Travailleuses, travailleurs,
Depuis quinze ans, depuis vingt ans, les dirigeants politiques, toutes étiquettes confondues, ont menti grossièrement.
On a vu des scandales qui impliquent à la fois des ministres, des hommes politiques et des patrons de grandes entreprises, des PDG de multinationales pris la main dans le sac.
Une fraction des bénéfices réalisés sur le dos de toute la population s'est transformée en pots-de-vin pour tel maire de telle grande ville, pour construire une villa pour tel ministre, pour acheter tel député ou pour financer illégalement tel parti.
On a vu aussi, à cette occasion, les salaires colossaux que s'accordent des gens qui refusent à leurs ouvriers, avec dédain, même des augmentations dérisoires.
Et les rémunérations considérables versées aux dirigeants salariés laissent deviner les revenus des propriétaires et des actionnaires de ces banques, de ces usines, de ces chaînes de grands magasins privés ; de ces grandes dynasties bourgeoises, dont quelques-unes sont connues mais dont la plupart se contentent d'encaisser discrètement les dividendes de fortunes de plusieurs milliards. C'est-à-dire le salaire cumulé de plusieurs centaines d'ouvriers pendant plusieurs siècles !
On a entrevu les liens étroits entre le monde patronal et le monde politique, ne serait-ce qu'à travers l'exemple de celui qui a été recasé, entre deux passages au gouvernement, comme PDG de je ne sais quelle filiale de la société Alcatel-Alsthom, avec un salaire mensuel de 100 000 francs pour une activité peut-être plus symbolique que réelle, je veux parler de Balladur.
Au Crédit Lyonnais, l'entreprise où je travaille, les employés se sont rendu compte de l'énormité des opérations hasardeuses parmi lesquelles l'argent gaspillé en faveur de Tapie ne représente qu'une faible fraction où le Crédit Lyonnais a englouti 100 milliards de francs, c'est-à-dire l'équivalent de quarante ans de salaire pour 25 000 smicards !
Et les employés du Crédit Lyonnais ont pu voir que ce sont eux qui risquent d'être le plus lourdement pénalisés par les "plans sociaux" prévus, c'est-à-dire des milliers de suppressions d'emploi, alors qu'ils ne sont pour rien dans les combines de la direction
Les travailleurs de Renault se sont rendu compte que les hauts cadres de l'entreprise s'accordent des hausses de salaire généreuses pendant qu'eux-mêmes doivent se contenter d'une augmentation dérisoire de leurs salaires.
Et comment les travailleurs de Michelin n'auraient-ils pas été choqués par le mépris avec lequel François Michelin a refusé de seulement discuter de leurs salaires alors que ce monsieur s'attribue, en tant que PDG, la somme de 392 000 francs par mois, c'est-à-dire cinq ou six ans de salaire d'un ouvrier ! Et, pour monsieur Michelin, cette somme n'est que de l'argent de poche car, en tant que propriétaire, il tire, au bas mot, deux fois plus de revenus de ses actions et de son patrimoine.
Et, je le fais remarquer en passant, Madame Ségolène Royal, ex-ministre socialiste d'un gouvernement socialiste et supporter de Lionel Jospin bien sûr, essaye de paraître "sociale" en réclamant, maintenant qu'elle n'est plus au pouvoir, de bloquer les salaires et traitements supérieurs à 45 000 francs.
Outre que c'est déjà beaucoup, elle parle de "salaires" mais jamais de revenus du capital. Elle feint d'oublier qu'à ce niveau, ces hommes-là touchent divers autres revenus en plus de leur salaire. Les revenus de leurs actions d'abord. Des gratifications en actions ensuite. Des logements de fonction, avec voiture et chauffeur ; etc., etc.
Ségolène Royal ne le sait pas ? Mais si, elle le sait, mais elle espère que ceux qui l'écoutent ne le savent pas.
Et toutes ces injustices particulières sur une injustice de fond : depuis plusieurs années, les grandes entreprises font des bénéfices considérables grâce au blocage des salaires, grâce à des économies sur les effectifs sans aucune retombée pour les travailleurs !
Pas d'augmentation de salaire. Pas de réduction de l'horaire de travail. Et toujours pas d'embauche, c'est-à-dire pas d'espoir que le chômage se résorbe.
Alors oui, c'est tout cela qui fait que l'état d'esprit change dans une fraction croissante de la classe ouvrière.
Ce n'est peut-être pas, pas encore, la révolte. Mais c'est déjà le sentiment d'une flagrante injustice.
Un sentiment d'injustice devant le peu que des scandales ont laissé entrevoir de l'enrichissement extravagant d'une petite couche déjà riche, de l'usage honteux qu'elle fait de son argent alors qu'on a laissé 5 millions de travailleurs ne plus occuper que des emplois précaires ou être chômeurs ou RMIstes.
Un sentiment d'injustice devant la découverte progressive que ceux qui gouvernent ont imposé tant et tant de sacrifices à ceux qui sont en bas de l'échelle, exclusivement pour enrichir ceux qui sont tout en haut.
Tout le monde peut constater aujourd'hui que le fossé s'élargit entre les riches et les pauvres, entre ceux qui parasitent le travail des autres et ceux qui ne vivent que de leur propre travail et que, justement, le chômage prive de la possibilité d'en vivre.
Et, depuis des années, l'État, au lieu de combler le fossé, l'élargit, au contraire.
D'un côté, il a laissé le chômage devenir catastrophique. Et le chômage, lorsqu'il est durable, est l'antichambre de la misère. On cherche du travail, on n'en trouve pas, on perd son allocation, on n'a que le RMI pour survivre. Et lorsqu'on ne l'a pas, c'est inévitablement la chute dans la misère.
Et de l'autre côté et pendant le même temps, l'État favorise honteusement les couches riches pour qu'elles deviennent encore plus riches. Il consacre une part croissante de ses ressources à enrichir le patronat. Ces aides, comme le manque à gagner de l'État du fait de tous les dégrèvements consentis au grand patronat en matière fiscale ou en matière sociale, creusent le déficit du budget de l'État et de la Sécurité Sociale.
Et l'État se dégage progressivement de ses obligations en matière de service public.
La notion même de service public est dénaturée. C'est particulièrement révoltant lorsque l'État supprime, par mesure d'économie, des hôpitaux de proximité, des dispensaires, des maternités, alors que la santé, voire la vie sont directement en cause.
Mais c'est choquant aussi lorsqu'il s'agit de la Poste, des transports en commun, de la SNCF, de l'EDF-GDF, où s'introduit de plus en plus la recherche de rentabilité à l'opposé pourtant du service public.
