En ce début d'année, Chirac persiste et signe. Ce sont des attaques tous azimuts contre les travailleurs qu'il a annoncées à l'occasion de ses voeux. Dans la droite ligne de la politique arrogante, méprisante pour les classes laborieuses, qui est menée depuis un an et demi, Chirac promet de nouvelles attaques contre les salariés en même temps que de nouveaux cadeaux pour favoriser encore plus le patronat.
On ne saurait mieux donner le ton pour cette nouvelle année.
Les bons voeux de Chirac au patronat
Dès le 31 décembre, à la télévision, Chirac demandait au gouvernement de préparer "une grande loi de mobilisation pour l'emploi" en annonçant clairement la couleur : "Se mobiliser pour l'emploi, c'est permettre aux entreprises de donner leur pleine mesure car, ne l'oublions pas, ce sont d'abord les entreprises qui font l'emploi". Il n'a pas tardé à dévoiler la mesure phare de cette "grande loi" : l'exonération de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements dès le 1er janvier 2004, et la promesse de sa suppression d'ici dix-huit mois. La simple exonération décidée représente un cadeau de 1,5 milliard d'euros (10 milliards de francs), au détriment du budget de l'État et sans doute des collectivités locales, quoi qu'en dise Chirac. Voilà trente ans qu'on baptise "politique de l'emploi" le détournement scandaleux de l'argent public au profit exclusif des possédants, propriétaires d'entreprises et actionnaires. Chaque gouvernement s'est ingénié à offrir des cadeaux supplémentaires, aides, subventions, exonérations de charges sociales, fiscales, etc. Le gouvernement Jospin avait déjà exonéré le patronat d'une partie de la taxe professionnelle correspondant à 9,3 milliards d'euros, alors Chirac ne peut pas faire moins que de promettre la suppression des 22 milliards d'euros restants ! L'argent public coule à flots pour arrondir les fortunes privées des possédants alors que les déficits se creusent et que le gouvernement ose affirmer que les retraites des vieux travailleurs coûtent trop cher, que la santé coûte trop cher et qu'il faut faire des économies sur les services publics.
Pour permettre aux entreprises de "donner leur pleine mesure", les quelques dispositions du Code du travail protégeant un peu encore les travailleurs vont être mises en pièces. C'est ce que Chirac appelle "alléger les procédures inutiles". La nouvelle loi doit assouplir les procédures de licenciements, alors même que les entreprises licencient déjà à tour de bras et que les plans de licenciements se succèdent à une cadence effrénée. Elle doit aussi mettre en place de nouveaux contrats de travail de 3 à 5 ans, dits "contrats de mission" ou "contrats de projet", qui remplaceront bien des embauches sous contrat à durée indéterminée et donneront un nouvel essor au travail précaire, déjà bien trop répandu tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
Dans les tout premiers jours de janvier, l'Assemblée nationale vient de voter la "loi sur le dialogue social" qui offre la possibilité de négocier des accords d'entreprise, ce qui signifie les substituer aux accords de branches ou interprofessionnels ! Mais négocier par entreprise, c'est accepter de le faire dans un rapport de force plus défavorable aux travailleurs, et c'est accepter par avance de sacrifier les travailleurs des entreprises plus petites ou dont le personnel est en situation plus fragile, pour une raison ou pour une autre, et qui ne pourront plus bénéficier d'avantages obtenus à un niveau plus général.
Chirac a promis aussi pour cette année la limitation du droit de grève dans les transports. C'est ce qu'il appelle le "service garanti". Encore une atteinte aux droits des travailleurs de se défendre contre les attaques qu'on leur fait subir.
2003, une année de régression sociale qui en aura préparé d'autres
Depuis un an et demi, Chirac et le gouvernement Raffarin ont profité au maximum du véritable plébiscite que la gauche a offert à Chirac en appelant à voter pour lui lors du deuxième tour de l'élection présidentielle. Il s'est employé à faire accepter des attaques d'ampleur contre le monde du travail. Il s'en est pris aux salariés, aux retraités, aux chômeurs, aux contribuables modestes, alors qu'il a distribué sans compter l'argent de l'État aux entreprises et aux riches. Une politique provocante et odieuse, une véritable guerre de classe menée par les puissants contre les plus pauvres pour les réduire à la misère et au désespoir.
