Travailleuses, travailleurs,
Certains s'étonnent ou se moquent de cette formule. Peut-être voudraient-ils que je dise "Françaises, Français" ou "Citoyennes, citoyens" comme le font bien des candidats et des politiciens, masquant ainsi, intentionnellement, le fait qu'il y a, dans cette société, deux sortes de citoyens. Les uns sont plus "citoyens" que les autres, car il y a deux classes sociales très différentes dans cette société, dont les intérêts sont diamétralement opposés et qui n'ont rien de commun.
Il y a ceux, ouvriers, employés, travailleurs intellectuels, enseignants, artistes, journalistes aussi, et bien d'autres salariés ; il y a les petits paysans, artisans et commerçants, qui ne vivent que de leur propre travail, sans exploiter quiconque ; auxquels il faut ajouter les ex-travailleurs comme les retraités ou les non-travailleurs forcés que sont les chômeurs.
Et de l'autre côté, en face devrais-je dire, il y a ceux qui vivent du travail d'autrui et dont l'argent n'a pas plus de nationalité qu'il n'a d'odeur :
Ils tirent leurs profits du travail des autres, de beaucoup d'autres, travail sur lequel ils bâtissent des fortunes.
La puissance économique leur donne les moyens de diriger la société, et leur fortune leur permet d'influencer, voire d'acheter les hommes politiques.
Mais surtout, leur système économique basé uniquement sur la recherche du profit, l'individualisme et l'égoïsme, les conduit à ne produire que si cela dégage des bénéfices, quitte à désorganiser la société et à la précipiter dans la crise.
A eux, je n'ai rien à dire. Je ne m'adresse pas à eux, ce sont des adversaires des classes populaires !
Ceux qui cachent la division en classes de la société vous trompent, volontairement. Et ceux qui, parmi les salariés, croient qu'ils échappent au sort de leur classe ou qu'ils ne sont pas des travailleurs parce qu'ils sont employés, agents techniques ou travailleurs intellectuels, se trompent eux-mêmes, et je voudrais les en convaincre.
Et c'est pourquoi je dis en m'adressant à vous, ici :
Travailleuses, travailleurs,
Oui travailleuses, travailleurs,
Cette division de la société en classes n'a jamais été aussi évidente qu'aujourd'hui. Oui, aujourd'hui, tout le monde peut voir que le fossé qui sépare ceux qui accumulent des profits et ceux qui vivent de leur seul travail s'est approfondi. Il s'élargit tous les jours.
Ceux qui gouvernent ce pays, depuis vingt ans que la crise a commencé, ont volontairement, consciemment, creusé l'écart entre la petite couche de riches et la majorité de la population. Pour compenser les effets de la crise qui ne permettait pas à la production de continuer à augmenter, faute de clients pouvant payer, la bourgeoisie, avec l'aide du gouvernement, de tous les gouvernements, a pesé sur les salaires afin que les marges du patronat et des capitalistes en général ne diminuent pas. Résultat : alors que les profits et les revenus du capital ont pris dix ans d'avance, les salaires, eux, ont pris dix ans de retard !
Mais surtout, le chômage a augmenté dans des conditions dramatiques car le patronat n'a pas eu à essayer de maintenir sa production pour maintenir ses profits. Diminuer les coûts en licenciant lui a suffit.
Pour la bourgeoisie, c'était, et c'est, une période d'argent facile. Les gouvernements successifs - toutes étiquettes confondues - ont imposé aux travailleurs le blocage des salaires. Et comme il n'y a pour ainsi dire pas de famille de travailleurs sans un chômeur ou un jeune qui cherche un emploi, cela pèse encore plus sur le niveau de vie de tous.
Lorsque a commencé cette longue période de stagnation, de croissance faible, voire de recul, qui caractérise l'économie depuis quelque vingt ans, ce personnel politique, toutes étiquettes confondues, a fait en sorte que la minorité de riches, non seulement ne souffre pas de la stagnation économique mais, au contraire, en tire profit.
Des fortunes considérables se sont construites en quelques années. Combien d'aventuriers de la bourgeoisie, combien de jeunes loups aux dents longues, les Tapie, mais aussi les Arnault, les Pinault, les Bolloré, se sont bâti des empires en rachetant des entreprises à vil prix, en taillant dans les effectifs, en transformant en chômeurs des travailleurs dans le cadre de "plans sociaux" ou de "dégraissages", avec l'encouragement et sous les applaudissement des pouvoirs publics ? Et, pas que les applaudissements ! Car, en général, c'est l'État, ses subventions, ses aides, qui ont permis de transformer les entreprises en faillite en entreprises qui ont rapporté à nouveau du profit à leurs propriétaires.
Mais ceux-là ce sont les marginaux, malgré l'ampleur de leurs escroqueries pour certains. Il y a plus encore : les grandes entreprises bien établies. Ces grandes entreprises sur le fonctionnement desquelles quelques scandales récents ont jeté une petite lumière ; ces compagnies des eaux qui ont accumulé des bénéfices fabuleux sur le dos des consommateurs en achetant des maires de grandes villes ; ces grandes entreprises comme Alsthom, qui a accru ses bénéfices, déjà considérables, au détriment de France Télécoms.
Mais, même la piétaille de la bourgeoisie a profité de ces années qui ont été si dures pour la classe ouvrière. Elle en a profité par la spéculation boursière puis immobilière, par l'achat et la vente de tous ces produits financiers qui ont enrichi surtout les banques mais aussi de larges couches de la bourgeoisie.
Et ceux qui ne se sont pas enrichis dans les opérations financières ou ceux qui ont spéculé à contretemps ont de toute façon bénéficié de toutes sortes de cadeaux largement distribués par les gouvernements successifs. Cadeaux aux entreprises, mais aussi directement aux plus riches, comme la suppression des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, l'exonération fiscale sur tous ces emprunts dits "Giscard", "Barre", "Balladur", etc., comme ces dégrèvements sur les cotisations d'assurance maladie et ces réductions d'impôts scandaleuses sur les charges et les salaires de leurs domestiques, de leurs bonnes, de leurs chauffeurs ou de leurs jardiniers !
