Prélude
Dimanche 29 janvier 1995
FO : au terme de trois cents réunions syndicales, organisées à partir de novembre 1994, FO réunit 10 000 personnes à Paris, à Bercy, pour la défense de la "Sécu pour tous". Blondel y lance un avertissement au futur gouvernement et au futur président. La Sécu appartient aux salariés, elle doit par conséquent être gérée par les partenaires sociaux. La fiscalisation ferait "dépendre la Sécurité sociale des fluctuations du budget de l'État". Il conclut : "La défense de la Sécurité sociale mérite une grève générale interprofessionnelle. Nous y sommes prêts si nécessaire".
Le même jour, "une quinzaine d'associations", dont CGT, UNEF, MJCF, FSU, appellent à des manifestations le 4 février dans plusieurs grandes villes.
Samedi 4 février 1995
CGT : L'Humanité : "Ils étaient des milliers à manifester à Paris, Toulouse, Marseille, Lyon... pour exiger l'arrêt du démembrement de la Sécurité sociale". L'Humanité dénombre cependant 30 000 Parisiens, 10 000 Toulousains, 30 000 marseillais, 8 000 Bretons, 6 000 Nordistes, 25 000 Lyonnais et donc "plus de 100 000 voix et un cri : Pas touche à la Sécu !".
Lundi 4 septembre 1995
Gouvernement : Juppé annonce qu'il n'y aura pas de mesures d'augmentation générale pour les fonctionnaires en 1996. La déception est d'autant plus grande que la mise à l'écart de l'ultra-libéral Madelin avait laissé planer, à tort, un espoir de détente.
Vendredi 22 septembre 1995
Syndicats : A l'issue d'une réunion infructueuse avec le ministre de la Fonction publique d'alors (Puech), toutes les organisations de syndicats de fonctionnaires décident d'appeler à la grève pour le 10 octobre. Deux jours plus tard, elles seront rejointes par les trois fédérations d'EDF-GDF et par la quasi-totalité des entreprises publiques : RATP, SNCF, France Télécom. Seule la fédération CFTC des transports semble avoir boudé l'appel à la manifestation.
Mercredi 4 octobre 1995
Gouvernants : La Sécurité sociale a 50 ans. Chirac prend la parole à la Sorbonne sur la Sécurité sociale. Tout en se posant en "garant de la Sécurité sociale", il fait marche arrière sur ses déclarations de candidat. Il préconise "une extension de l'assiette des cotisations à l'ensemble des revenus".
Juppé se félicite de la réforme des retraites de Balladur (allongement des annuités de 37,5 à 40 ans et calcul des pensions sur une base moins favorable). Il indique qu'il envisage d'étendre la mesure à tous ceux qui en sont exemptés et, pour le déficit de la branche vieillesse, il n'exclut pas de "faire répartir l'effort entre les actifs et les retraités". Et le ministre de l'Économie, Arthuis, glisse qu'il "faudra" transférer "près de 400 milliards de francs" de cotisations sociales sur "l'ensemble des ménages et l'ensemble des revenus, voire sur les entreprises".
Premières protestations
Mardi 10 octobre 1995
Barrot, ministre du Travail, déclare : "Il n'y a pas de revenus tabous qui pourraient, en quelque sorte, être exonérés de l'effort de solidarité". Pour lui, "la grève est une sorte d'échec". Un consultant dit "social", Brunhes, proche de Mauroy, commente ainsi la manifestation : "Je ne pense pas qu'on reverra de sitôt les fonctionnaires dans la rue".
Journée de grève (55 % de participation) et de manifestations unitaires à l'appel des sept fédérations syndicales de fonctionnaires (UNSA, CGT, CFDT, CFTC, FO, CGC, FSU) et de la plupart des syndicats des entreprises publiques ainsi que la FEN, la CFE et SUD-PTT. En tête Blondel (FO : "nous allons essayer de tenir le soufflet le plus longtemps possible pour que la température de retombe pas trop vite") ; Notat (CFDT, qui déclare : "le gouvernement a franchi la ligne jaune") ; Viannet (CGT, pour qui il y aura "forcément des prolongements") et même Deleu (CFTC). Selon Les Échos, "on n'avait vu une telle mobilisation syndicale depuis 1986, après la décision du gouvernement... Chirac de geler les salaires des agents de l'État". Ils protestent sur le blocage des salaires mais, côté entreprises publiques, on s'inquiète de l'avenir des statuts et des retraites. Un responsable de la Fédération Générale Autonome des Syndicats déclare : "les gens veulent en découdre".
