Le gâchis capitaliste

Εκτύπωση
7 novembre 1997

Mais, tout cela n'aura qu'un temps car, si le capitalisme a survécu, il n'est pas devenu meilleur. Au contraire, il a poussé ses ignominies mais aussi ses contradictions jusqu'à leur extrême.

Le capitalisme serait-il devenu plus harmonieux, comme le prétendent les défenseurs cyniques du "mondialisme" comme Alain Minc ?

Non. Deux cents trusts gigantesques, en employant moins de 1 % de la classe ouvrière mondiale, assurent un quart de l'activité économique mondiale. Mais leur mainmise croissante sur l'économie mondiale ne supprime pas la concurrence. Au contraire, elle l'exacerbe.

Le capitalisme est-il devenu plus rationnel ? Développe-t- il la production à la mesure de ses moyens immenses ?

Non. Une part croissante de ses immenses moyens est détournée vers la sphère financière. C'est un capitalisme de plus en plus usuraire et qui se nourrit de lui même. On peut manger sa queue un certain temps mais pas toujours : si l'on ne meurt pas de faim on finit par mourir quand même.

Le capitalisme satisfait-il un peu mieux les besoins élémentaires de tous ?

Non. Des millions de personnes meurent tous les ans de la famine. Des centaines de millions sont mal nourries. Plus d'un quart de l'humanité vit sans eau potable du tout et, parmi les autres, un nombre toujours croissant commence à en manquer. On continue de mourir de maladies qu'on sait depuis longtemps guérir, simplement parce qu'il n'est pas rentable de produire et plus souvent encore de véhiculer les médicaments qui pourraient les traiter. Et, quant aux besoins plus modernes, l'éducation ou plus simplement l'alphabétisation, tout cela reste un luxe inconcevable pour une grande partie de la population de la planète.

Le capitalisme fait-il moins de gâchis ?

Certainement pas. Le premier de ces gâchis est le chômage lui-même. Même dans les pays capitalistes les plus développés, où se concentrent la majeure partie des entreprises existantes et la quasi- totalité des grands capitaux, une fraction importante de la population est réduite au chômage : vingt millions rien qu'en Europe occidentale. Et le chômage n'est pas seulement un fléau pour ceux qui le subissent, c'est un gâchis gigantesque de forces de travail, d'intelligences, de capacités. Un immense gâchis encore, ces capitaux qui vont vers des secteurs inutiles, voire nuisibles. Les deux secteurs les plus importants du commerce international sont toujours le commerce des armes et celui des drogues.

Le capitalisme comble-t-il ne serait-ce qu'un peu, ne serait-ce que petit à petit l'écart entre les classes riches et les classes pauvres ?

C'est ce qu'ont prétendu pendant longtemps les réformistes de tout poil pour réfuter la nécessité de la révolution. Pourquoi donc la précipitation et la violence, disaient-ils, si le progrès économique finit par assurer une vie acceptable pour tous ?

Eh bien, aujourd'hui, même les réformistes les plus bornés n'osent plus affirmer cela tant il est patent que les inégalités s'accroissent et l'écart entre les plus riches et la majorité laborieuse de la population s'accroît ! A l'échelle du monde, 358 familles possèdent comme patrimoine plus que l'équivalent des revenus annuels de 2,6 milliards d'êtres humains sur la planète ! La pauvreté monte même dans les pays riches.

Pour reprendre l'expression d'un rédacteur du mensuel Le Monde Diplomatique : "Même au plus noir de la Grande Dépression de 1929, il n'y avait pas eu un nombre aussi élevé de laissés-pour-compte en Europe. Si, aux vingt millions de chômeurs, on ajoute les exclus de toutes sortes, cela fait une population européenne de quelque cinquante millions de personnes paupérisées, souvent localisées dans des cités de banlieue à la dérive. dix millions d'entre elle vivent avec moins de 60 francs par jour".

Alors dire de la misère indescriptible des grandes villes des pays pauvres ?

La pauvreté n'est pas due à une cause naturelle, pas à un tremblement de terre, pas à un cyclone bien que ces catastrophes naturelles soient plus destructrices en vies humaines dans les pays pauvres que dans les pays riches. Ce n'est certainement pas un hasard.

La pauvreté est engendrée par le fonctionnement normal du capitalisme.

Le capitalisme serait-il en train de combler l'écart entre pays riches et pays pauvres ?

Sûrement pas. Les médias montent de temps en temps en épingle "le miracle économique" de tel ou tel pays pauvre. Ces pays n'ont jamais été nombreux. Et de surcroît le tout récent krach des bourses asiatiques et la ruine économique qu'il a entraînée dans la région ont montré ce qu'il y avait derrière le miracle malaysien, thaïlandais ou indonésien.

Et, pour prendre un exemple dans le continent africain, depuis trente ans, la production alimentaire a diminué de 20 %. Cette situation révoltante n'est pas due à des causes déjà pas tout à fait naturelles comme l'avancée de la sécheresse dans certaines régions, ni même au caractère primitif de l'outillage agricole, mais à la politique agricole imposée par l'impérialisme, exclusivement orientée vers les exportations.

Alors, les grandes puissances impérialistes peuvent élaborer tous les arsenaux répressifs qu'elles veulent, elles peuvent s'entourer de barbelés et de barrières électrifiées, cela n'empêchera pas - n'en déplaise à Rocard - "toute la misère du monde" de tenter désespérément de rejoindre les pays où il y a une chance supérieure, même infime, de survie.

Le capitalisme est-il devenu plus social, plus enclin à respecter le monde du travail ?

Même dans les pays capitalistes développés, où les luttes ouvrières du passé ou la crainte de ces luttes ont imposé un certain nombre de lois sociales et certaines protections pour les travailleurs, ces lois sont de moins en moins respectées et ces protections sont démantelées.

Mais, dans le reste du monde, il n'y a même pas cela. Un récent colloque a rappelé qu'aujourd'hui, à l'aube du troisième millénaire, il y a à l'échelle du monde quelque deux cent millions d'enfants de dix, voire de six ans, qui sont employés, comme il y a deux siècles, au beau temps de la révolution industrielle en Angleterre, dans des filatures, des ateliers de tissage, des fabriques de composants électroniques, quand ce n'est pas dans la fabrication de produits chimiques dangereux ou dans les mines !