Plus la misère est montée, plus elle est devenue une source d'enrichissement. Puisque c'est au nom de cette misère et en prétendant la combattre que tous les gouvernements ont gavé le grand patronat et la bourgeoisie de cadeaux par les subventions ou les dégrèvements divers.
Le chômage lui-même est toujours une arme de guerre du patronat contre les ouvriers. Il l'est de fait puisqu'on sait bien que le chômage pèse sur les salariés.
Après 1981, les dirigeants socialistes, appuyés pendant trois ans par le Parti Communiste, ont alors fait pire que de ne pas organiser la résistance des travailleurs aux attaques patronales. Ils ont utilisé le crédit qu'ils avaient parmi les travailleurs pour les désarmer, pour les ligoter face aux attaques. Ce sont les dirigeants de ces partis, devenus ministres grâce aux suffrages des ouvriers, qui se sont mis à affirmer, plus fort que la droite n'osait le faire depuis longtemps, que les patrons avaient raison de faire le maximum de profit et qu'il n'y avait pas moyen de combattre le chômage autrement qu'en aidant les entreprises capitalistes à être de plus en plus riches. Ce sont eux qui ont décidé, en 1982, le blocage des salaires.
Non seulement les ministres de l'Union de la Gauche ont pris la responsabilité de plans de restructuration qui impliquaient de nombreux licenciements, mais ils ont affirmé qu'ils le faisaient dans l'intérêt bien compris des ouvriers.
Non seulement ils ont décidé le blocage des salaires, mais ils ont dit que c'était la seule politique réaliste."Ne pas compromettre l'expérience de l'Union de la Gauche", voilà l'argument avec lequel ils ont compromis, de haut en bas, les militants ouvriers qui accordaient leur confiance au Parti Socialiste ou au Parti Communiste, en les amenant à répercuter auprès des travailleurs le "réalisme" de ces messieurs les ministres de gauche. Voilà l'argument qui leur a servi de leitmotiv pour justifier l'injustifiable ; voilà comment ils ont mis leurs militants au service de la guerre patronale.
Voilà comment ils ont démoralisé la classe ouvrière et comment ils l'ont laissée sans objectifs revendicatifs, sans programme, c'est-à-dire sans espoir.
Le Parti Communiste d'abord, puis le Parti Socialiste, ont fini par payer eux-mêmes cette politique sur le plan électoral. Mais si cher qu'ils l'aient payée, ce n'est rien à côté du prix payé par la grande masse des travailleurs.
Alors, aujourd'hui, Robert Hue peut critiquer la politique du Parti Socialiste - tout en se préparant à faire voter au deuxième tour pour Jospin. Jospin peut, de son côté, faire mine de "gauchir" son langage. Le mal a été fait pour la classe ouvrière.
Et le score de Jospin, sa présence ou son absence au second tour, n'ont d'importance que pour sa carrière à venir, si toutefois il en a une. N'oublions pas que le Parti Socialiste n'a fini par le désigner comme son candidat qu'en désespoir de cause et faute de mieux.
Et si, comme Rocard aux Européennes, il ramasse la veste qu'il n'aura pas l'occasion de retourner, il y a des chances pour qu'il passe à la trappe et qu'il retourne dans l'ombre.
Le Parti Socialiste et Lionel Jospin font aujourd'hui comme s'ils étaient dans l'opposition depuis une éternité. Ni responsables, ni coupables.
Mais, pour les travailleurs, tout cela n'a vraiment aucune importance, à côté des problèmes dramatiques qui se posent à eux.
Alors oui, je dis et je répète que la crise n'en est pas une pour tout le monde.
Les mesures à prendre pour préserver les travailleurs et, en réalité, l'ensemble de la société de la catastrophe sociale sont des mesures simples, claires, parfaitement réalisables. Et, si elles ne le sont pas, c'est exclusivement parce que leur application porterait atteinte aux profits exorbitants d'une poignée de capitalistes.
Alors, la première des mesures qui s'imposent, c'est le contrôle. Le contrôle d'abord sur ce que devient l'argent qu'on donne, qu'on a distribué aux bourgeois à fonds perdus.
Il a suffi de quelques juges tenaces pour se rendre compte que pratiquement toutes les grandes entreprises du pays, celles qui ont bénéficié et bénéficient toujours des plus gros contrats de l'État, ont détourné des sommes considérables et ont été mêlées à des affaires de "pot-de-vin" ou de "trafic d'influence".
Mais les scandales dans lesquels sont impliqués aussi bien des hommes politiques que des grands patrons payés à prix d'or ne nous révèlent qu'un petit bout de l'iceberg. Car ils ne nous révèlent que les détournements qui sont illégaux par rapport aux lois bourgeoises règlementant le commerce ou le trafic de biens publics, et, parmi ces détournements, seulement cette petite fraction des affaires qui a été découverte.
Mais, combien de ces affaires retomberont-elles dans un oubli opaque, décidé par ceux qui dirigent la société ? Combien d'autres sont ignorées et le demeureront, cachant par là-même les multitudes de canaux licites ou illicites par lesquels l'État arrose les riches et les riches arrosent, en retour, les hommes politiques, pendant que la majorité de la classe ouvrière est poussée vers la pauvreté ?
Alors oui, changer de politique, c'est d'abord et avant tout faire en sorte que la population puisse vérifier ce qui se passe dans les grandes entreprises.
Pour cela, il faut rendre publics, pour que chacun et pas seulement les juges lorsqu'ils le demandent, puisse y avoir accès, les comptabilités de toutes les grandes entreprises, publiques ou privées.
Il faut rendre publics, c'est-à-dire accessibles à tout un chacun, les revenus, les avoirs et les biens de tous les hommes politiques et aussi de tous les dirigeants du grand patronat, de leurs alliés, de leurs familles directes, de leurs hommes de paille.