On en arrive à cette situation aberrante où, dans certaines petites villes, à l'époque des transports ultrarapides, dans nombre de communes, le courrier arrive plus difficilement qu'au temps des malles-poste.
Ce n'est pas seulement les travailleurs mais l'écrasante majorité de la population qui souffre de cette évolution. Elle souffre directement de la dégradation du service public. Mais la disparition d'une gare, d'un bureau de poste, entraîne souvent la disparition du petit commerce de proximité. Et, de proche en proche, c'est tout un ensemble de relations humaines, toute une vie sociale, qui sont détruits, puis un village ou un quartier qui meurt.
Et, pourquoi ?
Simplement pour que l'État puisse mettre plus de fonds à la disposition des grandes entreprises qui, elles, s'en servent pour faire hausser le chiffre de leurs bénéfices et donc la valeur de leurs actions sur le marché boursier, quand ce n'est pas simplement pour spéculer sur les monnaies ou sur autre chose.
Pourquoi les économies sur les retraites déjà misérables de vieux travailleurs ? Pourquoi l'allongement de la période de cotisation ?
Et pourquoi, aussi, les économies sur la santé ?
Le gouvernement a bien d'autres façons d'aider le patronat avec l'argent de l'État. On parle, par exemple, beaucoup de l'aide aux pays du tiers-monde. Qu'est-ce que l'aide des grands pays industrialisés, et en particulier de la France, aux pays du tiers-monde ?
On s'abrite derrière des organisations privées, comme Médecins sans frontières ou Médecins du monde, ou bien d'autres encore, qui font ce qu'elles peuvent.
Mais l'aide officielle, celle des gouvernants, ce n'est pas une aide. Le mot "aide" est un mensonge. Cette aide, cela consiste à prêter de l'argent, des francs bien français à des gouvernements qui sont le plus souvent des dictatures sanglantes. Argent prêté à condition qu'il serve exclusivement à acheter des marchandises aux industriels français.
Quelles marchandises ? Des pompes pour procurer de l'eau potable aux populations ? Des tracteurs, des camions, des engins de travaux publics ? Des engrais, des graines ? Des machines pour créer des petites industries ? Oh ! non ! vous n'y êtes pas !
L'essentiel de cette aide revient dans les caisses des industriels qui exportent là-bas des voitures de luxe pour les parvenus du régime ou encore, et surtout, du matériel de guerre.
Sachez que le prix d'un seul hélicoptère de combat dépasse cent millions de francs. Et ce ne sont pas des hélicoptères pour répandre des engrais ou pour combattre les incendies. Non, ce sont des hélicoptères pour répandre la mort.
De plus, avions de combat, hélicoptères et autres engins de mort perfectionnés, les dictateurs en question n'en ont guère l'emploi car ce dont ils ont besoin - et on leur en fournit aussi - ce sont des armes de combat rapproché pour maintenir en esclavage leur propre population.
Mais, lorsque les gouvernements se font un peu tirer l'oreille pour acheter du matériel inutile, eh bien, c'est le régime des pourboires royaux qui sont ajoutés au prix de la marchandise.
Mais il y a et il y a eu d'autres dictateurs "aidés" par la France, au Rwanda, à Haïti, comme Duvalier qui a trouvé ensuite le droit d'asile en France, ou précédemment comme Bokassa, le dictateur de Centrafrique, vous savez, le diamantaire du président Giscard.
Et ensuite, que se passe-t-il ? Eh bien, il faut rembourser ces emprunts, avec de gros intérêts ! Et les paysans, les ouvriers, la population en général de ces pays sont saignés à blanc, exploités à mort, pour rembourser et le capital, et les intérêts.
Voilà l'aide au tiers-monde. C'est une aide aux industriels français. Et c'est de cette façon que la France exporte la misère et ensuite essaie de s'entourer de barbelés pour que les affamés qu'elle crée ne viennent pas essayer de survivre ici.
Le pire étant qu'on essaie de nous dresser, nous travailleurs français, contre ceux qui fuient la faim et que nos dirigeants veulent voir rester mourir chez eux en attendant qu'une guerre ethnique, entretenue et provoquée par l'impérialisme, ne supprime d'un seul coup quelques centaines de milliers d'entre eux !
Pendant ce temps, les frères ennemis Chirac et Balladur, il suffit de les entendre, de les voir, pour savoir qu'ils sont à cent mille lieues des inquiétudes, des angoisses ou des espoirs du monde du travail.
Ces gens-là sont liés par mille liens personnels, familiaux, à la bourgeoisie, aux plus riches, entre le château de l'un et les pantouflages grassement payés de l'autre. La seule chose qui les sépare, c'est leurs ambitions personnelles respectives.
Mais ils appartiennent au même parti et ils ont gouverné ensemble. Et c'est ensemble qu'ils gouvernent encore aujourd'hui. Ils ont beau se démarquer de leur propre passé, voire de leur propre présent au point de friser le dédoublement de personnalité, le passé et le présent prouvent que les travailleurs ne peuvent attendre que des coups de leur part.
Chirac est peut-être fier de sa formule : "L'exclusion, cette maladie nouvelle". Comme si la pauvreté était une maladie ! Si c'était le cas, ce serait plutôt une épidémie depuis qu'il a été et est au pouvoir !
Comme si l'exclusion n'était pas la conclusion inéluctable du chômage, de ce chômage que ni les uns ni les autres n'ont voulu ni ne veulent combattre de la seule manière possible, en prenant sur ce que les riches ont accumulé durant les dernières années, en particulier grâce aux aides de l'État !
Mais le Parti Socialiste, ce n'est pas mieux. Il a gouverné pendant dix ans sur les quatorze qui viennent de s'écouler !
Les travailleurs ont des raisons de se souvenir que le premier blocage des salaires a été décidé par le gouvernement socialiste de Mauroy, dont faisaient partie des ministres communistes. Ils ont des raisons de se souvenir de ces plans de restructuration dans la sidérurgie, dans l'automobile ou sur les chantiers navals qui, sous prétexte de modernisation, ont conduit au licenciement de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs, à qui, malgré les promesses, on n'a pas offert un autre emploi.
Et les travailleurs n'ont pas la mémoire courte au point d'avoir oublié les cris de joie poussés par les ministres socialistes lorsque cette politique, dramatique pour les travailleurs, a conduit à l'envolée des bénéfices des entreprises, à l'explosion des actions en bourse et à l'accroissement scandaleux des revenus du capital.
Lorsque l'éditorialiste du Figaro Magazine évoque Mai 68, en ajoutant que "la France de 1995 est plus dangereuse que celle de 1968", il ne fait peut-être que projeter sa propre peur sur la réalité.
