Union soviétique – Pendant que ses chefs politiques préparent le rétablissement du capitalisme, la bureaucratie pille et ruine l'économie

Εκτύπωση
été 1991

La principale activité des conseillers économiques de Gorbatchev semble consister à faire l'antichambre des administrations américaine, japonaise, allemande et accessoirement, anglaise ou française pour décrocher un crédit ici, une aide financière là. Gorbatchev lui-même fait du démarchage auprès des dirigeants du monde occidental pour les convaincre que sa volonté de diriger son pays vers un retour au capitalisme mérite bien quelques compensations financières. Sans grand succès au Japon dont le gouvernement ne veut prêter que contre le retour d'une partie au moins des îles Kouriles. L'Allemagne et la France ont compensé leur lenteur à débloquer elles-mêmes des crédits... en intercédant auprès des État-Unis, réticents, pour que ceux-ci veuillent bien accepter Gorbatchev au prochain sommet des sept plus grandes puissances impérialistes, afin que le chef d'État soviétique puisse présenter directement ses requêtes. Aux dernières nouvelles, il ne serait question d'inviter Gorbatchev, au mieux, que par la porte de service, avant ou après la réunion des chefs impérialistes ou pour une partie de leurs rencontres.

Toute honte bue, les sommets dirigeants de la bureaucratie soviétique donnent dans la mendicité internationale. A peine une génération après les tonitruantes déclarations de Khrouchtchev, qui promettait que l'URSS, sous l'égide des bureaucrates, "rattrapera et dépassera" l'Angleterre, voire les État-Unis, voilà que ses successeurs se complaisent au contraire à étaler les plaies qu'ils ont eux-mêmes faites à l'économie soviétique, à agiter le spectre de l'effondrement de l'URSS, pour tenter de convaincre Bush et Cie que cet effondrement leur serait préjudiciable et qu'ils ont intérêt à lâcher ces 50 ou 100 milliards de dollars qui constituent les dernières en date des demandes soviétiques.

Mais ce n'est pas seulement les traites sur l'avenir que la bureaucratie essaie de transformer en devises occidentales auprès de la bourgeoisie impérialiste. Là-dessus, l'attitude des dirigeants occidentaux et surtout des détenteurs de capitaux est la prudence. Leur soutien politique et moral est tout acquis à Gorbatchev, pour l'instant du moins. Mais pour les investissements de capitaux, pour une "aide" financière conséquente, il ne suffit pas que Gorbatchev promette le rétablissement de la propriété privée et l'économie de marché, c'est-à-dire du capitalisme. Il faut que cela soit fait. L'impérialisme ne se contente pas de ce déluge de motions qui inondent les sommets de la bureaucratie.

Alors, pour le grand capital occidental, il est surtout urgent "d'attendre et voir".

Heureusement pour Gorbatchev, il a aussi quelques traites à tirer sur le passé. Le décrochage des pays de l'Est - mais ça, l'impérialisme sait qu'il n'avait guère le choix - l'abandon des régimes soutenus par Moscou, de Cuba au Vietnam en passant par l'Ethiopie, dont l'ex-dictateur Mengistu peut méditer en exil sur la relativité des amitiés bureaucratiques. Il y a aussi l'alignement complet derrière la politique américaine dans la guerre du Golfe.

De la lutte révolutionnaire contre la bourgeoisie internationale à la mendicité auprès des puissances impérialistes

Quel contraste avec l'URSS de ses premières années révolutionnaires, avec son économie démolie par la guerre, affamée, soumise à la pression militaire et au blocus économique des puissances impérialistes, mais consciente qu'une "aide" de l'impérialisme n'aurait signifié que la vassalisation et non pas le développement économique ou la fin de la misère, et qui a su trouver les ressources et les ressorts pour redémarrer l'économie sur des fondements nouveaux, rendus possibles par la révolution d'Octobre !

Pourtant, dans l'intervalle, l'Union soviétique est devenue la deuxième puissance industrielle du monde. Elle l'est devenue grâce à cette étatisation des moyens de production et à leur utilisation planifiée à l'échelle de l'ensemble du pays, dont les conditions avaient été créées dans les toutes premières années révolutionnaires par l'expropriation radicale de la bourgeoisie.

L'Union soviétique a aujourd'hui des capacités productives sans commune mesure avec celles de ses débuts où tout était à créer. Elle a de tout autres possibilités pour faire face aux besoins de ses habitants. Son économie régresse pourtant, ses dirigeants crient à la catastrophe imminente et tendent la sébile vers l'Occident. Mais ce ne sont pas les mêmes dirigeants et ils n'incarnent pas les mêmes intérêts de classe.

