La guerre civile en Yougoslavie et la politique des puissances impérialistes

Εκτύπωση
Février-Mars 1994

Au moment où nous écrivons, nous ne savons pas quelle suite les puissances occidentales donneront à l'ultimatum lancé par l'OTAN aux Serbes de Bosnie - ni même si elles lui en donneront une. Tout se passe pour l'heure comme dans une tragi-comédie réglée d'avance - comédie des grandes puissances sur fond de tragédie pour les peuples - où chacun joue sa partition.

Au lendemain du bombardement sanglant du marché de Sarajevo, les douze pays de l'Europe de la CEE, ayant pour ainsi dire chacun sa propre politique distincte vis-à-vis de l'ex-Yougoslavie, firent mine d'être en accord, poussèrent ensemble leur cri d'horreur et réclamèrent une intervention immédiate, "y compris par les moyens aériens". L'OTAN a repris la balle au bond, pour lancer son fameux ultimatum, enjoignant aux forces serbes de reculer de vingt kilomètres leurs pièces d'artillerie entourant Sarajevo. Les Serbes répliquèrent "jamais", et le porte-parole de l'armée serbe déclara qu'une intervention de l'ONU "provoquerait une grande guerre dans les Balkans et même en Europe". La Russie protesta d'autant plus haut que, alliée traditionnelle de la Serbie, elle ne fait pas partie de l'OTAN et se trouverait donc écartée de toute l'affaire. Elle réclama une réunion du Conseil de Sécurité de l'ONU, seule habilitée d'après le Kremlin à décider quelque chose concernant l'ex-Yougoslavie. Les États-Unis, dont la prise de position a été déterminante dans l'ultimatum de l'OTAN - avec la France jouant la mouche du coche - répliquèrent vertement que l'affaire était toute décidée. Quant à l'ONU, elle ne voulait surtout rien décider, les généraux des forces de l'ONU répétant seulement, avec des expressions diplomatiquement formulées ou pas, que toute cette agitation ne servait pas à grand-chose, et que les soldats de l'ONU sur le terrain seraient les premiers à déguster si les Serbes voulaient se venger des bombardements éventuels.

Puis les choses ont semblé d'un seul coup s'arranger. Les Serbes se sont mis à retirer leurs pièces d'artillerie, en affirmant qu'ils ne le font nullement sous la pression de l'OTAN, mais sur les conseils amicaux des Russes. Sauf rebondissement dont il est impossible d'écarter la possibilité, la tragi-comédie semble s'acheminer vers une fin heureuse. Si l'OTAN s'estime satisfaite de l'attitude des Serbes et si elle n'envoie pas ses avions, chacun pourra se proclamer vainqueur d'une épreuve de force qui n'aura pas eu lieu. Les dirigeants des grandes puissances pourront prétendre qu'en tapant sur la table, ils ont sauvé Sarajevo. Eltsine pourra se créditer d'un retour fracassant de la Russie parmi les grandes puissances dont l'intervention est décisive. Les dirigeants de Belgrade auront montré tout à la fois qu'ils sont capables de dire non aux menaces et, avec ceux qui savent dialoguer, ils sont en même temps ouverts aux concessions. Les dirigeants des bandes nationalistes serbes auront renforcé leur rôle d'interlocuteurs des grandes puissances.

Quant aux peuples de l'ex-Yougoslavie en général, et de la Bosnie en particulier, pour eux, rien n'est réglé, et même s'il y a, pendant quelque temps, moins d'obus de mortier ou de balles de tireurs embusqués à Sarajevo - ce qui n'est d'ailleurs pas certain au-delà de quelques jours - tout continuera à peu près comme avant, la guerre civile, les "nettoyages ethniques" et même les sièges aussi absurdes et criminels que celui de Sarajevo, à Mostar, à Tuzla ou ailleurs...

Mais qu'elles finissent tout de même par bombarder les hauteurs de Sarajevo ou pas, les grandes puissances sont impuissantes à faire prévaloir une solution à cette crise de l'ex-Yougoslavie qu'elles ont largement contribué à créer.