Il est vrai que l'existence du chômage et de la précarité pour plus de cinq millions de personnes peut rendre la situation sociale explosive.
Un troisième tour social, cela ne se passerait pas dans les isoloirs, mais dans les entreprises, les grèves et les manifestations. Les mouvements d'aujourd'hui sont, je l'espère, un signe avant-coureur.
En tout cas, c'est le signe que les travailleurs attendent aujourd'hui plus des luttes et de la grève que de celui qui sera finalement élu, quel qu'il soit.
S'il y a un troisième tour social, il doit poser des revendications importantes, comme rattraper le retard des salaires, avec 1 500 francs d'augmentation pour tous, ou comme les 35 heures sans diminution de salaire. Oh, pas pour réduire le chômage car cette mesure ne peut réduire le chômage à elle seule ! Mais cette revendication est indispensable pour améliorer. les conditions de travail et de vie de millions de travailleurs, qui auraient bien le droit de bénéficier des progrès de la productivité au lieu d'en être les victimes.
Mais ces revendications, même satisfaites, resteraient sans lendemain si l'on n'imposait pas des mesures qui en garantissent l'efficacité et la durée.
Ces mesures, c'est d'abord de rendre publique la comptabilité de toutes les grandes entreprises. Qu'on sache ce qu'elles gagnent, ce qu'elles paient et à qui. Quelle est la part des salaires, la part de leurs profits, les relations qu'elles ont les unes avec les autres et avec les banques, voire avec les hommes politiques. C'est cela la transparence, sans laquelle il ne peut pas y avoir de démocratie. Et que la presse, toute la presse, y compris syndicale, puisse librement publier ces comptes et en discuter.
Une autre mesure serait de rendre publics les avoirs et les revenus de tous les hommes du grand patronat, leurs propriétés, leurs comptes en banque, ceux de leurs familles et de leurs prête-noms. Qu'on sache, là aussi, ce qu'ils gagnent, eux qui ont le pouvoir de décider du sort de milliers de gens.
De l'inquisition, cela ? Une atteinte à la liberté ?
Ces gens-là peuvent tout savoir du dernier de leurs milliers d'employés. Ils n'ont qu'à s'adresser à leurs services du personnel.
Et, quand on publie leurs feuilles d'impôt, ce serait une atteinte à leur vie privée ?
Eh bien, moi, je ne vois pas cela comme cela.
Cela révulse certains que je parle de politique autoritaire contre le patronat.
Mais quand le gouvernement et le patronat imposent le blocage des salaires, ce n'est pas une mesure d'autorité ? Quand un patron licencie, ou ferme son entreprise, avec des conséquences dramatiques pour les ouvriers, leurs familles, voire la région, ce n'est pas une mesure d'autorité ?
Quand ces gens-là décident, sans contrôle, de la vie des autres ; quand, protégés par le secret commercial, ils volent les consommateurs ou l'État, ils affirment que c'est la démocratie. Quand on veut les contrôler, ce serait la dictature. Non ! Ce serait renverser la dictature de l'argent !
Et quand ils exposent des travailleurs à : des risques mortels sans les prévenir, sans les en protéger, ce n'est pas une atteinte à la vie ? Ou quand ils polluent les eaux, ce n'est pas aussi une atteinte à la vie ?
Alors je suis pour qu'on les contrôle, pour les empêcher de nuire.
Il est grand temps d'imposer au grand patronat des mesures d'autorité pour l'empêcher de ruiner la société en aggravant le chômage !
Il faut aussi que I'État cesse de faire des cadeaux fiscaux, des réductions de charges, des réductions d'impôts aux entreprises et, individuellement, aux gens qui ont les revenus les plus élevés, car ce sont ceux qui, relativement aux autres, payent le moins d'impôt.
Et avec l'argent ainsi économisé, que l'État crée des emplois dans les services publics, utiles à la collectivité. Qu'on retrouve des distributions de courrier dans les campagnes. Qu'il y ait des infirmières, du personnel hospitalier, des médecins dans les hôpitaux et qu'on ne soit pas obligé de fermer. Qu'il y ait des instituteurs, des professeurs, des enseignants en nombre suffisant. Et que les établissements scolaires soient adaptés et non dangereux !
Que l'État construise des logements sociaux partout où c'est nécessaire. Qu'il améliore les banlieues, qu'il améliore les transports en commun inter-banlieues.
Je pourrais citer à l'infini des exemples de tout ce qu'il y a à faire.
Ce ne sont pas les besoins qui manquent, ni les 5 millions de cerveaux et de paires de bras qui sont actuellement sans emploi.
Ce qui manque, c'est une autre répartition, une autre utilisation de la richesse.
Voilà ce que je souhaite, et ce que j'appelle un plan d'urgence, objectif d'un troisième tour social. Un plan d'urgence que les travailleurs, les chômeurs et les exclus devront imposer.
Ce n'est ni la dictature ni la révolution. Il s'agit de simples mesures d'urgence pour lutter contre une catastrophe sociale d'ampleur nationale. On ne peut laisser cinq millions de travailleurs s'enfoncer dans la misère.
Quand le pays est en guerre, l'État sait bien imposer des mesures d'urgence et un plan pour tout réquisitionner, tout réglementer.
On peut faire la même chose contre le chômage et l'exclusion.
Mais il ne faudra pas laisser l'État l'appliquer sans le contrôler. Les hommes politiques, la haute administration, les scandales l'ont montré, sont trop liés au patronat. Il faudra que ce soit sous le contrôle de la population. A l'État, on demandera surtout de rendre la chose légale. Pour cela évidemment, il faudra le lui imposer.
C'est cela l'issue politique des futures luttes sociales. Car cette issue, ça ne peut pas être le remplacement d'une équipe gouvernementale par une autre. De la droite par la gauche. Car ils se valent tous, une fois au gouvernement.
La lutte et la crainte qu'elle inspire aux possédants peuvent imposer des mesures de gauche même à un gouvernement de droite.
Les augmentations de salaires d'après Mai 68 ont été imposées à un gouvernement de droite. Et c'est encore, De Gaulle, un homme de droite, qui a été contraint de mettre fin à cette guerre d'Algérie que le gouvernement socialiste de Guy Mollet avait, au contraire, aggravée. Et, quand je parle des travailleurs et des chômeurs, j'en parle indépendamment de leur nationalité ou de leurs origines car c'est dans les luttes, et dans les luttes seulement, que cette fraction importante de la classe ouvrière que constituent les travailleurs immigrés retrouvera la plénitude de ses droits et de son poids social.