L'année 2003 restera l'année de la régression sociale en matière de retraite. Dix ans après que les mesures prises par Balladur ont montré leurs effets désastreux sur le montant des pensions des travailleurs du privé, Chirac-Raffarin ont imposé une régression du même ordre aux travailleurs de la Fonction publique et des attaques supplémentaires contre ceux du privé. Et tout cela au nom de l'équité ! Le terrain avait certes été bien préparé, depuis des années, par une campagne de mensonges grossiers, repris en choeur par les politiciens de tout bord, par les médias et la quasi-totalité des prétendus experts, campagne qui s'est intensifiée à partir de l'automne 2002 pour culpabiliser les travailleurs, leur faire croire qu'ils coûtaient trop cher, que le système de retraite courait à la faillite, qu'il serait égoïste de ne pas accepter des sacrifices pour les générations à venir, alors même que patrons et gouvernement s'entendent comme larrons en foire pour piller les caisses de retraites des salariés.
L'allongement des durées de cotisation pour avoir droit à une retraite pleine, alors que le chômage et l'explosion de la précarité font que de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui travaillent par intermittence, qui ne trouvent plus d'emploi après 50 ans, est d'autant plus ignoble que la façon de calculer les pensions, même à taux plein, aboutit déjà, elle aussi, à faire baisser considérablement le niveau de vie des vieux travailleurs. C'est dire que la misère et le dénuement vont se répandre parmi les personnes âgées qui vont connaître à nouveau la scandaleuse situation qui était faite aux personnes âgées il y a cinquante ans.
Encore plus brutales et cyniques sont les mesures prises à l'encontre des chômeurs. C'est par démagogie vis-à-vis de son électorat réactionnaire que le gouvernement a l'impudence de présenter les travailleurs comme des fainéants vivant de l'assistanat au lieu de travailler. Il ose prétendre que couper les allocations chômage, c'est "remettre la France au travail" et donc lutter contre le chômage. Les licenciements se multiplient, les grands entreprises, riches à milliards, jettent à la rue les travailleurs par milliers 150 000 emplois industriels ont été supprimés depuis l'arrivée de Chirac-Raffarin et tout le monde sait bien que des centaines de milliers de chômeurs n'ont aucune possibilité de retrouver du travail. Mais le gouvernement s'est empressé dès l'an dernier de donner son aval à la réduction de la durée des allocations chômage des nouveaux chômeurs. Depuis le 1er janvier, cette réduction s'applique aussi à tous ceux qui sont déjà depuis plus d'un an au chômage. 180 000 d'entre eux vont ainsi perdre ce mois-ci leur allocation chômage et se retrouver avec l'Allocation spécifique de solidarité (ASS) prévue pour les chômeurs en fin de droits. Et, pour faire bon poids, la majoration de 40 % perçue par les allocataires de l'ASS à partir de 55 ans a été supprimée. Ils ne toucheront désormais plus que 13,76 euros par jour. L'ignominie a été poussée jusqu'à limiter à deux ans (trois ans pour ceux qui la touchent déjà) la durée de cette allocation, qui était jusqu'ici renouvelable sans limitation de durée. C'est donc délibérément, en connaissance de cause, que le gouvernement a choisi de laisser jeter dans le dénuement les chômeurs de longue durée qui ne sont même pas assurés de pouvoir toucher le RMI, une fois leurs droits à l'ASS épuisés. Des centaines de milliers de personnes vont se trouver sans aucun revenu, obligées de vendre leur logement et d'épuiser leurs dernières ressources pour pouvoir toucher le RMI. Et cela uniquement parce que les Chirac et Raffarin veulent plaire aux nantis en faisant étalage de leur dureté envers les plus démunis !
C'est également depuis le 1er janvier que les intermittents du spectacle se voient imposer un nouveau régime d'assurance chômage qui réduit leurs droits d'un tiers, eux dont le travail est précaire par définition. Voilà des mois qu'ils protestent, pendant que le gouvernement approuve ce mauvais coup de leurs employeurs.
L'argent public coule à flots pour les possédants...
Le gouvernement Jospin avait accordé aux entreprises des allégements temporaires de charges sociales records à l'occasion de la mise en place des 35 heures. A l'époque, la droite avait fait mine de s'indigner du coût de ces mesures. Le gouvernement Chirac-Raffarin a fait en sorte que ces avantages considérables soient maintenus au lieu de s'éteindre progressivement dès 2003. Le ministre des Affaires sociales, Fillon, a mis en oeuvre une refonte complète des exonérations de charges sociales qui a permis de pérenniser, de systématiser et d'augmenter les dégrèvements de charges sur les salaires. Il en a coûté 7,5 milliards d'euros supplémentaires au budget de l'État en 2003 et il en coûtera le double en 2004. Le patronat est ainsi assuré de continuer à bénéficier chaque année de quelque 19 milliards d'euros d'exonérations de charges sociales.