Jeudi 12 octobre 1995
Grève des agents de conduite SNCF de la banlieue parisienne.
Lundi 16 octobre 1995
Le gouvernement décide de ramener le taux directeur des dépenses hospitalières pour 1996 à 2,1 %, soit le taux de l'inflation, contre 3,8 % en 1995. La hausse du forfait hospitalier est annoncée. Le 1er janvier 1996, il passera de 55 à 70 francs (par personne et par jour). Rappel : mis au point quand Ralite (PCF) était ministre de la Santé, le forfait a été lancé en 1982 par Bérégovoy, ministre des Affaires sociales (en même temps qu'un remaniement ministériel qui envoyait Ralite... à l'Emploi, alors que se préparait une vague de licenciements). Il coûtait 33 F en 1982. Il augmenta le 1er juillet 1991 (Bianco-Durieux) de 51 % en passant de 33 à 50 F. Le plan Veil d'août 1993 l'avait encore augmenté de 10 % en le faisant passer de 50 à 55 F.
Mercredi 25 octobre 1995
Grève à la SNCF.
Vendredi 27 octobre 1995
Barrot anime des forums de la Sécu dans différentes villes avec les organisations syndicales.
Lors du forum de Limoges avec les syndicats, la discussion tourne court sur les retraites et les représentants locaux s'estimant "insultés" par Barrot quittent la salle. Barrot dénonce ces "casseurs" en leur rappelant que le "mur de Berlin est tombé" et "je dirai aux militants cégétistes que leurs dirigeants sont irresponsables".
A Metz, c'est Raoult qui se fait claquer la porte au nez par les représentants de cinq confédérations (FO, CGT, CFDT, CFTC et CFE-CGC) qui ne veulent pas cautionner un "simulacre de négociations".
Devant les administrateurs CGT des organismes de la Sécurité sociale réunis le même jour, Viannet (CGT) dénonce les forums comme des "ersatz de concertation. Les décisions risquent de tomber avant même qu'ils soient terminés" et "la course de vitesse qui nous emmène de plus en plus loin et de plus en plus vite vers une Sécurité sociale atrophiée, sorte de minimum vital de la santé et de la protection sociale".
FO et la CGT appellent d'abord séparément pour le 14 novembre à un "rassemblement unitaire" pour la défense de la Sécurité sociale. Mais Viannet indique que "les positions des différentes organisations syndicales sont plus proches qu'il n'y paraît".
Lundi 30 octobre 1995
Le plan Juppé est déjà dans l'air. Des éléments en sont indiqués dans la presse qui s'interroge sur la manière dont le gouvernement va les faire passer (une semaine avant, Chirac a semblé indiquer qu'il ne ferait pas appel aux ordonnances). Pons (Transports) défend la nécessité du contrat de plan à la SNCF.
Convoquée à l'origine par la CFDT, se tient une réunion unitaire des dirigeants syndicaux initialement ouverte à cinq confédérations (CFDT, CGT, FO, CGC, CFTC). Au dernier moment s'y ajoutent la FEN, la FSU et l'UNSA (autonomes).
FO s'interrogeait sur l'opportunité de participer à cette rencontre. Blondel y voyait une manœuvre contre FO car l'UNSA et la FEN sont plus proches de la CFDT (et la FSU proche de la CGT). Finalement les FO, arrivés avec un quart d'heure de retard, déclarent : "nous sommes venus. Cela traduit déjà un état d'esprit". Un lieutenant de Notat lâche : "comment voulez-vous qu'on arrête le principe d'une action commune sur un ou deux moteurs alors que nous ne sommes d'accord sur rien avec FO". Finalement, les huit accouchent d'une déclaration commune sur l'avenir de la Sécu (une "initiative sans précédent depuis 1967", commente Le Monde) ; les forums sont dénoncés comme un "simulacre de concertation". Les organisations annoncent un "temps fort de la mobilisation" pour le 14 novembre sans indiquer précisément s'il s'agira de manifester ou de débrayer dans les entreprises. La fiscalisation et l'étatisation sont rejetées. Et le financement de la Sécurité sociale doit continuer à reposer sur les salaires.
