Les élus de Lutte Ouvrière dans les Conseils régionaux

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Décembre 1998

Lors des élections aux Conseils régionaux du 15 mars 1998, voici neuf mois, les listes présentées par Lutte Ouvrière dans 68 départements ont obtenu un pourcentage de votes allant de 2,62 % dans les Alpes-Maritimes à 7,73 % dans l'Aisne, soit 4,50 % sur l'ensemble de ces départements. La règle électorale est qu'une liste départementale ayant dépassé le seuil de 5 % des voix peut concourir à la répartition des sièges attribués au département dans le cadre de la région, et obtenir un nombre d'élus proportionnel au nombre de voix recueilli sur cette base départementale.

Nos listes ont dépassé le seuil de 5 % dans 23 départements. Dans dix d'entre eux, cela n'a pas suffi pour avoir un élu, mais dans 13 départements, 20 conseillers régionaux Lutte Ouvrière ont été élus. Ils siègent dans 9 régions différentes : 7 dans le Nord-Pas-de-Calais, 3 en Picardie, 3 en Ile-de-France (dont notre camarade Arlette Laguiller), 2 en Haute-Normandie, 1 dans la région Centre, 1 en Bretagne, 1 en Lorraine, 1 en Champagne-Ardenne, 1 dans la région des Pays de la Loire.

Si l'on excepte deux camarades en préretraite, la quasi-totalité des conseillers régionaux Lutte Ouvrière sont des salariés : ouvriers, infirmières, cheminot, employés, enseignants, qui n'ont pas quitté leur emploi et continuent à partager la vie de leurs camarades de travail.

Tout ceci est évidemment bien loin de l'image que certains médias ont tenté de donner de nos élus au lendemain de leur élection. C'est ainsi qu'une journaliste du "Vrai Journal", émission de télévision de Karl Zéro, ironisait sur l'avenir de nos élus de Haute-Normandie (une infirmière et un cheminot) : "Des Conseils régionaux vont offrir leurs premiers bureaux à ces bolcheviks purs et durs. Un bureau avec téléphone, moquette et tout le luxe bourgeois" !

Nos camarades, qui, dans certains Conseils régionaux, n'ont droit ni à une ligne téléphonique ni même à un bloc de papier, apprécieront. Mais passons sur le "luxe bourgeois" né de l'imagination de cette journaliste. L'essentiel est ailleurs.

Que peuvent donc faire nos camarades dans ces Conseils régionaux pour respecter leur promesse de "représenter les intérêts des travailleurs", comme nous nous y étions engagés dans notre campagne électorale ? Quelles possibilités d'expression, voire d'activité, leur donnent les Conseils régionaux ? A quels problèmes, petits et grands, ont-ils été confrontés ? Et, avant tout, puisque neuf mois ne permettent évidemment pas de tirer un bilan, dans quelle optique font-ils leur travail ?

Avant de répondre à ces questions, rappelons ce que sont ces Conseils régionaux et quelle place ils occupent dans la hiérarchie des institutions de l'appareil d'Etat français.

Les Conseils régionaux : une institution récente

Les Conseils régionaux, qui se situent entre le gouvernement et le Parlement, les départements et les communes, sont une création récente, née de la loi Defferre du 2 mars 1982. Les conseillers n'ont été élus au suffrage universel qu'à partir de mars 1986. La France compte 22 régions métropolitaines (dont la Corse, qui a un statut un peu particulier), auxquelles s'ajoutent 4 régions d'outre-mer.

Jusqu'en mars 1998, les conseillers étaient élus sur la base du département. Après la réforme du scrutin décidée en novembre 1998, ils seront désormais élus sur la base de l'ensemble de la région par un scrutin à deux tours, les listes ayant obtenu au moins 5 % étant seules habilitées à se maintenir au deuxième tour. Les mandats ne seront plus que de 5 ans, au lieu de 6 aujourd'hui.

Les compétences principales octroyées à la Région, telles qu'elles sont formulées dans les textes de lois, sont la planification (plan Etat-Région), l'aménagement du territoire et le développement économique, l'action culturelle, la formation professionnelle continue et l'apprentissage, et enfin l'équipement et le fonctionnement des lycées. Depuis peu, l'Etat a institué un partenariat avec les Régions concernant l'enseignement supérieur (Schéma Universités 2000) où elles sont associées pour les implantations et rénovations des établissements universitaires.