Quant aux exonérations fiscales, une série de lois, la loi sur le mécénat, la loi sur l'Outre-mer, la loi Dutreil sur le développement économique, la loi Fontaine sur l'innovation, ont encore accru les avantages fiscaux dont bénéficient les entreprises sous une multitude de prétextes.
Les cadeaux ne vont pas seulement aux entreprises mais aussi aux contribuables les plus fortunés. Depuis l'arrivée de Chirac-Raffarin, l'impôt sur le revenu a été baissé de 10 %, ce qui permet de diminuer de 4,66 points le taux d'imposition de la tranche supérieure qui est tombée de 52,75 % à 48,09 %, mais ne diminue le taux de la tranche la plus basse que de 0,67 point ! Une petite minorité de riches va y gagner des milliers, voire des dizaines de milliers d'euros, alors qu'elle n'en a nul besoin.
Une série d'autres dispositions ont été prises pour favoriser encore davantage les plus riches, majorant les avantages fiscaux sur le mécénat, sur les revenus financiers, sur les pertes essuyées en Bourse, sur de nombreux types de placements, etc. La possibilité de déduire de ses impôts la moitié du salaire versé à une employée de maison jusqu'à concurrence de 6 700 euros a été portée à 10 000 euros : un cadeau supplémentaire de 3 300 euros... à condition de payer suffisamment d'impôts pour en bénéficier !
Chirac vient d'annoncer sa ferme intention de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu, avec des mesures "ciblées" dit-il, pour favoriser l'épargne-retraite et les assurances maladie complémentaires, c'est-à-dire pour aider les plus aisés à compenser individuellement la réduction de la protection sociale qui touche toute la population.
... Et manque pour les besoins de la population laborieuse
Rien n'est épargné à la population laborieuse, de plus en plus lourdement frappée par l'augmentation incessante des impôts indirects, en particulier sur les carburants, sans parler du tabac et des boissons, et des impôts locaux. L'allégement de la taxe professionnelle payée par les patrons engendre automatiquement l'augmentation des impôts payés par la population, taxe d'habitation, taxe sur les ordures ménagères, taxe foncière.
La population laborieuse est tout particulièrement affectée par la dégradation des services publics. Alors qu'il vide si allègrement les caisses de l'État au profit du patronat et des couches les plus aisées, le gouvernement rogne sur tous les services publics, aggravant encore les conditions de vie des plus démunis.
Ce sont les enfants des couches populaires qui sont les premières victimes du manque de moyens de l'Éducation nationale, dont le gouvernement s'emploie à réduire encore le personnel. Le budget 2004 prévoit la suppression de plus d'un millier de postes d'employés administratifs, de 2 500 postes d'enseignants stagiaires, de 5 000 contrats emploi-solidarité ou contrats emplois consolidés. Les 1 500 postes supplémentaires dans le primaire sont pris sur les 4 000 postes supprimés dans le secondaire. 14 000 "assistants d'éducation" sont appelés à remplacer 23 000 surveillants et aide-éducateurs. Loin de faire le compte, voilà des mesures qui ne peuvent que favoriser l'échec scolaire et saccager la vie de centaines de milliers de jeunes.
Ce sont les familles modestes qui sont victimes de la réduction des crédits affectés aux logements sociaux, en baisse de 7 à 8 % deux années de suite. Au-delà des effets d'annonce, sur les 55 000 logements "financés" en 2003, 27 000 (dont 15 000 neufs) seulement sont véritablement des logements sociaux disponibles pour de nouveaux locataires. Le nombre de logements sociaux construits n'a jamais été aussi faible depuis... 1954. Plus d'un million de personnes attendent pourtant un logement HLM !
2004 : attaques redoublées contre l'assurance maladie
En 2003, le gouvernement a économisé jusque sur les crédits pour les maisons de retraite, qu'il a diminué de 103 millions d'euros, et pour l'Allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, dont il a modifié les critères d'attribution, estimant que cette allocation coûtait trop cher. Pire, la catastrophe de la canicule de l'été et ses 15 000 morts ne lui ont pas fait modifier d'un iota une politique criminelle d'économies sur la santé publique qui remonte certes à plusieurs années, mais qu'il n'a eu aucun scrupule à aggraver.
Et le comble est que, sous prétexte d'aider les personnes âgées, c'est aux salariés que le gouvernement s'en prend en leur supprimant un jour de congé, leur imposant de travailler ce jour-là gratuitement pour leurs employeurs qui, eux, ne reverseront à un fonds prétendument destiné aux personnes âgées qu'une partie des salaires qu'ils auront ainsi économisés. Encore un cadeau aux patrons ! Quant au fonds en question, il aura peut-être le même avenir que la vignette automobile... dont les personnes âgées n'ont pas vu la couleur. Depuis le drame, les ministres nous servent des mensonges grossiers pour faire croire que des crédits vont être débloqués pour les urgences, pour les maisons de retraite, pour les hôpitaux en général. Mentir avec un tel aplomb alors que l'État ne débourse pas un sou de plus, c'est prendre délibérément le risque d'une nouvelle catastrophe sanitaire.