Malgré un développement incomparablement plus rapide que celui d'aucun pays capitaliste du monde pendant plusieurs décennies, l'Union Soviétique, isolée de l'économie mondiale, ne pouvait pas "rattraper et dépasser" la plus riche et la plus puissante des nations capitalistes, principale bénéficiaire justement des relations économiques internationales impérialistes. L'idée que l'avenir de la société pouvait se décider dans une aimable compétition entre deux systèmes économiques se partageant chacun un bout de la planète ne pouvait pas effleurer les dirigeants de la révolution d'Octobre. Cette idée a surgi avec Staline, premier en date des représentants de la bureaucratie à la tête de l'État soviétique. Elle a été répétée par tous ses successeurs jusqu'à ce que le dernier en date, Gorbatchev, abandonne toute velléité, même seulement de faire de la démagogie sur le thème de la compétition, pour présenter au contraire le capitalisme comme un modèle à suivre.

Les dirigeants de la révolution d'Octobre avaient ambitionné le renversement de la société capitaliste à l'échelle du monde. Les dirigeants de la bureaucratie n'ambitionnent que la consolidation de leurs privilèges.

Pour les premiers, notamment pour Trotsky qui a observé, en dirigeant révolutionnaire qu'il était, l'évolution de l'Union soviétique jusqu'à son assassinat en 1940, le développement économique réalisé grâce à l'économie planifiée dans un pays pourtant sous-développé, isolé et très rapidement bureaucratisé, montrait les possibilités immenses de l'organisation de la société dont le prolétariat était porteur. Les succès économiques de l'URSS ne suffisaient pas à remplacer la révolution prolétarienne internationale, sûrement pas, mais ils pouvaient la favoriser, et renforcer la puissance d'attraction du régime créé par Octobre 1917 auprès du prolétariat international.

Pour les bureaucrates, les progrès économiques - dont ils s'approprièrent la paternité et tirèrent argument pour légitimer leur pouvoir - étaient un moyen d'accroître leurs privilèges. Par ses prélèvements croissants sur le revenu national, la bureaucratie n'a pas seulement privé les masses ouvrières du bénéfice des progrès de l'économie planifiée. Elle est devenue un frein formidable pour ces progrès eux-mêmes.

Expliquant les raisons du rythme de croissance de l'économie soviétique en ses débuts, Trotsky mit l'accent en particulier sur les formidables avantages que représentaient, d'une part, d'avoir débarrassé l'économie du lourd fardeau de l'entretien des classes parasitaires, bourgeoise et aristocratique ; d'autre part, d'avoir "par la suppression de principe de la propriété privée" donné à l'État "la possibilité de disposer n'importe quand, avec toute la liberté nécessaire, des moyens requis pour une période économique donnée" et enfin, l'établissement d'un plan d'État destiné à se substituer à l'anarchie de la production basée sur la propriété et les profits privés.

Mais de par son simple développement parasitaire, la bureaucratie a fini par annihiler pratiquement le premier avantage et miner gravement les autres.

Il est pour ainsi dire impossible d'estimer le fardeau que représente pour la société soviétique, depuis plusieurs décennies, l'entretien de cette caste de parasites qui a fini par se substituer à la bourgeoisie et à la bureaucratie tsariste dont la révolution prolétarienne avait débarrassé la société. La bureaucratie soviétique est bien moins portée encore à recenser et à rendre publics ses privilèges que ne l'est la bourgeoisie pour ses profits. Mais sous l'angle des prélèvements, en tout cas, le coût social de l'entretien de la bureaucratie est certainement comparable à celui de la bourgeoisie.

Reste le fait que, contrairement aux privilèges de la bourgeoisie, enracinés dans la propriété et l'appropriation privées, et donc inséparables de la concurrence et de l'anarchie capitaliste, les privilèges de la bureaucratie stalinienne ont émergé en parasitant l'industrie étatisée et l'économie planifiée, c'est-à-dire sur la base de celles-ci. Mais depuis leur émergence, la bureaucratie et sa gestion ont été des facteurs de désorganisation au sein de l'économie planifiée. Par l'opacité que la bureaucratie introduit dans la gestion de l'économie pour dissimuler les sources honteuses de ses privilèges, alors qu'au contraire l'économie planifiée exige la clarté. Par le refus de tout contrôle par en bas, alors que l'absence de ce contrôle conduit à des aberrations monstrueuses, dans une économie qui prétend adapter la production aux besoins réels (et non pas les seuls besoins solvables, comme l'économie capitaliste). Par le fait que les choix économiques des gestionnaires bureaucratiques sont inspirés par les intérêts de leur caste et non pas par ceux de la société, quand ils n'ont pas été inspirés, dans le passé, par les lubies du dictateur en place. Par les conséquences économiques des aspects politiques de la domination de la bureaucratie : le coût de l'immense appareil de répression à l'intérieur, le coût de l'appareil militaire, seul chargé de la défense de l'URSS depuis ces temps lointains où la bureaucratie a abandonné jusqu'à l'idée de chercher la préservation de la sécurité de l'URSS par la mobilisation révolutionnaire du prolétariat international.

