et a atteint un niveau jamais connu au temps de la guerre froide.

La production d’armements a toujours représenté un aspect important du développement du capitalisme. « Le militarisme, affirmait Rosa Luxemburg, accompagne toutes les phases historiques de l’accumulation (du capital). » Les commandes de l’État en armements, en infrastructures militaires ont de tout temps servi à élargir le marché pour les entreprises capitalistes et, en bien des périodes, elles en ont été le moteur. Avec le capitalisme arrivé au stade impérialiste, pour reprendre le constat de Rosa Luxemburg, « le capital use toujours plus énergiquement du militarisme pour s’assimiler, par les moyens du colonialisme et de la politique mondiale, les moyens de production et les formes de travail des pays ou des couches non capitalistes ». Les périodes de crise économique exacerbent cette tendance.

À l’échelle mondiale, la production et le commerce des armes représentent de longue date des débouchés pour les monopoles qui dominent la production d’armements. L’impérialisme français est un des principaux trafiquants d’armes à l’échelle de la planète.

Un des aspects, et non des moindres, du commerce des armes est qu’il participe du pillage des pays sous-développés au profit des puissances impérialistes. C’est une nouvelle forme de commerce triangulaire : les puissances impérialistes (et quelques autres) font marcher leur industrie d’armement pour vendre aux dirigeants des pays sous-développés de quoi tenir en respect leur peuple. Ces dirigeants font payer à leur propre population les chars, avions et autres missiles dernier cri qui contribuent à maintenir le profit dans les industries liées au militarisme. Les dépenses d’armement faramineuses de nombre d’États de pays pauvres alimentent les trusts de l’armement et les banques des pays impérialistes.

Interventions militaires des puissances impérialistes contre des peuples dominés, guerres de rivalité entre puissances régionales ou guerres civiles d’oppresseurs locaux contre leur propre peuple, les guerres n’ont jamais cessé sur la planète depuis la fin de la guerre mondiale. Elles constituent un débouché sans cesse renouvelé pour les capitalistes de l’armement, en même temps qu’un terrain d’essai pour leurs productions. Les industries liées à la guerre représentent une part importante du gaspillage des ressources de la planète et de la créativité de l’esprit humain.

Plutôt que de consacrer une part croissante de l’intelligence collective de l’humanité à améliorer les conditions d’existence des hommes et à assurer un avenir maîtrisé à la planète, cette intelligence collective elle-même est dirigée contre l’homme. Signe à la fois des immenses capacités de l’homme et de leur détournement contre les intérêts de l’humanité : après la transformation de l’espace en terrain de manœuvres militaires, voici la cyberguerre qui devient un des aspects de la stratégie militaire.

L’accélération généralisée de la course aux armements est un sérieux indicateur des tensions croissantes dans le monde. La menace de la guerre n’est pas seulement une possibilité, découlant de la nature même du capitalisme, mais est une éventualité concrète, en tout cas aux yeux des responsables politiques et militaires bourgeois.

Il serait vain de spéculer sur la question : quelle guerre locale pourrait se généraliser ?

L’avion russe abattu le 17 septembre 2018 au-dessus de la Syrie, par ses propres alliés du camp Assad, a beau rester un incident, tant les protagonistes ont cherché à le minimiser, il n’en reste pas moins symbolique de la situation de ce Moyen-Orient où s’entrecroisent sans cesse bandes armées, avions et missiles, émanant aussi bien de l’armée officielle syrienne que des rebelles et/ou des intervenants israéliens, russes, turcs ou américains. Cela ne signifie évidemment pas que n’importe quel incident peut se généraliser, et encore moins qu’il est susceptible de déboucher sur une conflagration mondiale. Pour que l’attentat de Sarajevo débouche sur la Première Guerre mondiale, il fallait des oppositions d’intérêts entre impérialismes autrement plus puissantes que la personne insignifiante d’un prince héritier des Habsbourg.

Pour le moment, personne n’est capable de déceler une ligne de fracture aussi visible que celle qui à partir de 1933, c’est-à-dire l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, indiquait non seulement que la marche vers une guerre mondiale était commencée, mais même la configuration des camps qui allaient s’affronter.

Les traités de Versailles qui prétendaient clore la Première Guerre mondiale avaient en même temps annoncé la Deuxième Guerre mondiale, comme le dénonçait alors l’Internationale communiste. L’impérialisme allemand, grand perdant, a en quelque sorte été poussé, dans le contexte de la crise économique, à prendre sa revanche et à récupérer ses zones d’influence perdues.

L’histoire ne se répète jamais à l’identique. L’escalade guerrière pourrait consister en un élargissement des guerres locales, à l’image de ce qui s’est passé au Moyen-Orient.

De nombreuses zones de tension de par le monde se perpétuent et de nouvelles menaces de guerre apparaissent. Faut-il rappeler, en Europe même, les toutes récentes guerres dans les Balkans ou les conflits entre États issus de la décomposition de l’Union soviétique, la Russie et l’Ukraine en particulier, ou encore l’Arménie et l’Azerbaïdjan ? À une bien plus grande échelle, l’Inde et le Pakistan se trouvent toujours en état de belligérance, ce qui au Cachemire se traduit périodiquement par des affrontements armés.

L’équilibre impérialiste est sans cesse remis en cause.

Contre le recul réactionnaire, éveil politique du prolétariat

L’évolution réactionnaire des choses, qui se traduit par une poussée vers l’extrême droite dans plusieurs pays, en particulier en Europe, vient de se concrétiser en Amérique latine avec la victoire électorale de Bolsonaro, qui sera intronisé président du Brésil au 1er janvier 2019. Dans ce pays qui a subi pendant tant d’années une dictature militaire féroce, aux ordres de l’impérialisme et dévouée aux privilégiés, la grande bourgeoisie et l’aristocratie des propriétaires terriens, cet ex-parachutiste d’extrême droite a été élu grâce à l’apport des voix d’une partie importante de l’électorat pauvre, y compris d’électeurs qui dans le passé avaient soutenu Lula.

Immense est la responsabilité de la gauche dans ce retour en arrière ! Le Parti des travailleurs de Lula et de Dilma Rousseff, au pouvoir pendant treize ans, a déçu, trahi les espoirs que les masses pauvres avaient mis en lui. Non seulement il les a désarmées politiquement, mais il les a poussées vers leurs pires ennemis. Confrontée à la crise économique et à ses conséquences, la gauche réformiste au pouvoir a fait le sale boulot en gérant loyalement les affaires de la grande bourgeoisie et de l’impérialisme. Le travail accompli, un obscur politicien d’extrême droite n’a eu qu’à ramasser la mise. Et la hiérarchie militaire, responsable de vingt années de dictature féroce, apparaît absoute de ses crimes et peut même se payer le luxe de se poser en garante de la Constitution et de la démocratie.

