L'article ci-dessous a été écrit quelques jours après l'investiture de Barack Obama et publié dans le numéro 61 de la revue Class Struggle de l'organisation trotskyste américaine The Spark. L'article souligne le fossé entre les promesses de changement faites par Obama et une politique tant sur le plan économique que sur le plan militaire que le nouveau président commence à mettre en œuvre dans la continuité de celle de son prédécesseur. Depuis que cet article a été écrit, les contours de la politique économique d'Obama se sont précisés puisque le plan de relance a été adopté par le Congrès et que le plan de sauvetage des banques a été présenté par le ministre des Finances. Cette actualité ne fait que confirmer l'analyse des camarades, ce que nous illustrons par quelques lignes de commentaires à la suite de leur article.
Lorsque Barack Obama a prêté serment le 20 janvier dernier, les États-Unis étaient engagés dans deux guerres - une en Irak et la seconde en Afghanistan débordant sur le Pakistan - et ils étaient frappés par un effondrement de l'économie. George Bush n'était certainement pas le seul responsable de ces désastres, mais c'est lui qui y avait présidé, et la plupart des travailleurs ont célébré son départ avec soulagement et l'espoir d'un changement politique.
Mais pour changer de politique, il faut plus qu'un changement de personne à la tête de l'État. Par son action, par le choix de ses ministres et de ses collaborateurs, par son discours même le jour de son investiture, Obama a rapidement montré qu'il servirait les intérêts de la bourgeoisie tout aussi bien que Bush et même plus efficacement, s'il parvenait à leurrer la population avec de faux espoirs.
Les mots à l'ordre du jour : patience, sacrifice...
On peut comprendre que le 20 janvier, il y ait eu un regain d'espoir, le désir que le gouvernement commence à s'occuper des problèmes de la population, après huit ans pendant lesquels le gouvernement Bush avait si ouvertement défendu les intérêts des riches.
Barack Obama a joué sur ces espoirs dans son discours d'investiture : « Le temps où nous étions passifs, où nous protégions nos intérêts étriqués et où nous remettions à plus tard les décisions difficiles - ce temps est certainement révolu. À partir d'aujourd'hui, nous devons nous relever, nous secouer et commencer à refonder l'Amérique. (...) L'état de notre économie nécessite des mesures audacieuses et rapides, et nous allons les prendre - pas seulement pour créer de nouveaux emplois, mais pour poser des jalons en vue de faire redémarrer la croissance. Nous allons construire les routes, les ponts et les réseaux électriques et les réseaux tout numérique dont notre secteur marchand a besoin et qui nous lient les uns aux autres. Nous allons rendre à la science la place qui lui revient et nous servir des merveilles de la technologie pour améliorer la qualité de nos soins et abaisser leurs coûts. Nous allons exploiter l'énergie du soleil, du vent et du sol pour faire fonctionner nos voitures et nos usines. Et nous allons transformer nos écoles et nos universités pour être à la hauteur des exigences d'une nouvelle ère. Tout cela, nous pouvons le faire. Et tout cela, nous allons le faire. »
Mais malgré les promesses de changements radicaux, le fond concret du discours d'Obama, c'est un avertissement répété que les changements ne se feront pas si facilement ni si rapidement, ainsi qu'un appel à accepter des sacrifices « pour le bien commun ».
À aucun moment dans son discours, il n'a demandé aux entreprises de renoncer à leur profit plutôt que de licencier un travailleur. Par contre, il a fait appel de façon très précise, à « l'altruisme des travailleurs qui préfèrent voir réduire leurs heures de travail - et donc leur paye - plutôt que de laisser un ami perdre son emploi. »
Les travailleurs seraient-ils les seuls appelés à faire des sacrifices ? S'agit-il d'un oubli de la part d'Obama ? Même pas ! C'est simplement la traduction du programme économique qu'il avait rendu public une semaine avant son intronisation.
