C'est peu dire que la « solution » pour surmonter ce qu'on appelle abusivement la « crise grecque » - mais qui n'est que le dernier en date des rebondissements d'une même crise financière mondiale - n'a pas mis fin à l'effondrement de l'économie. La décision de débloquer 110 milliards d'euros, avec le cynique prétexte de sauver la Grèce, mais en réalité pour sauver les profits des banquiers qui ont spéculé contre la Grèce, n'était même pas encore officiellement avalisée que les Bourses chutaient brutalement, de Francfort à New York en passant par Londres. Pendant que les commentateurs en étaient encore à spéculer sur l'éventualité d'une contagion de la Grèce au Portugal, voire à l'Espagne, ces deux derniers États étaient déjà pris dans la tourmente financière.
Les marchés, c'est-à-dire la demi-douzaine de grandes banques d'affaires qui font la pluie et le beau temps dans le domaine des prêts aux États, venaient en tout cas d'enregistrer avec satisfaction que les pays les plus riches d'Europe ne les abandonneraient pas, au cas où l'État grec ne serait pas en situation de respecter les échéances du remboursement de sa dette. Le spectre de la faillite de l'État grec s'est éloigné, mais sans disparaître pour autant. « Les besoins de financement de la Grèce sont entièrement couverts pour les douze prochains mois », assure un des économistes en chef de la banque Goldman Sachs. En d'autres termes, ils ne sont pas couverts au-delà. Autant dire que cette seule information, fondée ou pas, suffit à relancer à n'importe quel moment la spéculation contre l'État grec. Et en la matière, ce qui compte, ce n'est même pas la solvabilité de l'État grec, prêts européens compris, mais l'idée que s'en font les créanciers.
Une fois ce bras de fer gagné par les banques contre les États de la zone euro, il n'y avait plus de raisons qu'elles s'arrêtent en si bon chemin. C'est donc au tour du Portugal et de l'Espagne de s'ajouter ainsi à la Grèce et à l'Irlande comme champs de manœuvres pour la spéculation. Et on commence à parler de l'Italie.
Prêter aux États est une activité bancaire aussi ancienne que les banques. Une façon de « faire travailler l'argent » réputée des plus sûres et des plus rentables. L'histoire du capitalisme est intimement liée à l'histoire de la dette publique. Les opérations spéculatives actuelles sur la dette grecque sont une excroissance de ce fonctionnement normal en économie capitaliste.
Les difficultés, réelles ou supposées, de l'État grec à rembourser sa dette servent de justification à ne lui prêter qu'à un taux usuraire. Ce taux usuraire fait que l'État grec, obligé d'emprunter pour faire face à la dette venue à échéance, ne diminue pas sa dette mais l'augmente. Se met alors en place une spirale infernale que l'État prétend freiner en écrasant sa population par une politique d'austérité draconienne.
Les discussions sur la contagion de la Grèce à d'autres États de l'Union européenne sont oiseuses. Il n'y a aucune raison pour que la spéculation s'arrête.
D'un côté, des États endettés avec de gros besoins de financement et donc demandeurs de crédits. De l'autre, des institutions financières, c'est-à-dire en réalité la classe capitaliste pour laquelle elles servent de mandataires, sont à la tête de quantités sans précédent de liquidités. Tous les mécanismes sont en place pour que les États se retrouvent dans une situation de surendettement, que connaissent bien des ménages.
La crise financière fait tanguer les institutions européennes. Elle a déjà fait exploser le pacte de stabilité inscrit dans le traité de Maastricht. Ce traité avait consacré un aspect essentiel de ce que les différentes bourgeoisies d'Europe appellent la « construction européenne ». Poussées d'un côté par des nécessités économiques puissantes, étant donné l'interdépendance des économies nationales européennes - en réalité même, mondiales -, les bourgeoisies européennes sont en même temps incapables de fondre dans un ensemble politique unique, dans une fédération européenne, la mosaïque d'États qui constituent l'Union européenne. Elles en paient aujourd'hui le prix.
Le dollar américain, par exemple, a beau n'être comme l'euro qu'un bout de papier avec des chiffres dessus, sa crédibilité - pourtant sérieusement ébranlée par la crise et par la création monétaire par laquelle les gouvernants la combattent - repose tout de même sur le pouvoir d'un État unique. Ce n'est pas le cas de l'euro. Les seize États qui participent à la zone euro - même pas l'intégralité de l'Union européenne - ont gardé leur souveraineté et le fait chacun d'être l'instrument avant tout de sa propre bourgeoisie.