Que soit dite également la responsabilité d’une grande partie de l’extrême gauche qui, par suivisme à l’égard du Parti des travailleurs, l’a cautionné pendant longtemps, au lieu de mettre en garde les classes exploitées contre un pouvoir qui se revendiquait des travailleurs pour les trahir au profit des possédants.

Indépendamment de la politique du futur pouvoir gouvernemental, le succès électoral de Bolsonaro représente déjà une menace immédiate. Dans ce pays marqué par la violence des rapports sociaux, il encouragera les bandes armées, celles officielles de la police, celles des gangs dans les favelas, celles des grands propriétaires terriens dans les campagnes, à s’en prendre à ceux qui contestent leur ordre, à des syndicalistes, à des paysans sans terre, à ceux qui sont combatifs ou paraissent être des adversaires du régime.

Dans nombre de pays pauvres, l’évolution réactionnaire de la situation se traduit par la résurgence et, de plus en plus souvent, par l’installation de forces réactionnaires, ethniques ou religieuses, pour incarner, encadrer et dominer l’opposition latente à l’impérialisme.

La vague révolutionnaire de 1917-1919, qui a porté le prolétariat au pouvoir en Russie, a constitué une onde de choc dans les pays opprimés de l’époque. Les espoirs ouverts par cette vague révolutionnaire du prolétariat avaient cristallisé autour de la Russie révolutionnaire les multiples formes de révolte contre l’oppression impérialiste.

La vague révolutionnaire retombée, le stalinisme a transformé à l’échelle internationale les espoirs soulevés en illusions vis-à-vis de courants nationalistes radicaux. Pendant un certain temps, pour abuser leurs masses populaires, ces courants se sont dissimulés derrière le drapeau du communisme. Une première génération de dirigeants nationalistes, directement ou indirectement formés par le stalinisme, comme Mao Zedong, Hô Chi Minh ou Kim Il-sung, a fourni, en arrivant au pouvoir, une méthode à un grand nombre d’imitateurs issus de la petite bourgeoisie nationaliste, de l’Asie à l’Amérique latine en passant par l’Afrique, pour encadrer, diriger, canaliser les révoltes de leur peuple.

Le stalinisme ayant accompli son œuvre, la petite bourgeoisie contestataire des pays opprimés a rejeté les mots même de communisme et de socialisme pour évoluer vers les formes les plus réactionnaires et les plus anachroniques du nationalisme. Une évolution qui s’est faite sur bien des années, à travers nombre de guerres d’émancipation, de guérillas, victorieuses ou pas, de l’Amérique latine à l’Afrique (Algérie notamment). La révolte populaire contre le chah d’Iran en 1979 a été la première à l’emporter sous la direction de forces réactionnaires avérées. La partie pauvre et opprimée de la planète a subi depuis bien d’autres formes de résurgences du passé, par lesquelles celui-ci se saisit du présent (fondamentalisme religieux, ethnisme, communautarisme). Sous leur inspiration et, en cas de succès, sous leur direction, la contestation de l’impérialisme est au mieux stérile, mais bien plus souvent forge de nouvelles chaînes pour les opprimés.

Seule la renaissance du communisme révolutionnaire et celle des luttes conscientes du prolétariat peuvent redonner une perspective favorable à la lutte contre l’oppression impérialiste.

Aujourd’hui, un certain nombre d’intellectuels, plus ou moins conscients de la dégradation des relations internationales et de la menace de guerres qu’elle recèle, se perdent en conjectures pour tenter de deviner autour de quel axe se produira la future conflagration mondiale.

Les uns constatent, plus d’un quart de siècle après l’éclatement de l’Union soviétique, que le camp occidental est en train de se reconstituer sous la direction des États-Unis, en réinventant plus ou moins la guerre froide contre la Russie. Il faut rappeler que l’Alliance atlantique (OTAN) a été créée contre l’Union soviétique. Elle n’a pas disparu à la dislocation de cette dernière. Après avoir intégré les ex-Démocraties populaires puis les pays Baltes, elle n’a jamais cessé d’être active en direction d’autres pays issus de l’éclatement de l’URSS, notamment la Géorgie ou l’Ukraine. L’OTAN demeure un des instruments de la reprise d’une forme modernisée de la politique de containment des États-Unis vis-à-vis de la Russie.

D’autres voient dans la Chine la principale rivale des États-Unis.

Depuis la victoire de la révolution qui a porté au pouvoir le régime de Mao, la Chine constitue incontestablement un problème pour l’impérialisme américain.

Nous n’avons pas l’intention de revenir ici sur l’évolution des relations entre la Chine et les États-Unis au cours des sept décennies passées. L’histoire récente a fait son deuil de ces années où le régime de Mao prétendait incarner le véritable communisme face au révisionnisme de Khrouchtchev et de ses successeurs. Tout en gardant l’étiquette communiste et en ayant à la tête de l’État un parti qui continue à s’en revendiquer, le régime chinois a fini par abandonner pour une large part ce qui fit son originalité : son refus de se soumettre à la domination des puissances impérialistes.

Au cours des trente dernières années, la Chine est passée d’une économie étatisée et fermée vis-à-vis de l’extérieur à une économie relativement ouverte aux capitaux des puissances impérialistes. Tout en maintenant une forme dictatoriale, le régime autorise, voire favorise, l’accumulation de capitaux privés.

La Chine a réussi à s’assurer une présence importante sur le marché mondial. Son intégration dans l’économie capitaliste mondiale s’est cependant faite, dans une large mesure, par le biais de ce même appareil d’État qui lui a permis de résister pendant longtemps à la domination des puissances impérialistes.

Quels qu’aient pu être la politique et le langage de ses dirigeants, l’État chinois n’a pas été mis en place par une révolution prolétarienne. Il a toujours été l’instrument de la défense des intérêts politiques de sa bourgeoisie nationale, même à des époques où il a semblé coupé d’elle, à des époques où il défendait les intérêts généraux futurs de cette bourgeoisie contre les intérêts particuliers de certains de ses membres.

Héritage du passé maoïste ou, plus exactement, de la révolte populaire essentiellement paysanne qui avait porté Mao au pouvoir, la bourgeoisie chinoise renaissante dispose aujourd’hui d’un appareil d’État capable de résister à nombre de pressions de l’impérialisme. Plus que son étiquette communiste, à laquelle personne ne croit plus (les puissances impérialistes moins que quiconque), c’est la capacité qu’a cet État d’un pays encore largement sous-développé à résister à l’impérialisme qui fait son péché originel aux yeux de ce dernier.

C’est l’étatisme et la centralisation qui permettent aujourd’hui à la Chine à la fois de développer son économie et de se hisser parmi les premiers sur la scène internationale. C’est cet étatisme qui, s’appuyant sur la population la plus nombreuse de la planète, lui permet non seulement de devenir une puissance militaire et diplomatique, mais également d’étendre son influence dans nombre de pays pauvres, notamment en Afrique, concurrençant sur le plan commercial les ex-puissances coloniales.