Il ne s'agissait pas non plus d'une erreur lorsque Obama a omis de préciser qu'il retirerait toutes les troupes d'Irak dans les seize premiers mois de son mandat - l'une de ses promesses de campagne. Il s'est contenté de paroles vagues à propos de l'Irak et de l'Afghanistan. C'est trois jours plus tard qu'il a clairement manifesté ses intentions en autorisant des attaques de missiles sur deux villages pakistanais.
Et, bien qu'Obama ait rendu quelques hommages à la « diplomatie », il a montré que lui aussi pouvait ressortir le spectre du terrorisme en adressant un avertissement militariste à des ennemis inconnus : « Sachez ceci : notre résolution est plus forte et ne peut être brisée, vous ne pourrez pas nous survivre, et nous vous vaincrons ». Une envolée qui semble sortir tout droit d'un discours de Bush !
Au cours des jours qui ont suivi son investiture, Obama s'est empressé d'annoncer quelques ruptures spectaculaires avec la politique de Bush. Il a demandé au Congrès de proroger l'assurance maladie pour les enfants des familles pauvres - une mesure à laquelle Bush avait opposé son veto. Il a autorisé un programme de recherche basé sur l'utilisation des cellules souches. Il a annulé le décret de Bush qui interdisait un financement fédéral aux associations qui fournissaient la possibilité d'interrompre une grossesse à l'étranger ou même qui donnaient simplement des informations sur les interruptions volontaires de grossesse, mais il n'a pas manifesté son intention d'annuler l'amendement « Hyde » qui interdit l'utilisation de l'argent fédéral de Médicaid, l'assurance médicale des pauvres, pour payer les IVG des femmes pauvres. Il a annoncé la fermeture de la prison de Guantanamo, mais pas la fin des détentions illimitées sans jugement. Et il est sûr qu'il annoncera encore des changements symboliques, comme le gel des salaires de ceux parmi le personnel de la Maison-Blanche qui gagnent plus de 100 000 dollars par an, gel qui s'appliquera lors de la prochaine augmentation... dans un an !
Prenant prétexte de l'actuelle crise économique, des conseillers d'Obama ont fait savoir que certaines de ses principales promesses de campagne devront être « remises à plus tard ». Son projet d'assurance médicale qui devait « commencer à couvrir tous les Américains » devra apparemment attendre un peu. De même que sa promesse de donner un grand élan à l'éducation de façon à ce que « tous les étudiants soient enthousiasmés d'apprendre dans des écoles du futur disposant de tout le personnel nécessaire », ou son engagement de « rendre le collège financièrement accessible à tous les Américains ». Quant à la possibilité d'obtenir qu'un patron reconnaisse le syndicat dès lors que 50 % du personnel a signé une carte d'adhésion (au lieu de devoir en passer par la procédure juridique longue et compliquée existante), il semble bien qu'elle soit carrément passée à la trappe. Et ainsi de suite.
Des ministres choisis pour leur expérience au service de la classe dominante
Sur les deux problèmes essentiels - les interventions militaires et l'économie - les choix d'Obama sont on ne peut plus clairs. Il a déjà clairement montré que sa politique se placerait dans la continuité de celle de Bush.
Tout d'abord, son gouvernement est rempli de gens qui ont été responsables ou qui ont soutenu la politique militaire et la politique économique menées jusque-là.
La décision d'Obama de garder le ministre de la Défense de Bush, Robert Gates, indiquait une volonté de continuer la politique guerrière de Bush. C'est Gates qui a dirigé l'intensification de la guerre depuis le printemps 2007, qui a détruit des parties entières de l'Irak et transformé des millions de personnes en réfugiés ; il dirige l'extension de la guerre en Afghanistan et au Pakistan.
La nomination de Hillary Clinton comme ministre des Affaires étrangères va dans le même sens. Elle a fortement soutenu la guerre en Irak, et elle a aussi fortement plaidé pour que les États-Unis se servent d'Israël comme d'un bastion avancé pour contrôler le Moyen-Orient. Personne ne peut penser que c'est une opposante à la guerre ou à la politique menée au Moyen-Orient.