Il faut supprimer le secret commercial des grandes entreprises et des grandes banques et inviter leurs employés et la population à participer à leur contrôle.
Que les employés, que les comptables, que les travailleurs puissent dire si ce que les dirigeants des entreprises déclarent est vrai ou pas et qu'ils puissent vérifier si ce qu'on leur fait faire dans leurs entreprises correspond bien à ce qui est utile à la société ou pas.
Cette mesure n'est compliquée que pour ceux qui craignent que le contrôle par la population mette en évidence les profits fabuleux des capitalistes.
Et il faut des mesures immédiates contre les patrons dont les comptes révéleraient des détournements nuisibles à la collectivité : confiscation immédiate de tous leurs biens et prison pour les patrons qui dilapideraient l'argent qui pourrait être utile pour sauver de la misère des femmes et des hommes.
Car, comment se passent les choses aujourd'hui, même lorsqu'un scandale est découvert ?
Prenons Alcatel-Alsthom et son PDG, monsieur Suard, par exemple. Les scandales récents ont portés à la connaissance publique tout à la fois que ce monsieur gagne un million de francs par mois, nouveaux je le rappelle, - ce qui est tout à fait légal, sinon juste - mais qu'il aurait complété son salaire en faisant payer par son entreprise des travaux de plusieurs millions de francs sur ses appartements successifs - ce qui est peut-être moins légal. On ne sait pas, étant donné toutes les lois faites sur mesure pour le patronat, ce qui finalement est légal ou pas. Toujours est-il que pour le moment un juge le lui reproche.
En faisant quoi, ce monsieur mérite-t-il un si haut salaire ? En exploitant, bien sûr, des centaines de milliers de travailleurs. Mais aussi semble-t-il en surfacturant à France Télécoms des centraux téléphoniques pour la bagatelle de quelque 600 millions, voire un milliard de francs !
Monsieur Suard est certes poursuivi, mis en examen comme on dit aujourd'hui. Mais c'est lui qui le prend de haut, menaçant I'État de déménager le siège de son affaire à l'étranger ! Et cela est d'autant plus "fort de café" que l'entreprise de monsieur Suard vit entièrement des commandes de I'État, et qu'il n'y a pas de ministre pour le lui rappeler. C'est le voleur qui menace le volé, sans que ce dernier proteste.
Mais est-ce qu'on obligera Alsthom à rendre tout-ce qui a été volé à l'État ? Et, surtout, est-ce qu'on obligera tous les actionnaires qui ont encaissé de gros dividendes pendant la période où les affaires de Alsthom allaient bien, justement à cause de ces affaires juteuses, à rendre l'argent ?
Même chose pour le Crédit Lyonnais. Ses pertes dans des opérations douteuses s'élèveraient à 50, et peut-être à 100 milliards de francs. Cela a fait scandale. On a entendu toutes sortes de déclarations indignées. Il y a eu une commission d'enquête parlementaire mais, pour l'instant, les seuls qui vont payer à coup sûr, ce sont les employés qu'on mettra à la porte dans -le cadre du plan social envisagé, ou les jeunes que l'on n'embauchera pas car il y aura des postes supprimés !
Et, même si on trouve des responsables en la personne de quelques anciens dirigeants de l'entreprise, ces 100 milliards ne se sont pas volatilisés ? Il y a bien eu des gens qui les ont empochés ? Personne ne parle de les leur faire rendre. Or, 100 milliards, c'est, à peu près, le salaire d'un million de travailleurs payés au SMIC pendant un an !
Et, pendant que ces gens dilapident des milliards, une partie de la presse commence à crier, après les augmentations dérisoires accordées par Peugeot et Citroën et celles de chez Renault, que le patron de ce dernier n'a d'ailleurs consenti à lâcher qu'après plusieurs semaines de mouvements : "Halte-là, si on continue les augmentations, les emplois seront compromis !"
C'est tout juste si une partie du patronat et la presse de droite n'accusent pas Gandois lui-même, nouveau patron des patrons, d'être un provocateur parce qu'il a déclaré que ne pas augmenter les salaires dans les entreprises qui font du bénéfice serait une "provocation".
Cette réaction de la droite prouve seulement qu'elle reste la plus bête du monde. Gandois, grand patron licencieur, ex-PDG dans la sidérurgie puis chez Péchiney, n'est pas devenu subitement un adepte des hausses de salaires, à tout-va.
Non ! Il est seulement devenu plus prudent ! Il voit que, dans les grèves qui se produisent, la revendication d'augmentation des salaires réapparaît ; et il sent que parmi les travailleurs, la colère commence à monter !
Voilà pourquoi Monsieur Gandois éprouve le besoin de dire à ceux des patrons qui sont trop bêtes pour comprendre, trop sûrs d'eux-mêmes ou trop aveuglés par la course au profit : "Méfiez-vous des retours de bâton. Il vaut mieux lâcher un petit quelque chose avant qu'il ne soit trop tard, avant de provoquer des réactions !".
Mais comme le disaient les grévistes de Renault, "Les travailleurs ne sont pas des moineaux, les miettes ne leur suffisent pas".
C'est vrai et aujourd'hui les travailleurs veulent leur dû, le retard accumulé, 1500 F par mois pour tous.
Les grands patrons. ont le culot de dire qu'ils ne peuvent pas accorder des augmentations correctes. Mais je rappelle l'exemple récent de Renault, dont le PDG vient de déclarer que son entreprise a réussi à payer ses dettes et, en plus, a réalisé plus de trois milliards de bénéfice l'année dernière !
Mais cela signifie que Renault a fait 5 000 F de bénéfice par mois, sur le dos de chaque membre du personnel de l'entreprise ! Et en. réalité plus encore, car c'est encore sur le dos des travailleurs que la direction a prélevé de quoi payer cette fameuse dette de l'entreprise, alors que cette dette ce ne sont pas les travailleurs qui l'ont faite ! Et on ose dire qu'il n'y a pas d'argent pour les 1500 F d'augmentation de salaire !