Comme le budget de l'Etat, celui des Régions est d'abord fourni par les impôts. Des impôts directs (taxe d'habitation, taxe foncière, taxe professionnelle) et des impôts indirects (taxes sur les cartes grises, les droits de mutation, etc.). Cela représente la moitié environ des recettes, le reste étant fourni par les emprunts contractés par les Régions, les dotations de l'Etat (de l'ordre de 20 % des recettes) et enfin par des fonds européens pour certaines Régions.

Les budgets sont bien sûr variables selon la taille des régions. En 1997, ils étaient de plus de 14 milliards de francs en Ile-de-France (8 départements et 10 millions d'habitants), de 1,5 milliard pour la région Auvergne (4 départements et 1,3 million d'habitants) et de 4,5 milliards pour le Nord-Pas-de-Calais (2 départements et 4 millions d'habitants). A titre de comparaison, le budget de l'Etat est, lui, de 1 500 milliards de francs.

Dans la plupart des régions, la plus grosse part va à la formation professionnelle et aux lycées (souvent plus de 50 % des dépenses, mais seulement moins de 28 % en Lorraine ou dans le Limousin).

L'investissement dans l'action économique (en fait l'aide aux entreprises) est plus difficile à apprécier car il passe par de nombreux canaux.

Pourquoi des candidats au mandat de conseiller régional ?

Tout d'abord parce que nous avons une démarche de principe qui est de participer aux élections, en fonction de nos possibilités, pour défendre notre politique devant la classe ouvrière et l'ensemble de la population, pour l'opposer à la politique des partis de la bourgeoisie, à un moment où les électeurs sont invités à se prononcer sur les politiques qui leur sont proposées. C'est aussi une façon de mesurer l'écho que notre politique rencontre dans la population, un instrument de mesure indispensable, fût-il limité au seul terrain électoral.

Et, après les résultats de notre camarade Arlette Laguiller à l'élection présidentielle de 1995, où 5,3 % des électeurs s'étaient prononcés en faveur des mesures radicales que nous défendions pour protéger la classe ouvrière du chômage et de la crise, nous avons continué à nous présenter relativement largement dans le pays, avec des listes dans 68 départements sur 95, soit près de 1 400 candidates et candidats (1 369), touchant 84 % de l'électorat total, répartis dans la totalité des 21 régions concernées par le scrutin.

Le franchissement de la barre des 5 % pouvant nous permettre d'avoir des élus, nous avions pris l'engagement suivant auprès de nos électeurs, lors du discours d'Arlette Laguiller dans le cadre du meeting du 6 mars 1998, salle de la Mutualité à Paris :

"Nous savons bien que les Conseils régionaux n'ont déjà pas beaucoup de pouvoir. Et le peu qu'ils ont est concentré entre les mains du seul président.

Bien sûr, nous ne pourrons constituer dans les Conseils régionaux qu'une petite minorité d'opposition.

Alors, nous ne vous promettons pas une autre gestion régionale car promettre cela, ce serait simplement se payer de mots. Nous ne vous demandons pas, de toute façon, de nous y envoyer pour mieux gérer un Conseil régional, qui n'est qu'une des nombreuses institutions du monde de la bourgeoisie.

Dans les Conseils régionaux, les militants de la cause ouvrière que nous sommes seront en terrain ennemi. Mais nous pouvons, sur le terrain ennemi, conquérir des positions pour mieux mener le combat de notre classe.

Nous nous efforcerons de dénoncer tout ce qui, dans les Conseils régionaux, se fait au détriment du monde du travail et de la population.

Nous rendrons transparentes les affaires, nous pointerons le doigt sur l'argent qu'on dilapide pendant que la misère s'accroît ; nous utiliserons ces positions pour aider les travailleurs en lutte, ne serait-ce qu'en essayant d'attirer l'attention sur leurs combats.

Notre courant ne s'est jamais compromis, ni avec le patronat ni avec aucun des grands partis qui ont gouverné le pays à tour de rôle. Nous n'avons aucun "fil à la patte", aucun allié à ménager, aucune carrière à protéger, ni à l'échelle du département ni à l'échelle nationale.

Alors, vous pouvez être certains que, dans tous les choix qui concernent la population de la région, nous défendrons systématiquement les intérêts de ceux qui vivent de leur travail, ou qui voudraient bien en vivre, contre les privilégiés. Notre action dans le Conseil régional sera le prolongement de la politique que nous défendons à l'échelle de l'ensemble du pays.

Nous dénoncerons au Conseil régional tous les licenciements collectifs et tous les plans de suppressions d'emplois.

Nous nous élèverons contre toutes les formes de cadeaux, de subventions déguisées, de dégrèvements accordés au patronat.