Le fait que malgré ce parasitisme, malgré ce gâchis, l'économie soviétique se soit développée à un rythme de croissance plus rapide qu'aucun autre pays capitaliste jusqu'au début des années soixante-dix encore, est l'expression de la formidable résistance de l'économie planifiée à ses saboteurs.

La bureaucratie et la perestroïka

En cette sixième année du gorbatchévisme et cinquième année de la perestroïka, la grande différence avec le passé c'est que la bureaucratie ne se contente pas de saboter la planification dans les faits, tout en la glorifiant en paroles, mais rejette sur l'étatisation, sur la planification, toutes les tares de sa propre gestion de l'économie, et annonce son intention de "désétatiser".

Jeter par dessus bord la planification, oralement sinon de fait, a le double avantage pour les bureaucrates de leur permettre de se blanchir du passé et en même temps de préparer l'avenir.

Mais quel avenir ?

Au temps de Staline, puis de Khrouchtchev, puis de Brejnev, les bureaucrates se contentaient de profiter de leurs positions de "responsables" dans l'appareil d'État, à la direction des entreprises industrielles et commerciales, des kolkhozes pour s'assurer des privilèges. Mais pour ce qui est de leurs intérêts généraux, de leurs intérêts politiques, ils s'en remettaient à la direction du parti, voire à la personne du dictateur du moment.

La crise du pouvoir déclenchée à partir de l'arrivée de Gorbatchev au pouvoir, fait qu'il n'y a plus personne pour trancher. Une des raisons de la durée et de l'aggravation de la crise du pouvoir est d'ailleurs fondamentalement que la bureaucratie n'accepte plus, pour l'instant, qu'un dictateur issu de ses rangs ait le pouvoir de trancher et que les bureaucrates s'expriment, largement, contradictoirement, dans une cacophonie totale dont se dégagent cependant les grandes aspirations de la bureaucratie.

Le trait dominant de ce qui se passe, disons depuis trois ans que les bouches s'ouvrent, que paraissent des journaux exprimant des points de vue contradictoires, que l'effervescence politique s'installe et de nouveaux partis se fondent, est que la seule couche qui s'exprime vraiment est la couche des privilégiés. Une couche privilégiée, composée pour l'essentiel de bureaucrates, telle qu'elle s'est élargie dans les années de consolidation de l'après-guerre, telle qu'elle s'est liée d'abord à la petite bourgeoisie, écrivains, scientifiques ou économistes de renom, médecins, acteurs, sportifs d'élite, telle qu'elle s'est liée, aussi, surtout dans les années brejnéviennes, à la petite bourgeoisie affairiste apparue à l'ombre de l'économie étatisée.

C'est la bureaucratie qui inspire l'évolution en cours, en fonction de l'idée qu'elle se fait de ses intérêts. Oh, pas par décision de ses sommets politiques !

Il serait hasardeux de juger de ce que veut et fait la bureaucratie en observant simplement les zigzags de sa direction politique. En moins d'une année, la politique de Gorbatchev a été marquée, sur un fond d'impuissance croissante, par des tournants verbaux, au gré de la recherche d'alliés pour conserver ce qui lui restait encore de pouvoir. Il y a neuf mois, on en était au plan Chataline proposant la marche forcée en 500 jours vers l'économie de marché. Puis le tournant d'octobre : Gorbatchev parle moins d'économie de marché, plus de respect du plan ; il parle moins du modèle occidental et plus des vertus du KGB.

Cette période de durcissement de langage de Gorbatchev a été marquée par le caractère ouvert et violent de la rivalité qui l'opposait à Eltsine et aux courants dits "réformateurs" des partisans ouverts d'un retour rapide au capitalisme.

Puis en avril 1991, Gorbatchev et Eltsine procédèrent à une spectaculaire réconciliation. Gorbatchev annonça devant le Soviet Suprême fédéral : "Nous voulons avancer rapidement vers la désétatisation et la privatisation, avant tout dans la sphère du commerce et des services". Ces changements, ces volte-face au sommet ne sont qu'indirectement l'expression de ce qui se passe dans les profondeurs mêmes de la bureaucratie, ils reflètent surtout le caractère mouvant des rapports de forces au sommet.

Quant aux intellectuels, aux idéologues qui se font les porte-parole - reconnus ou pas, mais c'est une autre question - des couches privilégiées, ils sont aujourd'hui quasi unanimement partisans du retour au capitalisme. Au-delà de l'expression d'une volonté politique, c'est l'expression d'un fait social bien plus profond et plus ancien que la perestroïka : à savoir que la bureaucratie n'a pas de projet propre pour la société, n'a pas de perspective propre, ni en économie ni dans aucun autre domaine, qu'elle est un accident historique dans l'affrontement des deux classes sociales fondamentales de notre époque, la bourgeoisie et le prolétariat. Née de la dégénérescence de la révolution prolétarienne, la bureaucratie s'est approprié à son propre usage l'organisation économique créée par la révolution, tout en prétendant, aussi, en incarner les perspectives communistes. Mais, caste privilégiée, ses aspirations véritables la tirent, depuis ses origines, vers la classe privilégiée dominante de notre époque, la bourgeoisie, et vers la propriété privée qui fonde les privilèges de cette dernière.