Et on ose dire que c'est le coût de la main d'oeuvre qui est trop élevé.
Je prendrai un autre exemple que j'ai déjà pris dans bien des meetings, mais il est tellement significatif et révélateur de ce qui s'est passé dans les grandes entreprises que je ne le reprendrais jamais assez.
C'est celui de Citroën qui fait partie, avec Peugeot, du trust PSA.
La masse salariale de Citroën ne représente aujourd'hui que 8 % de son chiffre d'affaires. Elle représentait 17 % il y a douze ans. On a donc réduit de moitié la masse salariale.
Par ailleurs, il y a douze ans, Citroën produisait 13 voitures par an et par salarié aujourd'hui, il en produit 25. La productivité a donc doublé dans le même temps que la masse salariale était divisée par deux. En tenant compte de ces deux éléments qui se complètent, le prix du travail, la part des salaires, dans le prix de chaque voiture a été divisé au moins par trois - et sans doute plus près de quatre - en douze ans.
On ne peut donc pas dire que c'est le coût du travail qui gêne cette entreprise ! On ne peut pas dire que le coût du travail est trop élevé et que c'est ce coût qui ne la rend pas concurrentielle !
Est-ce que les salariés ont profité de cette hausse de productivité ? Non ! Est-ce que le temps de travail a diminué ? Non ! Est-ce que la fatigue et les risques au travail ont diminué ? Non ! Bien au contraire !
Mais, est-ce que, par ailleurs, le prix des voitures a baissé ? Non plus ! Sur certains modèles courants de cette même société, le prix a doublé pendant la même période, ce qui est. beaucoup, même compte tenu de l'inflation.
Le patronat a donc réduit le coût du travail mais pas les prix. Au contraire !
Donc cette division par quatre du coût du travail. n'a pas rendu le prix de vente des voitures plus compétitif.
Alors, à quoi donc a-t-elle servi, cette division par quatre du prix du travail dans chaque voiture ? Poser la question, c'est y répondre. Elle a servi à augmenter les profits de la famille et des actionnaires Peugeot. Et, quand on nous dit qu'il faut abaisser le coût du travail pour que les entreprises survivent, c'est un mensonge flagrant ! Et le phénomène est général. L'accroissement de la productivité a servi à augmenter les profits, la richesse des actionnaires. Et pas qu'un peu !
Depuis dix ans, on nous ment. Tout le monde nous ment.
La droite, bien sûr, avec Balladur et Chirac, en concurrence aujourd'hui, ensemble pour gouverner durant quatre ans, mais aussi la gauche servile.
Ils nous ont tous menti. Pourquoi cesseraient-ils de mentir aujourd'hui, tous autant qu'ils sont ?
Alors, pourquoi rendre compétitives les entreprises en diminuant uniquement la part des salaires ? Pourquoi ne pas diminuer celle des profits ? On pourrait parfaitement diminuer les prix de vente de tout ce qu'on produit et demander aux actionnaires, aux profiteurs, de faire à leur tour dix ans de sacrifices au nom de la solidarité !
Mais, la politique menée jusqu'à maintenant est une politique menée contre les travailleurs. Elle a favorisé à la fois la baisse des revenus des salariés et la baisse des emplois, et cela s'est accompagné de la dégradation des protections sociales, l'aggravation des conditions de vie dans les quartiers et les banlieues populaires et la détérioration des services publics utiles à la collectivité.
La politique nécessaire doit être à l'exact opposé de celle qui a été poursuivie jusqu'à présent.
La première des urgences, c'est le chômage. Il faut cesser de verser de l'argent à fonds perdus au patronat. Il faut des mesures autoritaires.
La mesure la plus immédiate est d'arrêter toutes les aides, toutes les subventions qui sont versées au patronat.
Ces milliards dépensés jusqu'ici en pure perte doivent être utilisés directement par l'État, d'abord pour créer des emplois dans les services publics qui servent à tous.
L'État doit embaucher immédiatement du personnel dans les hôpitaux. Il en manque à tel point que c'est un danger pour les malades. Aujourd'hui, on peut mourir dans les hôpitaux de maladies infectieuses qu'on n'avait pas en y entrant et qu'on y a attrapées. Et cela parce que, faute de personnel, on ne peut pas prendre les mesures d'hygiène et d'asepsie normales.
De plus, on ferme des salles dans les grands hôpitaux des grandes villes et on ferme des petits hôpitaux de province ou des maternités, obligeant les malades à faire des dizaines de kilomètres pour se faire soigner. L'actualité vient d'illustrer les conséquences de cette politique, avec le cas de cette femme de la ville de La Mure dont l'état nécessitait une césarienne et dont l'enfant est mort car on vient tout juste de supprimer la maternité dans sa commune.
Il faut embaucher à la Poste, comme le revendiquent les postiers en grève. Il faut embaucher dans les transports en commun des villes et à la SNCF. Il faut embaucher et former des instituteurs, des professeurs, du personnel technique pour l'Éducation nationale.
Oui, jusqu'ici c'est sur les services publics qu'on a économisé pour pouvoir donner aux patrons. Il faut inverser le mouvement. Il faut reprendre aux patrons pour donner aux services publics. Et ceci pour une double raison. D'abord parce que les services publics sont utiles à la population. Ensuite parce qu'il faut empêcher que l'argent public ne serve qu'à produire du profit privé.
Les besoins réels sont pourtant immenses ! Tous ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas de travail ne sont pas en trop, ni en nombre, ni en variétés de compétences !
Depuis des années, il n'y a plus de logement populaire en nombre suffisant.
Eh bien, il faut que l'État prenne directement en charge la construction de logements populaires sans passer par les marchands de béton, les grandes sociétés comme Bouygues, sans arroser au passage le personnel politique.
Il faut remettre en fonctionnement les lignes de chemin de fer supprimées alors qu'elle étaient utiles à la population des villes qu'elles desservaient. Le cas échéant, il faut construire de nouvelles lignes.