Bien sûr que les travailleurs émigrés qui contribuent à la production des richesses de-ce pays alors qu'un tas de parasites bien français n'y contribuent pas, devraient avoir tous les droits politiques, y compris le droit de vote. Les dirigeants politiques sont unanimes à le leur refuser. Mais de toute façon, en participant aux luttes ouvrières, ils ont autrement plus de moyen de peser sur la vie politique de ce pays qu'avec un bulletin de vote.
Et c'est la lutte de tous qui peut imposer aussi des mesures spécifiques indispensables et immédiates aussi bien pour les exclus que pour les chômeurs.
Aujourd'hui, les hommes politiques s'emparent tous de l'exclusion.
Il a fallu pour cela que des personnalités connues participent à l'occupation d'appartements dans Paris. Si ces personnalités n'avaient pas fait le geste - voulu - de se joindre à ces occupations, il est probable que la presse n'en aurait guère parlé. Elle n'a d'ailleurs pas tellement donné la parole aux exclus eux-mêmes.
L'organisation de sans-logis qui a préparé cette action l'a fait ainsi de façon à ce que la presse en parle et pour que ce soit une protection contre une intervention policière. Cela a été efficace à Paris. A Toulouse par contre, les sbires casqués de Balladur sont intervenus immédiatement.
Mais aujourd'hui, tous les hommes politiques de la bourgeoisie et du patronat qui parlent des exclus et de l'exclusion donnent-ils les moyens d'agir aux associations de sans-logis ? Appliquent-ils ce qui est déjà dans la loi ? Agissent-ils, eux qui ont le pouvoir ou qui l'ont eu ? Non ! Ils promettent... pour l'avenir !
Et surtout il y a un mouvement qui se dessine en ce moment et qui tente de diviser ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas. Et de diviser les chômeurs qui ont un toit de ceux qui n'en ont pas.
Il y a une tendance de plus en plus répandue à dire - et d'abord dans les milieux bourgeois justement - que ceux qui ont du travail n'ont pas à se plaindre parce que la priorité, ce serait l'exclusion. Selon les porte-parole ou les plumitifs de ces gens-là, c'est aux exclus qu'il faut prêter secours et ceux qui ont du travail et qui se permettent de faire grève pour augmenter leur salaire ne se rendent pas compte qu'il y a d'autres priorités.
Voyons prétendent ces gens, il faudrait partager, réduire le temps de travail, même en réduisant les salaires, pour donner du travail à d'autres.
Et même les chômeurs qui ont des allocations de chômage, voire le RMI, et qui ne sont pas à la rue, il faudrait aussi qu'ils pensent que d'autres n'ont qu'un carton d'emballage en guise de lit. Et comment des fonctionnaires, dont l'emploi serait paraît-il garanti, osent-ils faire grève pour leur salaire ?
Oui, il y a tout un mouvement d'opinion, relayé par une certaine presse, pas toujours de droite d'ailleurs, pour diviser les victimes de cette société.
Comme si les partis qui briguent actuellement le pouvoir, le RPR aussi bien que le Parti Socialiste, n'avaient pas entretenu, alimenté cette machine économique qui, dans un premier temps appauvrit les travailleurs, dans un deuxième temps multiplie les chômeurs, et dans un troisième, à partir de ces derniers, fabrique des exclus.
Tout cela fait partie du même mécanisme social qui, à l'autre extrémité de la chaîne, construit une montagne de profits, qui ne se réinvestissent dans rien de productif, dans rien d'utile à la société, dans rien qui puisse utiliser les bras et les cerveaux rejetés par cette machine infernale.
On nous dit, vous voyez bien, lorsqu'il y a des gens qui se noient, des hommes et des femmes à la mer, la première des choses, l'urgence, est quand même de leur jeter des bouées.
Oui, bien sûr, mais les mêmes ne nous disent pas comment ils veulent les ramener dans le bateau. Et les mêmes ne nous disent surtout pas qu'il faudrait arrêter le capitaine fou et ses seconds qui jettent les marins par-dessus bord.
Voilà pourquoi il faut se défier, non des organisations qui luttent bénévolement, réellement aux côtés des exclus, ni des personnalités qui leur prêtent courageusement leur concours, mais se défier de tous ceux qui, spéculant sur l'exclusion, essaient de s'en faire un cheval de bataille pour séparer les travailleurs des chômeurs, et les chômeurs des exclus.
Alors qu'en réalité, il s'agit d'un même combat. Eh oui, un même combat où nous devrons nous retrouver, tous ensemble, pour imposer des mesures qui prendront effet tout de suite, et pas dans deux ans, dans cinq ans ou dans dix ans.
Nous pouvons réquisitionner des logements vacants, nous pouvons imposer le respect de la loi sur ce terrain, tous ensemble.
Mais nous pouvons réquisitionner aussi des emplois. Certains en ont fait la démonstration. Et nous pouvons bloquer les comptes en banque des entreprises qui n'accepteraient pas cette répartition du travail, et les obliger à payer les salaires correspondants.
Nous pouvons réquisitionner les entreprises qui licencient.
Nous pouvons publier les comptabilités de toutes les grandes entreprises et les comptes en banque.
Nous le pouvons car nous, les travailleurs, tenons ces comptabilités et ces comptes.
Nous pouvons empêcher les expulsions pour non-paiement de loyer des chômeurs ou des indigents.
Illégal, tout cela ?
Bien souvent l'usage et la morale précèdent la loi. Alors, il suffit de se battre pour le rendre légal.
Rappelons que même les quelques droits que les femmes ont réussi à imposer comme le droit à une maternité librement choisie l'ont été par un mouvement dont les participantes n'ont pas hésité à violer l'ancienne loi répressive, à affirmer qu'elles ne la respecteraient plus. Ce sont les 343 femmes qui avaient signé l'appel du même nom, annonçant haut et fort qu'elles refusaient la loi, soutenues ensuite par la mobilisation plus générale des femmes, comme des hommes qui luttaient à leurs côtés, qui ont préparé l'avènement d'une loi nouvelle un peu plus juste. Mais je rappelle que, pour faire respecter même cette loi, il ne faut pas relâcher la pression !
Oui, nous pouvons bien des choses si nous luttons tous ensemble. Seulement, pour lutter tous ensemble, il ne faut pas nous laisser diviser. Il nous faut un programme qui nous réunisse les uns avec les autres, les uns pour les autres. Parce que tant qu'il y aura une victime ou un exclu, nous sommes tous des victimes et des exclus.
Il n'y aurait pas d'argent pour réaliser le programme que je propose ?
Mais la moitié seulement de l'ensemble des profits réalisés par les grandes entreprises en 1994 - selon les statistiques de l'INSEE - permettrait de salarier les cinq millions de personnes actuellement sans emploi ou avec des emplois précaires, pendant un an, à raison de 8 000 francs par mois. Et il resterait encore au patronat la moitié de ses profits !