Nous chercherons à dévoiler la nature des contrats passés. Nous rendrons public tout ce que nous saurons de l'utilisation des fonds publics.

Et toutes les catégories de travailleurs qui veulent faire respecter leurs droits et, à plus forte raison, ceux qui se battent pour les faire respecter auront en nos conseillers régionaux des alliés, des amis."

L'activité de nos élus

Rappelons tout d'abord que le premier geste des Conseils régionaux doit être d'élire leur président. Cela a duré des jours, pour ne pas dire des semaines dans bon nombre de Régions, et pas seulement là où des candidats de droite se sont fait élire grâce aux élus du Front National.

Les conseillers de Lutte Ouvrière ont présenté systématiquement, bien qu'elle n'ait eu aucune chance, leur candidature à la présidence, sur la base d'un texte programmatique indiquant ce que nous ferions si nous étions élus. Evidemment, nous n'avions aucune illusion sur le résultat des votes, mais nous prolongions ainsi nos engagements de campagne électorale, en disant quelle serait notre politique au sein du Conseil. Et dans les deux seuls endroits, la région Centre et la région Haute-Normandie, où des représentants de la gauche sont venus nous demander de les soutenir, nous avons indiqué que nous ne pourrions voter que pour un candidat qui reprendrait dans sa déclaration de candidature les points de notre programme qui étaient essentiels pour nous. La déclaration d'intention de chacun des candidats de Lutte Ouvrière disait en particulier : "Les travaux et l'action du Conseil régional doivent être orientés prioritairement vers la création d'emplois.

Il faut réviser toutes les subventions, avantages fiscaux et facilités de toute nature, primes à la création d'entreprises, rabais sur les terrains, aides à l'emploi, qui ont été concédés à des entreprises pour les attirer dans la région.

Il faut évaluer le nombre d'emplois réellement créés et maintenus depuis au moins les six dernières années et le coût, pour la région, de chaque emploi définitif créé, comparé à ce qu'aurait été le coût d'emplois directement créés par la région, par les départements ou les municipalités.

En effet, dans bien des domaines concernant la vie quotidienne de la population, écoles, hôpitaux, transports publics, des emplois peuvent être créés, ou le plus souvent rétablis, sans investissements lourds, voire sans aucun investissement, contrairement au financement d'entreprises.

Je réexaminerai toutes les formations subventionnées afin de réorienter les crédits des formations artificielles, salles d'attente pour diminuer artificiellement les statistiques du chômage, vers les formations qui débouchent immédiatement sur des emplois et, dans ce contexte, favoriser prioritairement des formations destinées aux chômeurs les moins qualifiés.

En résumé, je demanderai de réorienter les finances de la région vers la création directe d'emplois au moyen des économies ainsi réalisées.

Je réexaminerai toutes les concessions qui ont pu être faites à des entreprises privées pour la gestion des activités incombant précédemment aux services publics (transports, cantines scolaires, distribution de l'eau, etc.).

Je ferai en sorte de rendre transparents tous les accords passés par la région et les autres collectivités. J'interviendrai auprès des Conseils généraux et des municipalités pour les aider à réaliser ces crédits afin de pouvoir créer immédiatement et directement des emplois dans le domaine de leurs compétences respectives. Je demanderai à l'assemblée et aux conseils de rendre compte de l'activité du conseil dans les municipalités en invitant la population à assister à ses réunions et à participer, à conseiller, à critiquer nos travaux.

Je me servirai du crédit du Conseil régional pour insister auprès de l'Etat et du gouvernement pour que des mesures législatives immédiates soient prises pour interdire les licenciements collectifs, sans qu'aucune dérogation soit possible, en particulier dans les entreprises affichant des bénéfices, mesures assorties de sanctions financières lourdes en cas de non-respect de cette interdiction."

Inutile de dire qu'aucun des candidats à la présidence du Conseil régional qui avaient sollicité nos votes n'a voulu prendre un engagement de cette nature.

Tous nos élus participent de plein droit aux séances plénières des Conseils régionaux, où leurs possibilités d'intervention varient beaucoup d'une région à l'autre. Cela va d'une minute trente ou deux minutes par sujet en Ile-de-France à quatre ou cinq minutes en Lorraine ou en Picardie.

Cela ne permet, de toute façon, que des prises de position en faveur des intérêts des travailleurs et de la population laborieuse, mais ces déclarations tranchent avec le consensus général qui règne bien souvent dans ces assemblées et assez souvent elles sont reprises par la presse locale.