Et il y en a des choses à faire en matière de transport.
Il y aurait de quoi donner du travail, pour fabriquer des autobus ou des wagons de métro ou de tramway, aux ouvriers métallurgistes des entreprises qui réduisent leur personnel.
Et il faudrait construire des écoles nouvelles, oui, mais aussi reconstruire certaines anciennes.
Et combien d'élèves de l'enseignement technique travaillent dans des conditions infâmes, sur des machines archaïques ? Là encore, il y aurait du travail pour des ajusteurs, des outilleurs, des fraiseurs ou des mécaniciens.
Et l'État pourrait aussi développer des infrastructures collectives, créer des parcs ou des espaces verts dans les villes et les banlieues où la population est entassée, et désenclaver les banlieues...
Alors oui, il y a de quoi faire ! Il y a de quoi employer toutes les catégories de travailleurs, des manoeuvres aux plus diplômés !
Et qu'on ne dise pas qu'il n'y a pas d'argent L'État pourrait dégager des centaines de milliards de recettes supplémentaires rien qu'en revenant en arrière sur tous les avantages accordés au cours des années précédentes, aussi bien aux grandes entreprises capitalistes qu'aux plus riches individuellement.
Il faut augmenter les ressources de l'État en ramenant au moins l'impôt sur les bénéfices des sociétés des 33 % actuellement en vigueur aux 50 % d'il y a dix ans.
Il faut rétablir les tranches supérieures d'imposition sur les hauts revenus. Pourquoi ce cadeau a-t-il été fait aux plus favorisés ? Est-ce que cela permet de créer des emplois ? C'est un cadeau de politiciens au service des riches et Lionel Jospin, pas plus que Chirac ou Balladur, ne parle de revenir sur cette injustice.
Au lieu de diminuer les dépenses de Sécurité Sociale, y compris celles qui sont indispensables, comme on le fait depuis plusieurs années, il faut rétablir ses ressources en ramenant les cotisations patronales au moins à leur niveau antérieur. Il faut supprimer la CSG sur les bas salaires et les retraites. L'étendre à tous les autres revenus qui n'y sont pas assujettis actuellement, comme les revenus, les gros revenus, du capital, mais avec une forte progressivité pour les revenus supérieurs, progressivité qui n'existe pas. Il faut supprimer tous les dégrèvements de charges dont les plus riches bénéficient scandaleusement.
Le fonctionnement des hôpitaux, la formation des médecins et des auxiliaires médicaux sont presque entièrement à la charge de la Sécurité Sociale. Il serait normal que l'État intervienne et paie la différence. Il faut que l'État se procure, sur ceux qui se sont enrichis depuis dix ans, de quoi subventionner le budget de la Santé. On nous dit que le budget de la Sécurité Sociale devrait être équilibré ? Est-ce qu'on demande au budget de l'Armée d'être équilibré ?
Les mesures d'économie dont un Balladur est si fier visent à contraindre les médecins à prescrire moins de médicaments, en récompensant leur collaboration par une hausse sensible des tarifs de consultations, médicaments dont pourtant une grande partie n'est plus remboursée qu'à 35 %, voire ne le seront plus du tout dans un proche avenir. Aujourd'hui déjà, il y a une médecine à deux vitesses. Mais si on poursuit la politique actuelle, une fraction croissante de la population ne pourra se soigner que très mal ou pas du tout.
Et pour ce qui est des impôts, il faut supprimer tous les abattements et dégrèvements dont bénéficient ceux qui ont des revenus élevés provenant de placements de capitaux.
Il faut supprimer tous les passe-droits genre avoir fiscal, qui permettent à certains grands patrons de payer relativement moins d'impôt que leurs ouvriers les plus mal payés.
Et il faut un véritable impôt sur les grandes fortunes.
Voilà les mesures qu'il faut prendre. Elles pourraient dégager immédiatement plusieurs centaines de milliards de francs. Et je fais remarquer que jusque-là il ne s'agit nullement de mesures révolutionnaires. Il s'agit simplement de supprimer les cadeaux supplémentaires faits à la bourgeoisie depuis le début de la crise.
Et puis, il faut interdire les licenciements sous peine d'expropriation immédiate sans indemnité ni rachat, à commencer par les entreprises qui font des bénéfices et qui licencient quand même.
L'État bourgeois lui-même sait, en temps de guerre, réquisitionner les entreprises. Eh bien, la lutte contre le chômage, contre la misère, exigent une politique au moins aussi autoritaire.
Il faut faire fonctionner les entreprises réquisitionnées, en permettant le contrôle des travailleurs et plus généralement de la population sur leurs activités et leurs finances. Il faut les faire fonctionner à prix coûtant, et même les faire fonctionner à perte pour certains produits indispensables à la collectivité.
Et, dans les mesures d'urgence, il y a, bien sûr, l'augmentation des salaires de 1500 francs pour tous.
C'est ce que revendiquent les travailleurs actuellement en grève. Il reste à créer le rapport de forces capable de l'imposer au patronat.
Toutes ces mesures sont de strictes mesures de survie. Un plan d'urgence pour que les centaines de milliers de travailleurs déjà au chômage ne sombrent pas dans la misère, l'exclusion, puis la marginalisation et la déchéance.
Les travailleurs ne peuvent évidemment pas compter pour imposer ce programme sur les polichinelles en concurrence pour accéder à l'Élysée.
Après avoir bloqué les salaires pendant des années, ils font tous mine aujourd'hui de se préoccuper des salaires !
Chacun a son style, mais tous sont d'accord sur un point, et un point majeur : aucun ne précise quelle augmentation de salaire il proposerait et ferait appliquer.
Chirac a commencé le premier. Mais avec quelle prudence ! Quand il parle des effets d'une augmentation des salaires, c'est pour dire : "Un franc de salaire de plus, ce n'est pas un franc de perdu". Mais, comme parler de salaire a eu l'air de lui réussir dans les sondages, les autres se sont mis à le suivre.
