Travailleuses, travailleurs,
Pratiquement toutes les grandes entreprises du pays, celles qui ont bénéficié, et bénéficient toujours, des plus gros contrats de l'État, ont été, ces derniers temps, plus ou moins impliquées dans des scandales financiers et ont vu un ou plusieurs de leurs principaux dirigeants poursuivis pour des malversations financières, des affaires de pots-de-vin ou de trafics d'influence.
Parallèlement, des ministres, des députés, des maires de grandes villes, des conseillers régionaux, ont été mis en examen, comme on dit maintenant au lieu de dire inculpés, voire emprisonnés pour des affaires semblables.
Est-ce cela, la démocratie ?
Oui, quelle sorte de démocratie est cette situation où l'on voit des financiers, des chefs d'industrie, des gens dont les noms ne sont guère connus du grand public et restent dans l'ombre tant qu'un scandale n'éclate pas, avoir plus de pouvoir, plus d'influence sur les hommes politiques, que ceux qui les ont élus !
Dans une telle situation, les élections sont une mascarade. On nous laisse choisir les pantins qui occupent le devant de la scène, mais nous n'avons aucun moyen de contrôle sur eux, ni même le moyen de connaître ceux qui, dans le secret des conseils d'administration de la haute finance, tirent les ficelles des pantins en question.
On peut tourner ces faits en dérision, mais ce n'est pas risible.
Cela n'est pas risible car le sort de millions d'hommes, de femmes, de familles, dépend des décisions de ces hommes du patronat et de la finance. Des hommes qui peuvent décider de fermer une entreprise comme on claque la porte de son réfrigérateur, et qui n'hésitent pas à ruiner une ville, voire une région entière, si cela peut leur rapporter un ou deux pour cent de profit en plus.
Il faut changer les choses.
Il faut changer cela car il faut que la population puisse savoir ce qui se passe.
Il faut que la population puisse savoir, ce que sont devenus les centaines de milliards de francs que I'État, pour paraît-il créer des emplois, a versés à ces gens-là, des centaines de milliards qui n'ont servi, d'un côté, qu'à créer du profit et, de l'autre, qu'à fabriquer d'abord des chômeurs, puis des RMIstes, et enfin des exclus, comme on dit pudiquement.
Cela est inique, doit cesser et il y a des mesures d'urgence à prendre.
Il faut rendre publics, c'est-à-dire accessibles à tout un chacun, les revenus, les avoirs et les biens de tous les hommes politiques et aussi de tous les dirigeants du grand patronat, de leurs alliés, de leur famille directe, de leurs hommes de paille qui ne sont pas si difficiles à trouver quand on cherche. C'est-à-dire de tous ceux qui leur servent de prête-noms. Avez-vous vu comme les hommes politiques ne possèdent rien par eux-mêmes et que leurs propriétés et leurs principaux biens sont toujours au nom de leur épouse ? Les patrons de la finance font pire.
Il faut aussi rendre publique la comptabilité des grandes entreprises. Que tout le monde, et pas seulement les juges, puisse y avoir accès. Que chaque travailleur de ces entreprises puisse vérifier si c'est vrai ou pas. Que les employés, que les comptables, que les travailleurs puissent dire si ce qu'on publie est véritable ou pas, et puissent vérifier si ce qu'on leur fait faire correspond bien aux nécessités de l'entreprise ou à tout autre chose.
Oui, il faut un contrôle de la population sur l'économie et la politique. Un contrôle permanent. Et il faut en premier lieu un contrôle des travailleurs sur leur propre entreprise.
Cela pénaliserait les petits patrons ? Mais non l Ceux qui travaillent eux-mêmes et ne réalisent pas de profits fabuleux sur le dos de leurs travailleurs n'ont rien à craindre de la publication des comptabilités.
Il faut réquisitionner, c'est-à-dire exproprier sans rachat ni indemnité, toutes les entreprises qui licencient et en premier lieu celles qui font des bénéfices. C'est ce que le contrôle de leur comptabilité permettra de vérifier.
Et avec ces entreprises, il faut produire, y compris à prix coûtant, en priorité ce qui est le plus utile à la population.
L'État doit intervenir de façon autoritaire dans l'économie.
Il ne faut pas laisser la recherche égoïste du maximum de profit individuel décider du sort de toute l'économie : Les lois aveugles du marché doivent être réglementées en fonction de l'intérêt collectif. La lutte contre le chômage et la lutte contre la misère doivent être des priorités d'intérêt public, devant lesquelles les privilèges économiques doivent s'effacer.
Si la productivité fait des progrès grâce aux innovations technologiques, il faut que ces progrès profitent à tous, pas seulement aux actionnaires. Il faut que ces progrès soient un bienfait et pas une calamité. L'augmentation de productivité ne doit pas servir à jeter les travailleurs à la rue pour augmenter la marge de profit, elle doit servir à diminuer le travail de tous, en répartissant le travail en fonction des besoins et en faisant évoluer le niveau de vie en fonction des progrès de la productivité.
