À la suite de l’affaire Weinstein, de nombreuses femmes, aux États-Unis puis dans d’autres pays? dont la France, ont voulu réagir et dénoncer les violences sexuelles, les viols, les agressions, les attouchements imposés, le harcèlement, les gestes déplacés, les insultes et propos sexistes, qui font partie du quotidien de nombre d’entre elles, à travers les mouvements #metoo et #balancetonporc. Ces accusations et témoignages se sont accompagnés de la multiplication des plaintes pour violences sexuelles dans les milieux du cinéma, de la politique, des affaires, du sport. Cette réaction collective a aussi conforté certaines femmes dans leur refus. Si ces mouvements ont mis sur la place publique le débat sur les comportements que la société tolère, qui dépassent très largement le cadre de dérapages individuels, il n’en reste pas moins que les femmes des milieux populaires ont moins la parole dans les médias pour évoquer la réalité de ce qu’elles vivent, en particulier au travail.
Pour preuve, la tribune parue le 8 janvier dans Le Monde, signée par cent femmes (Catherine Millet, Catherine Deneuve, etc.) qui, de toute évidence ne prennent pas le métro et ne vivent pas la vie des travailleuses, pour défendre cette idée choquante de la « liberté d’importuner ». C’est un exemple de ces courants antiféministes qui, pour des raisons politiques autant que sociales, rejettent l’idée d’un lien entre agressions, harcèlement et domination sociale.
Et pourtant le harcèlement sexuel est bien le produit des rapports de domination existant dans la société, de la place inférieure faite aux femmes, de leur oppression bien réelle, ainsi que de toute l’idéologie sexiste qui continue à être véhiculée. L’oppression des femmes s’est développée avec les sociétés d’exploitation, la division du travail, les classes sociales et la propriété privée. Par la suite, le capitalisme a intimement lié exploitation du travail et oppression des femmes. Toutes les richesses et donc tous les privilèges des classes dominantes reposent sur l’exploitation, qui charrie dans son sillage les pires oppressions. En plus, le capitalisme a mis en concurrence les travailleurs les uns avec les autres, utilisant entre autres le travail des femmes pour abaisser les salaires. Mais depuis les débuts du capitalisme aussi, les ouvrières ont lutté contre cette oppression.
Au 19e siècle, la lutte d’ouvrières contre le harcèlement
Avec le développement de l’industrie et du travail salarié des femmes, d’abord en Europe puis dans le monde entier, des millions de femmes ont travaillé dans des usines, moins payées, plus précaires et plus exploitées. Elles se sont en outre retrouvées sous la coupe de contremaîtres ayant un pouvoir immense sur elles. Les viols et agressions étaient monnaie courante. La misère imposée aux ouvriers, en particulier aux ouvrières, a toujours été un élément-clé du pouvoir de ces contremaîtres et patrons. En outre, cette oppression a toujours été justifiée par la morale bourgeoise et religieuse qui, loin de condamner les violeurs, vilipendait les mœurs des travailleuses, des jeunes filles devenant mères, ou encore des plus pauvres réduites à la prostitution.
En même temps, se développaient les réactions solidaires et collectives pour se protéger contre ces chefs abjects, les grèves contre certains contremaîtres, les luttes contre les violences sexuelles au travail, inséparables de la lutte collective contre les capitalistes. Dans certaines luttes, la revendication de la défense de la dignité des ouvrières était centrale. En 1899, les chapelières de Saumur (Maine-et-Loire) se mirent en grève pour le renvoi d’un contremaître aux agissements présentés comme immoraux. En 1900 à Giromagny (Franche-Comté), les grévistes luttèrent durant sept semaines pour le renvoi d’un contremaître « malpropre, borgne et bossu, aussi hideux au moral qu’au physique » qui abusait des femmes et des jeunes filles, dont certaines avaient 13 ou 14 ans.