Cette bureaucratie qui, pendant plusieurs décennies, reprenait les mots, les termes du communisme, et parlait "prolétaire", débarrassée aujourd'hui, à tort ou à raison, de la crainte du prolétariat, débarrassée en conséquence de la nécessité de la langue de bois, débarrassée aussi du contrôle du sommet qui imposait sa façon de parler et son inertie, la bureaucratie parle aujourd'hui "bourgeois". Le naturel trop longtemps étouffé par sa propre dictature revient au galop.

L'étape gentiment démocratique bien qu'ouvertement pro-occidentale, version Sakharov, est aujourd'hui dépassée. Les idées qui s'expriment dans la bureaucratie et l'intelligentsia évoluent à grande vitesse vers la droite, voire l'extrême droite.

Il ne s'agit pas seulement de la bureaucratie russe, de l'admiration de tant de ses représentants en vue pour Pinochet ou pour le régime de la Corée du Sud, du foisonnement de cercles encore plus ou moins marginaux mais qui détaillent avec complaisance les "vertus" du passé monarchiste ou encore du mysticisme religieux qui revient au galop, y compris dans les sphères dirigeantes. Il s'agit aussi de la forme réactionnaire, voire fascisante, qui est donnée par les dirigeants nationalistes à l'expression des aspirations nationalistes des peuples non-russes. Car si, pour ne citer que cet exemple, Gamsakhourdia, nouveau président de la République de Géorgie, dénoncé comme fascisant par l'intelligentsia géorgienne anti-communiste elle-même, a été lui même un dissident, fils de menchevik et opposé, comme son père, au régime de l'Union Soviétique, son état-major, les hommes qui l'entourent, sont d'anciens bureaucrates ou bureaucrates encore, comme cet ancien chef du KGB géorgien reconduit par Gamsakhourdia comme chef de sa police.

Voilà pour ce qui est des idées politiques.

Pour ce qui est des idées économiques, les porte-parole, patentés ou non, de la bureaucratie, n'en sont plus à la réforme de l'économie socialiste. Les plus "radicaux" des économistes dits réformateurs font de la surenchère pour défendre l'idée d'un capitalisme débarrassé de tout étatisme, tel que même un social-démocrate occidental n'oserait la formuler, et ce n'est pas peu dire.

Mais au-delà des mots et des aspirations, c'est encore la bureaucratie qui domine l'économie et la société - et la domine en tant que bureaucratie. Ce ne sont pas seulement des bureaucrates (staliniens orthodoxes s'il en reste, gorbatchéviens, réformateurs, nationalistes, voire tsaristes) qui dominent l'armée, la police, l'administration d'État, mais ce sont des bureaucrates qui dominent encore les entreprises industrielles, les kolkhozes et l'essentiel de l'économie, bien que sous leur protection et avec leur aide apparaisse une nouvelle bourgeoisie, issue de leurs rangs voire de leurs propres familles, qui occupe de plus en plus vite les créneaux non occupés par l'économie étatique, quand elle ne tente pas de détacher des lambeaux de celle-ci, pour en assurer la gestion et s'approprier les profits.

A en juger donc par les dirigeants politiques et par leur idéologie, on peut penser que l'écrasante majorité de cette caste de bureaucrates, ou en tout cas de ses couches supérieures, l'écrasante majorité de ces quelque cinq cent mille, un million, deux millions d'individus qui décident, qui contrôlent, qui tranchent, a les yeux tournés vers le capitalisme et vers l'économie de marché.

Mais comment y arriver ?

Les bureaucrates, tout en présentant le retour de la propriété privée et du capitalisme comme la seule issue, se comportent encore en bureaucrates habitués surtout à tirer leurs privilèges en se servant de l'appareil d'État. Il est significatif que les combats les plus acharnés au sein de la bureaucratie qui opposent les coteries bureaucratiques les unes aux autres, se déroulent pour le moment principalement autour de la mainmise sur des bouts de l'appareil d'État. Avant, c'était l'État central et la place que l'on occupait à différents niveaux de hiérarchie, qui était dispensateur de postes et de privilèges. Aujourd'hui, les différentes coteries de la bureaucratie se disputent des composantes d'un État central en dislocation et les ressources qui vont avec.

Une des raisons avancées par Gorbatchev lors de ses tournées de mendicité internationale est la nécessité de combler le budget de l'État central. Mais si l'État central se trouve en déficit, c'est parce que, l'année passée, les républiques n'ont acquitté que 39 % des contributions programmées au budget central, d'après les chiffres du bureau des statistiques de l'Union Soviétique. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'une partie de l'argent qui, avant, ne faisait que passer au niveau des bureaucraties locales, ukrainienne, moldave, azérie, etc. est aujourd'hui retenue à la source et qu'en conséquence il y a redistribution des richesses entre les différentes coteries de la bureaucratie.

