Le 28e Congrès du PCF : Un pas de plus vers la social-démocratisation

Εκτύπωση
Février-Mars 1994

La direction du PCF a tenu à faire entendre, en donnant le maximum de publicité à la chose, que son 28e Congrès allait marquer une orientation nouvelle, voire une rupture radicale avec le passé, un véritable "dépassement", mot magique et passe-partout abondamment utilisé par les congressistes qui, tour à tour, ont évoqué le "dépassement du capitalisme", le "dépassement du centralisme démocratique", le "dépassement de la démocratie" et parfois même le "dépassement de parti".

Pourtant, si on y regarde de plus près, les décisions de ce congrès ne semblent guère avoir dépassé... ce qui se fait déjà depuis un certain temps dans le parti.

Ainsi, par exemple, l'abandon par Marchais du poste de secrétaire général qu'il occupait depuis 1972 - annoncé depuis plusieurs mois - et son remplacement par Robert Hue peuvent difficilement passer pour une rupture avec le cours antérieur, ni être interprétés comme le signe d'une orientation radicalement nouvelle. Pas tant parce que le nouveau secrétaire national (c'est le titre qui remplace désormais celui de secrétaire général) serait, comme l'ont dit les journalistes et les "refondateurs", une créature de Marchais. Cette façon superficielle et polémique de voir les choses n'a pas grand sens. Encore moins de la part de gens qui, pour certains, avec la même perspicacité, voyaient dans Balladur l'homme de Chirac... Mais tout bonnement parce que cela fait des années que le PCF a défini la trajectoire politique sur laquelle il se trouve aujourd'hui. Ce ne fut pas Marchais qui fut l'initiateur d'une telle orientation. Sans entrer dans tous les détails de l'histoire du PCF, bien avant Marchais, Maurice Thorez dès 1935, puis de nouveau lors de la Seconde Guerre mondiale et à la fin de celle-ci, lorsque pour la première fois il y eut des ministres du PCF, tout comme Waldeck Rochet qui lui succéda en 1964 au poste de secrétaire général, s'étaient engagés dans la voie de la transformation du PCF (qui n'ajouta le F de français à son sigle qu'à l'issue de la Seconde Guerre mondiale) en un grand parti national. C'est-à-dire un parti qui se voulait ouvertement au service de la bourgeoisie, avec le désir affiché de voir cette bourgeoisie le reconnaître à part entière.

Marchais n'a fait que poursuivre dans cette direction. On l'a présenté comme l'homme de l'immobilisme, comme le défenseur des "traditions communistes". Même dans la version stalinienne de ces traditions, ce n'est pas exact. Certes, dans la période durant laquelle Georges Marchais exerça la responsabilité de secrétaire général, c'est-à-dire de 1972 à 1994, il y a eu de multiples zigzags politiques, tout comme dans les périodes précédentes d'ailleurs. Zigzags dus aux circonstances politiques, aux nécessités tactiques et qui se sont traduits par des attitudes conciliantes à l'égard de partenaires à séduire, ou bien à faire céder en jouant sur le rapport des forces. Il adopta, tout à tour, ces deux attitudes.

Mai ce qui explique surtout les volte-face successives du PCF, c'est la situation contradictoire dans laquelle il se trouvait. Car il lui fallait concilier ses aspirations à devenir ce parti reconnu par la bourgeoisie avec, en même temps, la nécessité de ne pas se couper de sa base ouvrière, avec en plus le souci de ne pas rompre les liens, qui n'étaient pas qu'historiques mais aussi générateurs d'avantages matériels concrets et substantiels, avec la bureaucratie soviétique. Ces trois impératifs n'ont que rarement coïncidé dans l'histoire. Et cela seul suffit à expliquer pourquoi un PCF, tiraillé de la sorte, semblait souvent faire, et surtout dire, à la fois tout et son contraire. Mais en dépit de ces oscillations, la tendance dominante, la "trajectoire" pourrait-on dire, restait déterminée par son désir d'entrer au service de la bourgeoisie, à part entière, au même titre que l'autre parti réformiste français, le PS. Un désir maintes fois réaffirmé et qui n'a pas décru, loin de là, au fil des vingt dernières années. Marchais a œuvré dans ce sens, d'une façon qui se révèle aujourd'hui décisive. En 1972, ce fut la signature du "Programme commun" avec le PS dirigé par Mitterrand et avec les Radicaux dits de Gauche, aboutissement d'un vieux projet du PCF. Lorsque les rapports se sont tendus au sein de cette "Union de la gauche" à la fin des années soixante-dix, du fait de l'attitude plus offensive du PCF, ce fut de la part de ce dernier dans la perspective de créer un rapport de forces afin que "Mitterrand se décide à prendre des ministres communistes" - c'était le slogan de l'époque. Ce que Mitterrand accepta d'ailleurs, en 1981, après son élection à la présidence de la République, non pas parce qu'il y était contraint par le poids électoral du PCF, mais au contraire parce que le PCF voyait son score décliner et passer nettement au-dessous de celui du PS. Un déclin qui s'est poursuivi depuis.