Le projet de rétablir la route de la soie, la présence économique croissante de la Chine en Afrique, ses bases militaires à l’extérieur, notamment à Djibouti, nourrissent les fantasmes d’un impérialisme chinois menaçant pour la paix du monde. La menace ne vient cependant pas de la Chine, mais de l’impérialisme, en particulier américain. Ce n’est pas des navires de guerre chinois qui croisent au large de New York ou de Seattle, mais des bâtiments américains qui quadrillent la mer de Chine.

Et même si l’homologue asiatique de l’OTAN, l’alliance militaire OTASE, a été dissoute, la Chine reste toujours encerclée par un système d’alliances regroupant sous l’égide des États-Unis toute une partie de l’Est asiatique, de Taïwan au Japon en passant par la Corée du Sud ou les Philippines.

L’évolution des rapports entre les États-Unis et la Corée du Nord semble atténuer les tensions dans cette région qui a été le lieu d’un affrontement militaire à deux doigts de déboucher sur une guerre mondiale en 1950-1953.

Vestige de la guerre de Corée et plus encore de la division du monde en deux blocs, le régime de la Corée du Nord, dictature devenue héréditaire de la famille Kim, a su résister aux pressions impérialistes, en s’appuyant sur les sentiments anti-impérialistes de sa population.

Située à l’intersection des zones d’influence respectives de trois grandes puissances la Chine, l’Union soviétique devenue la Russie, et les États-Unis, ce qui paraissait une faiblesse constitue une force pour les dirigeants du régime. Le dernier en date de la famille Kim au pouvoir, Kim Jong-un, a tenté et jusqu’à présent réussi un coup de poker en se dotant d’un armement nucléaire pour affirmer sa détermination à ne pas se laisser faire par les États-Unis. Le coup de bluff visait en même temps sa propre population, en lui permettant d’afficher son nationalisme tout en lui demandant des sacrifices. Il est probable qu’il l’a fait pour trouver, un peu comme le régime castriste à Cuba, une forme d’intégration dans l’ordre impérialiste, mais avec la préoccupation de ne pas trop en être la victime. Dans le monde impérialiste, les pays qui apparaissent faibles sont impitoyablement écrasés.

L’avenir dira si le calcul a réussi. Mais, là encore, plus que sa petite bombe atomique, ce qui assure la sécurité de l’État nord-coréen c’est que la Chine, la Russie et même l’impérialisme américain n’ont pas intérêt, en tout cas pour le moment, à courir le risque d’une crise qui impliquerait d’emblée trois grandes puissances, sans parler du Japon aux premières loges. Malgré la publicité autour de la rencontre entre Trump et Kim Jong-un, la région reste une zone de tensions parmi les plus graves de la planète.

Le Moyen-Orient et le Maghreb

Le Moyen-Orient reste le centre d’énormes tensions. Les appétits des diverses puissances pour ses richesses et leurs interventions militaires en ont fait un champ d’affrontement permanent, sur fond de destructions matérielles, de régressions et de souffrances pour les populations.

La guerre civile syrienne semble entrée dans sa phase finale avec l’offensive du régime sur la poche d’Idlib, où ont été concentrées les différentes milices rebelles, parmi lesquelles une majorité de groupes djihadistes. L’offensive militaire se combine avec la concertation entre le régime de Bachar al-Assad, la Russie et la Turquie, pour inciter cette dernière à retirer son appui à ces groupes et éventuellement à les accueillir sur son sol, en même temps probablement qu’un nouveau contingent de réfugiés.

La guerre est ainsi en passe de se conclure par une reprise de contrôle du régime de Damas sur presque tout le territoire syrien. L’intervention de la Russie à partir de la fin 2015 lui a permis de redresser sa situation militaire et d’éviter que le pays ne tombe complètement aux mains des milices, dont celles de l’organisation État islamique, et donc dans une situation totalement incontrôlable dont l’Afghanistan ou la Libye donnent l’exemple. La Russie a aidé les États-Unis à sauver l’ordre impérialiste, même s’il n’est pas question pour les dirigeants américains de l’en remercier.

Si cette intervention a évité aux États-Unis, et accessoirement à leurs alliés européens, que la Syrie et la région ne sombrent dans un chaos total, le prix à payer pour eux est un renforcement de l’influence de la Russie et de l’Iran, à laquelle ils tentent de s’opposer. Les protestations des dirigeants américains et européens sous des prétextes humanitaires, leurs avertissements à la Syrie à propos d’un usage réel ou supposé d’armes chimiques, ne découlent pas d’une quelconque préoccupation pour le sort des populations. Elles n’ont pour but que d’assurer la présence des puissances occidentales en Syrie et dans la région.

Les dirigeants impérialistes ont préféré éviter une nouvelle intervention militaire directe au Moyen-Orient, après les revers subis en Afghanistan et en Irak. Ils se sont appuyés provisoirement sur les milices kurdes de Syrie et d’Irak, qui avaient leurs propres raisons de s’opposer à l’avancée des milices djihadistes, sans montrer pour autant la moindre intention d’aller vers une reconnaissance des droits nationaux du peuple kurde. L’impérialisme continue de compter avant tout sur des puissances locales telles qu’Israël, mais aussi l’Arabie saoudite et ses alliés.

Le régime saoudien veut affirmer son rôle comme puissance régionale alliée des États-Unis, en particulier face à l’Iran. Il a rompu ses relations avec le Qatar, accusé de complaisance envers l’Iran avec qui il partage l’exploitation d’importants gisements pétroliers et gaziers. Les dirigeants saoudiens continuent aussi d’appuyer les milices djihadistes présentes en Syrie, et surtout ils poursuivent au Yémen, avec l’appoint des Émirats, une guerre catastrophique pour les populations. Pour cela ils ont bénéficié du soutien ouvert de l’impérialisme américain et de Trump en particulier, mais aussi du soutien plus hypocrite de la France. Sous le prétexte de s’opposer à l’influence croissante de l’Iran, c’est une fois de plus un pays entier qui est détruit, partagé en zones d’influence que se disputent les différentes milices, tandis que la population est plongée dans une détresse effroyable, des ONG estimant à plus de cinq millions les enfants qui y sont menacés de famine.

Dans la décision de Trump de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien auquel était parvenu son prédécesseur, il y a d’abord le souci de faire obstacle à un renforcement de l’Iran et de son influence. Ce pays riche en pétrole, à la population nombreuse et éduquée, essaie depuis la chute du régime du chah de mener une politique relativement indépendante. La reprise des relations économiques avec les pays occidentaux permise par l’accord sur le nucléaire ne pourrait que le renforcer encore. En décidant de déchirer l’accord, l’impérialisme américain impose ses choix à ses partenaires occidentaux, mais aussi à ses alliés locaux. Ainsi la Turquie, qui tente depuis plusieurs années de mener une politique d’équilibre entre Washington et Moscou, s’est vu intimer l’ordre d’interrompre les relations avec l’Iran, même si elles sont déterminantes pour son économie. Trump y a ajouté des sanctions, en imposant des taxes sur les importations d’acier et d’aluminium turcs aux États-Unis. Pour symbolique que soit ce geste, vu le peu de poids de ces importations, il vise lui aussi à indiquer à la Turquie et aux autres régimes que l’impérialisme américain entend rester le patron de la région.