Mais il n'y a pas que le budget. Dans une récente interview donnée au Monde, l'actuel président de la République ukrainienne, au demeurant bureaucrate bon teint et de vieille date, ancien idéologue même du PC ukrainien, qui prend fait et cause pour ce qu'il appelle la souveraineté de l'Ukraine, finit par donner les fondements bassement matériels de cette aspiration, enrobés bien entendu d'une bouillie nationaliste sur la culture ukrainienne, sur le passé ukrainien, etc. S'insurgeant par exemple contre la situation actuelle où, affirme-t-il, "Les entreprises ne conservent que 5 % environ des devises qu'elles ont gagnées, tout le reste est transféré à Moscou...", il exprime son souhait que "l'ensemble des devises gagnées en Ukraine demeure en Ukraine".

De façon générale, on discute plus concrètement de savoir à quelle République, c'est-à-dire à quel bout de l'appareil d'État, devront appartenir les entreprises et les mines (objet d'un des nombreux conflits entre Gorbatchev et Eltsine, dans lequel ce dernier vient d'avoir partiellement gain de cause en utilisant la récente grève des mineurs), que de leur privatisation.

Se servir de l'appareil d'État, la bureaucratie sait le faire. Gérer une économie capitaliste, c'est une autre affaire.

Sur le plan proprement économique, la bureaucratie n'en est pas encore vraiment à la privatisation, mais à la tentative de démolir l'économie planifiée.

Les dirigeants de l'appareil central hésitent à prendre des mesures définitives. La privatisation des entreprises, voire le rétablissement de la propriété privée de la terre, sont omniprésents dans des discours, mais pour l'instant restent lettre morte même dans les domaines où des décisions de principe ont été prises.

L'économie continue à fonctionner, de plus en plus mal sans doute, mais à fonctionner quand même, suivant son organisation antérieure, sur la base des liens économiques établis entre les entreprises par le plan. Les affairistes soviétiques, aussi bien que les capitalistes occidentaux, se heurtent toujours au fait que, pour toutes les décisions économiques importantes, il faut en passer par l'autorisation des ministères établis à Moscou ou du Gosplan.

Mais l'affaiblissement du pouvoir central et cette sorte de "double ou triple pouvoir" - ou, faudrait-il dire, de vide du pouvoir - qui découle de la rivalité entre les coteries bureaucratiques de l'appareil central et les coteries bureaucratiques des républiques, des régions, etc. laissent évidemment aux bureaucrates qui dirigent les entreprises de vastes possibilités d'acquérir une autonomie croissante.

La montée de l'affairisme dans les interstices de l'économie étatique, déjà existante sous Brejnev, prend des proportions croissantes.

Les initiatives privées viennent pour une part de ces fameuses mafias économiques qui ne font que poursuivre plus ouvertement ce qu'elles faisaient déjà sous Brejnev. Ces mafias elles-mêmes, qui avaient un pied dans la petite bourgeoisie d'affaire, indépendante de l'économie d'État, avaient l'autre pied déjà dans la bureaucratie. Un certain nombre de bureaucrates, liés à cette bourgeoisie affairiste, se sont déjà lancés dans la course pour s'approprier des entreprises d'État. Mais il s'agit en général encore de tentatives honteuses, hésitantes, consistant par exemple à prendre en bail telle ou telle activité rentable d'une entreprise d'État, ou encore à créer, sous l'égide des directeurs d'entreprises d'État, des "coopératives" privées qui font affaire avec l'entreprise d'État, au détriment de cette dernière bien entendu, quand elles n'en pillent pas ouvertement les stocks ou n'en utilisent pas, gratuitement, les machines et les équipements. Cet affairisme est marqué à la fois par une grande avidité et un cynisme de nouveau riche, mais aussi, contradictoirement, par une absence de confiance dans les lendemains capitalistes, et par beaucoup d'hésitation dans les formes. Un journaliste du Monde rapporte par exemple que "le mot coopérative, symbole des débuts de la perestroïka, est en train d'être banni du vocabulaire de nombreux hommes d'affaires... souvent associés au trafic et à l'économie de l'ombre, victimes de campagnes de presse dénonçant leur manque de moralité. Les coopératives aujourd'hui ont mauvaise réputation. L'argent s'exhibe dans quelques restaurants de luxe, mais se cache aussi beaucoup". En somme, les bureaucrates du secteur économique font un peu comme les bureaucrates de l'appareil politique : ils tournent autour du secteur étatisé en essayant de s'en approprier le maximum, mais sans vraiment oser, pour l'instant, faire le saut.

Ce que Iavlinski lui-même, co-auteur du plan Chataline, et conseiller de Boris Eltsine, formule avec une certaine amertume : le processus en cours "n'est pas tant celui de la privatisation que celui du bradage de la propriété d'État". Et Petrakov, autre rédacteur du plan Chataline, de déplorer : "Pour le moment, ce qui se fait, c'est la destruction du marché".