Selon ce que prévoient les règlements intérieurs, ou selon le bon vouloir des présidents de région, nos camarades ont le droit de participer, ou non, aux "Commissions permanentes" qui se réunissent beaucoup plus souvent et ont à se prononcer sur tous les dossiers. Cela va de la rénovation d'un lycée à l'aide à telle ou telle entreprise, en passant par le soutien aux transports en commun publics ou privés, ou l'acquisition d'espaces verts...

Par ailleurs, plusieurs de nos conseillers régionaux ont été élus dans différentes commissions thématiques (lycées, logements, transports, formation et apprentissage, développement économique, activités sociales, culture) et certains dans les conseils d'administration de lycées ou d'hôpitaux.

Mais l'essentiel de nos activités n'est pas là.

Les pouvoirs des Conseils régionaux étant fort limités même ceux du Parlement le sont et de surcroît nos élus étant très minoritaires, nous savions évidemment que ce n'est pas en "votant bien" sur tel ou tel point, que nous changerons le sort des travailleurs.

Mais nous nous voulons avant tout les porte-parole des travailleurs.

Aussi, notre activité consiste en premier lieu à aller prendre contact sur le terrain avec les gens concernés par tel ou tel dossier qui sera présenté au vote. C'est le cas dès que nous entendons parler de subventions, d'aides, en particulier pour les entreprises, sous prétexte d'installation ou de créations d'emplois. En fait, il faut aller voir simplement comment se traduit sur le terrain tel ou tel dossier pour lequel la majorité des conseillers votent sur pièces sans prendre l'avis de ceux qui sont directement concernés.

Par exemple, lorsqu'il y a des problèmes concernant un lycée, nous prenons contact avec les enseignants, avec les syndicats, avec le personnel du lycée ou avec les lycéens. Et c'est pour nous le meilleur moyen de connaître la réalité qui se cache derrière les dossiers que l'on nous soumet et qui sont rien moins que clairs et sincères.

Cette démarche est comprise et bien perçue par les travailleurs, les enseignants, les syndicalistes concernés. Une fois le premier moment de surprise passé, car cela n'est pas dans les habitudes des autres conseillers régionaux, ils sont heureux de voir un conseiller régional s'informer et s'intéresser à eux.

Notre orientation est bien de nous servir de nos mandats pour prendre contact avec la population car nous sommes des militantes et des militants du mouvement ouvrier, et ce que nous souhaitons rapporter et exprimer dans les réunions du Conseil régional, ce sont les sentiments voire la colère des travailleurs. Cela nous donne d'ailleurs la possibilité de faire entendre au sein des Conseils régionaux ce que pensent les travailleurs, les syndicalistes, les militants, des décisions du Conseil ou de l'Etat.

Quelques lièvres levés, ou les multiples cadeaux pour aider le patronat

L'argent du Conseil régional, comme celui du budget de l'Etat, va, par de nombreux méandres, vers les entreprises, et pas seulement celles du bâtiment et des travaux publics chargées de la rénovation et de la construction des lycées. Il y a des dizaines de canaux petits et grands par lesquels l'argent des contribuables va aux entreprises : études payées par les Conseils régionaux pour que des entreprises voient comment mettre en place la diminution du temps de travail au mieux de leurs intérêts, financement de centres de recherche de grandes sociétés, budget lié à la formation et à l'apprentissage.

Bien sûr, tout cela, on a beau le savoir, on est toujours surpris lorsqu'on fouille un peu, par ce qu'on trouve derrière des phrases anodines. Par exemple, dans les discours officiels, il s'agit toujours d'aider les "petites et moyennes entreprises". Dans les faits, ces PME sont le plus souvent des filiales de grands groupes.

Ainsi, en Ile-de-France, les crédits destinés à des compagnies de transports privées qui font circuler des bus en banlieue sont un moyen de financer ...Vivendi (ex-CGE), qui est actionnaire à 100 % d'une société elle-même actionnaire à 99 % de la compagnie de transport CGEA, laquelle, bien que bénéficiaire, sollicite des aides publiques auprès du Conseil régional.

Le 18 septembre 1998, au Conseil régional de Picardie, un de nos élus a fait les révélations suivantes : "Concernant les aides proposées à l'entreprise des bas Le Bourget, je dois dire que M. Baur ne manque pas de culot. S'il y a bien une entreprise qui a fait la démonstration que les aides publiques distribuées au patronat sont données à fonds perdus, c'est bien celle-là. Et voilà que l'on en rajoute une nouvelle aujourd'hui. L'argent donné va servir à renflouer sa trésorerie au moment même où elle vient de licencier 200 travailleurs, jetés à la rue et menacés de misère. La Région n'a même pas essayé de négocier l'abandon d'une partie au moins des licenciements en échange de son aide !"