Malgré les cliquetis d'armes, ceux qui, dans le camp des grandes puissances, n'ont pas de raisons de donner dans la démagogie belliciste ont souligné l'inutilité totale d'une intervention aérienne. En elle-même, une telle intervention serait incapable d'obliger l'armée serbe à déplacer définitivement ses pièces d'artillerie, fût-ce de quelques kilomètres, si elle ne le veut pas. Il faudrait une présence massive de l'infanterie sur le terrain, ne serait-ce que pour contrôler et à plus forte raison pour imposer. Les États-Unis et la France, les plus va-t-en-guerre en paroles dans cette crise, n'ont nullement l'intention, les premiers, d'envoyer un seul soldat américain sur le sol yougoslave, et la seconde, de renforcer de façon significative ses troupes, déjà les plus nombreuses sous le drapeau de l'ONU.

Et le problème des puissances impérialistes est surtout de proposer la solution politique, à imposer éventuellement par la force des armes. De toute façon, leur problème n'est pas de trouver une solution politique satisfaisante pour les peuples. Il est d'en trouver une qui corresponde suffisamment aux rapports de forces sur le terrain pour permettre le rétablissement de l'ordre dans la région, aussi injuste que puisse être le cadre à trouver et aussi oppressifs que soient les régimes ou les hommes chargés de l'assurer.

Nous n'avons pas l'intention de reprendre dans le détail l'historique de la crise dans laquelle s'est enfoncée l'ex-Yougoslavie, ni la politique des grandes puissances dans les différentes phases de la crise. D'autant moins qu'il n'y a pas une politique, mais plusieurs, car celle de la France n'est pas celle de l'Allemagne ; celle de la Grande-Bretagne est encore différente des deux précédentes et de celle des États-Unis ; sans même parler de la politique de la Grèce, toute petite puissance européenne, mais grand fauteur de troubles par ses gesticulations imbéciles concernant la Macédoine voisine. De surcroît, la politique de chacune est une politique à géométrie variable, à commencer par celle de la France, menant au début une politique proserbe pour faire mine de prendre ces temps-ci la tête de la croisade contre Belgrade (avec quelles arrière-pensées ?).

Rappelons seulement que l'évolution qui a conduit à la situation présente s'est enclenchée lors de la crise du pouvoir qui a suivi la mort de Tito. La démagogie nationaliste des dirigeants leur servit alors à justifier leur mainmise sur des morceaux de l'ancien appareil d'État yougoslave, correspondant au début aux différentes républiques fédératives de l'ex-Yougoslavie. Ce sont les dirigeants de la Slovénie et de la Croatie qui ont enclenché le mouvement vers l'indépendance, prenant comme prétexte le nationalisme proserbe incontestable de l'appareil d'État yougoslave. Les grandes puissances, divisées au début entre celles qui souhaitaient le maintien de la Yougoslavie et celles qui étaient partisans, pour des raisons parfaitement intéressées, de l'indépendance de ces deux républiques, ont fini toutes par s'aligner sur cette dernière position. Ce faisant, elles ont repris à leur compte les affirmations des dirigeants nationalistes locaux qui invoquaient le "droit des nations à disposer d'elles-mêmes" pour justifier le démantèlement de la Yougoslavie et la transformation de leurs républiques fédérées respectives en autant d'États indépendants. A ceci près que, si l'ancienne Yougoslavie a été un État multiethnique (en droit sinon vraiment dans les faits, comme en témoigne notamment l'oppression, par les Serbes, de la minorité albanaise du Kosovo), la Slovénie comme la Croatie se voulaient ouvertement des États-nations. La Croatie comptait pourtant sur son sol un grand nombre de Serbes, menacés d'être transformés en minorité nationale opprimée. Il y eut alors la réaction que l'on sait dans les zones serbes de la Croatie. La république serbe prit fait et cause pour les Serbes dispersés dans les autres républiques, tout en liquidant ce qui restait comme droits nationaux pour ses propres minorités albanaise, hongroise, etc. L'indépendance de la Croatie et de la Slovénie divisa les chefs nationalistes bosniaques-musulmans, croates et serbes de la Bosnie-Herzégovine qui, jusqu'alors, avaient trouvé une sorte d'équilibre pour assurer à cette république son caractère multiethnique. Les nationalistes bosniaques-musulmans et croates, soulignant non sans raison que, sans la Croatie et la Slovénie, la Yougoslavie ne serait plus qu'une grande Serbie déguisée, décidèrent de proclamer à leur tour l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine - indépendance que les grandes puissances s'empressèrent de reconnaître. Mais, de leur côté, les nationalistes serbes de la Bosnie soulignaient, non sans raison non plus, que coexister avec les Bosniaques-Musulmans ou les Croates dans le cadre d'une Yougoslavie multiethnique comprenant la Serbie n'était pas la même chose que d'accepter de devenir une minorité nationale dans le cadre d'un nouvel État indépendant, sans avoir le choix de rejoindre leur communauté nationale dans le cadre de l'État serbe. Comme ils avaient la supériorité militaire, ils commencèrent à appliquer leur façon de voir le "droit des peuples"... en occupant une portion croissante du territoire de la Bosnie, là où les Serbes étaient majoritaires, puis là où ils pouvaient le devenir en chassant manu militari la nationalité majoritaire au départ."Droit des peuples"... voilà les mots qui ont servi à justifier les pires massacres, en tout cas, dans les instances diplomatiques où il est recommandé de se justifier. Sinon, on a parlé de "nettoyage ethnique". Et surtout, on l'a pratiqué.