L'Union Européenne ébranlée par la crise financière
Le traité de Maastricht n'a été qu'un traité, justement, c'est-à-dire un accord international entre États différents désireux de créer une monnaie unique indispensable pour assurer une vie économique interdépendante, mais en gardant chacun sa propre politique économique, sa propre fiscalité, etc.
Cela a pu marcher pendant quelques années, tant que les avantages l'emportaient sur les inconvénients. Mais les conditions fixées à Maastricht, c'est-à-dire un endettement inférieur à 60 % du PIB et un budget dont le déficit ne dépasse pas 3 %, ont été emportées dans la tourmente financière. Il n'y a plus dans la zone euro un seul État dont l'endettement soit inférieur à 60 % du PIB. Il n'y en a plus un seul où le budget soit équilibré. Le déficit public de l'État français dépassera, par exemple, les 8,2 % du PIB, bien au-delà des 3 % autorisés par Maastricht, et son endettement représente 83,6 % du PIB (88,6 % prévus pour 2011). Même le budget allemand présente un déficit public de 5 % du PIB et une dette publique de 78,8 %. C'est mieux que les dettes publiques de la Grèce (133,3 %) ou de l'Italie (118,2 %), mais c'est tout de même loin des fameux « critères de Maastricht » !
Qui paiera ces énormes dettes, alourdies d'année en année par le déficit ? « Ce n'est pas à nous de payer la dette de plus pauvres que nous », clament en chœur les dirigeants des États les plus riches.
Après plusieurs années de fonctionnement cahin-caha de l'Europe, la crise remet tout en cause. Il y a quelques années encore, les commentateurs ne pouvaient même pas envisager une remise en question de l'euro lui-même, tant il est vrai que la mise en place de cette monnaie commune était un progrès du point de vue du fonctionnement du capitalisme européen. Aujourd'hui, cela fait partie des hypothèses de plus en plus sérieusement envisagées. Ce qui, pour les commentateurs, n'était encore qu'une spéculation intellectuelle est devenu pour les banquiers objet de spéculations ô combien matérielles et, pour certains, extrêmement profitables !
Pourtant, ils savent tous que la suppression de l'euro, le retour aux monnaies nationales et au flottement des unes par rapport aux autres, seraient catastrophiques pour le commerce intra-européen et donc pour la production. Mais qu'importe aux spéculateurs que le ciel s'écroule, pourvu qu'avant il leur permette de faire un dernier coup !
L'État grec pourra-t-il continuer à faire partie de la zone euro ? Sera-t-il contraint de la quitter et de retrouver sa monnaie nationale antérieure ? Spéculer sur ces questions a été un des aspects des opérations financières des dernières semaines. La spéculation trouve une nouvelle impulsion avec la contagion de la méfiance à l'égard du Portugal et de l'Espagne. Et, peut-être, avec l'entrée dans cette danse macabre de l'Italie. A l'autre bout de l'échelle des richesses et des puissances entre les différentes bourgeoisies d'Europe, l'Allemagne, ou plus exactement la bourgeoisie allemande, sera-t-elle encline à retrouver son deutschemark fort et se retrouver dégagée de toute solidarité à l'égard des économies européennes plus fragiles ?
Plus la crise se développe, plus se multiplient les divergences d'intérêts entre bourgeoisies dans un même mouvement de « sauve-qui-peut national », plus chaque bourgeoisie sera confrontée à ces choix. Des choix à faire en fonction d'un faisceau d'intérêts mouvants.
Dans la maison de fous qu'est devenue l'Union européenne, on s'accroche encore aux avantages que l'euro offre au commerce intra-européen, qui représente pour la plupart des pays le gros de leurs échanges. Mais on envisage déjà le retrait de la zone euro pour les « canards boiteux » ou pour soi-même.
La Grèce ravalée à la situation de semi-colonie
Les tractations autour de la réponse à trouver face à la crise de la dette grecque ont mis en lumière de manière cruelle non seulement le fait que l'Union européenne et la zone euro ne sont qu'une mosaïque d'États aux intérêts divergents, mais aussi que leurs relations mutuelles sont celles entre puissances impérialistes et économies dominées.