En somme, ce à quoi la bureaucratie se livrait, depuis cinq décennies, à titre collectif, c'est-à-dire piller l'économie étatisée, chaque bureaucrate en position de le faire, s'y adonne aujourd'hui pour son propre compte. Cela ne rétablit pas la propriété privée, mais cela fait reculer la production, cela détourne ce qui est produit vers cette seule forme de marché que l'évolution en cours généralise : le marché noir avec ses prix exorbitants pour la classe ouvrière.

Des perspectives pour la classe ouvrière

La bourgeoisie internationale a ses raisons de considérer que les choses vont trop lentement en Union Soviétique, et ce sont, de son point de vue de classe, de bonnes raisons. La contre-révolution sociale, tant annoncée par les chefs de la bureaucratie, consistant dans la liquidation définitive de la propriété étatique au profit de la propriété privée et la liquidation définitive de l'économie planifiée au profit de l'économie capitaliste, tarde à entrer dans les faits. La lutte engagée dans cette perspective par la bureaucratie est loin d'être arrivée à son achèvement.

Mais la classe ouvrière a d'ores et déjà perdu beaucoup de terrain. Sa part dans le revenu national a baissé depuis le début de la perestroïka. Par les augmentations récemment intervenues des produits d'État. Par le fait que, les marchandises dans les magasins d'État s'étant raréfiées, ce sont désormais les prix du marché noir qui comptent principalement (or, ces prix sont prohibitifs). Par les licenciements qui ont déjà commencé à intervenir.

Il y a eu des réactions défensives de la classe ouvrière contre tout cela. La récente grande grève des mineurs, comme la grève générale des travailleurs de Biélorussie, en réponse à la provocante hausse générale des prix entrée en vigueur le 2 avril dernier, ne sont pas des exceptions.

Mais le problème n'est pas seulement là. La classe ouvrière se trouve politiquement désarmée devant la contre-révolution engagée par la bureaucratie. Elle a été abusée, en particulier par le fait que les fractions de la bureaucratie les plus décidées à rétablir le capitalisme ont prétendu mener leur combat au nom de la démocratisation, au nom de la lutte contre la corruption et contre toutes les tares de la gestion bureaucratique de l'économie. Eltsine est aujourd'hui probablement l'homme politique le plus populaire y compris dans la classe ouvrière parce que, en bon démagogue, il a su se faire le champion - purement verbal - de ces causes qui la touchent. Mais les intérêts de classe que ces gens-là défendent se trouvent aux antipodes des intérêts de classe de la classe ouvrière.

La classe ouvrière est aussi abusée par le fait que les directions surgies de ses rangs, notamment à l'occasion des luttes en cours, se font les porte-parole des courants politiques comme celui incarné par Eltsine. La grève des mineurs, illustration de la capacité de réaction des travailleurs, est en même temps significative des limites politiques que ces directions surgies du mouvement lui imposent. Les dirigeants des comités centraux de grève du Kouzbass par exemple, sont pour la plupart partisans d'Eltsine, et certains d'entre eux avaient même participé auparavant à la rédaction du plan de Chataline visant au rétablissement du capitalisme en 500 jours.

Sur le plan politique, ces gens-là se revendiquent au mieux de la social-démocratie. Une récente interview publiée dans Inprecor d'Alexandre Serguéiev, membre du Conseil de coordination interrégional des comités de grève et vice-président du syndicat indépendant des mineurs, est significative de la politique proposée à la classe ouvrière soviétique par ses dirigeants du moment. Ce qui apparaît le plus dans cette interview, c'est une absence totale de politique pour la classe ouvrière. Tout au long de son interview, Serguéiev reproche surtout aux autorités leur indécision et lorsqu'il va plus loin, lorsqu'il constate qu'"aujourd'hui on assiste à une lutte entre les boyards communistes et la nouvelle bourgeoisie", c'est pour en tirer la conclusion que "pour le mouvement ouvrier il est plus juste aujourd'hui d'appuyer cette bourgeoisie car pendant 70 ans l'idée communiste selon laquelle tout appartient à tout le monde a montré qu'elle n'était pas valable". Ou encore "dans la lutte entre les communistes et la bourgeoisie, nous appuyons tout naturellement cette dernière parce que l'idée orthodoxe et vague des communistes sur les lendemains qui chantent ne se fonde ni sur la réalité, ni sur les forces concrètes".

De pareilles assertions reflètent peut-être un sentiment répandu dans la classe ouvrière, et de ce point de vue peuvent tout à fait s'expliquer par des décennies d'oppression stalinienne présentée comme le communisme.