Le transfert, décidé par Trump, de l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem a sans doute été motivé en grande partie par des raisons de politique intérieure, comme de satisfaire l’électorat juif et surtout évangéliste. Mais il s’agit aussi d’affirmer brutalement le soutien des États-Unis à ceux qu’ils considèrent comme leurs alliés les plus fiables au Moyen-Orient. Ainsi Trump ne veut même plus faire semblant de rechercher une solution équilibrée à la question palestinienne, à travers un processus de paix devenu depuis longtemps une fiction. La conséquence est d’encourager encore à l’intransigeance le gouvernement de Netanyahou et l’extrême droite israélienne, et de renforcer l’arrogance des partisans de la poursuite de la colonisation et de l’annexion de la Cisjordanie. Pour le peuple palestinien, la perspective de voir ses droits reconnus et d’avoir son propre État s’éloigne ainsi encore un peu plus. À Gaza, l’isolement du territoire et la politique punitive des dirigeants israéliens rendent la situation encore plus dramatique pour la population.

En Turquie, la décision du président Erdogan de procéder à des élections anticipées en juin 2018 reflétait sa crainte devant la dégradation de la situation économique et sa peur de perdre le pouvoir si ces élections avaient lieu à la date prévue. Il a remporté les élections mais n’a pas évité la crise économique, qui s’est traduite durant l’été par l’écroulement de la monnaie turque. Au manque de confiance dans les perspectives de l’économie viennent s’ajouter le nouvel embargo imposé par Trump dans les relations avec l’Iran et les tensions avec les États-Unis. Après des années de croissance nourrie en grande partie par les crédits bancaires, les capitaux quittent la Turquie et entraînent une dépréciation monétaire semblable à celle que l’on constate dans d’autres pays dits émergents. De nombreuses entreprises, endettées en dollars ou en euros, sont maintenant en faillite. La chute brutale du pouvoir d’achat, la multiplication des licenciements, entraînent une aggravation rapide des conditions de vie de la population. La dictature d’Erdogan ne parvient pas complètement à étouffer les réactions ouvrières.

En fait, l’aggravation de la situation sociale est perceptible à l’échelle de toute la région. La fin 2017 et le début 2018 ont été marqués en Iran par une flambée de révolte touchant essentiellement les couches populaires. Durant l’été, c’est en Irak que l’on a vu la population du secteur de Bassora se révolter contre une situation devenue intenable, en s’en prenant même aux partis et aux milices d’obédience chiite qui contrôlent la région. En Jordanie même, pays peu habitué à la contestation, des manifestations et des grèves ont eu lieu au mois de juin pour protester contre la détérioration des conditions de vie, amenant la démission du Premier ministre. Les guerres, les destructions matérielles, le chaos économique entraînent dans toute la région une aggravation parfois dramatique de la situation des masses populaires. Les surenchères et les affrontements nationalistes, communautaires ou religieux ne peuvent suffire à faire taire une contestation qui se manifeste maintenant sur le terrain social.

Sept ans après, le « printemps arabe » a débouché sur une impasse. En Tunisie, en fait de révolution, on a assisté à un changement de façade du régime qui a tout au plus amené quelques libertés, mais aucune amélioration de la situation sociale. Celle-ci s’aggrave dans les trois pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc), entraînant des révoltes dans certaines régions, tandis qu’une partie de la jeunesse prend la route de l’exil. En Égypte, la dictature de Moubarak a été remplacée par la dictature encore plus dure d’al-Sissi. En Syrie, la tentative de remettre en cause la dictature d’Assad a débouché sur une guerre civile telle que la victoire du régime peut apparaître aujourd’hui comme un moindre mal. En Libye, la contestation du régime de Kadhafi a été suivie d’une intervention impérialiste qui, sous prétexte de sauver la population d’un massacre, a fini par livrer le pays au chaos. La Libye est ainsi devenue le théâtre d’affrontements entre milices, derrière lesquels se profilent des rivalités entre impérialismes, notamment français et italien. Dans toute la région, pour s’imposer contre les peuples, la politique des puissances impérialistes a favorisé les forces les plus réactionnaires, au point de risquer souvent d’en perdre le contrôle.

De nouvelles explosions sociales sont inévitables. On ne peut prévoir quand et où elles pourraient se produire mais, en l’absence de forces révolutionnaires prolétariennes œuvrant pour arracher le pouvoir politique aux bourgeoisies locales et visant à remettre en cause l’ordre impérialiste à l’échelle de la région, elles risquent de mener à de nouvelles impasses.

Les États-Unis de l’ère Trump

Élu en 2016 en promettant de « Rendre sa grandeur à l’Amérique », c’est surtout sur le plan des propos réactionnaires que Trump s’est distingué. Cela fait des décennies que chaque administration américaine mène une politique plus à droite que la précédente. Mais alors que jusqu’ici les précédents présidents, démocrates ou républicains, mettaient un vernis socialement acceptable sur leurs mesures, Trump se vante des siennes, avec des propos racistes ou misogynes : mesures contre les droits des femmes, soutien aux policiers qui tuent des Noirs, propos insultants pour des sportifs noirs contestataires, nomination d’un suspect de viol à la Cour suprême, soutien affiché au lobby des armes à feu… Il n’est pas le premier président à séparer les enfants d’immigrants de leurs parents, mais il est le premier président à s’en vanter. Il s’inscrit donc dans une évolution déjà engagée vers la droite. Mais il donne du crédit à des attitudes racistes et sexistes anciennes. Il encourage ainsi l’extrême droite et aggrave des divisions qui existent dans la classe ouvrière. Il dissimule aussi la dégradation de la condition ouvrière.

Au-delà de sa démagogie politicienne, Trump s’est avant tout appliqué à servir les plus riches du pays. Début 2018, il a fait adopter une réforme fiscale : les impôts vont être allégés de quelque 1 700 milliards de dollars au cours de la décennie à venir. Ces baisses seront réparties de façon inégale : plus de 1 400 milliards iront aux grandes entreprises et aux 5 % des individus les plus riches ; les 300 milliards restants seront partagés entre les 95 autres pour-cent. Comme les précédentes baisses d’impôts, sous Reagan, Bush et Obama, celles-ci alimenteront la spéculation et l’enrichissement d’une minorité.