La crise a brutalement dissipé la fiction d'une Europe unie sur un pied d'égalité entre participants. Il est vrai que seuls les plus naïfs pouvaient croire à cette fiction. Tous les traités dans la longue litanie des accords entre pays européens contiennent des clauses visant à donner un fondement juridique à la prédominance des pays impérialistes sur le reste de l'Union européenne. Mais les tractations au sujet de la dette grecque ont montré, plus clairement que les textes abscons des traités, que ceux qui commandent, ce sont les plus riches, ceux aussi dont les trusts ont mis la main sur les banques, les usines, les chaînes commerciales ou hôtelières des pays de l'Est, les ex-Démocraties populaires. En l'occurrence, l'Allemagne et, dans une moindre mesure, la France (le troisième larron impérialiste européen, la Grande-Bretagne, ne fait même pas partie de la zone euro, elle n'a donc pas à s'en retirer pour préserver ses propres intérêts). Les conditions imposées à la Grèce relèvent d'une totale subordination de l'État grec à ses bailleurs de fonds les plus puissants.
Les institutions européennes, et par leur intermédiaire essentiellement l'Allemagne et la France, se proposent d'exercer en compagnie du FMI un contrôle tatillon sur le budget de la Grèce, sur ses finances, sur le revenu de ses citoyens. En fait, derrière la façade pseudo-démocratique de l'Union européenne, la Grèce retrouve sa situation de semi-colonie sous la férule des grandes puissances de l'Europe.
Soutien à l'Etat grec ou soutien aux banquiers ?
Il faut le cynisme extraordinaire de ceux qui dirigent l'économie et l'État pour parler de « soutien à la Grèce » à propos de la décision qui est sortie des tractations entre ce pays et les quinze autres États de la zone euro, soutenus par le FMI. Sur les 110 milliards d'euros mis à la disposition de l'État grec, 80 milliards viennent de différents États de la zone et 30 milliards du FMI.
Mais cet argent ne va pas à la Grèce, et encore moins aux Grecs, expression qui met dans le même sac aussi bien les banquiers et les riches capitalistes de ce pays, qui en verront en effet la couleur, que les salariés, les retraités qui ne sont conviés qu'à payer la note.
Ces sommes sont destinées aux banquiers. Elles sont destinées à leur assurer que, quel que soit l'état des finances de la Grèce, ils ne perdront rien dans l'affaire et percevront jusqu'au dernier centime et du remboursement et des intérêts, même là où les prêts ont été consentis à un taux usuraire. Les 110 milliards rejoindront ainsi ces autres centaines de milliards que les États ont déversés sur les banquiers pour les sauver de la faillite lors de la phase précédente de la crise financière.
En complément de ces cadeaux aux banquiers, les bailleurs de fonds ont exigé du gouvernement grec une politique d'austérité draconienne. Une diminution brutale des salaires de l'ordre de 15 %. La baisse des pensions et le recul de l'âge de départ en retraite. L'augmentation de la TVA qui, par deux paliers successifs, sera augmentée de 4 % pour atteindre 23 %. Une hausse d'autres impôts indirects, notamment ceux qui frappent les produits pétroliers, ce qui se répercutera nécessairement sur les transports et le chauffage. Un plan de réduction importante des dépenses de l'État qui se traduira par une baisse substantielle du financement des services publics et de la protection sociale.
Et le gouvernement socialiste d'Athènes de s'exécuter, entraînant cette félicitation de Dominique Strauss-Kahn : « Je suis admiratif de l'extrême rigueur choisie par le gouvernement Papandréou, qui a préféré de durs sacrifices immédiats pour sortir au plus vite son pays de la crise. » Félicitations d'un « socialiste », candidat putatif de son parti à la prochaine présidentielle, à un autre socialiste, à la tête du gouvernement de son pays. Aussi disposés l'un que l'autre à écraser les classes populaires pour enrichir les banquiers !
Le Parti socialiste grec, dirigeant le gouvernement, a été par la force des choses en première ligne. Mais même ici, en France, où il n'est pas aux affaires, le Parti socialiste s'est dépêché de voter au Parlement la participation du gouvernement français à cet acte de brigandage contre les classes populaires grecques !
Il est plus éclairant d'observer l'attitude du Parti socialiste dans la crise grecque que de décortiquer les phrases creuses du programme du futur candidat pour la présidentielle. Ce n'est pas que le Parti socialiste s'aligne sur Sarkozy, en votant sa politique face à la « crise grecque ». C'est qu'ils sont aussi serviles les uns que les autres pour mener la politique nécessaire afin de garantir en Grèce les intérêts de la bourgeoisie en général et ceux des groupes financiers français en particulier. Ceux-ci sont largement impliqués en Grèce, de la compagnie d'assurances Axa aux banques Société générale ou Crédit agricole en passant par la BNP (cette dernière, par exemple, a placé 3 milliards d'euros en Grèce au titre de crédits aux entreprises privées, armateurs notamment, et 5 milliards sur la dette publique).