Mardi 31 octobre 1995
CFDT, CFTC, CGC et FO signent un accord sur le temps de travail avec le patronat. Selon le CNPF, il s'agit "de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, mais dans un sens qui permette aux entreprises d'améliorer leur compétitivité". La CGT refuse de signer. Blondel prétend signer "parce que nous sommes partisans de la négociation collective et que nous ne voulons pas que le gouvernement et les parlementaires s'en saisissent". La presse expliquera par la suite qu'il pourrait s'agir d'une concession de Blondel faite au CNPF en espérant en retour garder son appui pour défendre la place de FO comme administrateur de la branche maladie (partagée avec le CNPF) dans le cadre de ce que le gouvernement trame contre la Sécurité sociale dans les coulisses du gouvernement.
Mardi 7 novembre 1995
Sécu : le CNPF réclame une réduction drastique des dépenses avant tout nouveau prélèvement. Mais Juppé a déjà prévu la hausse des prélèvements. Le gouvernement Juppé II est formé.
Pour le 14, les confédérations prévoient des manifestations unitaires à Paris et Lyon. A Marseille, où Blondel sera présent, FO et CGT prévoient de manifester séparément.
Vendredi 10 novembre 1995
Chirac reçoit discrètement Notat et Blondel.
Blondel se dit soulagé quant à "certaines craintes" concernant la Sécurité sociale.
Samedi 11 et dimanche 12 novembre 1995
Barrot consulte successivement "l'ensemble des partenaires sociaux" : CNPF, CFTC, CFDT, CGC, FO, UPA, CGPME, CGT.
A l'issue, Barrot déclare : "Des efforts exigeants sont inéluctables".
A la sortie de son entrevue avec Barrot, Blondel déclare : "La Sécurité sociale est sauvée". Cependant la manifestation unitaire du 14 est maintenue.
Lundi 13 novembre 1995
Début du débat parlementaire sur la protection sociale qui doit durer deux jours.
Le CCN de FO décide par un vote unanime des participants d'appeler les salariés du secteur privé, de la fonction publique et du secteur nationalisé à une grève le mardi 28 novembre pour défendre la Sécu, les salaires et l'emploi.
Mardi 14 novembre 1995
Journée de mobilisation : "Pour la première fois depuis 1967, écrit L'Humanité, la CGT, FO, la CFDT, la CGC, la FEN, la FSU, la CFTC et l'UNSA [] affiche[nt] un front uni pour [] une forte étape de mobilisation". Le PCF et le PS apportent leur soutien aux syndicats. "81 manifestations dans toute la France" et "Une foule considérable", selon L'Humanité.
Viannet déclare : "devant un problème aussi sérieux et aussi grave, le mieux est d'éviter de faire cavalier seul pour que tous les syndicats discutent. C'est en tout cas ce que nous allons essayer de faire". Pour Deschamps (FSU), l'appel de FO est "une bonne décision". Il approuve "le tiercé Sécu, salaires, emploi" tout en contestant "la décision qui fixe la forme et le jour de la mobilisation", mais "l'important c'est le fond", et compte appeler pour le 28.
Mercredi 15 novembre 1995
Juppé présente son plan de réforme de la Sécurité sociale devant le Parlement. Il engage la responsabilité du gouvernement sur sa déclaration (le plan Juppé). L'Assemblée nationale lui vote la confiance par 463 voix pour et 87 contre. Juppé est ovationné. Il annonce la mise en place d'une commission de réforme des régimes spéciaux de retraite (fonctionnaires et agents du secteur public) - commission Le Vert - pour préciser les modalités d'allongement de 37,5 à 40 ans de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein.
A "La marche du siècle", Notat (CFDT) se félicite des points positifs du plan Juppé (ceux que son syndicat a proposés). Elle ajoute : "il n'y aura pas de pause revendicative de la CFDT pour que les décisions qui vont dans le bon sens aillent jusqu'au bout dans le bon sens" et "quelques décisions sonnent mal à nos oreilles : le gouvernement, à nouveau, sur les fonctionnaires, a fait fort !". Présent, Claude Evin (PS), est emballé par le volet maîtrise des dépenses de santé du plan Juppé. La gauche socialiste s'aligne plutôt sur FO.
Blondel (FO) : le plan Juppé est "la plus grande opération de rapt de l'histoire de la République. C'est la fin de la Sécurité sociale []. En décidant que le Parlement allait donner les orientations de la protection sociale, il rafle les 2 200 milliards de francs constitués par les cotisations sociales []. Nous, nous disions qu'il était nécessaire de réagir pour essayer de sauvegarder la Sécurité sociale, mais on nous la vole !".