Obama n'a pas innové non plus sur le terrain économique. Timothy Geithner, son nouveau ministre des Finances, a passé ces cinq dernières années à la tête de la Banque de la Réserve fédérale de New York. C'est sous sa surveillance que la spéculation à Wall Street a atteint des sommets, menant à l'éclatement de la bulle. C'est avec Henri Paulson et Ben Bernanke que Geithner a concocté plusieurs plans de sauvetage des banques - en mettant à leur disposition une somme aussi gigantesque que 8 500 milliards de dollars - sans même demander à celles-ci le moindre engagement.
Larry Summers, le nouveau conseiller économique d'Obama, fut responsable, en tant que ministre des Finances de Bill Clinton, du démantèlement de tous les contrôles imposés à la finance depuis la dernière grande crise. Cette déréglementation a ouvert la porte à une augmentation considérable de la spéculation depuis une dizaine d'années, même si elle n'en est pas la cause.
Confronté à des critiques sur ces nominations et quelques autres, Obama s'est défendu en arguant que la gravité de la situation exigeait qu'il choisisse les personnes les plus expérimentées dans les ministères clés et que, dans une telle situation, le pays avait besoin de « stabilité » et de « continuité ».
Mais « l'expérience » n'est pas seulement une qualité technique. Elle ne se situe pas non plus au-dessus des classes. « L'expérience » acquise au service de la bourgeoisie - en menant la guerre à la classe ouvrière - ne se transformera pas en une arme pour la classe ouvrière.
Appeler à la « stabilité et à la continuité », en ces temps d'effondrement financier et de récession qui s'aggrave, c'est prendre la défense de ces mêmes capitalistes qui nous ont plongés dans la catastrophe. Et c'est précisément ce qu'Obama est là pour faire. Il a soutenu de façon spectaculaire le « plan de sauvetage » de 700 milliards de dollars qui creuse un énorme déficit budgétaire et consiste à donner de l'argent aux banques qui en spéculant ont entraîné la crise financière. Lorsque le plan de sauvetage proposé par Bush rencontra une résistance au Congrès, Obama abandonna sa campagne électorale pour faire pression sur le Congrès et pour voter lui-même, en tant que sénateur, en faveur du plan. Quand les premiers 350 milliards de dollars du plan ont été dépensés - sans que rien ne permette de dire que les banques avaient utilisé cet argent pour autre chose que leur propre profit -, Obama a demandé à Bush d'intervenir pour faire débloquer par le Congrès les 350 milliards restants. Et quand le Sénat a voulu débattre de l'opportunité d'exiger des engagements de la part des banques en échange de cette nouvelle aide, Obama a écrit au Sénat pour lui demander d'agir rapidement et de laisser « les détails » pour plus tard !
Non, la classe ouvrière n'a pas besoin de « continuité » - la continuité d'une politique qui aggrave le sort de la population. Ce dont la classe ouvrière a besoin, c'est de la transformation radicale du système économique qui a mené à l'actuel désastre.
Le plan de relance d'Obama : encore un cadeau de mille milliards de dollars à ceux qui ont causé la crise
Bien que non encore finalisé à l'heure où nous écrivons, il est évident qu'il s'agit encore d'un gigantesque plan visant à offrir des masses considérables d'argent à ceux dont la soif de profits nous a conduits à la crise actuelle.
Mais d'abord, examinons ce que le plan ne prévoit pas. Il ne revient pas sur les réductions d'impôts, si favorables aux plus riches, décidées par Bush, alors qu'Obama s'y était engagé. Et comme Obama a l'intention non seulement de continuer la guerre mais d'étendre la guerre d'Afghanistan, il ne va pas réduire les dépenses militaires, même graduellement, ce qu'il avait pourtant promis aussi de faire. Pendant sa campagne électorale, Obama s'était engagé à commencer à réduire les dépenses militaires et à augmenter les impôts sur les riches afin de financer l'extension à tous de la couverture médicale. C'est l'une de ses promesses en attente.