Les marchés boursiers battent des records et bien des économistes bourgeois jugent eux-mêmes les cours excessifs. Et si un nouveau krach boursier se produisait dans les semaines à venir, les États-Unis auraient bien du mal à renflouer leurs banques comme ils le firent en 2008. Le déficit budgétaire augmente chaque année et la dette publique bondit. Alors que tous les ingrédients d’un nouveau krach sont réunis, Trump, les dirigeants du Trésor et de la Réserve fédérale, les banquiers et tous les grands capitalistes contemplent l’avenir avec inquiétude, certes, mais avec confiance : à la manière de ces passagers de première classe du Titanic qui écoutaient l’orchestre jouer tandis que le navire sombrait, en escomptant, eux, pouvoir profiter des canots de sauvetage, alors que les passagers de troisième classe étaient assurés de couler !

« L’économie américaine est plus florissante que jamais. […] Les demandes d’allocation chômage sont au plus bas en cinquante ans », a fanfaronné Trump à la tribune des Nations unies. Le chômage s’établit officiellement à 3,9 %, au plus bas depuis 1969, un niveau deux fois inférieur à la moyenne des pays de la zone euro. Quand, sous Obama, le chômage était de 5-6 %, Trump lui-même disait qu’il était en réalité de 28-29 %, peut-être 35 %, voire 42 %... En réalité, la situation de l’emploi ne s’améliore pas. Il y a certes depuis 2010 des embauches. Mais toute une partie des travailleurs sont à temps partiel et sont, malgré un ou plusieurs emplois, sous le seuil de pauvreté. Alors que le taux de participation au marché du travail, qui mesure la part de la population qui a ou cherche du travail, était de 66 % en 2008, il est aujourd’hui de 62,7 %. 24 millions des adultes âgés de 25 à 54 ans en sont exclus. Et il ne s’agit pas que de mères de famille. La réalité c’est que, alors même que de plus en plus de personnes âgées sont obligées de travailler pour compléter leur maigre retraite, toute une partie de ceux qui sont dans la force de l’âge sont marginalisés, souvent après des années de précarité.

Portée et limites de la politique protectionniste

Trump s’est fait élire en multipliant les promesses protectionnistes afin de toucher l’électorat des classes populaires, victimes des suppressions massives d’emplois dans l’industrie depuis quarante ans. Deux ans après, les élections de mi-mandat, le 6 novembre, permettront peut-être de voir si sa politique lui a conservé cette base électorale. Ceux qui, dégoûtés de Trump, de sa politique, de ses mensonges et des scandales qui entourent sa présidence, voteront démocrate, lui rendront peut-être la deuxième partie de sa présidence plus difficile. Mais rapprocher les démocrates du pouvoir n’entamera en rien la domination de la bourgeoisie américaine sur son État.

Pour l’instant, les mesures protectionnistes visent surtout la Chine, avec laquelle le déficit commercial américain s’est creusé, de 80 milliards de dollars en 2000 à 335 milliards en 2017. Un nombre croissant de produits chinois sont désormais taxés ou contingentés à l’entrée du marché américain. La Chine riposte mais ses moyens sont limités : elle achète trois fois moins de biens et de services aux États-Unis que ceux-ci n’en achètent en Chine. Autrement dit, les États-Unis ont moins à perdre à un affrontement commercial. Avec l’Europe, la balance commerciale américaine est également déficitaire, d’une centaine de milliards de dollars, et Trump, en bon serviteur des intérêts des firmes de son pays, voudrait rogner les griffes de leurs concurrents. Il peut s’appuyer sur le fait que les États de l’Union européenne, quoiqu’associés dans une union douanière, sont désunis et concurrents les uns des autres. Il peut aussi s’appuyer sur le rôle incontournable du dollar dans les échanges internationaux, qui oblige par exemple les grands groupes européens à obtempérer aux injonctions américaines de quitter le marché iranien. Il s’appuie enfin sur la puissance militaire américaine.

Parmi les mesures prises pour défendre les intérêts des bourgeois de son pays, Trump peut se prévaloir d’avoir obtenu la signature du Canada, après celle du Mexique fin août, sur une version révisée de l’Alena. Si le nouvel accord n’est pas si différent de l’ancien, il entrouvre le marché agricole canadien aux produits des États-Unis, augmente la part des pièces automobiles produites dans ces trois pays contre celles produites en Asie, et introduit au Mexique quelques clauses antidumping social, qui ne protégeront ni les travailleurs du Mexique ni ceux des États-Unis.

Renforcer la position concurrentielle des États-Unis, plutôt que s’engager dans une vraie guerre commerciale, semble être au fond la politique de l’administration Trump. À ce stade par exemple, une grande partie des protections douanières qu’il a annoncées ne sont pas mises en œuvre. Si des capitalistes sont favorables à une hausse des droits de douane, la bourgeoisie américaine dans son ensemble ne souhaite pas une guerre commerciale. Et le Parti démocrate, qui la représente tout autant que les républicains, y est hostile. Les constructeurs automobiles du Michigan voudraient certes réduire la part des voitures coréennes ou japonaises sur le marché intérieur, mais la majeure partie de celles-ci sont fabriquées dans le sud des États-Unis. En outre, les constructeurs américains ne veulent pas payer l’acier plus cher, fût-il made in USA ! Et ils veulent pouvoir continuer à vendre leurs voitures dans le reste du monde. L’administration américaine est actuellement inondée de milliers de demandes de dérogations de la part d’entreprises qui ne veulent pas acheter de l’acier ou de l’aluminium surtaxé. Même une bonne part de ce qui est importé aux États-Unis depuis la Chine rapporte d’abord aux capitalistes américains, comme les iPhones assemblés en Chine, dont les profits vont d’abord à Apple.

Et puis, dans la guerre économique, les États-Unis disposent d’autres armes que les tarifs douaniers. Dans des échanges internationaux qui se font surtout en dollars, tout en consommant plus qu’ils ne produisent, ils peuvent imprimer de la monnaie, ou encore s’endetter pour financer leur déficit commercial. Enfin, si les États-Unis ont en effet perdu en trente ans 5,5 millions d’emplois industriels, soit 30 % du total, la production industrielle du pays a augmenté de 60 % dans le même temps. Les suppressions d’emplois sont d’abord causées par l’augmentation de la productivité et par la rapacité capitaliste.

Nous ne savons pas si les annonces récentes de Trump en matière de commerce international, en partie déterminées par les élections du 6 novembre, peuvent déboucher sur une escalade des mesures protectionnistes, escalade dont les conséquences seraient difficiles à prévoir. Nous savons en revanche que, pas plus que les travailleurs n’ont à gagner au libre-échange, qui est une facette de la politique économique de la bourgeoisie, ils n’ont à gagner au protectionnisme, qui en est une autre facette.

Russie et Ukraine : entre le marteau de la crise mondiale et l’enclume des crises internes

Plus d’un quart de siècle après la fin de l’Union soviétique, sa principale composante, la Russie, peine toujours à trouver sa place dans un monde capitaliste en crise. Cela d’autant plus qu’avec l’aggravation de cette crise, l’exacerbation des rivalités entre les grandes puissances qui dominent le monde réduit encore le peu de possibilités que de nouveaux venus – ces BRICS, dont la Russie fait partie aux côtés de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud – auraient de se tailler une place au soleil de l’impérialisme.