Viannet (CGT) : "Ce plan me choque, car nous allons vers un système qui va très vite ouvrir la voie à l'étatisation et à la fiscalisation et qui va, au travers d'un certain nombre de mesures, déboucher sur le rationnement des soins. Nous ne pouvons l'accepter."
Sept fédérations de fonctionnaires signent un accord contre la remise en cause des retraites des fonctionnaires et appellent à la grève générale commune, le 24 novembre.
Jeudi 16 novembre 1995
Juppé, interviewé par Sud-Ouest : "Si deux millions de personnes descendent dans la rue, mon gouvernement n'y résisterait pas".
Blondel fait pression sur sa fédération des fonctionnaires pour qu'elle se désolidarise de la manifestation du 24.
Vendredi 17 novembre 1995
Les sept fédérations de fonctionnaires devaient se retrouver ce jour à la Bourse du travail pour mettre au point leur grève générale du 24 novembre sur les régimes spéciaux. Entre temps, l'Union interfédérale des agents de la fonction publique FO se défausse, officiellement pour se consacrer à la journée du 28. S'y retrouvent les six fédérations de fonctionnaires, sauf FO, mais y vient le secrétaire fédéral de FO-PTT. Les participants annoncent des manifestations départementales et une manifestation à Paris (11h place de la République jusqu'à Saint-Augustin). Mot d'ordre : "Ensemble pour le service public, le statut, les retraites".
Plusieurs fédérations de la CFDT manifestent leur intention de faire du 24 novembre une journée d'action contre le plan Juppé. Le même jour, le nouveau contrat de plan SNCF est présenté aux organisations syndicales. Les syndicats dénoncent l'absence d'engagement de l'État sur le déficit de la SNCF. Une intersyndicale qui se tient à l'issue ne débouche sur rien. Les syndicats appelleront chacun de leur côté à la journée du 24 et mettront surtout l'accent sur la retraite.
Samedi 18 novembre 1995
Blondel indique à l'AFP qu'il "n'était pas exclu que les syndicats FO participent à l'action du 24 novembre" mais que "cette journée [serait] insuffisante pour modifier de manière importante les orientations gouvernementales". Entre temps plusieurs fédérations FO ont indiqué qu'elles manifesteraient le 24 : les PTT présents à la réunion d'organisation, mais aussi les finances, les cheminots, l'administration générale, les syndicats parisiens et des unions départementales (Hérault, Savoie, Drôme-Ardèche).
Dimanche 19 novembre 1995
Juppé plastronne à "7/7". Le ministre des Finances, Jean Arthuis, annonce à Europe 1 qu'il propose de supprimer l'abattement fiscal de 20 % des salariés. Juppé, interpellé par Anne Sinclair sur ce point, déclare que ce n'est qu'un projet.
Mercredi 22 novembre 1995
A la Bourse du travail, rue Charlot à Paris, Notat essaye de convaincre ses opposants qui la reçoivent aux cris de : "Notat à Matignon" ou "Balladurienne !". En conclusion, elle lance : "La confédération soutient sans réserve l'action de ses fonctionnaires, le 24 novembre, et je défilerai avec eux". "Le 24, on y sera", répond la salle.
La grève contre le plan Juppé s'engage
Vendredi 24 novembre 1995
Manifestation (à Paris de République à Saint-Augustin) appelée par six fédérations de fonctionnaires, sauf FO, mais ralliée par la confédération CGT, la FSU et diverses fédérations FO et CFDT. Venue à la manifestation, Notat est prise à partie par des militants. "Des millions de grévistes, un million de manifestants dans toute la France", selon L'Humanité. 500 000 manifestants selon Le Parisien. "La province fournit les gros bataillons de manifestants", surtitre Libération. Les transports publics sont paralysés. Les électriciens, les gaziers, les postiers, les enseignants sont également de la partie.
Sondage CSA-Le Parisien : 54 % des Français approuvent la grève des fonctionnaires. La grève des cheminots, en grève ce jour à 85 % est reconduite le lendemain. FO avait averti que son préavis de grève courrait du 24 au 28. La FGAAC (autonomes SNCF) appelle le soir même. CGT et CFDT en feront autant le lendemain.