Mais les gens qui se meuvent dans le cercle qui dirige les combats de la classe ouvrière dans une période où la classe ouvrière elle même n'est ni consciente ni vraiment très combative, ne se meuvent pas dans le vide. Ils sont surtout liés à ce courant dit "réformateur", c'est-à-dire aux membres de la bureaucratie et de la petite bourgeoisie qui militent pour le rétablissement le plus rapide du capitalisme, et qui a trouvé en Eltsine son porte-drapeau. Et ces gens-là ne se contentent pas de refléter (à supposer qu'ils la reflètent) l'opinion de la classe ouvrière, ils la façonnent surtout, et la façonnent dans un sens bourgeois.

Le rétablissement du capitalisme représenterait un recul considérable pour la classe ouvrière.

Il y a cependant des réactions empiriques de travailleurs, y compris sur ce terrain. C'est la lenteur et les hésitations avec lesquelles la bureaucratie s'engage dans la contre-révolution qui font elles-mêmes mûrir les consciences.

C'est ainsi par exemple que les travailleurs de la grande usine automobile Vaz ont violemment réagi contre une tentative de privatisation de leur entreprise, simplement parce qu'ils avaient devant les yeux l'exemple de l'usine de camions Kamaz, du sud de la Russie, qui fut donnée en bail quelque temps auparavant et où cette demi-privatisation s'est traduite par le licenciement d'un quart des effectifs.

De la même manière, une grève des ouvriers des usines de la Baltique de Leningrad a répondu à une tentative de mise en location de leur entreprise, dont tout le monde savait qu'elle devait déboucher sur la privatisation. Dans la même ville de Leningrad encore, à l'usine Kirov, la plus grande de la ville, dont les travailleurs ont accueilli avec sympathie la venue d'Eltsine dans leur entreprise et écouté également avec sympathie ses discours sur le retour à l'économie de marché comme susceptible de sortir l'URSS de l'ornière, des ouvriers ont également réagi par la grève à une proposition de privatisation avancée par la direction en application pourtant des idées développées par Eltsine.

Des réactions de ce type, on peut supposer qu'il y en a et qu'il y en aura d'autres. Car la désétatisation des quelques entreprises où cela s'est produit s'est traduite partout par des licenciements au nom de la rentabilité. Ce n'est pas un raisonnement politique ou économique, mais ce sont ces expériences concrètes qui dessillent les yeux des travailleurs et qui les rendent méfiants devant ce que leur proposent les courants politiques pro-bourgeois de la bureaucratie.

Et puis il y a aussi l'exemple des pays de l'Est : les travailleurs soviétiques qui, il y a deux ans, ont vu surtout la chute du mur de Berlin et les espoirs de démocratie, voient aujourd'hui également que le retour à la propriété privée n'a pas apporté le bonheur à la classe ouvrière de ces pays.

Mais toutes ces réactions sont encore sporadiques. Elles témoignent seulement du fait qu'une organisation révolutionnaire prolétarienne qui, au nom de la lutte contre la tentative de la bureaucratie de rétablir le capitalisme, engagerait des luttes politiques concrètes contre les exemples concrets où les directeurs d'entreprises tentent de s'approprier l'entreprise, ou encore la pillent par l'intermédiaire d'une coopérative privée créée par eux, pourrait trouver un écho dans la classe ouvrière.

Mais il faudrait que ces luttes s'inscrivent dans une perspective politique plus vaste, correspondant aux intérêts de classe des travailleurs, qu'elles ne restent pas de simples coups de colère isolés même allant dans le bon sens. Car lorsque, par exemple, dans telle entreprise, les ouvriers se mettent en mouvement et parviennent à mettre à la porte le directeur de l'entreprise qui, à l'intérieur même de celle-ci, avait organisé une coopérative privée faisant travailler un nombre croissant d'ouvriers et un nombre croissant de machines pour son propre compte, cela va bien entendu dans le bon sens. Mais si des réactions de ce genre restent isolées, coupées les unes des autres, sans un objectif plus vaste, elles peuvent ne constituer, du point de vue des bureaucrates, que les faux frais d'une période de transition.

La bureaucratie a raison, à sa façon, en posant le problème tel qu'elle le pose aujourd'hui. L'ancien état de chose est mort et l'alternative se présente ainsi : ou le retour au capitalisme, le pouvoir de la bourgeoisie sur la société, ou au contraire un renouveau révolutionnaire dans le prolétariat qui disputerait, contre les perspectives bourgeoises, le pouvoir à la bureaucratie.

Mais tout le problème est là. Pour l'instant les principales forces politiques qui s'adressent à la classe ouvrière s'adressent à elle au nom du rétablissement du capitalisme. Et celles qui ne le font pas, ou pas clairement, se revendiquent du système de gestion bureaucratique dont les travailleurs ne veulent pas.

La combativité même dont commencent à faire preuve les travailleurs soviétiques met encore plus en relief le caractère dramatique de l'absence d'une organisation révolutionnaire de classe, susceptible d'offrir à la classe ouvrière une perspective. Faute de perspective propre, la combativité des travailleurs et leur colère contre Gorbatchev, qui incarne le pouvoir de la bureaucratie, se trouve canalisée à leur profit par les partisans d'Eltsine, c'est-à-dire au profit de la politique bourgeoise d'une fraction de la bureaucratie.