Mais les socialistes ont, de plus, l'art de cultiver l'hypocrisie. On ne peut qu'être écoeuré par les contorsions verbales de leurs dirigeants : « On peut militer pour un plan de soutien et ne pas accepter les conditions qui sont posées à ce plan de soutien », a insisté Benoît Hamon, le chef de file de l'aile gauche du parti. François Hollande a lui aussi argué de la nécessité d'éviter « non plus un plan de rigueur en Grèce », mais « une faillite et un effondrement ». « Je ne soutiens pas le gouvernement. Je soutiens la Grèce et je soutiens l'euro », a martelé sur RTL l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste.
Avec la complicité de toute la faune politique de la bourgeoisie, ce n'est pas l'État grec qui est le grand gagnant dans l'affaire, mais les banques qui l'ont étranglé.
Les remèdes qui tuent
Mais les 110 milliards débloqués ne sont pas le seul cadeau fait aux banquiers. La Banque centrale européenne (BCE) a pris dans la discrétion une décision sans précédent en acceptant désormais les émissions de titres grecs quelle que soit leur notation. Un communiqué de la Banque centrale européenne, dans les premiers jours du mois de mai, a en effet annoncé : « Le Conseil des gouverneurs a décidé de suspendre l'application, dans le cas des titres de créance négociables émis ou garantis par l'État grec, du seuil minimal de notation du crédit requis pour l'éligibilité des actifs admis en garantie des opérations de crédit de l'Eurosystème. Cette suspension restera en vigueur jusqu'à nouvel avis .» Derrière ce langage pour initiés, il y a la décision de la Banque centrale européenne d'accepter de la part des banques opérant en Grèce - les banques grecques mais, bien plus encore, les grandes banques internationales présentes là-bas - n'importe quel titre de l'État grec, aussi réputé pourri soit-il, en contrepartie de liquidités que la Banque centrale européenne leur donne.
Par la même occasion explose cette règle de fonctionnement de la Banque centrale européenne qui veut qu'en aucun cas elle ne doit venir financièrement au secours d'un pays de la zone euro. Cette règle a été imposée en d'autres temps, histoire, elle aussi, d'éviter aux pays les plus riches de l'Union d'avoir à payer pour la dette des autres. Même les plus réticents des États comprennent cependant fort bien qu'il ne s'agit pas là de solidarité entre États, mais de solidarité de tous les États envers le système bancaire et les banquiers.
Cette décision de la Banque centrale européenne de prendre en dépôt les dettes publiques les plus pourries équivaut, dans le domaine des dettes d'État, à la décision de la banque centrale américaine de prendre en dépôt, au lendemain de la crise bancaire de 2008, les fameux titres pourris des « subprimes » aux États-Unis lors de l'éclatement de la crise financière en 2008.
On peut raisonnablement supposer que la nouvelle épreuve de force engagée par les marchés financiers sur la dette du Portugal ou de l'Espagne vise à contraindre la Banque centrale européenne à élargir cette mesure aux prêts accordés à tous les États en difficultés. En clair, le système bancaire exige qu'en contrepartie de sa « gentillesse » de prêter à des taux usuraires aux États, on lui supprime tous les risques que cela peut représenter. Mieux - ou pire -, il est même question que la Banque centrale européenne rachète les instruments de dette émis par les États de la zone euro. La décision n'est pas prise, ou pas encore. Mais ce serait « l'arme nucléaire », affirme le journal Les Échos. Cela implique une quantité considérable de liquidités supplémentaires, ce qui relancerait une inflation incontrôlable.
Car plus la Banque centrale européenne a de titres pourris dans ses réserves, plus elle perd elle-même de crédit. La conséquence de cela est d'amplifier la spéculation contre l'euro, dont le taux de change par rapport au dollar est en chute libre. Pourtant, le dollar n'est lui-même pas en meilleure santé, et pour les mêmes raisons.
Plus dure sera la chute
La classe capitaliste et son personnel politique ont cru trouver un palliatif à la crise de leur système économique par le crédit et l'endettement. Endettement des particuliers, des entreprises comme des États. C'est cette économie d'endettement qui a été, en dernier ressort, la base de la financiarisation de l'économie. Le système financier est devenu ce qu'il est aujourd'hui, une gigantesque pieuvre qui dévore l'économie capitaliste.