En ce sens au moins, les sanctions économiques et financières dont les États-Unis et l’Union européenne frappent la Russie depuis 2014, au prétexte de son annexion de la Crimée, répondent fondamentalement au même objectif que d’autres sanctions qui s’abattent notamment sur la Chine, dans le cadre de tensions commerciales qui s’aggravent.

Même quand la Russie a pu se retrouver en Syrie, un temps et pour des raisons qui lui sont propres, dans le même camp que les grandes puissances, une forme de guerre froide larvée n’a jamais cessé. Ce que le Kremlin présentait comme la reconnaissance de son statut de premier plan par la communauté internationale, en fait par les puissances occidentales, s’est réduit à lui octroyer le rôle de force d’appoint, certes décisive, dans la défaite militaire de Daech. Mais, une fois ce résultat obtenu, les États-Unis et leurs alliés se sont efforcés de contrer systématiquement, y compris par la force, la prétention de la Russie à établir son influence dans la région.

Non pas que la Russie représenterait une réelle menace pour l’ordre impérialiste, mais parce que celui-ci, à l’heure où le monde capitaliste s’enfonce dans une crise à laquelle il ne voit nulle issue, ne peut que chercher à se soumettre toujours plus étroitement l’ensemble du monde.

Le président ukrainien Porochenko n’a pas dit autre chose quand, fin septembre, il a décrit son pays comme « le flanc oriental de l’OTAN » face à la Russie. Bien que Kiev ne soit pas (encore) membre de l’OTAN, Washington et ses alliés portent à bout de bras ce régime antirusse en qui ils voient une prise de guerre occidentale.

En réplique à cette perte de la seconde plus importante ex-république soviétique, le Kremlin a orchestré le « retour à la mère-patrie » de la Crimée en 2014 et la sécession de l’Est industriel de l’Ukraine, le Donbass.

Ce bras de fer entre la Russie et l’Occident par Ukraine interposée, déjà responsable de plus de 10 000 morts, de centaines de milliers de réfugiés et d’immenses destructions, est un abcès purulent au flanc des sociétés russe et ukrainienne.

En Ukraine, il sert à justifier le fait que le pays se trouve livré à un déferlement nationaliste qui fait la part belle à l’extrême droite, au règne des bandes armées des oligarques-mafieux et à une corruption encore pire que du temps du président honni Ianoukovitch. Le régime a atteint un tel état de décomposition qu’à l’approche d’un nouveau scrutin présidentiel des voix en appellent à la restauration d’un pouvoir fort en Ukraine, à l’image de celle qu’avait menée Poutine dans la Russie laissée en ruine par Eltsine.

En Russie, le « retour pour toujours » de la Crimée a servi à Poutine dans son entreprise d’intoxication chauvine. Il en a fait une fête nationale, l’exhibant comme un trophée et le témoin de la grandeur retrouvée du pays, dans le but d’enchaîner la population au char de la bureaucratie russe et de lui faire oublier son sort, en tout cas l’envie d’en changer.

Cela a profité à Poutine en mars dernier : candidat à un quatrième mandat présidentiel, il a été réélu haut la main face à une brochette de concurrents venus faire de la figuration, après avoir écarté le seul politicien susceptible de lui faire de l’ombre, l’avocat xénophobe Navalny, pourfendeur de la corruption et héraut du marché, ce qui a fait de lui la coqueluche des petits bourgeois russes et des médias occidentaux.

Peu après ce triomphe électoral, et alors que le Kremlin célébrait un nouveau succès, l’accueil du Mondial de football, il se retrouva confronté, pour la première fois en deux décennies, à la contestation sociale, les autorités voulant reculer l’âge de départ en retraite de cinq ans pour les hommes et de huit ans pour les femmes.

Poutine, qui n’avait fait aucune allusion à cette réforme durant sa campagne, la fit annoncer par son Premier ministre en juin : si le vacarme du Mondial ne suffisait pas à couvrir les mécontents, l’impopularité de la mesure retomberait sur celui qui l’avait annoncée. Deux précautions valant mieux qu’une, le Kremlin fit interdire les manifestations dans les grandes villes organisant les compétitions.

Une pétition syndicale réclamant l’annulation de la réforme recueillit trois millions de signatures en quelques jours. Sur la lancée, malgré l’interdiction, puis malgré la pause des congés d’été, se tinrent des rassemblements répétés de milliers, parfois de dizaines de milliers de personnes.

Les petits syndicats et partis catalogués d’opposition, qui se relayèrent pour donner un cadre à ces journées de mobilisation, ne s’adressèrent pas aux travailleurs dans les entreprises. Encore moins en les appelant à la grève, alors que le pouvoir attaquait la classe ouvrière en tant que telle. Face au rejet de la réforme, très largement partagé, la cote de popularité de Poutine s’effondrant, ces syndicats et partis ne firent même pas semblant de chercher à ce que le mouvement s’étende au-delà d’une fraction limitée de la population active, car une protestation sociale et politique qui aurait pris de l’ampleur les aurait mis vraiment en porte-à-faux vis-à-vis du pouvoir.

Et à la fin de l’été, quand Poutine posa à l’arbitre au-dessus de la mêlée en promettant d’aménager la réforme à la marge, syndicats et partis d’opposition s’empressèrent de l’approuver.

Cela sonna la fin du mouvement. Mais il reste ce que certains des millions d’hommes et de femmes qui sympathisaient avec le mouvement, même s’ils n’ont pas pu ou voulu y participer, ont pu retenir de ce qu’ils ont vu durant ces trois mois. À savoir que le « bon tsar », son régime et ceux dont ils servent les intérêts – la haute bureaucratie, les oligarques – étaient prêts à les « faire travailler jusqu’à la mort », comme le dénonçaient tracts et pancartes ; et qu’il y a un antagonisme irréductible entre « eux » et « nous » ; et que si eux, les nantis, les exploiteurs, les parasites, ont l’État et des organisations à leur service, dont le parti du pouvoir, Russie unie, ce qu’il manque avant tout aux travailleurs c’est un parti qui défende leurs intérêts politiques, ceux de leur classe.

L’Union européenne taraudée par des crises

Plus de soixante ans après ce 25 mars 1957 où le traité de Rome institua le Marché commun européen, pour tenter de surmonter quelques-unes des conséquences du morcellement de l’Europe entre États nationaux qui étouffait leurs économies face à leurs rivaux disposant de vastes territoires, les États-Unis principalement, ladite construction européenne n’a enfanté qu’un misérable avorton, caricature dérisoire de ce que pourrait et devrait être l’unité des peuples d’Europe.