C'est bien pourquoi le devoir de tout courant révolutionnaire, de tout militant révolutionnaire, serait, dans les conditions actuelles de l'URSS, tout en combattant le pouvoir central incarné par Gorbatchev, de s'opposer le plus vigoureusement au courant dit "réformateur" qui essaie de se servir des phrases creuses sur la démocratie pour se subordonner le mouvement ouvrier renaissant.

A quel point le soutien qu'Eltsine escompte du mouvement ouvrier ne l'engage à rien vis-à-vis des travailleurs, il vient d'en fournir la démonstration en prenant position contre les grèves. Y compris contre cette grève des mineurs dirigée dans une large mesure par des hommes qui se réclamaient de lui.

A quel point ces pseudo-démocrates ne se servent de la phraséologie démocratique que pour faire passer leur marchandise capitaliste, nombre de "réformateurs" le montrent aujourd'hui, en rêvant tout haut d'un régime autoritaire, à condition qu'il soit plus efficace pour imposer le retour au capitalisme que l'anarchie bureaucratique actuelle.

Le courant incarné par Eltsine, s'il parvient à ses fins, ne ramènera pas la démocratie, mais le capitalisme. C'est-à-dire la désétatisation, les licenciements, l'accroissement des inégalités sociales, l'appropriation des entreprises d'État par des margoulins, issus de la bureaucratie ou non, la dégradation des conditions d'existence des travailleurs et, probablement, la mainmise du capital impérialiste sur les secteurs les plus rentables de l'économie, pendant que les autres seraient condamnés à végéter ou à couler face à la concurrence.

Il faudrait opposer au "démocratisme" des libéraux pro-bourgeois, la démocratie des conseils ouvriers.

Il faudrait opposer aux tentatives des bureaucrates de rétablir la propriété privée à leur profit, la défense, la mise sous le contrôle démocratique des masses laborieuses, de la propriété collective.

De la même façon, tout courant, tout militant révolutionnaire devrait s'opposer vigoureusement aux courants nationalistes bourgeois des républiques qui non seulement ne libèrent pas la classe ouvrière de l'oppression sociale, mais ne libèrent même pas les peuples de l'oppression nationale (quand ils n'imposent pas aux minorités une oppression plus féroce encore).

Opposer au nationalisme bourgeois l'unité de la classe ouvrière dans son combat pour renverser le pouvoir de la bureaucratie, condition indispensable pour créer des rapports démocratiques, seuls capables d'assurer à chaque peuple, sans exclusive, le droit plein et entier à disposer de lui-même, jusques et y compris l'indépendance politique.

Le seul moyen d'éviter que le chaos croissant actuel tourne à la catastrophe, c'est l'intervention consciente de la classe ouvrière, ce qui suppose que la crise des couches dominantes favorise la naissance d'une organisation prolétarienne révolutionnaire.

Cette organisation révolutionnaire devra évidemment proposer un programme de revendications immédiates pour la classe ouvrière, pour la préservation de ses conditions d'existence contre les hausses de prix et contre la menace du chômage. Elle devra aussi proposer aux travailleurs de réagir à toute tentative d'appropriation, sous quelque forme que ce soit, des entreprises d'État.

Mais elle devra surtout faire en sorte que, au travers de ce type de lutte, la classe ouvrière prenne conscience qu'elle a intérêt à ne pas laisser le champ libre aux bureaucrates en train de démolir l'économie soviétique, mais au contraire à prendre, elle, la direction de cette économie et à la gérer dans l'intérêt collectif.

Il ne faut pas laisser la bureaucratie parachever la démolition de l'économie étatisée en rétablissant la propriété privée. C'est sur la base de cette économie étatisée, mais en réorganisant le plan en fonction des besoins des classes laborieuses et en le plaçant sous leur contrôle que la classe ouvrière pourrait arrêter le déclin vers lequel la bureaucratie pousse l'URSS. C'est sur la base de l'économie étatisée, démocratiquement contrôlée par la classe ouvrière, qu'au lieu d'être le repoussoir en lequel l'a transformée l'oppression bureaucratique, l'URSS pourrait redevenir l'exemple qu'elle fut, grâce à la révolution prolétarienne de 1917, pour la classe ouvrière internationale.

Au travers de la lutte pour préserver ce qui reste encore de l'économie collective contre l'appropriation des bureaucrates, la classe ouvrière soviétique devra, aussi, prendre conscience du fait qu'elle n'a pas intérêt à s'arrêter à mi-chemin, qu'elle doit renverser le pouvoir de la bureaucratie, prendre et exercer elle-même le pouvoir au travers de ses conseils ouvriers, ses soviets démolis naguère par le stalinisme montant. La classe ouvrière n'a pas d'autre voie pour conjurer la menace de catastrophe économique.