En 1905, à Limoges, une grève dans l’usine de fabrication de porcelaine Haviland, pour le renvoi d’un contremaître nommé Penaud, a défrayé la chronique. Celui-ci était la bête noire des 2 400 ouvrières, car il imposait aux nouvelles embauchées un véritable droit de cuissage, renvoyant celles qui lui résistaient. En avril 1905, à la suite d’une grève victorieuse de l’ensemble des travailleurs de l’usine contre le travail aux pièces, les femmes d’un atelier entrèrent en lutte contre Penaud. Très vite, la grève s’étendit à toute l’usine puis fut accompagnée de manifestations dans la ville. Les patrons limougeauds marquèrent leur solidarité contre la grève, défendant Penaud qu’ils considéraient comme l’un des leurs, et se déclarèrent « outrés de l’attitude mauvaise des ouvriers ». La presse locale refusa d’évoquer la cause du conflit. Mais la grève gagna d’autres usines, entraînant aussi bien les ouvriers que les ouvrières, contre d’autres contremaîtres et patrons. En réponse, Haviland déclara le lock-out. Les ouvriers s’attaquèrent aux usines dans lesquelles le travail se poursuivait avec des jaunes. La troupe finit par tirer sur les manifestants, faisant un mort. Mais la grève se conclut par une victoire et le départ de Penaud.
La grève de Limoges n’est qu’un exemple parmi bien d’autres. Dans de nombreuses luttes, les revendications contre le harcèlement allaient de pair avec celles pour de meilleurs salaires, pour le droit des femmes enceintes à s’asseoir, pour la fin des discriminations et contre les conditions infâmes imposées aux travailleuses, tant l’ensemble des questions sont liées.
C’est le cas dans une grève à Dijon en 1898, dans l’usine Grey, où 200 ouvrières de la bonneterie réclament « des hausses de salaires, la suppression des amendes abusives, la diminution de la journée de travail, de l’eau à discrétion et le remplacement des commis surveillants par des femmes ». À la fin du 19e siècle, dans les manufactures de tabac et d’allumettes de Dijon, Marseille et Bordeaux, des grèves se succèdent, s’alimentant les unes les autres, contre les vexations subies par les femmes.
Des journaux socialistes du 19e siècle abordaient cette question de l’oppression des femmes et du harcèlement dans les entreprises. Dans un hebdomadaire lillois, L’Exploité, qui avait ouvert une rubrique intitulée « À travers les bagnes » pour dénoncer les exactions au travail, on trouve en 1884 le récit suivant : « Est-il vrai que M. Decocq, fils de l’associé de M. Courmont, fabricant de tissus, rue Cournont, à Lille, tous les jours, à l’heure du déjeuner, passe dans les ateliers et se met devant la porte dans des positions plus ou moins acrobatiques, afin de voir la nudité des jeunes filles assez imprudentes, ou ne se doutant pas des regards indiscrets de ce jeune lubrique, qui ne tiennent pas leurs jupons assez serrés sur leurs jambes ? Nous recommandons à toutes les ouvrières de cet atelier, dès qu’elles reprendront ce jeune saligaud à cette belle besogne, de toutes se réunir et de lui donner une belle raclée, au besoin lui ôter son pantalon et lui foutre une bonne fessée dont il se souvienne ». D’autres journaux dénonçaient ces agissements, bien avant Internet donc !
Bien des militants défendaient l’idée que les revendications pour la dignité des femmes concernaient tous les travailleurs. Certaines de ces luttes étaient donc menées conjointement par tous les ouvriers. C’est en se battant sur leurs revendications et, plus généralement, contre l’exploitation capitaliste, y compris aux côtés des hommes, que les ouvrières combattaient les agressions qu’elles subissaient dans les usines.
Plus largement, la nécessité du combat contre l’oppression subie par les femmes et pour l’égalité des sexes a fait partie intégrante des idées des premiers socialistes et donc des marxistes. Avec le développement du mouvement ouvrier, la conscience ouvrière s’est bâtie avec cette conviction, défendue par les militants socialistes. Dès 1879, le dirigeant socialiste allemand August Bebel avait publié un livre, La femme et le socialisme, pour affirmer que l’émancipation des femmes et la réelle égalité des sexes ne pourraient s’établir que dans le cadre d’une société socialiste, sans propriété privée ni classes sociales. Alors que de plus en plus de femmes rejoignaient les rangs des partis socialistes, s’organisaient et combattaient aux côtés de leurs frères de classe, la dirigeante socialiste allemande Clara Zetkin proposa à l’Internationale socialiste, en 1910, d’organiser le 8 mars une journée internationale des femmes. Sur le modèle du 1er mai, les femmes du monde entier étaient appelées à manifester sur les revendications des femmes, en particulier l’égalité et le droit de vote. La première de ces journées eut lieu en 1911.
Une question toujours d’actualité
Aujourd’hui encore, la lutte contre le harcèlement sexuel est un problème collectif du monde du travail et une question de rapport de force.
La première forme d’agression est verbale, à commencer par les prétendues blagues, les réflexions sur les vêtements : « De quelle couleur ta culotte ? », « Habille-toi bien si tu viens dans mon bureau car je serai seul »… Cela se poursuit par des allusions sexuelles et prétendues propositions, qui ne sont en fait que des menaces.