Le plan de relance ne met pas non plus fin aux exonérations fiscales pour les entreprises et les banques. Bien au contraire. Les entreprises y gagnent 45 à 50 milliards de dollars, justifiés par le vieil argument que ces aides financières vont les aider à créer des emplois. Depuis le début de la crise, les gouvernements leur donnent de l'argent, mais cela ne les incite pas à créer des emplois. Elles prennent l'argent et licencient tout de même.
De plus, les banques, les grands établissements financiers et les riches vont bénéficier de nouvelles dispositions réduisant de 50 milliards les impôts sur les placements dans certains types d'obligations.
Et puis, il y a les subventions aux entreprises à travers le financement de toute une série de projets comme par exemple : « moderniser la technologie de l'information », construire « un réseau électrique intelligent », développer « la production d'énergie durable », rendre les bâtiments publics « économes en énergie », construire des « installations pour la science » et réaliser des « projets pour les transports », étendre « le réseau ferré et les transports en commun ». Tout cela revient au moins à 150 milliards de dollars qui seront canalisés vers les caisses des entreprises privées contractantes, lesquelles en détourneront une bonne partie avant que le moindre sou ne serve à des travaux.
Lorsque Tom Harken et d'autres Démocrates proposèrent que des garanties figurent dans le texte du projet de loi de façon à ce que l'argent serve effectivement à créer des emplois et ne soit pas seulement siphonné par les entreprises, le conseiller d'Obama, Larry Summers, mit en garde contre le danger d'être « accrochés à des détails ». Et Obama, qui laisse planer la promesse de créer ou de sauver trois à quatre millions d'emplois, insista seulement sur la nécessité de faire vite. Manifestement les emplois faisaient partie de ces « détails » !
Obama a justifié l'octroi de tout cet argent au grand patronat en déclarant lors de son investiture que « la capacité du marché de générer richesse et liberté est inégalée ».
Tout prouve le contraire. Ces dernières années ont montré que « le marché », c'est-à-dire les hommes d'affaires, ne mettent pas l'argent que le gouvernement leur donne dans la création d'emplois. Et lorsqu'ils se servent des exonérations d'impôts ou des subventions pour investir quelque peu dans la production, l'argent va à l'achat de technologies pour supprimer des emplois, sans faire du tout profiter les travailleurs de l'augmentation de la productivité. Dans la plupart des cas, non seulement les patrons ont pris l'argent offert par le gouvernement, mais ils ont continué à détourner l'argent de la production pour le jeter dans les bulles de la spéculation financière.
Le « marché » a « généré de la richesse » seulement pour les couches supérieures de la population, en réduisant le niveau de vie de la classe ouvrière, en appauvrissant de plus en plus de gens.
Le plan de relance d'Obama ne fait que donner encore plus d'argent à ce même « marché ».
Des miettes pour la population et les besoins de la société
Le plan de relance donne prétendument de l'argent à « la classe moyenne » - il donne jusqu'à vingt dollars par semaine pendant deux ans. Mais, selon Citizens for Tax Justice (Citoyens pour une fiscalité juste), les 60 % les moins fortunés de la population ne recevront que moins de la moitié de la somme promise. Et grâce à cette petite exonération fiscale pour « la classe moyenne », ce sont encore les couches les plus riches de la population qui toucheront le plus !
Il s'agit aussi, paraît-il, de réparer les infrastructures du pays qui tombent en ruine, mais moins de 200 milliards y sont consacrés. L'American Society of Civil Engineers (Société américaine de génie civil) estime que la somme nécessaire pour réparer la totalité des routes, des ponts, des canalisations et de l'éclairage public se monte à 1 600 milliards. Le gouvernement Bush, soutenu à fond par les Démocrates, a accordé 8 500 milliards aux banques en moins de huit mois ! Il est évident que si Obama était vraiment décidé à réparer les infrastructures, il pourrait prendre les 1 600 milliards sur l'argent des banques et l'utiliser de façon à s'assurer que cet argent soit utilisé pour créer des emplois et non pas à garnir les poches de quelques hommes d'affaires.
