L’article ci-dessous a été écrit avant la journée du vendredi 27 octobre, au cours de laquelle de nouveaux pas ont été franchis dans la rupture entre le gouvernement de la Catalogne et l’État espagnol en place à Madrid. Le gouvernement et le Parlement catalans ont proclamé l’indépendance immédiate et la mise en place d’une république catalane. Quelques heures plus tard, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a annoncé la mise sous tutelle de la Catalogne jusqu’à de nouvelles élections, le 21 décembre prochain. Nous reviendrons sur ces événements dans notre hebdomadaire Lutte ouvrière et dans un prochain numéro de Lutte de classe. Samedi 28 octobre.
Le conflit qui se noue en Catalogne depuis des années entre l’appareil d’État central et le camp nationaliste catalan s’est transformé ces dernières semaines en confrontation ouverte. Les autorités catalanes, dirigées par le nationaliste Carles Puigdemont, ont organisé, le 1er octobre dernier, un référendum d’indépendance, déclaré illégal par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy, le leader du Parti populaire. Rajoy n’a rien cédé aux revendications des autorités catalanes. Il a voulu faire la démonstration qu’il resterait inflexible, bloquant des bureaux de vote, usant de la justice, de la police et de ses matraques pour contrer les initiatives des indépendantistes, pour perquisitionner leurs locaux, arrêter certains de leurs leaders, les accusant de sédition. Le scrutin a quand même eu lieu. La participation a été de 43 % ; et 90 % des votants ont voté pour l’indépendance. Le camp nationaliste catalan, regroupé derrière le politicien de droite Carles Puigdemont, a tenté, au nom du droit à l’autodétermination, de s’appuyer sur la mobilisation de ses troupes pour imposer les intérêts de ceux qu’ils représentent, essentiellement la petite et moyenne bourgeoisie catalane. Pour l’instant, Puigdemont a été contraint de reculer face à Madrid, reportant de fait l’échéance de l’indépendance. Et le gouvernement a enclenché le processus de dissolution de l’autonomie catalane au moyen de l’article 155 de la Constitution. Les nationalistes catalans parviendront-ils, après la mise sous la tutelle de Madrid, à négocier avec l’État central plus d’autonomie, ce qui satisferait sans doute une partie de leur base ? C’est possible, tant Rajoy et Puigdemont sont en fait dans le même camp social.
Mais rien ne permet de prévoir l’issue de cette crise dont les conséquences sont déjà lourdes pour les classes populaires. À l’heure où nous écrivons, la principale est la progression du nationalisme, polarisant les populations en deux camps qui se rangent derrière des politiciens et des partis aussi réactionnaires et aussi antiouvriers les uns que les autres. Nous revenons ici sur les origines et les enjeux de cette crise.
Un conflit ancien
Au 19e siècle, le nationalisme catalan exprimait la montée en puissance de la bourgeoisie de la province face aux vieilles classes féodales et à la monarchie des Bourbons, qui régnait à Madrid et sur toute l’Espagne. Durant la dictature de Franco (1936/1939 à 1975), les Catalans étaient bâillonnés, dans leurs droits les plus élémentaires, comme le reste des Espagnols. Leur droit à parler catalan était réprimé et la fin du franquisme a signifié plus de libertés, comme dans les autres régions. Cela n’a pas empêché les particularismes régionaux de perdurer. L’État espagnol a d’ailleurs intégré cette dimension en 1978, après la période dite de transition qui a suivi la mort de Franco. Un régime monarchique s’appuyant sur des institutions élues, les unes à l’échelle du pays, d’autres à l’échelle des régions, a été institué. Cette transition n’a pas abouti à un État homogène et centralisé, comme par exemple celui qui s’est établi en France après la Révolution. L’État espagnol est resté organisé autour d’un système monarchique dominant les communautés autonomes, dont le statut et les compétences ont été négociées avec l’État central, ce dernier se gardant la possibilité d’avoir le dernier mot en cas de différend. Ces communautés autonomes ont permis de satisfaire un certain nombre de revendications autonomistes, d’abord en Catalogne, au Pays basque et en Galice, qualifiés dans la Constitution de « nationalités historiques ». Nombre de politiciens locaux y ont trouvé leur compte. Ils disposent ainsi d’une parcelle de pouvoir, de postes, de responsabilités et d’un budget. Leurs homologues dans les autres régions d’Espagne ont demandé à leur tour de pouvoir bénéficier de la même répartition des compétences et des postes.
Mais la répartition des compétences et des prérogatives entre l’État central et les communautés autonomes suppose des choix. Parmi les compétences qui provoquent des tensions, figure la fiscalité. Sur ce plan, les communautés ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Ainsi, le Pays basque et la Navarre disposent, après d’âpres luttes, d’une autonomie fiscale complète, les autorisant à collecter l’ensemble des impôts sur leur territoire, avant d’en reverser une partie à l’État central. Ce n’est pas le cas de la Catalogne qui, comme d’autres communautés, est soumise à un régime fiscal plus dépendant de Madrid. Depuis la loi sur l’autonomie fiscale de 2009, l’État central permet à toutes les communautés de prélever certains impôts. Mais les plus importants, comme la TVA, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les hydrocarbures, restent prélevés par l’État central qui les redistribue aux communautés, selon des décisions prises à Madrid.