Ces propos ne sont pas anodins et ils ne sont pas étrangers au harcèlement et aux agressions : ils en sont très souvent la première forme. Qu’ils soient recouverts d’un prétendu verni d’humour ne change rien. Ils permettent de créer une ambiance propice à ce type de comportements : d’abord pour que les femmes n’oublient pas qu’elles sont vues comme des proies sexuelles, des êtres inférieurs à qui on peut imposer son pouvoir brutalement. Ensuite pour entretenir une forme de menace liée à la possibilité du passage à l’acte. Le fait que certains propos soient tenus publiquement est aussi une forme de pression sur tout le monde. Ceux qui ne réagissent pas contribuent à laisser faire le harceleur, et surtout à l’isolement de la femme visée, en laissant croire que tout cela est, somme toute, assez normal.
Même quand ces propos sont dénoncés, les rapports de domination dans les entreprises font que les harceleurs, surtout s’il s’agit de chefs ou de cadres, se sentent en situation d’impunité, soit parce qu’ils sont réellement couverts par leur hiérarchie, soit parce que les femmes sont de toute façon en position subalterne dans l’entreprise, soit les deux !
Certains témoignages de nos camarades dans les entreprises où ils militent l’illustrent parfaitement.
À la mairie de Reims, après des propos sexistes contre une militante syndicale, des photos d’un mannequin nu censé lui ressembler ont été diffusées, tandis que des écrits anonymes grossiers ont recouvert les tracts qu’elle affiche.
Dans une boulangerie industrielle de l’est de la France où les femmes occupent comme souvent des postes moins qualifiés, sur chaîne et avec pas mal de manutention, alors que l’encadrement est majoritairement masculin, un agent de maîtrise tient ce genre de propos : « Tu m’enverras une photo de toi en maillot de bain ! ». Quand l’une d’elles proteste, il s’amuse à mimer des fessées contre des ouvrières ou à dire : « Toi aussi tu viens chercher ta fessée ? ». Ces faits ont été dénoncés par les syndicats, mais le chef en question a simplement été muté dans un autre secteur… à un poste plus haut placé. Dans cette même entreprise, la direction, lors des négociations annuelles sur les salaires de 2017, a signé avec les syndicats, à l’exception de la CGT, une charte pour l’égalité hommes-femmes, en s’engageant à féminiser tous les mots, ce qui ne coûte rien. En revanche, toujours dans cette usine, il n’y a pas de vestiaire femmes en Logistique. Celles-ci doivent se changer en salle de pause ou dans leur voiture. Elles n’ont pas non plus de toilettes et doivent traverser toute l’usine pour en trouver.
Dans une entreprise de vente par correspondance de la région niçoise, Promondo, qui a fermé en 2016, le dernier directeur vivait dans les locaux ou dans l’hôtel à proximité et se baladait régulièrement en peignoir ouvert dans l’entreprise, où la majorité des salariés était des ouvrières. Ce directeur avait imposé des rapports sexuels à plusieurs femmes en se servant de tous les moyens : chantage, précarité, postes moins durs. Une première plainte a émané d’une ouvrière de nationalité roumaine que le directeur violait en la menaçant de renvoyer sa sœur, elle aussi roumaine, et dont la prolongation du titre de séjour dépendait de son certificat de travail. La plainte n’a pas abouti, alors que cette ouvrière était accompagnée de déléguées CGT. Il a fallu que l’usine ferme pour qu’une partie des femmes surmontent leur honte et dénoncent ces agissements. Dans une mairie de l’Isère, une jeune femme, contractuelle pendant sept ans, terrorisée par son chef qui lui avait imposé des rapports non consentis, a porté plainte lorsqu’elle a obtenu son CDI. Ce responsable a bien été mis à pied immédiatement, mais au bout de trois mois il a été réintégré avec tous ses traitements et primes, sur son poste, car l’enquête de police n’a retenu ni le viol ni le harcèlement.