Au Conseil régional de la région Centre, un autre de nos camarades a dénoncé la subvention de 1 500 000 F attribuée à une entreprise du trust Synthélabo, dans le Loiret, sous prétexte de création de 50 emplois. En fait, il s'agissait du transfert du personnel de l'usine Synthélabo de Cachan, en région parisienne, suite à sa fermeture. De plus, cette entreprise appartient à L'Oréal, dont la propriétaire, Mme Bettencourt, est la première fortune de France.

Au mois d'octobre, le même camarade a de nouveau dénoncé les aides de la Région complétant celles de la ville de Tours et du département en faveur de Bouygues-Télécom. Une nouvelle fois, il s'agit de faire du profit privé avec l'argent public. A noter que là encore aucun autre élu ne s'est élevé contre ces aides.

Au Conseil régional de Lorraine, une de nos élues a protesté contre l'attribution de subventions à l'entreprise Behr à Hambach sous l'éternel prétexte de créer des emplois. Or, cette entreprise emploie 300 CDI pour 600 CDD ou intérimaires. Elle a dénoncé les 3 millions de francs d'aides pour Caterpillar, qui a fait des profits en hausse de 22 % par rapport à l'année précédente.

Le 26 juin 1998, elle a dénoncé les faits suivants concernant l'aide à l'immobilier d'entreprise de 600 000 F pour l'entreprise Berger-Levrault : "Les travailleurs de cette entreprise ont fait grève il y a quelques semaines, entre autres parce que la direction voulait bloquer leurs salaires et aggraver leurs conditions de travail. On aide les patrons de Berger-Levrault, ceux-ci bloquent les salaires de leurs employés. Je ne suis pas d'accord que la Région encourage le patronat à s'en prendre aux conditions de vie et de rémunération des travailleurs. La prime que vous voulez allouer aux actionnaires de Berger-Levrault, c'est aux travailleurs qu'il faudrait la verser."

En fait, à en juger par ce qui se passe dans les neuf régions où nous avons des élus, dans toutes les régions le Conseil régional est une des nombreuses institutions par lesquelles passent les aides et les subventions au patronat et pas au plus petit.

Les comportements

Ce qui compte, ce n'est pas seulement ce qu'on dit, mais aussi ce qu'on fait et comment on le fait. Et c'est souvent grâce à des attitudes différentes que les travailleurs nous apprécient.

Car il y a une pression sociale qui vise à "intégrer" les élus dans le jeu des institutions. C'est un peu le cirque parlementaire en petit, où on s'invective en public et où on se tape sur l'épaule à la buvette.

Il est de bon ton, par exemple, de se donner du "cher collègue" alors que l'on n'est pas du même parti et que l'on ne partage pas les mêmes idées. Evidemment, les élus de Lutte Ouvrière gardent leurs distances avec leurs ennemis de classe.

Dès le début, nos camarades de la région Nord-Pas-de-Calais ont attiré pour un court instant il est vrai l'attention des médias et l'indignation des bien-pensants en refusant de se lever pour rendre hommage à Maurice Schumann, ancien du Conseil régional et ministre gaulliste.

Un peu plus tard, au Conseil régional de Bretagne, notre camarade ne se leva pas durant l'hommage rendu au navigateur disparu Eric Tabarly. Devant les attaques d'un élu FN qui le lui reprochait, il déclara simplement : "Il y a malheureusement des travailleurs de la mer qui périssent tous les jours et qui sont tout aussi honorables ! On ne les honore pas ici par une minute de silence".

Et là où nos camarades se distinguent aussi de beaucoup d'autres élus, c'est en ce qui concerne les indemnités auxquelles ils ont droit en tant qu'élus. Car la partie de ces indemnités qui ne sert pas à compenser les pertes de salaires générées par les absences de nos camarades à leur travail, pour mener leur activité de conseiller régional, est reversée à Lutte Ouvrière, comme cela était de tradition dans le mouvement communiste. De plus, au moment du vote, nous avons voté contre la hiérarchisation de ces indemnités, qui sont plus basses pour les élus "de base" que pour les vice-présidents et le président.

Nos élus continueront donc, dans leurs secteurs respectifs, à aller vers les travailleurs, à les éclairer sur ce qui se trame contre eux dans les instances régionales et à servir de haut-parleurs à leurs revendications. C'est une activité limitée, bien sûr, mais elle fait partie de celles qu'un parti représentant les intérêts des travailleurs doit accomplir.