Marchais, comme d'ailleurs tous les dirigeants du PCF, s'empressa de saisir l'opportunité qui permit à quatre dirigeants, Charles Fiterman, Marcel Rigout, Jack Ralite et Anicet Le Pors, de devenir ministres dans le gouvernement dirigé par le socialiste Pierre Mauroy. Marchais et les autres dirigeants du PCF ne tarirent pas de louanges à l'égard de ce gouvernement dont, disaient-ils, le bilan en matière d'avancées sociales était supérieur à celui du Front populaire et à celui des gouvernements à participation communiste de l'immédiat après-guerre. Et quand le PCF décida de mettre fin à cette participation ministérielle, en 1984, non sans des débats tumultueux au sein de sa direction, ce fut à la suite d'un nouveau recul électoral important. Mais il sortait du gouvernement, avec l'espoir affiché de se refaire une santé électorale afin de pouvoir en fait rééditer l'expérience.

La politique du PCF durant la période de participation gouvernementale a laissé des traces dans la classe ouvrière, accentuant son désarroi, son sentiment d'impuissance, sa démobilisation. Mais elle a aussi joué un rôle déterminant dans la crise dans laquelle le PCF se débat aujourd'hui. Si les causes de cette crise sont bien plus profondes, si ces racines sont plus anciennes, elle est apparue publiquement à cette occasion. Ce n'est d'ailleurs pas simplement l'effet du hasard si on retrouve parmi les plus en flèche des "contestataires", les quatre dirigeants du PCF qui ont goûté aux délices de la participation gouvernementale entre 1981 et 1984.

Toujours dans la même perspective de se donner l'image avenante d'un parti acceptable par la bourgeoisie, Marchais avait, entre temps, en 1975, proposé l'abandon de la référence à la dictature du prolétariat, décision qui fut adoptée au début de l'année 1976 au 22e Congrès du PCF. Comme on voit, Marchais n'a pas attendu les conseils pressants, mais finalement bien tardifs, de ses opposants d'aujourd'hui pour s'engager dans le largage des symboles du passé.

Ce 28e Congrès du PCF s'est donc inscrit dans la lignée des précédents. Sous cet angle, on peut n'y voir qu'un simple toilettage de textes dans le but de les mettre en accord avec la pratique et avec la politique actuelles. En effet, on y a fait la chasse à tout ce qui avait une connotation centralisatrice, à tout ce qui pouvait passer pour une attitude trop directive, afin de montrer qu'on en avait "bien fini avec les comportements du passé". Du coup, le titre de secrétaire général s'est transformé en celui de secrétaire national, le bureau politique s'appelle désormais bureau national, L'Humanité n'est plus, dans son sous-titre l'organe central du PCF mais simplement un "journal du Parti communiste français." On a même vu des délégués, emportés par leur zèle, par cette volonté débridée de "dépasser l'ancien", s'inquiéter par exemple à l'idée qu'un secrétaire, même s'il n'était plus que national, disposât de pouvoirs exorbitants du simple fait qu'il occupe une place privilégiée qui lui donne accès aux médias, donc la possibilité de peser sur l'opinion des militants.

