Divisions et recul à droite, maintien de la gauche plurielle, le PCF toujours au plus bas sur le plan électoral

Εκτύπωση
Juillet-Août 1999

L'élection a été marquée par l'implosion de la droite, sous la poussée des rivalités et des ambitions de personnes.

Non seulement la droite dite parlementaire s'est partagée entre les deux listes issues du RPR, chacune obtenant un nombre de votes comparable (13,05 % pour Pasqua et 12,82 % pour Sarkozy), ainsi qu'une liste Bayrou (UDF) qui, avec 9,28 % n'est pas très loin, mais elle a obtenu, globalement, nettement moins de votes que Chirac, Balladur et de Villiers réunis lors du premier tour de la présidentielle de 1995 (35,15 % contre 43,71 %). Il y a une baisse aussi par rapport aux élections européennes de 1994, quoique moindre, le nombre de votes cumulés en 1994 par Baudis et de Villiers ayant donné 37,91 % des suffrages exprimés. Parallèlement, l'extrême droite, divisée entre la liste Le Pen (5,69 %) et celle de Mégret (3,28 %), obtient avec ses 8,97 % au total, moins de votes que Le Pen à la présidentielle de 1995 (15,27 %) ou encore la liste Le Pen aux Européennes de 1994 (10,52 %).

L'électorat de droite ne s'est pas vraiment reconnu dans une quelconque des trois listes de l'opposition de droite et des deux listes issues du Front National. Une partie de cet électorat a sûrement manifesté sa désapprobation envers le spectacle offert par ses propres partis en votant pour la liste des chasseurs et, peut-être, pour certains, en votant en faveur de la liste verte, moins marquée politiquement et dont le langage en faveur du libéralisme économique ne pouvait pas lui déplaire.

Mais lorsque le gouvernement affirme que, pour la première fois, l'électorat de la gauche plurielle est supérieur à celui de la droite, ce n'est pas qu'une demi-vérité, c'est un vrai mensonge.

C'en est un sur le plan de la simple arithmétique. Comme bien souvent dans les élections, la gauche plurielle compare ses résultats à ceux de l'opposition de droite, mais sans compter l'extrême droite. Les 38,45 % totalisant les résultats des trois listes de la "gauche plurielle" dépassent en effet les 35,15 % totalisant les votes Pasqua, Sarkozy et Bayrou. Mais même en additionnant au score des listes de la "gauche plurielle" celui de la liste d'extrême gauche (5,18 %), le total de 43,63 % reste encore inférieur aux votes additionnés de la droite et de l'extrême droite (44,12 %), sans même compter les votes en faveur des chasseurs.

Or, il faut toute la finesse jésuitique des commentateurs du Parti Socialiste pour construire une frontière infranchissable entre la liste Pasqua-De Villiers, d'un côté, et les listes Mégret et Le Pen, de l'autre, en prétendant que c'est là où passe la limite entre une droite qualifiée de "républicaine" et l'extrême droite.

D'autant que le recul des votes en faveur de Mégret et Le Pen réunis s'explique, pour une part, par le fait qu'une partie des électeurs traditionnels de l'extrême droite, dégoûtée par le combat des deux chefs, a reporté ses voix sur Pasqua-De Villiers.

Mais le racisme, la xénophobie, la haine des travailleurs et le conservatisme ne sont pas meilleurs lorsqu'ils sont exprimés dans le langage châtié du nobliau réactionnaire qu'est De Villiers ou dans celui de l'ex-responsable du service d'ordre du mouvement gaulliste qu'est Pasqua, que lorsqu'ils sortent de la bouche de Mégret ou de Le Pen.

Si la "gauche plurielle" profite de la dispersion de l'électorat de droite, elle n'a pas spécialement de quoi pavoiser. Il n'y a pas de "poussée vers la gauche".

Le Parti Socialiste se maintient, mais les 21,95 % dont se glorifie la liste Hollande restent inférieurs aux 23,3 % obtenus par Jospin au premier tour de l'élection présidentielle de 1995. Bien sûr, la comparaison est en revanche flatteuse avec les 14,49 % calamiteux de la liste socialiste aux élections européennes de 1994. Mais, faut-il le rappeler, la liste socialiste avait été conduite en 1994 par Rocard, démoli non pas par la droite, mais par Mitterrand qui lui avait lancé dans les pattes une liste radicale, sous la conduite d'un adhérent fraîchement adoubé en la personne de Bernard Tapie.

Quant au résultat de l'ensemble des trois listes de la "gauche plurielle", avec 38,45 % des suffrages, il dépasse certes les scores réunis de Jospin, de Hue et de Voynet à la présidentielle de 1995. Mais il reste légèrement inférieur au total de 38,8 % obtenu aux élections européennes de 1994 par l'addition des listes représentant les mêmes formations politiques.

Et surtout, si le Parti Socialiste se maintient bien, face à une droite en décomposition organisationnelle, ce n'est pas avec une politique différente de celle de la droite, mais au contraire, parce que Jospin a repris à son compte la politique de Juppé, de Balladur, avec, pour le moment, une efficacité plus grande du point de vue de la bourgeoisie. Tout cela n'est sûrement pas le signe d'une évolution vers la gauche, tout au plus le signe qu'une frange de l'électorat de droite se reconnaît dans la politique de Jospin et donne un coup de chapeau à sa capacité de mener une politique de droite sans susciter de remous.

Alors, même s'il y a une désintégration organisationnelle de la droite, la politique de la droite, elle, est toujours au gouvernement !

Quant aux Verts, principaux bénéficiaires du "rééquilibrage" à l'intérieur de la "gauche plurielle", en tant que parti politique, ils ne représentent en aucun cas les intérêts des travailleurs, des chômeurs et des jeunes, ni par leur politique ni par leurs préoccupations. Et la prétention d'être la "troisième gauche" signifie seulement leur ambition d'en faire une, identique aux deux autres. La seule différence c'est qu'elle aura la franchise ou le cynisme de se revendiquer, sans fioriture, de l'économie de marché.

Et enfin les travailleurs n'ont pas à se réjouir de l'affaiblissement électoral du Parti Communiste alors que les Verts progressent, même si cet affaiblissement est la sanction de la politique de la direction de ce parti. Le recul du Parti Communiste, s'il reflète en un sens l'absence d'une radicalisation de l'électorat, exprime surtout le fait qu'il n'y a pas d'avenir pour le PCF sur la voie de l'abandon de ce qui restait encore de communiste dans le langage, dans l'étiquette, dans certains choix du parti, et dans sa sensibilité envers certaines aspirations des travailleurs, même si cela restait superficiel depuis des dizaines d'années.

La participation au gouvernement éloigne de lui ceux qui sont mécontents de la politique anti-ouvrière menée.

Et ceux qui soutiennent cette politique préfèrent voter directement pour le Parti Socialiste.

La direction du Parti Communiste ne peut pas dire qu'elle ignorait ce phénomène, puisqu'il a servi le Parti Socialiste au détriment du PC depuis l'élection de Mitterrand en 1981. Et quant à prétendre faire du neuf et faire "bouger l'Europe" simplement en disant tout et son contraire, en tentant de gagner les votes les plus apolitiques, il faut croire que Cohn-Bendit a été plus efficace.