Pour aider les États à ne pas opérer de coupes dans Medicaid, l'assurance maladie des pauvres, le plan prévoit de leur accorder 43,5 milliards par an pendant deux ans. Mais Medicaid, qui a géré 335 milliards de dollars l'an dernier, a déjà subi tellement de réductions que 43,5 milliards ne suffiront même pas à revenir à la couverture médicale offerte auparavant, sans même parler de la couverture médicale des nouveaux postulants qui affluent si nombreux avec la montée du chômage que les États sont débordés les uns après les autres.
Les sommes allouées aux États pour les aider à boucler leur budget se montent à 24 milliards par an pendant deux ans seulement. Mais la Conférence nationale des parlements d'États estime qu'il manque, pour cette seule année,140 milliards aux États pour boucler leur budget ordinaire malgré les centaines de milliards d'économies déjà réalisées les années précédentes sur les services publics et les aides sociales.
Le plan comprend des subventions diverses pour les écoles, en tout environ 60 milliards de dollars par an. Une somme bien dérisoire si on la compare aux 502 milliards de dollars que l'Association de l'Éducation nationale considère comme indispensables simplement pour réparer correctement et moderniser les écoles existantes, sans compter les dépenses de fonctionnement ni l'argent pour embaucher plus de professeurs, etc. On est loin des « écoles du futur » !
Il y aurait environ 12,5 milliards par an pour augmenter les allocations chômage et la formation. Une aumône ! Il faudrait 75 milliards de dollars simplement pour verser une allocation aux chômeurs actuels qui ne sont pas indemnisés. (Aujourd'hui seulement un tiers de ceux qui sont totalement au chômage ont droit à une allocation chômage).
Le plan de relance n'est pas fait dans l'intérêt de la population. Pour elle, il n'y a que des miettes alors qu'il y a des centaines de milliards pour les capitalistes qui ont déjà empoché de l'argent de l'État sans jamais créer un emploi.
Où est « le bien commun » là-dedans ?
Quant à ce que réserve l'avenir, les conseillers d'Obama ont déjà commencé à avertir que les déficits qui s'accumulent aujourd'hui à cause du plan de sauvetage des banques et du plan de relance vont creuser un tel déficit budgétaire que bien des dépenses habituelles devront être réduites dans un an ou deux. Obama lui-même y a fait allusion lorsqu'il a promis de « dégraisser » un certain nombre de programmes, évoquant plus concrètement, dans son discours sur l'économie, la nécessité de « réformer » Social Security et Medicare, respectivement le système fédéral de retraites et la couverture médicale des retraités. « Réformer » est un nom de code pour annoncer des coupes claires dans le système de retraite et la couverture médicale des retraités, de même que dans les allocations chômage, l'assurance médicale, l'aide sociale, l'indemnisation des accidents de travail, etc., c'est-à-dire dans tous les programmes sociaux offrant quelque protection aux travailleurs.
Le 11 janvier, dans une interview sur la chaîne ABC, le journaliste George Stephanopoulos a posé à Obama plusieurs fois la question de savoir comment seraient effectuées ces futures économies, Obama qui, lui, continuait à éviter de répondre. Finalement Stephanopoulos lui a demandé : « Permettez-moi d'insister là-dessus : au bout du compte, parlez-vous vraiment d'une sorte de grand marchandage au cours de votre mandat ? Est-ce que vous dites que vous allez réformer la fiscalité, réformer le système de soins, réformer les avantages acquis, y compris le système de retraite et l'assurance médicale des retraités, et que tous dans ce pays vont devoir faire des sacrifices, accepter de changer pour un bien supérieur ? » À quoi Obama a répondu : « Oui... Tout le monde va devoir faire des sacrifices. Tout le monde va devoir y mettre du sien ».
Pas tout à fait tout le monde ! Les banques et les grandes entreprises n'y « mettront pas du leur ».