Même Balladur en est à dire qu'il serait bon d'augmenter les salaires. Oh, en fonction de la reprise, là où on le peut, entreprise par entreprise, sans rien imposer ! Alors, parler de salaire, oui, mais pas autrement qu'en affirmant qu'il est pour que les salaires augmentent... chaque fois que les patrons jugent bon de les augmenter.
De Villiers, lui, comme Le Pen, tient à marquer sa différence par rapport à ses compères de la majorité de droite, en s'en tenant au langage habituel de ces gens, lorsqu'ils ne sont pas en campagne électorale.
Jeudi dernier, jour de grève des cheminots, des agents de la RATP, des postiers, des travailleurs d'Air Inter, il s'est prononcé pour l'interdiction des grèves dans les services publics qu'il appelle monopolistiques. Il aurait mieux valu qu'il se prononce contre les réductions d'effectifs dans les services publics et les transports et qu'il ne s'intéresse pas uniquement les jours de grève aux conditions dans lesquelles les travailleurs sont transportés.
Il aurait mieux valu que l'argent de l'État ait servi à empêcher les services publics de se dégrader et à investir pour les améliorer, plutôt qu'à subventionner en pure perte le patronat privé. S'il faut interdire quelque chose, c'est les capitaux spéculatifs et les bénéfices outrageux.
La grève est la seule arme dont disposent les travailleurs. Ceux de la SNCF, du métro, des bus, ceux d'Air Inter, ont eu raison de s'en servir, quoi qu'en disent les représentants politiques du patronat réactionnaire.
Pour ce qui est des salaires, Jospin, lui, s'est senti obligé de dire que, s'il était élu, il donnerait un coup de pouce au SMIC. L'expression dit bien ce qu'elle veut dire ! Pour les autres salaires, sa dernière trouvaille est "une conférence salariale nationale". Mais cette "conférence nationale" n'est même pas destinée à prendre des décisions nationales, c'est-à-dire valables pour tous. Non, elle doit seulement "fixer un cadre à la négociation" qui doit se poursuivre par branche et par entreprise.
Mais comment convaincra-t-on les patrons, s'ils refusent d'augmenter largement les salaires ? Par la grève ? Alors pourquoi élire Jospin, autant faire grève tout de suite !
Et Jospin d'insister sur "des augmentations de salaires maîtrisées" Il est inutile de préciser. que ladite "maîtrise" n'appartient pas aux salariés, mais à leur patron. En somme, Jospin ne dit pas autre chose que Balladur.
Quant aux retraites, Jospin dénonce le programme de Balladur qui "ouvre la voie à la remise en cause des régimes par répartition". Fort bien !
Mais il vient de déclarer récemment qu'il veut que ceux qui ont 40 ans de cotisation puissent partir à la retraite. Mais il parle de 40 ans, pas de 37 ans et demi, et donc il ne s'engage même pas à revenir sur ce décret inique du gouvernement Balladur, reprenant d'ailleurs une idée de Rocard, qui porte les années de cotisation de 37,5 ans à 40 ans et qui établit la pension de retraite sur la base du salaire moyen des 25 meilleures années, au lieu des 10 ! Crapulerie pour crapulerie vis-à-vis des travailleurs, Jospin reprend celle de Balladur !
Comme il stagne aujourd'hui dans les sondages, Jospin va peut-être gauchir son langage. Mais pas de trop !
Pour être présent au deuxième tour, il voudrait bien récupérer sur sa candidature le maximum de votes de gauche. Mais il sait que sa seule et très minime chance de l'emporter au deuxième tour serait qu'une grande partie des voix actuelles de la droite se porte sur son nom, que des balladuriens déçus ne votent pas pour Chirac et votent Jospin.
C'est pourquoi Monsieur Jospin, exactement comme Chirac et Balladur, tient à ne déplaire ni aux électeurs conservateurs, ni surtout au patronat.
Et, face au drame qu'est le chômage, qu'est-ce qu'ils disent donc, ces gens ?
Balladur a le cynisme de se vanter de la minuscule baisse de chômage que l'on vient d'annoncer. Baisse réelle ou manipulation statistique, je n'en discuterai même pas. Mais la baisse du nombre des chômeurs, annoncée pour février serait de 10 000, après les 17 000 annoncés pour janvier. 27 000 en deux mois !
A ce rythme, il y aura 160 000 chômeurs en moins au bout d'un an. Il faudra donc six ans pour trouver du travail à un million de chômeurs,
et 18 ans pour les trois millions et demi de chômeurs actuels.
Mais les chômeurs ne peuvent pas attendre 18 ans. Ni même deux ans. Ils veulent vivre aujourd'hui !
Et Jospin ne propose rien de différent. Il dit que sa proposition de semaine de 37 heures créerait 400 000 emplois en deux ans. C'est-à-dire qu'en cinq ans, il y aurait encore deux millions de chômeurs au lieu de trois. Et qu'il faudrait 15 ans pour qu'il n'y en ait plus du tout !
Oui, Jospin et Balladur ont les mêmes chiffres et le même programme : la misère pour des millions de chômeurs.
Quant à Chirac, n'en parlons pas. Il dit qu'il veut aller plus vite, mais ce qu'il propose ce sont des dégrèvements sociaux et fiscaux pour les patrons encore plus importants que Balladur et Jospin n'en promettent.
On sait ce que ces dégrèvements ont fait dans le passé.
Tous ces gens-là envisagent froidement, calculs d'experts en mains, que les chômeurs d'aujourd'hui aient à attendre cinq, dix voire quinze ans pour sortir de la misère.
De qui se moquent-ils ? N'y a-t-il pas là de quoi s'indigner ? de quoi hurler ? De quoi vouloir leur faire payer leur cynisme ?
Alors, vraiment, tous ces messieurs ont le même langage et la même politique. Jospin comme les autres. Il est un candidat de la bourgeoisie, et pas un candidat des travailleurs. Il représente l'aile gauche des partis bourgeois, mais il défend les intérêts des possédants et du patronat.