En 2012, dans un grand centre de recherche de la région parisienne, une salariée de la cantine, employée par une entreprise extérieure, fut agressée par un chercheur qui, après avoir multiplié les avances verbales, l’embrassa de force. La travailleuse fit immédiatement appel aux gardiens, qui vinrent mettre dehors ce chercheur. Elle porta plainte à la gendarmerie. La première réaction de sa hiérarchie fut de le lui reprocher : « Tu n’aurais pas dû porter plainte, c’est un grand chercheur, ça va faire des histoires. » Un mois plus tard, cette salariée était sanctionnée pour n’avoir prévenu son employeur que le lendemain des faits et pas le soir même. Depuis, elle a subi nombre de sanctions plus ou moins affichées : changement des repos compensateurs, transfert dans une autre cantine éloignée, etc. Sans même parler des propos vexatoires l’accusant d’avoir provoqué cette agression. Il a fallu la lutte menée par elle-même et des militants syndicaux pour faire reconnaître son agression, et un jugement aux Prud’hommes pour imposer la réintégration de cette travailleuse aux deux directions d’entreprises, le centre de recherche et la société de restauration.
Selon une récente enquête du secrétariat d’État aux droits des femmes, 20 % des femmes affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel au travail. Un tiers d’entre elles n’en parlent à personne. Mais de toute façon, celles qui en parlent, la majorité donc, ne sont pas écoutées ni soutenues, d’où il résulte que 5 % des cas seulement sont portés en justice. Et parmi ces derniers, 93 % des plaintes sont classées sans suite. Les victimes ont donc bien du mal à trouver le soutien de la justice. Mais à l’intérieur de l’entreprise, les conséquences sont encore pires : 40 % des femmes victimes de harcèlement affirment que leur dénonciation des faits a abouti à des mesures contre elles, comme le non-renouvellement de leur contrat, leur licenciement, le blocage de leur carrière ou une démission forcée.
Le gouvernement Macron multiplie les grands discours hypocrites contre le harcèlement et pour l’égalité des femmes. Il propose que les soins psycho-traumatiques liés aux violences soient pris en charge par la Sécurité sociale, de mettre en place un signalement en ligne pour les victimes de violences ou de harcèlement. Par l’intermédiaire de la secrétaire d’État chargée de l’égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa, il va présenter une loi contre les violences sexuelles et le harcèlement de rue. Mais il se garde bien de faire quoi que ce soit contre le harcèlement au travail, hormis des discours, des révisions de normes et autres balivernes. Des lois, il en existe un certain nombre, par exemple pour affirmer la nécessité de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Et pourtant, les femmes gagnent en moyenne 18 % de moins que les hommes. La multiplication des lois prouve que le problème persiste et qu’il nécessite bien plus que des textes pour être réglé.
Dans la réalité, ce gouvernement s’en prend aux droits des femmes, en particulier des travailleuses. Le budget du secrétariat d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes a baissé en 2017. Mais surtout, la politique de ce même gouvernement constitue un recul pour tous les travailleurs et donc en premier lieu pour les femmes. En s’attaquant aux conseils de Prud’hommes, le gouvernement réduit fortement les possibilités de poursuivre des employeurs ou des chefs harceleurs. Et en augmentant le pouvoir des patrons, avec les ordonnances Macron-Pénicaud, en leur permettant de licencier plus facilement, de recourir plus facilement au travail précaire, d’imposer plus de flexibilité, plus d’heures de travail, il s’en prend aux travailleuses. Elles sont les premières concernées par le travail du dimanche dans les commerces, facilité par la loi Macron de 2014 ; et quelle latitude ont-elles pour refuser ce travail quand elles sont à temps partiel ou en CDD ?
Aujourd’hui, avec la même hypocrisie que le gouvernement, la majorité des grandes entreprises se targuent de mettre en place des chartes pour l’égalité des sexes ou contre les discriminations. L’exemple de la boulangerie industrielle citée plus haut le montre. Mais qu’il s’agisse des discriminations racistes ou des inégalités entre hommes et femmes, ce sont des déclarations sans grande conséquence. Les chartes d’égalité ne changent pas fondamentalement le sort des femmes, les différentiels de salaires, les possibilités d’avancement. De même que celles contre les discriminations ne changent quasiment rien au fait que, sur les chaînes de production, dans les entrepôts de la grande distribution, et même de plus en plus dans les hôpitaux, on trouve principalement, souvent employés comme intérimaires, des jeunes issus de l’immigration ; comme hier leurs pères immigrés, bien qu’embauchés en CDI, faisaient déjà partie de la fraction la plus exploitée de la classe ouvrière. Car derrière ces ségrégations, il y a les rapports d’exploitation et un ordre social basé sur la domination d’une classe qui s’appuie sur toute une série d’inégalités, de rapports de domination, et de mépris social.