Se servir du mandat populaire pour imposer une politique au service des riches
Lorsqu'ils ont été interrogés sur les exonérations fiscales prévues par Obama pour les entreprises, ses conseillers ont dit qu'avec la crise, il fallait faire adopter la loi par les deux partis et qu'Obama avait inclus dans son plan d'importantes exonérations fiscales pour obtenir le soutien des Républicains.
D'autres Démocrates ont expliqué que, puisqu'ils n'avaient pas au Sénat les soixante sièges nécessaires pour empêcher tout blocage d'une loi par les Républicains, il leur fallait obtenir le soutien de ces derniers.
Bush n'a jamais eu au Sénat une majorité aussi nette que celle qu'a Obama aujourd'hui. En fait, au cours de ses huit années de présidence, les Républicains ont été minoritaires au Sénat pendant deux ans. Mais Bush a tout de même fait passer sa politique, année après année.
Obama arrive au gouvernement avec un mandat de la population pour changer les choses, et les moyens de le remplir. Sa victoire a été plus nette que celles de Bush en 2000 et en 2004, à la fois quant au nombre de voix et quant au nombre de grands électeurs. Dans quarante-six États sur cinquante, le pourcentage de votes démocrates a progressé par rapport à 2004.
Globalement les élections ont marqué une véritable progression en faveur des Démocrates. Ils ont accru leur contrôle sur le Congrès, en emportant largement la majorité dans les deux assemblées (59 contre 41 au Sénat, 256 contre 178 à la Chambre des représentants). Ils ont augmenté le nombre de leurs sièges de gouverneurs (ils sont maintenant à la tête de vingt-neuf des cinquante États) ainsi que leur nombre de sièges dans les parlements d'États. Leurs succès sont dus au fait que les électeurs ont placé leurs espoirs dans les promesses de « changement » faites par Obama.
Le jour de l'investiture, on a pu constater qu'Obama avait le soutien de millions de gens, y compris de millions de gens qui n'avaient pas voté pour lui.
Si les Démocrates, qui se prétendent les amis des travailleurs, ont été un jour en situation d'opérer une rupture radicale avec la politique au service des riches, c'est bien aujourd'hui. La situation l'exige, les élections et le soutien de la population leur en donnent les moyens.
Mais les Démocrates mènent la politique que la bourgeoisie demande à ses hommes politiques de mener. Dans le cas présent, cela signifie la poursuite de la guerre, d'énormes exonérations fiscales et des subventions pour les grandes entreprises et pour les riches.
Obama, avec le Congrès à majorité démocrate derrière lui, parle des aspirations de la population à un changement, mais l'appelle à patienter. Son plan de relance, exactement comme le plan de sauvetage des banques, fournit une aide immédiate - des milliers de milliards de dollars - aux banques et aux plus grandes entreprises du pays. Mais la population, elle, doit attendre !
Nous sommes pris dans une crise économique dans laquelle la bourgeoisie mène la guerre contre les travailleurs pour tenter de leur faire payer la crise qu'ils ont eux-mêmes créée. Comme l'a montré Bush et comme Obama est en train de le montrer, la bourgeoisie a la collaboration active du gouvernement et de ses deux principaux partis. Aujourd'hui, la classe dominante a aussi un nouveau président - et tous les espoirs que cela peut susciter - qui explique aux gens qu'il faut patienter et se sacrifier pour le bien commun.
Si la classe ouvrière continue à faire des sacrifices, cela ne sera pas « pour le bien commun », ce sera pour la classe riche qui lui a déjà imposé bien trop de sacrifices.
Dans une telle situation, la pire des choses pour la classe ouvrière serait de rester spectatrice et d'attendre que « le changement » arrive un jour futur. Pour que la politique qui est menée aujourd'hui en faveur des intérêts de la bourgeoisie puisse être mise en échec et remplacée par une politique au service des intérêts de la population laborieuse, celle-ci aura à se mobiliser et à se battre pour avoir la garantie que ses propres besoins seront satisfaits, immédiatement.