Voilà ce qu'on nous présente aujourd'hui comme un candidat de gauche !
Lionel Jospin aurait dit hier que s'il était élu, il prendrait des ministres communistes dans son gouvernement, tout en précisant que cela dépendra de l'attitude du PC.
Je ne sais pas encore ce que Robert Hue répondra à cet appel du pied, mais ce que je sais par contre, c'est qu'en échange de cette promesse, en échange des voix des électeurs de Robert Hue, il ne demandera même pas à Jospin une quelconque promesse sur ce que son programme peut contenir de plus précis, par rapport à celui du candidat du Parti Socialiste, en faveur des travailleurs.
Robert Hue demande-t-il au moins à Lionel Jospin de s'engager dès maintenant sur un certain nombre de ses propositions ? Dit-il à Jospin "si vous reprenez telle ou telle des revendications et des propositions indispensables pour la classe ouvrière aujourd'hui, j'appellerai à voter pour vous, mais si vous ne les reprenez pas, si vous n'en reprenez aucune, je conseillerai à mes électeurs de s'abstenir car à ce moment-là il sera évident qu'entre vous et le candidat de droite il n'y a pas de différence".
Robert Hue remettra son programme dans sa proche et toute honte bue, appellera à voter pour Jospin, sans aucune condition, quel que soit le nombre de voix qu'il aura obtenues.
Car Robert Hue dit que plus il aura de voix au soir du premier tour, plus le Parti Communiste pourra peser sur l'avenir.
Mais peser comment ? Jospin, une fois élu, s'il était élu, se servirait des ministres communistes comme otages, dans le meilleur des cas, comme garants et complices dans le pire, tout comme l'avait fait François Mitterrand au début de son premier septennat.
François Mitterrand qui, justement, à l'époque, après avoir été élu Président avait choisi Lionel Jospin, pour lui succéder à la tête du Parti Socialiste, en disant de lui "Je lui fais entièrement confiance car il est le seul qui ne cédera pas si les communistes tapent sur la table".
Oui, Robert Hue, comme ses prédécesseurs, est bien capable de vendre, au soir du premier tour, les espoirs, les attentes, les besoins urgents de ceux qui auront voté pour lui, pour quelques postes ministériels dans un gouvernement qui trahira, une fois de plus, les travailleurs.
Alors non. On croit voter pour Hue et l'on vote pour Jospin. On croit voter pour les travailleurs et l'on vote pour procurer des places de ministres à quelques-uns. Ce n'est pas cela qui résoudra le problème du chômage pour le plus grand nombre.
Cela dit, Lionel Jospin n'est pas encore élu et il n'a pratiquement aucune chance de l'être. Pour l'être il faudrait d'abord qu'il soit au deuxième tour et il n'en est pas sûr.
Les 0,5 % de voix que le désistement de Hory peut lui amener ne lui suffisent pas. Il voudrait bien dès le premier tour enlever quelques points à Robert Hue, sans avoir à faire, sur le fond, la moindre promesse aux travailleurs, sur leurs revendications essentielles. Juste quelques promesses aux dirigeants du Parti Communiste. Et encore, car c'est lui qui leur demande, à eux, de s'engager.
S'il réussit à être au deuxième tour, il sera temps pour lui, assuré qu'il sera d'avoir le soutien de Hue sans plus faire aucune promesse, il sera temps pour lui d'aller chercher, s'il le peut, des voix d'électeurs de droite, des voix de balladuristes ne souhaitant pas que Chirac soit élu. Cela renouvellerait ainsi le phénomène qui avait permis à Mitterrand d'être élu en 1981 et d'être réélu en 1988.
Mais si Jospin est élu dans de telles conditions, devinez qui il tiendrait le plus à satisfaire, une fois au pouvoir ?
Les travailleurs à qui il n'a rien promis ? Ou la bourgeoisie qu'il tente de rassurer ? Oui, il est urgent de réagir.
L'accroissement du chômage signifie une pression plus grande sur ceux qui travaillent. Il signifie que le nombre de ceux qui sont en situation de prendre le patronat à la gorge diminue.
Il favorise, et c'est peut-être pire, la montée du désespoir et la perte de la conscience de classe qui va bien souvent avec.
Il favorise par là même la montée des préjugés les plus stupides, du racisme, du chauvinisme dont font leurs fonds de commerce politique des démagogues réactionnaires, façon Le Pen ou façon De Villiers.
Ces politiciens, pour masquer leur basse servilité devant le patronat, montrent du doigt les travailleurs immigrés. Et, comme à Marseille, récemment, une des crapules qui les servent a fini par prendre au mot les paroles du chef et en est venue à assassiner.
Face à ces gens-là, oui, j'affirme que, travailleurs de toutes nationalités, de toutes origines, nous formons une seule classe ouvrière, et que c'est tous ensemble que nous pouvons nous défendre !
Une petite partie de la presse ne nous aime pas, et nous en sommes plutôt fiers ! Elle dit de nous que, derrière la petite employée sympathique du Crédit Lyonnais, se cache d'affreux révolutionnaires.
Eh bien oui, mes camarades et moi-même sommes des communistes révolutionnaires. Nous ne nous en cachons pas, nous ne nous en sommes jamais caché.
Mes camarades d'idées comme moi-même, nous nous revendiquons du socialisme et du communisme.
Du socialisme de Marx ou de Rosa Luxembourg, mais pas de celui de Léon Blum, de Guy Mollet ou de Mitterrand, c'est-à-dire de ces ministres qui n'ont utilisé leur étiquette socialiste que pour mieux tromper les travailleurs afin de se faire élire, et qui, une fois au pouvoir, n'ont été que les exécutants des hautes et basses oeuvres de la bourgeoisie.
Du communisme de Lénine et de Trotsky, et pas de cette caricature sanglante qu'en a fait Staline.
Je me revendique, oui, de ce courant présent au sein de la classe ouvrière depuis plus d'un siècle, qui ne lutte pas seulement pour la défense quotidienne des travailleurs mais aussi pour l'émancipation de la classe ouvrière et pour des transformations sociales profondes.