Mais ce "on", ce n'était pas les peuples. La Yougoslavie n'a certes jamais été un modèle d'État multinational ; elle ne pouvait pas assurer la cohabitation vraiment démocratique et égalitaire des peuples car elle n'était démocratique à l'égard d'aucun des peuples. Mais elle assura quand même un cadre pour une société multiethnique qui, avec le temps, le devenait de plus en plus, avec des mélanges de nationalités différentes dans les mêmes régions, les mêmes villes, voire dans les mêmes familles, en raison de la multiplication des mariages mixtes et du nombre croissant de Yougoslaves qui ne se connaissaient aucune autre nationalité que celle de yougoslave, justement.

Au lieu d'améliorer ce cadre-là, les dirigeants nationalistes des républiques nationales l'ont démoli, en démolissant d'abord la Yougoslavie en tant qu'entité, puis en imposant à leurs citoyens des États-nations. L'éclatement de l'État yougoslave qui en a résulté et le vide sur ses confins ont à leur tour favorisé l'apparition de chefs régionaux ou locaux, entourés de bandes armées, reprenant et poussant au paroxysme une démagogie nationaliste forcenée, pour chasser ou massacrer les nationalités minoritaires sur "leur" sol, afin de mieux asseoir leur pouvoir sur leurs propres peuples. Et c'est souvent le pouvoir laissé à la lie de la société, le nationalisme hystérique étant censé justifier les pires comportements. Le contrôle de ces bandes armées échappe dans une large mesure aux États serbe, croate, etc., bien que ces États s'en servent pour tenter d'agrandir leur propre territoire.

C'est cette politique-là, menée aussi bien par les chefs des républiques internationalement reconnues, les Milosevic, les Tudjman, que par les représentants autoproclamés des minorités genre Karadzic ou Boban, qui a creusé un fossé de sang entre des peuples destinés pourtant à vivre ensemble et qui, jusque-là, vivaient ensemble.

C'est cette politique-là que les puissances impérialistes ont parfois provoquée, souvent favorisée et toujours cautionnée. Jusqu'à la caricature. Car tout en traitant, à l'occasion, les bandes nationalistes armées et leurs responsables politiques d'assassins, c'est avec eux que traitent les grandes puissances, ce sont eux qui sont considérés comme les représentants naturels de leurs peuples, c'est à eux que les grandes puissances offrent une tribune internationale. Et leurs dirigeants, tout en rejetant ce qu'ils appellent l'expansionnisme serbe, dont ils ont la prétention de dénoncer le caractère barbare, font plan sur plan, du plan dit Vance-Owen à l'accord dit de Washington, du projet de "cantonisation" de la Bosnie-Herzégovine au projet de son partage en fonction de critères ethniques, plans qui ont tous en commun de donner une base juridique à la situation de fait créée par ledit expansionnisme serbe, et de la cautionner, évidemment. Quitte à renier la "solution" précédemment patronnée par la même diplomatie internationale, comme la reconnaissance d'une Bosnie-Herzégovine indépendante... et admise comme membre de l'ONU.