Tant que la concurrence entre bourgeoisies impérialistes d’Europe et des États-Unis n’a pas été exacerbée par la crise financière de 2008, l’Union européenne a fonctionné cahin-caha. Mais c’est précisément dans la période de crise et de compétition aggravée que les bourgeoisies d’Europe auraient besoin de s’unir pour résister à des rivaux plus puissants. Or, non seulement elles subissent pleinement la loi du plus fort, en l’occurrence des États-Unis, mais la prétendue construction européenne craque de toutes parts. Même la monnaie commune, présentée à l’époque de sa création comme un pas décisif, a montré lors de la crise de l’euro qu’elle n’était commune que nominalement et que les capitaux spéculatifs pouvaient jouer l’euro des pays impérialistes, l’Allemagne et la France en particulier, contre l’euro grec, voire portugais et, demain peut-être italien.

Depuis la crise de 2008, l’Union européenne est toujours entre deux crises. La crise financière, bien que partie des États-Unis, a affecté autant et plus encore l’Europe. Crise de l’euro, mise au pas brutale de la Grèce, contestation de Bruxelles par les dirigeants des États d’Europe de l’Est du groupe de Visegrad, Brexit et ses conséquences, crise dite des migrants, c’est-à-dire réactions diverses mais abjectes des États de l’Union européenne autour du refus d’accueillir les migrants : la façade unitaire se décompose à vue d’œil, tantôt sur le terrain économique, tantôt sur le terrain politique.

L’Europe est aujourd’hui unie surtout par la crise économique et ses conséquences sociales et politiques. Partout, la bourgeoisie est à l’offensive contre la classe ouvrière, avec une intensité variable suivant les pays qui composent l’Union. Partout s’aggrave la pauvreté de ceux que la crise capitaliste a transformés en chômeurs.

Il y a évidemment une différence entre la situation des pays impérialistes d’Europe et les autres. L’égalité formelle entre les pays de l’Union dissimule dans une certaine mesure, mais ne met pas fin aux rapports de domination des pays de la partie impérialiste de l’Europe. La Grèce en est une illustration : ses classes laborieuses ont été saignées à blanc dans le cadre d’une politique d’austérité dont les principaux bénéficiaires ont été les banques allemandes, françaises et britanniques.

Les nationalistes ou les protectionnistes de tout poil, ici en France, ressortent périodiquement tantôt le plombier polonais, tantôt le camionneur bulgare ou roumain. Mais ils sont nettement moins diserts sur le fait qu’après avoir racheté celles des grandes entreprises de feu les Démocraties populaires qui leur paraissaient rentables, les capitaux des grandes entreprises, dont Renault, PSA, Mercedes ou Toyota, continuent à profiter dans les pays de l’Est d’une main-d’œuvre compétente, mais payée deux à trois fois moins cher que dans les pays impérialistes.

Cela fait plus d’un siècle que l’économie d’Europe étouffe dans le cadre étroit des États nationaux. Et il y a un siècle Trotsky dénonçait l’incapacité des États européens à unifier le continent comme l’expression de l’incapacité de la bourgeoisie de faire quoi que ce soit dans le sens du progrès pour l’humanité.

L’Europe a payé par deux guerres mondiales la rivalité entre ses bourgeoisies impérialistes, chaque camp cherchant à imposer par la force et la violence guerrière l’unification du continent nécessitée par l’évolution économique.

L’état actuel de l’Europe, le choc des intérêts nationaux, l’incapacité des États non seulement à prendre des décisions unies, mais même à faire face à la dislocation, illustrent à quel point la construction européenne de ce demi-siècle était superficielle, fragile, parce que contradictoire et susceptible d’éclatement.

Les communistes révolutionnaires militent dans la perspective d’une unification de l’Europe, pour la suppression de toutes les frontières qui la morcellent. Cela ne s’oppose pas, bien au contraire, à ce que tous les peuples d’Europe soient responsables de leur propre avenir, en collaboration avec tous les autres.

Mais l’histoire montre, une fois de plus, que cette perspective ne peut se réaliser par des marchandages entre bourgeoisies nationales, mais seulement par le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie dans tous les pays du continent et par la prise du pouvoir par le prolétariat.

Les débats politiques qui vont se dérouler au moment des élections européennes s’orientent vers l’opposition de deux camps, l’un pour pousser l’Union européenne plus loin, l’autre contre. Ce sera une discussion aussi biaisée que celle qui, en opposant la gauche à la droite, a tenu lieu ici en France d’expression de la démocratie. Les deux camps politiques qui se feront face se soucient aussi peu de l’Europe que de leurs peuples.

Il faut remarquer ici que la nuance qui sépare les dirigeants de Hongrie, de Pologne, de Slovaquie, d’Autriche et depuis peu d’Italie qui refusent d’accueillir des migrants sur leur sol, et ceux qui, comme Macron, prétendent se donner une image plus humaniste, est seulement l’hypocrisie plus grande de ces derniers. Si Orban dresse des barbelés sur le chemin terrestre des migrants, « l’humaniste » Macron refuse que les bateaux humanitaires qui secourent les migrants accostent dans les ports français. Macron n’affiche pas le chauvinisme brutal d’un Orban. Mais subordonner l’accueil des migrants a une position européenne commune signifie, en clair, qu’il conditionne cet accueil à l’autorisation explicite de l’ensemble des chefs d’État de l’Union européenne, Orban compris.

Mettre en avant la liberté de circulation et d’installation dans n’importe quel pays d’Europe pour tout un chacun, qu’il soit né ou non sur le sol européen, fait partie des revendications de droits démocratiques élémentaires.

Bien au-delà de cette expression de solidarité élémentaire, les communistes révolutionnaires doivent combattre le rejet des migrants comme une des expressions de la décadence et de la pourriture de l’organisation capitaliste de la société. Ils doivent militer pour que les migrants soient intégrés dans la classe ouvrière et dans ses combats.

L’incapacité de l’Europe à s’unir n’est pas celle d’un homme, d’un parti ou d’un camp politique, mais celle de la bourgeoisie. Cette classe sociale n’est plus capable d’apporter quoi que ce soit de progressiste à la société. L’impuissance même de la bourgeoisie nourrit les fantasmes souverainistes en général et l’extrême droite en particulier.

Les communistes révolutionnaires combattent toutes les institutions de la bourgeoisie, qu’elles soient nationales ou européennes, au nom des intérêts politiques du prolétariat et de l’internationalisme. Présenter aux travailleurs, directement ou indirectement, l’État national bourgeois et sa souveraineté comme une protection contre l’Europe bourgeoise, à plus forte raison flirter avec les partis bourgeois qui s’affichent souverainistes, est une stupidité réactionnaire. Un des aspects les plus réactionnaires du règne de la bourgeoisie est le morcellement entre États nationaux, alors que l’économie est de plus en plus socialisée à l’échelle du monde. C’est précisément cette socialisation à l’échelle du monde qui rend la révolution communiste non seulement possible mais indispensable pour tout développement futur maîtrisé de la société humaine.