L'État doit cesser de subventionner les entreprises, soi-disant pour créer des emplois, et consacrer les centaines de- milliards qu'il a dilapidés de cette façon depuis des années, à créer lui-même, directement, des emplois.
D'abord dans les services publics : hôpitaux, Éducation nationale, transports en commun, etc. Ensuite, l'État doit lui-même investir dans des travaux d'intérêt public : construction de logements populaires, aménagement de l'environnement urbain, amélioration de la vie et des moyens de communication et d'échanges dans les campagnes, et tout cela directement, sans enrichir les grandes entreprises de travaux publics. Avec, là aussi, tous les comptes, les commandes, les devis, les travaux effectués, rendus publics pour que cela reste sous le contrôle de l'ensemble de la population.
Pour améliorer le fonctionnement de la Sécurité Sociale, il faut rétablir les cotisations patronales à leur niveau antérieur. Il faut supprimer la CSG sur les revenus les plus faibles, mais l'augmenter sur les revenus les plus élevés, y compris sur ceux du capital, avec une forte progressivité. Il faut rétablir les tranches supérieures d'imposition sur les revenus au niveau où elles étaient précédemment.
La santé publique est une priorité. On ne demande pas à l'Éducation nationale d'être rentable, et à l'armée encore moins. Pourquoi le demanderait-on à la Santé ? Cela doit être une priorité de l'État et il doit lui consacrer une large part du revenu national.
Depuis des années que les salaires et les retraites sont bloqués, le niveau de vie de la population laborieuse a considérablement baissé. Le retard pris par les salaires et les retraites en dix ans est d'au moins 1 000 à 1 500 F par mois. Il faut un rattrapage de ce montant qui sera, s'il concerne les revenus les moins élevés, immédiatement réutilisé dans la consommation au lieu de l'être dans la spéculation comme c'est le cas pour les revenus tirés des profits.
Tout cela serait impossible ?
Eh bien contrôlons, justement, les fortunes des plus riches et les comptes des grandes entreprises, et nous verrons si c'est impossible ou pas ! Aujourd'hui on nous demande de croire le patronat sur parole et on demande aux licenciés de se sacrifier pour sauver leur entreprise, qui n'avait jamais été la leur jusque-là et qui, bien évidemment, le sera encore moins après.
Bien sûr, ce n'est pas parce que vous voterez pour ce programme qu'il sera automatiquement réalisé.
Mais c'est en vous affirmant pour ce programme, que vous direz à la face du pays que ce programme est le vôtre, qu'il fait partie de vos exigences.
Plus vous serez nombreux à l'affirmer par votre vote, plus ce sera une menace pour le grand patronat et un avertissement pour les hommes politiques du pouvoir.
De plus, il est certain que des grèves, des luttes, vont éclater dans l'année qui vient, tellement la situation est insupportable pour les travailleurs. Avant même les élections, bon nombre de travailleurs ont montré qu'ils attendaient plus de la grève que du bulletin de vote.
Il ne faut pas que les luttes revendicatives, inéluctables, se dispersent et éclatent à des moments différents, avec des revendications différentes et à cause de cela restent inefficaces et soient vaincues.
Il faudra au contraire à ces mouvements un objectif unique, un même programme, pour réaliser l'unité, indépendamment des opinions politiques, indépendamment des branches professionnelles, des catégories, des diverses divisions entre travailleurs, entre ceux qui sont au travail et ceux qui sont au chômage, entre employés et ouvriers.
Il faut un objectif de lutte qui nous unisse et qui nous permette d'imposer des mesures qui sont vitales, indispensables pour la survie des masses populaires dans la période qui vient.
Voilà le sens du vote que je propose, du vote sur ce programme, du vote sur mon nom.
Certains diront que c'est un vote inutile parce que je n'ai aucune chance ? Mais, à part les deux principaux candidats de la droite, aucun candidat n'a une chance de l'emporter dans cette élection. Je ne serai certes pas élue. Aucun de ceux qui prétendent incarner les intérêts des travailleurs non plus.
Dans ce cas, le problème n'est pas de savoir quel candidat aura le plus de voix, mais de savoir quel est le vote qui sera le plus entendu.
Et s'il y a une chose que je peux vous affirmer, c'est que quelques millions de voix de plus qui se porteraient sur ce programme, au travers de ma candidature, feraient bien plus de bruit et auraient bien plus de conséquences, que le même nombre de voix en plus sur la candidature de n'importe quel autre candidat de gauche.
Selon le choix que vous ferez, votre voix sera entendue ou pas.
J'espère que les voix que vous me donnerez me permettront de jouer un rôle, et j'y suis prête, dans le troisième tour social qui sera indispensable après les élections, pour que les travailleurs ne soient plus victimes du chômage, des bas salaires, de l'exclusion, que les retraités ne soient pas inéluctablement condamnés à la misère et que la jeunesse populaire ne soit pas privée d'avenir.
Le 23 avril, votez Arlette Laguiller
Vu, la candidate
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