Les grandes puissances en sont à patronner des négociations sur la base du dernier en date des plans, celui du partage de la Bosnie en fonction des critères ethniques. Quel que soit le découpage, aucune zone n'est ethniquement homogène. Ce plan de partage, c'est le droit accordé à la bande armée de la nationalité à laquelle on attribue la zone, d'opprimer les deux autres nationalités. C'est l'encouragement à la purification ethnique. Sans même parler de la viabilité de telles zones : elles seraient entourées de voisins par définition hostiles. Et la zone dite "musulmane" serait, de surcroît, tronçonnée en deux.

L'impérialisme souhaite, certes, que l'ordre se rétablisse dans cette région du monde. Il sait trop bien que c'est l'ensemble de cette partie de l'Europe, l'ensemble des Balkans voire au-delà, qui risque de sombrer dans la guerre et dans l'anarchie militaire. La Bosnie-Herzégovine - faut-il plutôt dire l'ex-Bosnie-Herzégovine comme on dit l'ex-Yougoslavie, à ceci près que la première est mort-née - risque d'être suivie par la Macédoine et par le Kosovo. Par là même, la crise de l'ex-Yougoslavie risque de toucher la Grèce, l'Albanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie - si tant est qu'elle ne les touche pas déjà.

Mais, s'il veut bien de l'ordre, l'impérialisme ne veut pas d'un ordre démocratiquement décidé par les peuples. Il ne prônerait jamais une solution faisant appel aux peuples pour qu'ils se débarrassent des dirigeants nationalistes qui poussent les Balkans vers la barbarie. Ils sont prêts à patronner, parmi les fripouilles, celui qui s'impose, fût-il le pire - à condition qu'il s'impose. Et à cautionner le cadre le moins viable, le plus fou du point de vue des peuples, qui se voient aujourd'hui séparés par les frontières de six républiques là où il n'y en avait qu'une auparavant, déjà étroite, et qui séparait déjà des peuples balkaniques qu'il n'y a pas de raison de séparer. Mais qui sait quel dépeçage en mini-républiques, hostiles les unes aux autres, opprimant chacune leur minorité nationale, sortira du chapeau, lorsque les rapports de forces sur le terrain sembleront momentanément stabilisés ?

Alors, que l'ultimatum actuel aboutisse à une ou plusieurs interventions aériennes qui feront inévitablement plus de morts parmi les civils que dans les bandes armées, ou qu'il aboutisse à un compromis momentané, les révolutionnaires se doivent bien entendu d'être opposés à toute intervention impérialiste. Quelle qu'en soit la forme, elle n'apportera pas la paix, mais la poursuite de la guerre présente ou les germes d'une guerre future. Elle n'apportera pas une coexistence harmonieuse entre peuples, mais aggravera le fossé de sang déjà creusé.

S'il finissait par intervenir en Yougoslavie, à son corps défendant, l'impérialisme ne défendrait pas plus l'intérêt des peuples qu'il ne l'a défendu en Irak, en Somalie ni où que ce soit dans le monde. Que cette intervention soit, d'ailleurs, menée au nom de l'OTAN ou au nom de l'ONU - couverture, faut-il le rappeler, de l'intervention impérialiste contre l'Irak puis contre la Somalie.

Voilà déjà une raison pour dénoncer les objectifs politiques des manifestations organisées par le PCF et par un certain nombre d'organisations de la gauche réformiste qui, en réclamant "La paix en Bosnie !", en voient la garantie dans le contrôle de l'ONU. Les démonstrations pseudo-pacifistes de ces organisations sont à peu près aussi hypocrites que la phraséologie des dirigeants occidentaux qui réclament une intervention militaire pour assurer, eux aussi, "La paix en Bosnie". Les uns et les autres n'ont pas, il est vrai, les mêmes moyens de nuire.