L'abandon du "centralisme démocratique", qui fut au centre des débats, peut, de ce point de vue, être pris lui aussi comme une simple mise à jour. D'autant plus que le centralisme démocratique, tel que l'a pratiqué le PCF au cours de son histoire, n'a jamais rien eu à voir avec ce que cela signifiait pour Lénine et le Parti bolchevik. C'est-à-dire pour le parti révolutionnaire que le PCF en France n'a jamais été. Ce principe de fonctionnement n'a d'ailleurs de sens que pour un tel parti, sélectionnant ses militants dans la perspective de la révolution prolétarienne, communiste. Rien à voir avec ce que fut le PCF, même dans les premières années de son existence, encore moins avec ce qu'il est devenu par la suite, depuis des décennies.

En fait, le PC en France n'a jamais connu du "centralisme démocratique" que sa version stalinienne, qui en était une sinistre caricature, destinée à maintenir les prérogatives d'un appareil qui fut longtemps sélectionné, de génération en génération, en fonction de sa fidélité et de sa docilité à l'égard de la bureaucratie soviétique. Au fil des années, ce poids de la bureaucratie soviétique a été de plus en plus contrebalancé par les aspirations d'une fraction de l'appareil à se dégager de l'emprise soviétique pour se ranger, non pas dans le camp de la révolution, même pas dans celui de la classe ouvrière, mais au service de la bourgeoisie française. Cela s'est traduit par des affrontements périodiques, qui se développaient dans les coulisses du parti, et dont l'existence n'était révélée qu'au moment où l'exclusion ou la mise à l'écart était annoncée, sans que l'on en connût les vraies raisons.

Mais depuis les toutes dernières années, les choses ne se passent plus de cette façon. Les rivalités, les divergences ne se règlent plus par l'exclusion des "opposants". Désormais ces "opposants" continuent de siéger dans toutes les instances, à tous les niveaux, jusqu'au bureau national, l'ex-bureau politique - ils ont d'ailleurs été réélus lors du dernier congrès, sauf ceux qui ont décidé de se retirer de leur plein gré - tout en continuant à multiplier les prises de position publiques exprimant leurs désaccords, tout en continuant à établir ouvertement des contacts politiques avec qui bon leur semble, sans en rendre compte à qui que ce soit. Par exemple, on a vu Herzog se commettre avec Rocard, Fiterman et Guy Hermier fréquenter un temps Chevènement, sans que la direction intervienne, ne serait-ce que pour reprocher ces manquements à la discipline.

Faiblesse d'une direction désormais paralysée par une crise de plus en plus profonde ? Hésitation à affronter une tendance qui ne fait qu'exprimer des aspirations qui sont celles de l'immense majorité de l'appareil, et qui dit aujourd'hui ce qui sera peut-être la ligne de demain ? Sans doute tout cela à la fois.

Dans le même ordre d'idées, avant même que le Congrès décide d'abandonner la référence au "centralisme démocratique", le PCF avait décidé de rompre avec une tradition, elle aussi ancienne, elle aussi issue des règles de fonctionnement mises en place par la Troisième Internationale, et qui faisait obligation aux élus communistes de se placer sous la responsabilité de leur parti, ce qui impliquait d'accepter la discipline de vote. Désormais, depuis les dernières élections législatives de 1993, les parlementaires du PCF ne sont plus tenus à cette obligation, et peuvent voter à leur guise, indépendamment de la position du parti. En réalité, cette décision ne fait qu'officialiser un état de fait de plus en plus fréquent. Car nombreux sont les élus du parti qui se comportent comme de véritables féodaux, agissant comme bon leur semble dans leur fief électoral.

Mais même si ce 28e Congrès n'a fait que traduire dans des textes nouveaux - statuts, programme, manifeste - des pratiques, des comportements et des attitudes politiques existants, on aurait cependant tort de ne voir que cet aspect. Car le PCF a franchi un pas de plus vers une social-démocratisation encore plus ouverte, encore plus nettement revendiquée. Pas le dernier sans doute. Car la transformation n'est pas encore tout à fait accomplie.

Certes, il serait puéril de croire que les mots seuls peuvent suffire à faire barrage à quoi que ce soit. La preuve en est donnée par les dirigeants du PCF eux-mêmes qui n'ont pas attendu ces changements de vocabulaire pour pratiquer la collaboration de classe. Mais ces mots ne sont pas que des formules sans vie, des symboles vides. Ils constituent des repères pour des milliers d'hommes et de femmes qui y trouvent un point d'ancrage, un drapeau, une référence à un programme, à un objectif, à un idéal. Même si ce drapeau a été utilisé pour les tromper.