Et maintenant, je souhaite m'adresser plus particulièrement à la jeunesse.
A la jeunesse ouvrière tout d'abord. Cette jeunesse ouvrière à laquelle la société actuelle ne laisse pas d'espoir.
Elle ne leur en laisse guère sur le plan matériel. Car parler même de l'entrée de la jeunesse ouvrière d'aujourd'hui dans la vie active est une triste dérision. La plupart des jeunes commencent leur vie d'adulte par le chômage permanent ou, occasionnel, de surcroît même pas indemnisé, qui en fait une charge pour leurs familles.
Et la société ne leur laisse pas d'avenir non plus sur le plan humain, moral. L'idéal qu'elle leur propose, c'est l'égoïsme, c'est le "chacun pour soi", c'est la loi de la jungle.
Le refus passif et résigné ou les paradis artificiels de la drogue ne constituent pas un meilleur choix.
Pas plus que n'en constituent le repliement ethnique ou religieux ou la fausse solidarité des intégrismes divers.
La jeunesse ouvrière ne retrouvera d'antidote à la pourriture morale que lui impose la société capitaliste que dans la solidarité ouvrière, dans la solidarité de classe, dans la solidarité et la fraternité du combat contre la société capitaliste. Car, dans l'activité militante, syndicale ou politique, on apprend beaucoup, on reste un ouvrier ou un employé mais on peut acquérir au moins une partie de la culture et des connaissances des intellectuels.
Et puis, je m'adresse à la jeunesse tout court, y compris les intellectuels, les étudiants, à ceux chez qui l'âge n'a pas tué l'idéalisme, la sensibilité aux injustices, le désir de faire de sa vie quelque chose d'utile pour les autres.
Quelle que soit la longueur de leurs études, la majorité d'entre eux se retrouvera, tôt ou tard, salariée, un peu mieux payée peut-être que les autres, mais salariée quand même. Seule une minorité pourra accéder au privilège d'être associée à la bourgeoisie, soit pour gérer ses affaires politiques, soit pour gérer ses affaires tout court. C'est un privilège bien rémunéré mais c'est un triste privilège car c'est jouer le rôle de gardien de prison d'une société injuste. C'est à eux de choisir s'ils rejoignent la cohorte anonyme des clercs du passé servant le pouvoir établi, ou si, au contraire, ils ont le courage de ces intellectuels dont on se souvient encore aujourd'hui, et qui ont su s'opposer aux conservatismes, aux oppressions, à la hiérarchie de leur temps et éclairer l'avenir.
Nombreux sont les jeunes, intellectuels ou non, qui m'ont aidée dans ma campagne, plus nombreux encore ceux qui ont participé à mes meetings. C'était important car il est important que le programme que je défends dans cette campagne soit largement connu, largement défendu et que le plus grand nombre d'électeurs l'approuve, par leurs votes, le 23 avril.
Mais l'élection terminée, le combat continuera. Il continuera pour ce troisième tour social, seul capable d'imposer les revendications que je défends dans cette campagne. Mais il continuera aussi pour la transformation de la société jusque dans ses fondements.
Depuis que la société capitaliste existe, avec sa tendance fondamentale à produire de la richesse d'un côté et de la pauvreté de l'autre, avec ses injustices, avec les multiples formes d'oppression, il y a toujours eu un courant parmi les travailleurs pour se battre contre tout cela, avec pour but l'émancipation sociale de la classe ouvrière.
Et, c'est de la rencontre de ce courant de travailleurs et de ceux des intellectuels qui avaient la vision raisonnée d'une société égalitaire qu'est né le courant communiste, dont je me revendique.
La classe ouvrière a mené bien des combats dans le passé sous le drapeau du socialisme ou du communisme révolutionnaire. Elle a connu la victoire sous ce drapeau dans un pays, la Russie, économiquement très arriéré. Malheureusement, cette victoire, bien qu'elle se soit, au début, rapidement étendue à l'est de l'Europe et à l'Allemagne, est restée finalement isolée. Le régime incarné en ses débuts par des hommes comme Lénine et Trotski, fondé sur l'enthousiasme révolutionnaire de la classe ouvrière, a fini par se transformer, sous Staline et ses successeurs, en une dictature anti-ouvrière.
Par la suite, bien des partis politiques et bien des régimes abjects se sont servi de l'étiquette communiste pour tromper les travailleurs.
Mais, malgré la marche hésitante de l'histoire, il a toujours survécu un courant dont l'objectif restait une société égalitaire, fraternelle, communautaire, internationaliste, c'est-à-dire communiste. Ce courant, fort par moment de la force de millions de travailleurs, réduit d'ans les périodes de réaction à de petites minorités, représente de toute façon l'avenir ! Car il est inconcevable que la société actuelle, basée sur la recherche du profit, sur l'exploitation, sur l'inégalité entre les êtres humains comme sur l'inégalité entre les quelques régions développées et la majorité sous-développée de la planète, une société secouée de crises et de guerres, puisse représenter l'avenir de l'humanité !
C'est dans ce combat pour l'avenir qu'il y a une place irremplaçable pour les jeunes. Eh bien, c'est à eux de s'emparer des idées communistes qui sont les nôtres, de les défendre, de les confronter aux situations nouvelles et, peut-être, les porter à la victoire !
Mais, dans cette élection, il ne s'agit évidemment pas de cela. J'ai dit et répété dans cette campagne que, si je n'ai jamais renié mes convictions communistes révolutionnaires, ce n'est pas pour ces convictions que j'appelle à voter. J'appelle à voter pour un programme d'urgence pour tous les travailleurs, pour un programme de survie, que l'on peut imposer ensemble, tous réunis, quels que soient nos choix politiques ou nos convictions sur l'avenir de la société.
Ce sera en même temps un vote de défiance envers les trois candidats qui incarnent la politique menée depuis quatorze ans et plus.
Le Parti Socialiste est tout autant un parti du patronat que le RPR de Chirac et Balladur.
La seule différence, c'est qu'il réussit mieux dans la tâche de tromper-les travailleurs que Chirac et Balladur.
Bien sûr, il y a aussi des travailleurs qui sont trompés autrement. Il ne faut pas se le cacher. Il y a ceux qui sont attirés par la démagogie de l'extrême droite. Oh pas de De Villiers ! celui-là, avec son air de gentilhomme vendéen qui s'est trompé de siècle, n'attire certainement pas les voix des travailleurs.
Par contre, certains sont tentés de voter ou voteront pour Le Pen.
Le-Pen qui prend des airs critiques vis-à-vis du régime, un ton populaire et un accent gras pour s'en prendre aux travailleurs immigrés ou aux étrangers, avec des slogans du genre : "3 millions d'immigrés, c'est 3 millions de Français sans emploi".