Car c'est tout le fonctionnement de l'économie qu'il faut changer radicalement. Cette économie, où on produit en fonction du profit, est une économie folle, qui fabrique la richesse d'un côté et la pauvreté et l'exclusion de l'autre. Une économie où c'est le marché aveugle et stupide qui commande, pas l'intelligence des hommes conscients des besoins de leur société et déterminés à les satisfaire. Une économie qui creuse l'écart entre un petit nombre de pays industriels et le restant du monde, condamné à la pauvreté.
Alors oui, ma conviction est que l'avenir appartient à une organisation sociale différente de celle d'aujourd'hui, sans exploiteurs, sans exploités et sans exploitation, où la production et la répartition soient organisées, planifiées en fonction des besoins de tous et pour les satisfaire.
Mais aujourd'hui, il s'agit d'une élection qui ne peut changer la face du monde ! Il ne s'agit pas de se prononcer sur l'avenir, il s'agit de se prononcer sur l'immédiat. Il s'agit de se prononcer sur un plan d'urgence pour les travailleurs et pour les chômeurs.
C'est un programme de défense sur lequel doivent se retrouver tous les travailleurs qui ont en commun de refuser de mourir à petit feu.
Je ne vous demande pas de voter pour un programme communiste. Je ne vous demande pas de voter pour moi parce que je suis une communiste révolutionnaire.
Je vous demande de voter pour le programme que je vous propose, au travers de ma candidature, et cela même si vous ne partagez pas mes idées communistes révolutionnaires. Car c'est votre programme, un programme pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs.
Nous le disons, nous le répétons, il faut un programme d'urgence. Urgence, parce qu'il y a près de 3,5 millions de travailleurs qui sont actuellement des chômeurs et qui vont, inéluctablement, passer de l'état de chômeur à la pauvreté, de la pauvreté à l'exclusion, de l'exclusion à la marginalisation. Car lorsqu'on n'a plus de quoi payer son loyer, on est expulsé, on devient un "sans domicile fixe".
Alors, oui, il faut des. mesures d'urgence pour les travailleurs, des mesures d'urgence pour les chômeurs. Il faut surtout arrêter cette machine économique dirigée par des fous, qui fabrique des chômeurs, qui fabrique des exclus.
Il faut :
- la réquisition immédiate de toutes les entreprises qui licencient, à commencer par celles qui font des bénéfices ;
- l'arrêt de toute subvention aux patrons sous le prétexte de les inciter à créer des emplois et la création directe de ces emplois par l'État avec la somme ainsi économisée ;
- l'obligation pour les entreprises de rendre publics leurs comptes, les choix et projets de leurs dirigeants concernant la production et l'usage qu'ils font de l'argent de l'entreprise ;
- une politique de grands travaux afin de donner aux services publics les moyens matériels qui leur manquent, financée par des prélèvements sur la bourgeoisie ;
- la suppression immédiate de tous les avantages fiscaux et de tous les dégrèvements de cotisations sociales, consentis au patronat depuis le début de la crise ;
- le rétablissement de l'impôt sur les bénéfices des sociétés au moins à son niveau de 50 %, au lieu des 33 % actuellement ;
- le rétablissement et l'augmentation des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu et la suppression de tout passe-droit permettant aux bourgeois de payer moins d'impôt que les salariés ;
- une augmentation générale de tous les salaires d'au moins 1 500 francs.
Bien sûr, ce n'est pas parce que vous voterez pour ce programme qu'il sera automatiquement réalisé. Mais, c'est en vous affirmant pour ce programme que vous direz à la face du pays qu'il est le vôtre, qu'il fait partie de vos exigences.
Il est probable que des grèves, des luttes, bien plus amples, bien plus profondes encore que celles d'aujourd'hui, éclateront dans l'année qui vient, tellement la situation est insupportable pour les travailleurs. Avant même l'élection, bon nombre de travailleurs montrent qu'ils attendent plus de la grève que d'un bulletin de vote.
Il ne faut pas que les luttes revendicatives, inéluctables, se dispersent et éclatent à des moments différents, avec des revendications différentes, et qu'à cause de cela, elles restent inefficaces et soient vaincues.
Il faudra, au contraire, à ces mouvements un objectif unique, un même programme pour réaliser l'unité, indépendamment des opinions politiques, indépendamment des branches professionnelles et des catégories entre employés, ouvriers et techniciens ; l'unité aussi entre ceux qui sont au travail et ceux qui sont au chômage.
Il faut un objectif de lutte qui nous unisse et qui nous permette d'imposer des mesures qui sont vitales, indispensables pour la survie des masses populaires dans la période qui vient.
Voilà le sens du vote que je propose, du vote sur ce programme, du vote sur mon nom.
Je ne serai pas élue, certes. Mais Robert Hue ne le sera pas non plus. Et Lionel Jospin non plus. Ou très probablement pas.
Mais ce que je peux vous dire, c'est que beaucoup de voix sur mon nom et sur le programme que je vous présente ferait plus de bruit, se verrait plus, inspirerait plus de crainte au patronat et aux hommes politiques que toutes les voix recueillies par Robert Hue ou par Jospin.
Un million de voix sur ma candidature pèserait plus lourd au soir du premier tour que deux millions de voix en plus sur celle de Hue ou celle de Jospin. Cela serait un. point de départ pour que les travailleurs retrouvent une perspective politique et un espoir de changer les choses, tous ensemble.
Alors, travailleuses, travailleurs, amis et camarades, faites en sorte que nous soyons nombreux à voter pour ce programme ! Et j'espère que-le nombre de ces votes sera le signe annonciateur d'un troisième tour social ; celui qui ne se déroulera pas dans les urnes, mais qui permettra enfin aux travailleurs d'imposer ce programme, c'est-à-dire de supprimer le chômage, l'appauvrissement, l'exclusion, en un mot : de faire respecter le droit de tous à la vie !