Le gouvernement continue à détourner toute une partie des cotisations maladie des travailleurs pour financer l'essentiel de la construction, de l'entretien et de l'équipement des hôpitaux, la formation du personnel y compris des médecins, les trois quarts de la recherche médicale et pharmaceutique. Ce sont les assurés sociaux qui payent les profits des cliniques privées, des laboratoires pharmaceutiques, des industriels de l'équipement médical.
Et ce sont eux que le gouvernement accuse de coûter trop cher, de consommer trop de médicaments, de consulter trop souvent les médecins. Ce sont eux que le gouvernement prétend "responsabiliser" !
Chirac promet "une réforme" du système de santé d'ici l'été. Depuis des mois, une intense propagande vise à propager l'idée que le déficit de l'assurance maladie serait "abyssal" alors qu'il est cinq fois moins important que celui du budget de l'État pour imposer l'idée qu'il faut accepter de faire des sacrifices afin de "stabiliser" le système comme il a fallu faire des sacrifices pour "sauver" les retraites. Alors que chaque année le patronat est exonéré de cotisations sociales qui représentent le double du déficit annuel de l'assurance maladie, ce sont les assurés sociaux qui vont devoir payer plus pour des remboursements moindres.
Déjà 84 médicaments ne sont plus remboursés, les premiers d'une liste de 600, et 617 autres le sont deux fois moins. Déjà le forfait hospitalier a été augmenté et représente désormais 13 euros par jour, une somme bien supérieure aux frais d'hébergement qu'il était censé couvrir. Les consultations sont plus chères et pas toujours remboursées. Et Chirac nous dit que l'essentiel est à venir !
Raffarin a mis en place un "Haut conseil pour l'assurance maladie" dont le rôle, semblable à celui du Conseil d'orientation des retraites, est de proposer des mesures présentées comme émanant d'experts indépendants. De même, tout un calendrier de rencontres avec les partenaires sociaux est prévu pour faire croire que les mesures adoptées le sont dans l'intérêt de tous. Mais derrière cette mise en scène hypocrite, ce sont bel et bien des mesures de régression sociale qu'on nous prépare. Les prétendus experts ne cessent de répéter qu'une augmentation de la CSG est inévitable et même leur cynisme n'a pas de bornes qu'il faut commencer par augmenter la CSG sur les retraités et les chômeurs qui payent moins que les actifs. Ils ont même calculé que ce sont 7,5 milliards d'euros qu'on pourrait récupérer ainsi au détriment des plus démunis !
Quant aux prestations, il est question de les limiter de plus en plus aux "gros risques" et d'obliger ceux qui en ont les moyens à s'assurer personnellement pour les autres, baptisés "petits risques"...
Le gouvernement s'est bien gardé encore de dévoiler ses projets il en est encore à la campagne d'intoxication pour tenter de faire passer ses mauvais coups en douceur , mais il est certain que si les travailleurs le laissent faire, l'année 2004 sera une nouvelle année de régression majeure pour la population laborieuse.
Alors trop, c'est trop ! Il faudra bien mettre un coup d'arrêt à cette politique ignoble, tout entière au service de l'avidité du patronat et des riches pour les aider à pressurer toujours plus la population laborieuse, les travailleurs, les retraités et les chômeurs, à précipiter dans la misère des familles entières, afin d'arrondir encore leurs profits. Il faudra que cela cesse et que la classe ouvrière se donne les moyens d'inverser le cours des choses, de récupérer ce qu'on lui a volé, d'utiliser les richesses immenses qui existent pour garantir son droit à l'éducation, à la santé, à des conditions de travail correctes et des salaires décents, et son droit à une retraite digne. Ce sont l'arrogance et le cynisme des gouvernants, et tout particulièrement du gouvernement Chirac-Raffarin, ce sont les provocations du patronat si méprisant et sûr de lui qui déclencheront, peut-être au moment où ils s'y attendront le moins, la révolte et la colère du monde du travail. Et il faut souhaiter que cette nouvelle année soit enfin, non pas la nouvelle année de régression sociale qu'ils nous programment, mais celle de la confiance retrouvée des travailleurs dans leurs propres forces et de leur détermination à inverser durablement le cours des choses.
15 janvier 2004