Et ce n'est pas pour rien que les "contestataires" du PCF insistent tant pour que l'on jette par-dessus bord toutes les références qui rappellent les lointaines attaches du PCF avec un passé révolutionnaire. Et ce n'est pas pour rien non plus que la direction en place leur emboîte le pas, même si c'est avec un temps de retard, avec l'envie à peine dissimulée de rattraper le temps perdu, en multipliant, elle aussi les efforts pour effacer les quelques traces qui lui restent encore de son passé. Car ce qui apparaît de plus en plus, c'est qu'il n'y a pas de désaccords de fond entre la minorité de contestataires et la majorité de l'appareil du PCF. Le désaccord ne porte que sur le rythme des transformations qu'ils appellent de leurs vœux, les uns comme les autres.

Il semble d'ailleurs que la direction souhaite accélérer ce rythme. Moins que ne le demandent les opposants sans doute, mais plus qu'elle ne le faisait jusqu'alors.

Le contexte a connu des modifications. Du fait de la disparition de l'URSS, les liens avec la bureaucratie soviétique, qui constituaient l'un des freins à l'intégration du PCF dans le giron de la bourgeoisie française, n'existent plus. C'est sans doute un facteur d'accélération du processus.

Les "contestataires" font de la surenchère. Plus la direction va dans leur sens, plus ils en réclament. A chaque décision de la direction en place, ils l'accusent d'hypocrisie, expliquant que ce n'est pas assez, qu'il est urgent d'aller jusqu'au bout.

Mais si la direction du PCF fait preuve de cette prudence, ce n'est pas, répétons-le, qu'elle n'est pas d'accord pour aller plus loin. C'est qu'aujourd'hui aller plus loin, franchir le pas, rompre avec le passé comme l'a fait le PC italien, n'est pas sans lui poser des problèmes.

Pour les "contestataires" qui élèvent la voix aujourd'hui au sein du parti, il ne s'agit que de monnayer leur notoriété pour se faire une place, avec ou sans leur parti, en son sein ou en dehors. C'est sans doute ce calcul que font des hommes comme Herzog, Fiterman, Hermier et quelques autres, et qui motive certainement les choix de tel ou tel notable, de tel maire, s'interrogeant pour savoir quelle serait la formule le plus avantageuse pour conserver son poste de député, sa mairie, ou quelle serait la combinaison la plus favorable pour accéder à un poste de responsabilité, y compris au gouvernement. De tels calculs ne marchent pas à tous les coups, Juquin en a fait la piteuse expérience. Mais ils sont certainement dans la tête de ces "rénovateurs" et "refondateurs" de tous poils.

Le problème ne peut se poser dans les mêmes termes pour la majorité de l'appareil. Si un individu peut trouver une place en saisissant les opportunités qu'offre tel ou tel état-major, il n'en va pas de même pour tout le parti. Et le problème pour le PCF, c'est que la place qu'il guigne, celle de la social-démocratie est déjà occupée par... un parti social-démocrate qui, outre l'antériorité dans la place, dispose de personnalités connues, reconnues, admises par la bourgeoisie, et disponibles pour toutes les combinaisons politiques possibles, à gauche, avec le PCF le cas échéant, mais aussi au centre gauche, au centre droit, et même avec tous à la fois, y compris peut-être avec le PCF, sans que ce dernier ait voix au chapitre. L'existence de cette social-démocratie installée - dans tous les sens du terme - entrave considérablement les possibilités de reconversion du PCF et explique la lenteur relative de son évolution. Car il ne suffit pas de vouloir, encore faut-il pouvoir.

Et pour envisager des alliances futures, encore faut-il exister, et ne pas perdre, par trop de précipitation, les seuls atouts qui permettraient au PCF d'imposer que l'on tienne compte de lui.

Car pour se faire admettre comme partenaire dans une alliance, le PCF dispose de deux moyens : son poids électoral et son poids dans la classe ouvrière. Il y a bien sûr un lien entre les deux, mais ce n'est pas la même chose.