Après, il vient dire qu'il ne s'en prend qu'à l'immigration clandestine. Mais pourtant, sur les 3 millions d'étrangers qui vivent en France, 90 %, si ce n'est plus, sont dans des situations parfaitement légales et légitimes. D'autant plus que pour un grand nombre d'entre eux, on a été les chercher pour venir travailler sur les chaînes des usines d'automobiles, de Citroën, de Renault, dans tous les chantiers de construction, pour nettoyer nos rues, dans tous les emplois durs, difficiles et mal payés, au temps du plein emploi.
Il dit qu'il n'est pas raciste. Mais qu'est-ce donc, alors, que le racisme ?
Eh bien, les travailleurs qui sont tentés de suivre Le Pen devraient quand même se souvenir des leçons de l'histoire !
C'est en agitant le drapeau raciste que, dans une période de chômage et de crise économique, Hitler est parvenu au pouvoir.
Et, une fois au pouvoir, il a institué le pire régime politique, la pire dictature, l'holocauste pour les juifs, la pire exploitation que les travailleurs allemands aient jamais connus. Il a envoyé six millions d'entre eux mourir sur les champs de bataille de l'Europe ou sur ceux d'Afrique. Sans parler des centaines de milliers de civils allemands qui ont péri sous les bombardements alliés.
Voilà ce qui arrive quand on se laisse prendre à l'hameçon raciste, même si celui que Le Pen agite n'est plus l'antisémitisme - sauf discrètement - mais l'anti-tout-étranger.
Anti-tout-étranger à quelques exceptions près, cependant. Quand monsieur Berlusconi a acheté une partie de la presse française, quelques entreprises et TF1, on n'a pas entendu Le Pen protester. Pas plus qu'on ne l'a entendu protester contre le rachat des villas de la Côte d'Azur par les princes du Moyen-Orient.
Alors, voter pour ma candidature, cela n'est pas seulement une façon claire de contester la politique menée depuis quatorze ans. C'est aussi montrer que cette contestation vient du camp le plus opposé au camp des démagogues racistes.
Mais, à l'opposé, même voter pour Robert Hue n'aurait pas un caractère de contestation radicale.
Si le soir du premier tour, il s'avère que Jospin soit présent au deuxième pour y affronter Chirac, eh bien, il est absolument certain que Robert Hue demandera à ses électeurs de voter pour Lionel Jospin, sous prétexte, par exemple, de faire barrage à la droite !
A ce moment-là, il oubliera les malheureuses critiques qu'il a faites de Jospin, sur Maastricht, sur le fait que Jospin ne promettait pas grand-chose et ne s'engageait pas, qu'il n'avait pas, un véritable programme de gauche, formulation qui a l'avantage de ne pas vouloir dire grand-chose.
Et sans même demander à Jospin le moindre engagement précis sur ne serait-ce qu'une seule ou deux des revendications auxquelles Robert Hue prétend tellement tenir, il appellera ses électeurs à voter pour un homme qui appartient à la direction d'un parti qui, pendant dix ans sur les quatorze dernières années, a appauvri les travailleurs, enrichi le patronat, laissé supprimer des millions d'emplois, laissé aussi quelques dizaines de milliers de chômeurs devenir des sans-abri ou, plus généralement, des exclus !
Oh, bien sûr, le Parti Socialiste a institué le RMI, cette aumône de 2 500 francs par mois qu'on a prise sur le budget de l'État pour que le patronat puisse licencier sans remords et sans remous. Bien sûr, on ne peut pas vivre avec cela, mais on ne meurt pas tout de suite, et cela recule les révoltes !
C'est pour cet homme-là que Robert Hue fera voter.
Pourquoi ? Eh bien, c'est tout simple, c'est pour que le Parti Socialiste veuille bien laisser quelques mairies au Parti Communiste lors des prochaines Municipales ! Mais, même là-dessus, le Parti Communiste n'obtiendra aucun engagement de Lionel Jospin. Et dans les Municipales qui viennent, comme dans toutes les autres élections depuis quatorze ans, et dans tous les accords électoraux PC-PS, c'est le Parti Communiste qui sera le dindon de la farce.
Et une fois de plus, il aura bradé les voix des électeurs qui lui faisaient confiance pour rien du tout. Une poignée de blé dont les grains lui glisseront entre les doigts.
Ce n'est pas nous qui plaindrions les dirigeants du Parti Communiste si, en même temps, des millions de travailleurs et d'électeurs communistes n'étaient pas trompés, démoralisés et laissés sans défense.
Parce que, aujourd'hui, Robert Hue remonte, nous dit-on, dans les sondages. Il est passé de 6 % d'intentions de vote il y a quelques mois à 9 ou 10 % dans les derniers qui ont été publiés. Et il trouve que cela va peser. Sur qui et sur quoi, on se demande.
Car, il n'y a pas si longtemps, en 1981, au lendemain de l'élection de Mitterrand, le Parti Communiste obtenait plus de 16 % des voix.
Et deux ans avant, il en avait 20 %.
Et qu'ont fait les dirigeants du Parti Communiste de la confiance que leur faisaient alors des millions et des millions de travailleurs, de femmes, de jeunes ?
lis l'ont gâchée, ils l'ont galvaudée, et ils l'ont, à juste titre, finalement perdue.
Les 16 % de voix qu'ils avaient encore en 1981, ils s'en sont servi pour amener Mitterrand au pouvoir et pour soutenir des gouvernements socialistes dont, pendant trois ans, ils ont fait partie.
Eh bien, l'un de ces gouvernements PS-PC, dont le chef était Pierre Mauroy, s'est largement illustré contre les travailleurs ! Et je ne prendrai qu'un exemple en 1983-1984 car il est très révélateur : celui de Peugeot-Talbot, dont le PDG était déjà Jacques Calvet.
Disons-le en passant, Calvet avait été précédemment chef de cabinet de Giscard d'Estaing. Voyez comment on retrouve les mêmes, passer des hautes sphères politiques aux présidences de grandes sociétés !
Eh bien, Jacques Calvet avait décidé, pour le bien des intérêts des familles Peugeot, de procéder à 8 000 licenciements dans son groupe, dont 2 905 rien qu'à Talbot-Poissy (en plus des départs en préretraite).
Le gouvernement de Pierre Mauroy, le socialiste, avec, rappelons-le, des ministres communistes, avait réussi à convaincre Jacques Calvet de ramener ce chiffre de 2 905 à 1 905 et avait présenté cela comme une grande victoire.