Construire le Parti communiste et l’Internationale révolutionnaires

La crise persistante du capitalisme n’est pas une énième crise cyclique de l’ère de la libre concurrence, dont le capital finit par se relever. Ce n’était déjà plus le cas à l’époque que Lénine décrit dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme : « Ce n’est plus du tout l’ancienne libre concurrence des patrons dispersés, qui s’ignoraient réciproquement et produisaient pour un marché inconnu. (…) La production devient sociale, mais l’appropriation reste privée. Les moyens de production sociaux restent la propriété privée d’un petit nombre d’individus. Le cadre général de la libre concurrence nominalement reconnue subsiste, et le joug exercé par une poignée de monopolistes sur le reste de la population devient cent fois plus lourd, plus tangible, plus intolérable. (…) Le développement du capitalisme en est arrivé à un point où la production marchande, bien que continuant de « régner » et d’être considérée comme la base de toute l’économie, se trouve en fait ébranlée, et où le gros des bénéfices va aux « génies » des machinations financières. À la base de ces machinations et de ces tripotages, il y a la socialisation de la production ; mais l’immense progrès de l’humanité, qui s’est haussée jusqu’à cette socialisation, profite… aux spéculateurs. »

La crise actuelle est une crise de civilisation. Elle pourrit tout, des relations internationales jusqu’aux comportements individuels. Répondant aux sceptiques de son époque qui prétendaient que « les conditions historiques ne seraient pas encore mûres pour le socialisme », Trotsky affirmait dans le Programme de transition : « Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres mais ont même commencé à pourrir. »

Le capitalisme a survécu aux deux conflagrations mondiales qu’il a provoquées. Mais la rapidité avec laquelle la Deuxième Guerre mondiale a suivi la Première a montré à quel point la rémission avait été provisoire. La crise présente qui, avec ses hauts et surtout ses bas, se prolonge depuis le début des années 1970, la lente et suffocante plongée dans le marasme économique et politique témoignent du caractère tout aussi provisoire de la rémission consécutive à la Deuxième Guerre mondiale.

Mais si de rémission en rémission le capitalisme se survit, la vie sociale, elle, se meurt. À l’échelle de la planète, de 700 à 800 millions de femmes, d’hommes, d’enfants sont condamnés à la sous-alimentation, avec des accès de famine endémique, alors même que l’humanité a tous les moyens d’y mettre fin. La polarisation des richesses entre les mains d’une minorité de parasites qui monopolisent les grands moyens de production n’a jamais été aussi écrasante. Indice parmi bien d’autres des conséquences catastrophiques de cette polarisation : aux États-Unis, phare et incarnation la plus parfaite du capitalisme, qui dans les années 1960 détenaient de loin le record mondial de l’espérance de vie la plus longue, celle-ci se met à diminuer au point d’être inférieure à celle de plusieurs pays d’Asie, parce que, là-bas comme ici, la notion même de protection sociale est en train de perdre toute signification.

L’humanité s’est remise des quelque 100 millions de morts et des destructions immenses de la Deuxième Guerre mondiale, par l’étatisme. Cet étatisme a été le fait d’États de la bourgeoisie. Pour sortir de la catastrophe, ils ont été contraints de se substituer au fonctionnement normal du capitalisme, à la concurrence individuelle et à la propriété privée. C’était d’une certaine manière l’hommage du vice à la vertu, l’expression de la tendance profonde de l’évolution économique et sociale vers des solutions collectives.

Face à l’aggravation de la crise de 2008, lors de la menace de krach financier, ce sont encore les États qui sont intervenus pour sauver la mise au capitalisme, contre les conséquences morbides de la financiarisation que son fonctionnement normal a engendrées. Cependant, malgré la thérapie étatique de plus en plus brutale, la gangrène du capitalisme continue d’empirer.

L’humanité n’est plus seulement menacée par les guerres locales, ou plus ou moins généralisées. Elle l’est par sa propre activité, même là où celle-ci n’a pas pour objectif la destruction. De nombreux scientifiques tirent la sonnette d’alarme et s’élèvent contre le réchauffement climatique, la pollution des océans, les destructions irresponsables et irréparables de l’environnement naturel, la montée des eaux, au point de craindre pour la survie même de l’humanité si des mesures ne sont pas prises.

Mais qui pourrait prendre ces mesures ?

Les écologistes même les plus sincères qui évoquent ces menaces n’ont pas de réponse. Car cette réponse ne pourra venir que de la volonté collective d’une humanité maîtrisant sa propre vie sociale. Mais cela se heurte, à un niveau ou à un autre, à la propriété privée des moyens de production et à l’anarchie congénitale du mode de production capitaliste.

Jamais dans son histoire l’humanité n’a autant été confrontée à des problèmes qui ne trouveront de solution qu’à l’échelle de toute la collectivité humaine.

Jamais non plus les progrès de la science et des techniques, d’Internet aux communications quasi instantanées, n’ont donné aux hommes autant de moyens pour prendre des décisions collectives et pour les mettre en œuvre.

Jamais la contradiction entre les intérêts collectifs et les intérêts privés n’a eu des conséquences aussi menaçantes pour toute l’humanité.

Le prolétariat lui-même a été largement infecté par la morale, l’individualisme, les communautarismes de toutes sortes exsudés par le capitalisme en putréfaction. Lénine constatait déjà : « L’idéologie impérialiste pénètre également dans la classe ouvrière, qui n’est pas séparée des autres classes par une muraille de Chine. » Il faisait ce constat dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, en pleine guerre mondiale. C’était au printemps 1916, un an seulement avant la révolution en Russie et la vague révolutionnaire qui s’ensuivit.

Car, en même temps, le prolétariat reste, comme il l’était au temps de Marx, la seule classe sociale que ses intérêts de classe opposent à la bourgeoisie et au système capitaliste. La seule classe aussi qui est objectivement portée vers le collectivisme. Lui seul peut être porteur de solutions collectives pour faire face aux défis auxquels est confrontée l’humanité.

Restent ô combien ! d’actualité ces expressions du Programme de transition : « Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire. »

La reconstitution de cette avant-garde révolutionnaire est aujourd’hui vitale. Reconstruire des partis et une Internationale communistes révolutionnaires, c’est-à-dire la IVe Internationale, est la tâche fondamentale de notre époque. Les deux émergeront de la même prise de conscience : ce sera à la fois l’indice et l’instrument de son approfondissement à travers la lutte des classes exploitées contre les exploiteurs. Cette lutte de classe devra aller jusqu’au bout, jusqu’au renversement du pouvoir politique de la bourgeoisie à l’échelle du monde, jusqu’à son expropriation pour jeter les fondements d’un ordre social nouveau, sans classes, où l’humanité aura enfin la maîtrise de sa vie sociale.

3 novembre 2018