Les confédérations CGT et FSU appellent à la manifestation convoquée par FO le 28. La CGT Île-de-France appelle "les salariés, actifs, retraités, chômeurs, à participer à la manifestation organisée par Force Ouvrière, le 28 novembre prochain, à partir de 13 heures, de Bastille à la rue du Bac" et "met tout en œuvre pour réaliser l'unité d'action la plus large".
A Europe 1, Blondel appelle à la "mobilisation générale", "au-delà même d'aujourd'hui et du 28".
Samedi 25 novembre 1995
Plusieurs dépôts de bus parisiens sont bloqués.
Manifestation de 140 mouvements féministes et politiques pour les droits des femmes.
Dimanche 26 novembre 1995
Chirac au magazine US Time : "J'ai sept ans devant moi, ce n'est pas un sondage qui va me faire douter".
Échec de la "table ronde" SNCF. Les fédérations CGT, CFDT, FO, CFTC, FMC et CFE-CGC reconduisent la grève.
Mardi 28 novembre 1995
Le ministre des Affaires sociales, Jacques Barrot, met en cause le "confort" des fonctionnaires.
François Léotard estime que "le gouvernement doit tendre la main aux organisations syndicales".
Manifestation appelée initialement par FO, rejointe par la CGT et la FSU. Blondel et Viannet se serrent la main. La presse dit qu'on est "très loin" des 500 000 manifestants du 24 novembre. L'Humanité parle de "centaines de milliers de manifestants".
Appel à la grève à la RATP. Grève totale à la SNCF. L'État s'engage à alléger la dette SNCF (175 milliards) de 37 milliards (Bergougnoux, directeur de la SNCF, quelques jours avant, espérait 25 au mieux).
Grève à l'EDF-GDF à l'appel de CGT, FO, CFDT et CFTC.
Mercredi 29 novembre 1995
Chirac déclare : "les réformes se feront". Devant la commission Le Vert, Juppé s'affiche "déterminé" à maintenir son plan "juste" et "nécessaire".
Pas de métros ni de trains, 5 % de bus. 14 centres de tri postal en grève.
Jeudi 30 novembre 1995
Parti socialiste : Jospin, en "solidarité", parle d'une "panne de conscience dans l'économie" et de "crispation avec les partenaires sociaux". Fabius propose une motion de censure.
La CGC-EDF dénonce les coupures de courant qualifiées "d'exactions contre la clientèle", elle parle de "coupures sauvages" et dénonce la "prise d'otages" contre les usagers.
Le président de la CFTC, Alain Deleu, dit "non à la chienlit" organisée par des "syndicats politisés" qui rêvent d'un "troisième tour social".
Dans Les Échos, Notat déclare : "Le gouvernement aurait besoin d'un conseiller politique" (syndical ?) pour améliorer sa communication.
A l'appel de CGT, CFDT, CFTC et FO, 51 % de grévistes à EDF-GDF. La Poste : près de la moitié des centres de tri en grève. Finances : les fédérations FO, FDSU, CGT et CFDT appellent à une "grève générale reconductible". La CFDT et la CGC quittent le front uni des fonctionnaires. FO appelle "les fonctionnaires à développer l'action afin de paralyser les services, y compris par la grève reconductible". La CGT et la FSU s'associent.
Vendredi 1er décembre 1995
Emmanuelli (PS) : "Si j'étais Jospin, j'irais manifester contre le plan Juppé".
SNCF : huitième jour de grève. RATP : troisième jour de grève. La Poste : le mouvement s'y étend. La moitié des centres de tri en grève. France Télécom : grève à Rouen, Toulouse, Lyon, Paris-Bercy, etc. EDF : extension.
Samedi 2 décembre 1995
Blondel appelle à une "généralisation de l'action pour le retrait du plan Juppé" et annonce que le retrait du plan Juppé est "un préalable" à toute discussion.
Dimanche 3 décembre 1995
Ouverture du 45e congrès de la CGT (650 000 membres, retraités compris). Viannet salue "avec chaleur, émotion et joie la multiplication des appels CGT et FO lancés dans un nombre impressionnant de départements" et appelle à "un puissant temps fort de l'action". Il parle aussi d'"obliger" le gouvernement à "ouvrir des négociations".
Les routiers sont appelés à la grève par les fédérations CGT, FNCR, CFDT et FO.