Mais les travailleurs de Talbot ne l'avaient pas entendu de cette oreille et s'étaient mis en grève contre les licenciements. Comme beaucoup étaient des travailleurs marocains qu'on était allé chercher chez eux pour les faire venir au moment où on manquait de main-d'oeuvre, Mauroy a parlé de cette grève en disant que c'était une "grève des Ayatollah", utilisant ainsi le langage de Le Pen, et ce sont les CRS du gouvernement Mauroy, gouvernement socialiste-communiste, aidés par les nervis du syndicat patronal de l'époque, qui délogèrent les grévistes qui occupaient l'usine.
Voilà un des faits à cause desquels, peu à peu, le Parti Communiste perdit la confiance de millions de ses électeurs.
Et c'est ainsi et c'est pourquoi, à l'élection présidentielle de 1988, le Parti Communiste se retrouva avec à peine 7 % des voix.
Alors, croyez-vous que si, au travers de la candidature de Robert Hue, le Parti Communiste regagne 2 % ou même 3 % de l'électorat qu'il avait perdu, cela fera vraiment peur au patronat et à la droite ?
Bien sûr que non !
Le patronat et la droite connaissent les dirigeants du Parti Communiste.
Pas de danger pour les profits patronaux !
Ces quelques points en plus, aujourd'hui, par rapport à la débâcle de 1988, ne seraient pas perçus comme exprimant la colère des travailleurs, des chômeurs et des exclus. Ce sont simplement des électeurs ex-communistes, devenus électeurs socialistes et encore plus déçus du Parti Socialiste que du Parti Communiste qui lui reviendraient... et que Robert Hue convaincrait de retourner vers le Parti Socialiste au deuxième tour, si Jospin s'y trouve.
On tente de nous faire croire que le personnage bonhomme de Robert Hue marque une rupture avec celui, plus stalinien, de Georges Marchais.
Mais ce n'est pas vrai. D'abord parce que Robert Hue était le plus proche collaborateur de Georges Marchais, mais aussi parce que le stalinisme, la falsification, le mensonge, n'ont pas disparu au Parti Communiste.
Vous savez, ce temps où, au fil des années et des purges, des personnalités disparaissaient les unes après les autres des photos de groupe ! Eh bien, si cette technique-là a disparu, l'état d'esprit, lui, est toujours là.
Encore ce matin, l'Humanité publie une citation tronquée de mes propos et me fait dire "les grands patrons des entreprises qui gagnent 120 000 ou 150 000 francs par mois ne sont encore que des salariés de l'entreprise". Membre de phrase que l'Humanité accole aux noms de Pierre Suard et Jacques Calvet. D'abord Suard et Calvet gagnent plus que cela. Mais l'auteur de ce découpage s'arrête là et se garde bien de citer la suite, où je disais que ce n'est rien face aux revenus des propriétaires, des grands actionnaires, comme la famille Michelin ou la famille Peugeot pour ne prendre qu'eux. Les ciseaux de la falsification sont toujours dans les tiroirs du Parti Communiste Français.
Et puis, des tracts du Parti Communiste dans les entreprises, à GEC-Alsthom-Rateau par exemple, disent que, puisque je suis permanente CGT-FO au Crédit Lyonnais, je devais bien être au courant de l'affaire Tapie ou du trou du Crédit Lyonnais. Ceux qui rédigent ces tracts oublient volontairement de dire que c'est le PCF qui est représenté par l'intermédiaire de la CGT au plus haut niveau du Crédit Lyonnais, au conseil d'administration, alors que moi je n'y siège pas et que je n'y ai jamais siégé.
A eux, on communique les documents comptables, ceux que l'on communique à tous les autres membres du conseil d'administration. Mais, bien sûr, ils sont liés par le secret, c'est-à-dire qu'ils sont liés aux autres administrateurs plus qu'ils ne sont liés aux travailleurs.
Alors, ils pourraient au moins avoir la pudeur de se taire ! Et puis, ils m'accusent d'être permanente syndicale, comme si c'était une tare, mais ils oublient de dire qu'à côté de moi, au Crédit Lyonnais parisien, il n'y a pas un, mais plusieurs permanents CGT appartenant au PCF.
Disons en passant qu'il y a tout lieu de croire que les dirigeants du Parti Communiste Français seraient finalement très heureux si Lionel Jospin n'était pas présent au deuxième tour.
Cela leur éviterait d'avoir à se déconsidérer auprès d'un grand nombre de leurs militants en faisant voter pour Lionel Jospin.
Si le deuxième tour n'était qu'un duel Chirac-Balladur, cela éviterait aux dirigeants du Parti Communiste ce genre de déchirure.
Eh bien, nous, nous disons franchement que le fait que Jospin ne soit pas au deuxième tour ne changerait rien pour les travailleurs, pour les chômeurs, pour les jeunes ou les exclus !
Alors non, le vote pour Hue n'est pas un vote réellement contestataire. Ce n'est pas ce vote-là qui pourrait servir de drapeau pour unifier les luttes de demain, les luttes des travailleurs, des chômeurs, des jeunes, des exclus, contre les licenciements, pour exproprier toutes les grandes entreprises qui licencient tout en faisant des bénéfices.
3 % en plus sur Robert Hue, et Chirac peut dormir tranquille lorsqu'il sera élu. Mais 3 % en plus sur les intentions de vote que les sondages m'ont prêtées, je vous assure que cela ferait un choc dans l'opinion et en particulier à droite.
Mais il n'y a pas que le Parti Communiste qui s'inquiète des voix que les sondages nous prêtent.
Une partie des journalistes - pas tous heureusement - de la grande presse dite d'information y vont aussi de leurs médisances, de leurs ragots ou de leurs calomnies. Une des trouvailles de ces gens-là serait que nous serions une organisation clandestine, agissant dans l'ombre.
Ils affirment que, dès la fin de l'élection, on ne pourra plus nous joindre et que nous n'avons qu'une boîte postale.
Pourtant, eux, ils devraient savoir que toutes les rédactions, absolument toutes, de toute la presse télévisée, écrite, parlée ou chuchotée ont depuis des années notre numéro de téléphone, le même depuis toujours. Ils le savent et savent d'ailleurs nous joindre en toutes circonstances. Cela n'empêche pas de mentir ceux d'entre eux qui veulent mentir.
Bien évidemment, tous les travailleurs des entreprises où nous avons des groupes d'entreprise, où nous intervenons par des tracts réguliers, savent bien que, pour des clandestins, nous nous montrons très souvent en public à la porte. Ils connaissent bien aussi nos militants, et depuis des années. Ils les connaissent d'ailleurs comme des militants au service de leurs camarades, qui sont présents dans tous les mouvements sociaux, d'autant qu'ils exercent souvent des responsabilités syndicales.