S'il est évident qu'au début de la crise yougoslave, les affrontements nationalistes ne sont pas venus d'en bas, du côté des peuples, mais d'en haut, du côté des chefs nationalistes, nous ne savons pas quelle est la profondeur du fossé créé au cours des derniers mois de terreur, de contre-terreur et de nettoyages ethniques. Mais nous gardons la conviction que la seule perspective est la réaction des peuples eux-mêmes contre la politique de leurs dirigeants nationalistes. Personne ne peut prévoir, à plus forte raison sans militer sur le terrain, quelle forme pourrait prendre une telle réaction, ni même si un jour elle prendra forme. Personne ne peut proposer une solution abstraite et, à plus forte raison, faire en sorte que les peuples de l'ex-Yougoslavie la fassent leur. Les révolutionnaires doivent évidemment affirmer leur opposition à toute forme d'oppression nationale, qu'elle soit pratiquée au nom de la Yougoslavie ou au nom de n'importe lequel des États-nations qui en sont issus. Ils doivent affirmer que le prolétariat révolutionnaire reconnaîtra à chaque peuple le droit de disposer de lui-même. Mais les révolutionnaires se doivent aussi d'affirmer leur conviction que l'avenir de ces peuples, entremêlés par l'histoire à l'échelle au moins de l'ensemble des Balkans, se situe dans un cadre vaste, à l'intérieur duquel chaque peuple devra avoir les mêmes droits que tous les autres, quelle que soit son importance numérique et sans qu'aucun puisse en opprimer un autre. Voilà, soit dit en passant, une des raisons pour lesquelles nous ne partageons pas le point de vue défendu par exemple par la Ligue communiste révolutionnaire qui, avec des titres comme celui de Rouge du 10 février 1994 - "La Bosnie doit vivre" - rompt des lances en faveur d'une des mauvaises solutions, patronnée naguère par les puissances impérialistes, abandonnée depuis en faveur d'un dépeçage. Même si aujourd'hui les Bosniaques-Musulmans font figure de principales victimes des affrontements nationalistes et s'il est juste de dénoncer les atrocités commises par les bandes armées serbes à Sarajevo - ou croates à Mostar - ce n'est pas une raison pour s'aligner sur le nationalisme bosniaque, même s'il est exprimé à travers la revendication d'une "Bosnie multiethnique" dont on ne peut tout de même pas ignorer que les composantes serbe (32 %), voire croate (17 %), de la population de l'actuelle Bosnie-Herzégovine ne veulent pas. Et l'on peut affirmer son opposition à toute forme d'oppression du peuple bosniaque-musulman sans crier pour autant "La Bosnie doit vivre", ce qui est aussi déplacé dans la bouche de révolutionnaires internationalistes, qui militent dans la perspective de la disparition des États nationaux et de la suppression des frontières, que le serait "La France doit vivre".

Les révolutionnaires doivent surtout, inlassablement, dénoncer le nationalisme et les organisations qui le prônent. Le nationalisme serbe aussi bien que le nationalisme croate, comme le nationalisme bosniaque. Le nationalisme n'est pas meilleur lorsqu'il est enrobé de la revendication du "droit des nations à disposer d'elles-mêmes". D'ailleurs, en Europe centrale et balkanique, tous les nationalismes s'enrobent de cette revendication. Le mélange et en même temps la dispersion des peuples sont tels, il y a eu tant de conflits et d'oppressions de l'un par l'autre dans le passé, que chaque peuple peut être présenté par des démagogues nationalistes comme victime d'une oppression présente, passée ou éventuelle.

Il est nécessaire de rappeler en permanence que "le droit des nations à disposer d'elles-mêmes" n'est pas une abstraction métaphysique. Brandi par des nationalistes bourgeois, il finit toujours par servir, sous une forme ou une autre, à justifier une oppression.

Seul le prolétariat de l'Europe centrale et balkanique peut donner un fondement réel au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais il faut que le prolétariat retrouve le chemin de la conscience de classe, de la combativité et le sens de la solidarité entre prolétaires de toutes nationalités et de toutes origines, en rejetant le nationalisme qui constitue aujourd'hui l'obstacle principal.