Seulement alors, les « espoirs » pourront se réaliser.
26 janvier 2009
Le plan de relance de 817 milliards de dollars concocté pendant des semaines par les conseillers d'Obama et dont l'article ci-dessus commente les grandes lignes, a été modifié d'un côté par la Chambre des représentants et de l'autre par le Sénat, sous le prétexte de rallier le vote des Républicains dans chacune des assemblées. La version finale soumise au vote du Congrès et ratifiée par le président se monte à 787 milliards de dollars - 51 milliards de dollars de moins que la version du Sénat et 21 de moins que celle de la Chambre des représentants. Cette somme énorme, avec laquelle Obama prétend « sauver ou créer » 3,6 millions d'emplois (et non plus 4 millions), est avant tout une série de cadeaux aux riches et aux entreprises. Les sommes qui pourraient être utiles à la population laborieuse ont encore été réduites.
C'est ainsi que la principale nouveauté concernant les réductions d'impôts consiste à exonérer pendant un an des dizaines de millions de familles qui auraient dû payer l'impôt appelé « minimum alternatif », destiné à faire payer tout de même un minimum aux plus aisés. Il en coûtera 69 milliards de dollars - près de 9 % de la totalité du plan ! - dont 70 % bénéficieront aux 10 % des contribuables les plus riches, alors que 40 % des contribuables les plus pauvres n'en verront pas la couleur, sans compter bien sûr ceux qui sont trop pauvres pour payer l'impôt sur le revenu.
Par contre, les sommes destinées à aider les États à « stabiliser » leur budget, déjà très insuffisantes, ont encore été réduites de 25 milliards de dollars ; il y aura 16 milliards de dollars en moins pour les écoles, bien abusivement dites du 21 e siècle, et des économies sont faites en renonçant à donner une couverture médicale aux chômeurs qui n'en ont pas.
Ainsi Obama et les élus démocrates ont accepté de modifier leur plan dans un sens encore plus défavorable à la population laborieuse. Et c'est d'autant plus scandaleux que dans la même semaine le ministre des Finances, Geithner, a annoncé un plan de sauvetage des banques d'un montant de 2 500 milliards de dollars, incluant non seulement les 350 milliards restants du plan Paulson, mais une rallonge massive de la Réserve fédérale, à qui il est demandé de mettre à contribution sa capacité de fabriquer de la monnaie.
Il est bien évident que ces centaines de milliards d'argent public, donnés à fonds perdus sans que rien ne soit exigé en échange, seront absorbés par la soif inextinguible de profits de la bourgeoisie qui entend se protéger au maximum de la crise. Cela servira à protéger les profits, mais ni à sauver, et encore moins à créer, des emplois ni à protéger le niveau de vie de la population. Bien au contraire, il lui faudra payer pour les milliards distribués. Il est bien significatif que les seules contraintes imposées en échange de l'argent public ont été formulées à l'adresse des patrons des trois grands constructeurs automobiles pour qu'ils exigent des sacrifices considérables de leurs salariés afin de redevenir rentables, « contraintes » que les patrons de l'automobile s'emploient activement à faire accepter aux travailleurs et qui, s'ils réussissent, serviront d'exemple à tout le patronat dans sa guerre contre la classe ouvrière. General Motors vient ainsi d'annoncer un nouveau plan de 10 000 suppressions d'emplois censé contribuer à restaurer les profits de l'entreprise, et cela au moment où les 600 000 chômeurs supplémentaires officiellement recensés en janvier, après les 500 000 de décembre, indiquent que le chômage se développe de plus en plus rapidement.
Obama est là pour aider la bourgeoisie dans sa lutte pour faire payer la crise à la classe ouvrière. C'est aux travailleurs et aux pauvres qu'il fera payer les centaines de milliards qu'il distribue aux riches et au patronat. À moins que les travailleurs se défendent et refusent tout nouveau sacrifice. Ils en ont la force et là réside le seul espoir. Yes, they can !
15 février 2009