Mais, bien sûr, nous n'avons pas de groupes Lutte Ouvrière dans toutes les entreprises du pays.
Cependant, je voudrais préciser une chose que tous nos détracteurs ne savent pas : c'est que dans beaucoup d'entreprises, il existe une répression patronale, et que si un militant peut être relativement protégé dans le cadre de son activité syndicale, il ne l'est plus du tout dans le cadre d'une activité politique. Et lorsqu'une presse politique d'entreprise comme la nôtre dénonce les exactions patronales, ou les comportements de la maîtrise, eh bien, la répression peut s'abattre sur nos camarades ! Car, vous le savez, la politique est interdite à l'intérieur des entreprises.... sauf pour le patron
Alors, nos camarades ne peuvent pas tous afficher leurs idées politiques, et tous les travailleurs le savent bien et comprennent cette situation. Il n'y a que certains journalistes pour feindre de ne pas le savoir ou pour s'en faire complices !
Mais, revenons à notre clandestinité ! Nous nous sommes présentés aux dernières Européennes. Nous nous sommes présentés aussi aux législatives précédentes, et depuis vingt ans je me présente aux élections présidentielles. Des centaines de nos camarades sont publiquement connus de la presse. Nous sommes un parti politique reconnu, auquel l'État demande régulièrement ses comptes financiers.
Il faut justement que nous nous présentions aux élections pour contraindre la presse à nous donner un peu un temps de parole dans la mesure où la loi l'y oblige. Mais, pour le peu de place où elle cite ce que nous disons, combien de médisances, de ragots et de calomnies !
Mais, cette fois-ci, cela dépasse largement ce qui est habituel. Eh bien, figurez-vous que nous en sommes heureux, et même très heureux ! Car, ce qui est nouveau, c'est que, pour une fois, les sondages nous parlent d'intentions de vote en ma faveur largement supérieures aux voix que nous avons recueillies dans les précédentes élections.
Ce ne sont que des sondages, mais cela fait peur à beaucoup, et déjà on nous combat. Une de leurs trouvailles est aussi de dire que nous serions une organisation qui ne se présente qu'aux élections et n'est pas ouverte sur la société.
Nous ne sommes pas ouverts sur leur société, celle des cocktails de presse, celle du "beau monde", celle du "grand monde" ! Nous n'avons pas de vedettes dans nos rangs, pas de gens très connus ! Alors, évidemment, pour cette presse-là, nous sommes clandestins.
Par contre, nous sommes ouverts sur une partie de la société qu'ils ne connaissent pas, celle du monde du travail, celle où on est exploité, celle où on n'a pas le droit d'exprimer des opinions politiques à l'intérieur des entreprises, celle où on est soumis aux cadences, aux accidents du travail, aux bas salaires, aux emplois instables !
Voilà à quelle société nous sommes ouverts, très ouverts, puisque nous en faisons partie.
Par exemple, je ne polémique pas avec Dominique Voynet, dans cette élection. Je ne la considère pas comme une adversaire car, si le terrain de l'exploitation ne l'intéresse pas vraiment, elle n'est pas une exploiteuse - tant qu'elle n'est pas ministre.
Mais, elle a dit de moi, ou plus exactement de ceux qui allaient voter pour moi, qu'ils étaient des "intellectuels branchés". Voyez-vous ! Vous tous, là, vous êtes des intellectuels branchés, pour le Docteur Dominique Voynet. Quelle promotion !
Même chose pour l'ex-ministre communiste Fiterman qui, dans un meeting de Voynet, a dit que j'étais comme un moine tibétain faisant toujours tourner le même moulin à prières depuis vingt ans. De la part d'un homme qui fait tourner sa veste depuis aussi longtemps, je prends cela comme un hommage de spécialiste !
Eh bien, nous ne sommes pas ouverts, c'est vrai, sur cette société-là.
Et la société sur laquelle nous sommes ouverts, le matin à 6 heures, aux prises d'équipe, à 8 heures ou 8 heures 30 à l'entrée des bureaux, cette presse-là ne nous y voit pas parce qu'elle n'y est pas ! Quand elle vient, elle nous voit. Lionel Jospin qui a voulu, lors d'un passage à Belfort, rencontrer les travailleurs de GEC-Alsthom, a pu s'en rendre compte.
Et puis, pour cette partie de la presse, nous n'avons pas de siège. Ah ! un parti qui n'a pas de siège, ne peut être que composé d'affreux !
Eh bien non, nous ne sommes pas comme le Parti Républicain qui s'est fait payer son siège parisien par je ne sais quelle société qui rendait ainsi à César ce qu'elle avait pris aux contribuables !
Nous ne sommes pas comme le Parti Socialiste dont le secrétaire Emmanuelli est poursuivi pour avoir touché de l'argent de diverses entreprises qui surfacturaient à des municipalités dirigées par des socialistes pour alimenter les caisses du Parti Socialiste !
Et je pourrais citer aussi le RPR, et même, figurez-vous, malheureusement, le Parti Communiste qui se trouve dans le même cas !
Alors non, nous n'avons pas de siège parce que nous n'avons pas les moyens d'en avoir un, ni d'entretenir une armée de permanents pour rester derrière le téléphone à attendre que les journalistes veuillent bien appeler.
Et, moi-même, eh bien vous le savez, je suis une militante syndicale et je suis tous les jours, de 9 heures à 17 heures, parmi mes camarades de travail au Crédit Lyonnais.
Alors, travailleuses, travailleurs,
et je dois aujourd'hui ajouter : sans-emploi et jeunes privés d'avenir, au soir du second tour, celui des trois hommes, que ce soit le Socialiste Jospin, ou les RPR Balladur ou Chirac, qui sera élu pour sept ans, sera un homme qui aura gouverné plusieurs années, durant les quatorze dernières années.
Il aura été, personnellement, co-responsable de la diminution du pouvoir d'achat, de l'augmentation dramatique du chômage et de l'apparition de multiples formes d'exclusion.
Vous tous qui êtes victimes de ces hommes-là, ne votez ni pour, l'un ni pour l'autre.
Ne votez pas non plus pour les hommes de l'extrême droite, qui veulent utiliser votre colère pour vous entraîner dans une aventure totalitaire à leur profit.
Alors, faites un vote de contestation, un vote qui soit une véritable surprise, qui crée un choc.
C'est pourquoi je vous dis que, si non seulement il s'avère que ma candidature recueille les cinq pour cent que les sondages m'ont prêtés, mais qu'elle recueille huit, neuf ou dix pour cent, je vous assure que celui qui sera élu au deuxième tour saurait qu'il devra compter avec tous ceux qui auront voté pour le programme que je vous ai présenté !