Lundi 4 décembre 1995
4 syndicats de cheminots (CGT, CFDT, FO, FMC) boycottent les travaux de la commission Le Vert. SNCF : CGT, FO, CFDT, FMC appellent à poursuivre la grève. RATP : CGT, FO, Autonomes, CFDT, CFTC appellent à amplifier (trafic quasi nul). Les fédérations FO et CGT d'EDF-GDF poursuivent la grève. La Poste : 80 sur les 130 centres de tri, bloqués. France Télécom : extension du conflit. 200 grévistes chez Renault Cléon pendant 2 heures.
Les reculs de Juppé
Mardi 5 décembre 1995
Débat sur la motion de censure à l'Assemblée nationale.
Premier recul de Juppé : il parle de "mise à plat" des régimes spéciaux avant toute décision. Il se dit "ouvert" sur ce point et prétend n'avoir "jamais eu l'intention" de supprimer l'abattement fiscal de 20 %.
Appel CGT et FO à une "puissante journée d'action nationale dans les secteurs privé et public".
700 000 manifestants en France selon Le Parisien qui écrit : "le privé s'invite aux manifs", un million selon L'Humanité.
Le congrès CGT se prononce pour un élargissement de la grève mais en laisse l'initiative aux salariés.
107 centres de tri sur 130 sont en grève.
Jeudi 7 décembre 1995
Juppé annonce la nomination d'un médiateur, Mattéoli, pour tenter de mettre fin à la grève des cheminots.
Samedi 9 décembre 1995
Tous les dirigeants syndicaux, Viannet et Blondel compris, acceptent de se rendre à l'invitation de Barrot. Contacts officieux durant le week-end entre membres du cabinet Juppé et dirigeants syndicaux.
Dimanche 10 décembre 1995
Second recul de Juppé : suspension de la commission Le Vert, renvoi sine die de la signature du contrat de plan à la SNCF et maintien de la retraite à 50 ans pour les roulants SNCF et RATP. Il écrit aux syndicats de la SNCF et de la RATP qu'il "n'est pas question de remettre en cause l'âge de départ à la retraite des conducteurs".
Lundi 11 décembre 1995
Troisième recul de Juppé devant l'Assemblée : il n'est plus question de changer l'âge ni le mode de calcul de la retraite pour l'ensemble des employés SNCF et RATP. Cela ne l'empêche pas d'user du 49-3 pour faire passer le RDS.
Mardi 12 décembre 1995
Manifestation à l'appel de CGT, FO et FSU. Querelle de chiffres : selon les Renseignements généraux, 270 manifestations regroupent 985 000 manifestants. 2 246 100, selon les organisateurs (100 000 à Marseille). Le "Juppéthon" semble atteindre le chiffre fixé par Juppé.
Mercredi 13 décembre 1995
Journée d'action organisée à l'EDF par la CGT, la CFDT, FO et la CFTC suivie à 41 % selon la direction. 800 employés en tenue et 200 véhicules ont manifesté à Toulouse.
Jeudi 14 décembre 1995
Jospin (PS) : "Un tel mouvement méritait de la part du PS engagement et respect []. Respectueux des syndicats et de leur indépendance, conscients de leurs divisions, nous n'avons pas voulu - comme certains observateurs semblaient le souhaiter - épouser la stratégie de l'un ou l'autre syndicat, réduire notre politique à une sorte de politico-syndicalisme et épouser les divisions qui ne sont pas les nôtres".
La majorité des grévistes reconduit le mouvement mais 16 dépôts SNCF décident de la reprise du travail, dont Strasbourg, Mulhouse, Nancy, Belfort, Calais, Lille, Valenciennes, Rambouillet, Vaires-sur-Marne, Reims et Troyes.
Vendredi 15 décembre 1995
Bergougnoux remet sa démission au ministre des Transports, Pons, qui l'accepte. Une déclaration de la fédération CGT des cheminots, faite dans la nuit de jeudi à vendredi, appelle à d'autres formes d'action et, peu à peu, la CGT (et les autres) fait voter la reprise.
Samedi 16 décembre 1995
Journée de manifestations dans toute la France. Défilé à Paris de Denfert à Nation, de 13h à 20h.
Mardi 19 décembre 1995
La CGT appelle à une journée d'action. Elle n'est pas suivie par FO. L'Union régionale CGT-Île-de-France appelle à une manifestation à 17h à République. S'y joint la FSU-Paris.
Jeudi 21 décembre 1995
"Sommet social".
Manifestations appelées par la CGT et la FSU.