Son poids électoral s'est amoindri considérablement durant la dernière période. Mais il existe encore. Bon an, mal an, entre deux à trois millions d'électeurs votent pour le PCF. Ce n'est pas rien, même si le PCF en restait à ce niveau, ce qui n'est pas dit, car il peut tout aussi bien regagner des électeurs qu'en perdre de nouveau.

Mais le facteur décisif n'est pas le nombre d'électeurs qu'il rassemble, même si pour ses dirigeants cet enjeu-là constitue la préoccupation majeure. Ce n'est pas cela qui peut lui suffire pour imposer qu'on l'accepte. Les partenaires du PCF peuvent fort bien trouver ailleurs les voix qu'ils recherchent. Le PCF en a fait l'amère expérience, à maintes reprises dans le passé, du temps où son influence électorale dépassait celle du PS.

Le meilleur atout du PCF pour espérer qu'on prenne en compte son existence, et que l'on fasse appel à ses services, c'est l'influence qu'il conserve au sein de la classe ouvrière. Même si la crise qu'il subit l'a réduite en nombre de militants, en enthousiasme aussi. Les facteurs de cette crise sont multiples, et parmi eux, la politique de la direction, l'effondrement de l'URSS, ne sont sans doute pas les moindres. Mais cette influence demeure, et pas seulement parce qu'il n'y a rien d'autre, pas seulement par défaut. Mais parce que le PCF est le seul parti politique qui dispose d'une implantation à l'échelle nationale dans la classe ouvrière.

Mais cette arme, cet argument pour se faire admettre et reconnaître politiquement par d'éventuels partenaires et par la bourgeoisie, est à double tranchant. Elle lui est à la fois nécessaire, mais en même temps elle contribue à entraver ses efforts vers la social-démocratisation.

Les "refondateurs", c'est-à-dire ceux qui, dans leur discours, poussent jusqu'au bout la logique qu'implique la politique choisie par le PCF, n'auraient guère de scrupules à rompre ces liens avec la classe ouvrière. Et plus particulièrement ceux d'entre eux qui disposent d'une assise électorale et qui préfèrent que l'on parle de citoyens ou d'électeurs plutôt que de travailleurs. La majorité de l'appareil penche de plus en plus dans ce sens. Ainsi, les dirigeants du PCF parlent, depuis quelques années déjà, bien plus volontiers des "gens" que des travailleurs. Il est notable de constater que, dans les textes adoptés lors du 28e Congrès, on parle encore moins que précédemment du rôle de la classe ouvrière, de son rôle décisif dans la lutte contre le capitalisme, qu'il ne s'agirait plus, rappelons-le, de renverser, mais de "dépasser", et que l'on y évoque à peine la lutte de classe.

Mais cette remise en question reste encore hésitante. Pas par nostalgie pour un passé avec lequel les dirigeants du PCF ont, politiquement et moralement, rompu depuis bien longtemps. Mais parce qu'ils sont conscients que cette rupture ne serait pas sans conséquence pour eux et pour leur parti, et qu'elle risquerait de scier la branche sur laquelle ils sont encore assis, par la force des choses, parce que les places sont prises ailleurs.

Tout hésitante qu'elle soit encore, cette démarche n'en est pas moins de plus en plus affirmée, et va de plus en plus vers l'abandon de la priorité, qui a été longtemps celle du PCF, de privilégier son implantation et son intervention dans les entreprises.

Mais si cette orientation devait se traduire par un affaiblissement de la présence du PCF dans les entreprises, les révolutionnaires auraient tort d'y voir des motifs de satisfaction, sous prétexte qu'ainsi disparaîtrait le principal barrage bureaucratique au développement des luttes de la classe ouvrière. Ce serait ne voir qu'un aspect du problème, avoir une conception spontanéiste, quelque peu idéalisée de la classe ouvrière, que de penser que celle-ci ne se bat pas et ne s'exprime pas politiquement sur le terrain de la lutte de classe, uniquement parce qu'elle serait corsetée par l'appareil stalinien.

L'évolution ou même l'effondrement du PCF sur sa droite, parce qu'une grande partie des militants ouvriers communistes, empêtrés dans les contradictions de la politique de leur parti, abandonneraient l'activité politique ou bien s'aligneraient derrière la social-démocratie, ne renforcerait ni la classe ouvrière en général, ni les révolutionnaires en particulier.