Un combat à mener dans le cadre de la lutte de classe
Il est difficile aux femmes agressées de vaincre la peur, la honte, la souffrance pour parler. Alors, quand elles le font, c’est une première victoire. La parole libérée de nombreuses femmes sur Twitter a contribué à renforcer chacune dans son sentiment de bon droit et a imposé à l’ensemble de la société de les entendre. Mais faire reculer les pratiques et comportements sexistes nécessite de mener aussi un combat contre les racines de cette oppression. Quand les femmes dénoncent leur harceleur, elles se retrouvent face à une solidarité sociale, dirigée contre elles. Leur hiérarchie, la police, la justice défendent spontanément les puissants et les dominants face à des travailleuses. C’est le constat bien amer que font en général celles qui se défendent et portent plainte.
Les rapports de domination et de pouvoir sont tellement inscrits dans la société capitaliste qu’ils sont toujours l’élément essentiel du harcèlement. D’autant plus que dans le cadre du travail, c’est-à-dire de l’exploitation, les femmes sont encore maintenues dans une situation inférieure par les salaires, les postes, la précarité ou le temps partiel. Elles constituent la moitié la plus exploitée de la classe ouvrière. C’est pourquoi bien des femmes sont victimes de supérieurs qui connaissent parfaitement leur pouvoir de nuisance. Le fait qu’elles subissent des violences liées à leur condition de femmes et de travailleuses reste le problème de tous. Car par cette oppression, c’est une partie de la classe ouvrière qui est encore plus maltraitée, encore plus réduite au silence, voire broyée. Cela représente un affaiblissement pour tous les travailleurs.
A contrario, ce sont les luttes collectives, la solidarité qui permettent de combattre ce harcèlement. Dans bien des cas, c’est parce qu’elles trouvaient un soutien autour d’elles que des femmes ont pu dénoncer et porter plainte. Mais à chaque fois, elles ont également dû s’opposer à l’hostilité générale.
Ainsi, en 1982, 35 travailleuses d’un supermarché Radar de Cachan (Val-de-Marne) se mirent en grève pour faire muter le sous-directeur qu’elles accusaient de harcèlement sexuel. Elles ne demandaient même pas sa démission, mais simplement d’en être débarrassées. Celui-ci aimait coincer des femmes dans les réserves pour les peloter ou les forcer à coucher avec lui en échange d’un avancement. Elles décidèrent alors de se mettre en grève et d’occuper le magasin. Dans le seul reportage alors diffusé à la télévision, le patron avait toute latitude pour traiter les grévistes de menteuses.
En 2017, des travailleuses et des travailleurs de l’entreprise de nettoyage H. Reinier, filiale d’Onet à la gare du Nord, se sont battus contre le harcèlement sexuel et moral de leur hiérarchie. Elles ont commencé par dénoncer les propos et gestes obscènes, les attouchements, suivis aussi d’humiliations, licenciements et racket qu’elles subissaient. Un délégué du personnel qui les avait soutenues a été licencié. La direction de cette entreprise de nettoyage a pu compter largement sur le soutien de la direction de la SNCF, alors même que des délégués cheminots avaient aussi témoigné contre ces pratiques. Il a fallu cinq années pour qu’elles gagnent aux Prud’hommes contre leur patron. Pendant ce temps, celui-ci a obtenu de nouveaux contrats avec la SNCF. H. Reinier a voulu profiter de ces nouveaux contrats pour licencier une partie des travailleurs du ménage, et cela a déclenché une grève de plusieurs semaines, qui a été victorieuse. La proximité de ces deux faits ne relève pas du hasard, ni pour ce qui est de l’attitude des deux directions, ni pour ce qui est de la détermination des travailleuses et travailleurs de cette entreprise.
L’oppression des femmes ne concerne pas que les travailleuses, mais toutes les femmes, et elle existait avant le capitalisme. Mais celui-ci a fait perdurer cette oppression et en a même fait un rouage de son exploitation économique. Malgré les luttes, les avancées dans certains pays et à certaines périodes, le maintien de ce système économique injuste et irrationnel et la domination sur toute la planète de la bourgeoisie maintient toute la société dans une plus ou moins grande barbarie. C’est pourquoi la façon la plus conséquente de combattre l’oppression des femmes est de lutter contre le capitalisme. On ne peut se dire communiste sans combattre cette oppression.
C’est dans le cadre des entreprises que les travailleuses sont souvent en butte au sexisme et au harcèlement. C’est aussi en combattant l’exploitation qu’elles prennent toute leur place dans le combat contre le capitalisme, et donc pour leur propre émancipation.
21 février 2018