De toute évidence, personne parmi les penseurs et les décideurs du monde capitaliste n'a trouvé de remède contre cette évolution. Parce qu'il n'y en a pas !
La crise financière qui, dans le dernier trimestre 2008, avait pris la forme d'une méfiance entre banques elles-mêmes, a été surmontée par l'action des États qui avaient ouvert en grand les vannes du crédit. Aujourd'hui, c'est une crise de méfiance des banques largement remplumées envers les États eux-mêmes. Qui pourra venir au secours des États ?
Incapables de réguler leur système économique, les États, instruments d'oppression entre les mains des bourgeoisies, jouent pleinement leur fonction de classe en se retournant contre les classes exploitées pour obtenir par la violence d'État ce supplément de profit que la classe capitaliste ne parvient plus à dégager par les mécanismes économiques. Pour le moment, cette gigantesque extorsion par la violence est couverte du manteau de la démocratie et, de préférence, de l'« union nationale ». Après une opération similaire au Portugal, en Espagne le « socialiste » Zapatero vient de rencontrer solennellement le chef de l'opposition de droite Rajoy pour répondre à l'appel du roi Juan Carlos à « travailler ensemble » sur une politique d'austérité à imposer aux classes populaires.
En France, la politique d'austérité engagée par l'annonce de Fillon de geler les dépenses de l'État pendant trois ans a déclenché encore quelques protestations verbales du côté socialiste. Mais l'attitude du Parti socialiste à l'égard de la Grèce rappelle qu'il ne faut pas attendre une autre politique que celle du pouvoir actuel de la part du pouvoir futur, si tant est que le Parti socialiste remporte les élections à venir.
Mais c'est ce racket par les moyens étatiques exercé à l'encontre des classes populaires qui est devenu indispensable pour la bourgeoisie, pas la forme plus ou moins « démocratique » par laquelle il s'exerce. Qui peut être certain que la forme perdurera, si la bourgeoisie trouve des forces sociales susceptibles de l'aider à imposer par la violence sans fioritures ce qui, aujourd'hui, se fait sous couvert de procédures parlementaires ?
Mais si les politiques d'austérité, lourdes pour la population, permettent aux États de récupérer plus ou moins les sommes versées à la bourgeoisie, elles ne règlent en rien la crise.
La fréquence des réunions des dirigeants politiques souligne encore leur totale impuissance face aux financiers et surtout aux aberrations du fonctionnement capitaliste de l'économie. L'économie est gouvernée par des rumeurs. Il a suffi que la rumeur se répande que l'Espagne a l'intention de faire appel à l'aide du FMI pour un montant exceptionnel, pour que les actions espagnoles s'effondrent et que la spéculation se déchaîne contre l'Espagne. Une erreur de commande sur le marché boursier, peut-être même une simple erreur de frappe, a suffi pour qu'en quelques heures Wall Street recule de 9 %, atteignant son « record » précédent lors de la crise boursière de 1987. À plus forte raison, toute la finance mondiale tremble dès qu'une agence de notation baisse la note indiquant la capacité de remboursement d'un État. Lors de la crise de 2008, on disait pourtant pis que pendre de ces agences de notation. Mais peu importe le sérieux d'une information, le caractère fondé ou pas d'une rumeur, les « moutons de Panurge » de la spéculation financière s'emballent à la moindre alerte entraînant la panique.
Mais l'agitation erratique du monde financier se répercute immédiatement sur l'économie productive. Les soubresauts financiers se traduisent par des usines qui ferment, des chantiers qui s'arrêtent, le chômage qui explose.
Avec l'aggravation accélérée de la crise, l'humanité franchit chaque mois, chaque semaine, chaque jour un pas de plus vers la catastrophe. Il ne s'agit pas seulement de la régression sociale catastrophique qui a été imposée par la classe capitaliste aux classes exploitées. Il s'agit de l'avenir même de la société.
Au stade où en sont arrivées les choses, il s'agit pour la classe ouvrière de se défendre, mais pas seulement. Il s'agit d'offrir une autre issue à la société, par le bouleversement complet du fonctionnement même de l'économie, par l'expropriation de la classe capitaliste et par la réorganisation de l'économie sur d'autres bases que celles de la propriété privée des moyens de production et du profit. Mettre fin à l'organisation capitaliste de l'économie devient une nécessité vitale.
7 mai 2010