Tournée vers l’Europe, la Catalogne est devenue la région la plus riche d’Espagne. Avec 7,5 millions d’habitants, elle regroupe aujourd’hui 16 % de la population du pays, produit 19 % du PIB, regroupe 22 % de son industrie et réalise 25 % de ses exportations. Le système fiscal fait que la Catalogne est un contributeur net vis-à-vis du reste de l’Espagne : les impôts prélevés en Catalogne sont bien supérieurs aux sommes reversées par l’État central dans la région, de 8 à 15 milliards selon les estimations, ce qui constitue le cœur des revendications d’une partie de la mouvance indépendantiste. Ainsi le Cecot, une organisation patronale à la pointe du combat pour l’indépendance, répète depuis des mois que la Catalogne est flouée en matière d’infrastructures et d’investissements car c’est Madrid qui perçoit l’impôt des Catalans et qui en définit l’utilisation et la destination. En ces temps de crise, toute une partie de la petite ou moyenne bourgeoisie catalane ne veut plus partager avec le reste de l’Espagne, estimant que cet argent doit lui revenir.
Des tensions aggravées depuis 2008 et la crise économique
Depuis 2006, les politiciens catalans tentent de renégocier la fiscalité avec Madrid. Il y a dix ans, ils semblaient proches du but. En 2006, le socialiste Zapatero, chef du gouvernement de 2004 à 2011, prévoyait entre autres une certaine prévalence du pouvoir judiciaire catalan, de la langue catalane et surtout une répartition des impôts plus favorable à la Catalogne. Ce statut, promis aux nationalistes et soutenu par l’ensemble des partis catalanistes, fut immédiatement contesté par la droite espagnole et, en 2010, il fut annulé, déclaré anticonstitutionnel.
En outre, le conflit entre la Catalogne et l’État espagnol s’est aggravé avec la crise économique qui s’est développée depuis 2008. La crise avait provoqué d’amples manifestations contre les coupes budgétaires, suivies en 2011 par le mouvement du 15M, dit des Indignés (Indignados), qui ont organisé plusieurs vagues de mobilisations. La crise économique a constitué un terreau sur lequel le nationalisme a progressé.
En 2012, Artur Mas, président du gouvernement régional de Catalogne, la Généralité, de 2010 à 2016, prédécesseur de Puigdemont et appartenant au même parti bourgeois, Convergence démocratique de Catalogne (CDC), tenta de négocier un nouveau pacte fiscal. Sa proposition de négociations fut rejetée sans discussion par le gouvernement qui, avec la crise, pouvait d’autant moins se passer de l’argent collecté en Catalogne. Et lâcher quelques milliards à Barcelone en lui concédant plus d’autonomie risquait d’entraîner d’autres régions à exprimer les mêmes exigences, minant un peu plus l’unité du pays. Les refus répétés par l’État central de tout changement, conjugués à la crise des années 2008-2011, ont conduit de plus en plus de Catalans à penser que rien ne pouvait évoluer dans le cadre de l’autonomie des communautés et qu’il leur était plus favorable de prendre des distances avec le reste de l’Espagne, en se repliant sur leur riche région. Le 11 septembre 2012, la fête traditionnelle de la Catalogne (Diada) fut marquée par d’importants défilés à Barcelone qui rassemblèrent des centaines de milliers de manifestants revendiquant l’indépendance. Mesuré dans les sondages réalisés par la Généralité catalane, le soutien des Catalans à l’indépendance est passé de 15 % en 2006 à près de 50 % en 2014.
En 2012, les partis autonomistes en Catalogne ont basculé vers le séparatisme et le souverainisme, d’abord en réclamant l’organisation d’un référendum d’autodétermination, puis avec la revendication d’une république catalane. CDC, le parti d’Artur Mas, abandonna les partis autonomistes avec lesquels il s’alliait jusqu’alors pour se tourner vers la gauche indépendantiste. Ce revirement accompagnait l’évolution de l’opinion de sa base électorale en faveur de l’indépendantisme. Par ailleurs, en agitant la menace d’une rupture de la Catalogne avec l’Espagne, la droite catalane faisait monter les enchères vis-à-vis de Madrid.
C’est ce même Mas qui avait réprimé les manifestations du 15M en Catalogne. Il avait utilisé alors la police catalane, les Mossos, contre les mouvements des marées (maréas), comme on appelait les manifestations des différents secteurs d’activité (santé, enseignement…), qui rassemblaient des dizaines de milliers de manifestants, en Catalogne comme en Andalousie ou à Madrid. Mas avait aussi envoyé la police contre les migrants, provoquant des affrontements qui firent des morts et des blessés. C’est lui aussi qui avait privatisé certains secteurs importants et décidé de coupes budgétaires dans divers services publics. Son calcul de se porter à la tête du mouvement indépendantiste ayant réussi, il s’allia avec un parti indépendantiste de centre-gauche, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), parti qui gouverna la Catalogne républicaine en 1936.
Lors des élections au Parlement de Catalogne de septembre 2015, une coalition entre CDC, le parti de Mas-Puigdemont, et l’ERC obtint 40 % des voix. Faute de majorité, cette coalition se tourna vers la Candidature d’unité populaire (CUP), une formation électorale de différentes organisations se réclamant de la gauche radicale et de courants indépendantistes. Si la CUP est qualifiée par la presse de parti d’extrême gauche, c’est en réalité un conglomérat de différentes tendances, allant des écologistes et des contestataires à des femmes et des hommes qui s’affirment anticapitalistes. Leur plus petit dénominateur, et donc leur seul drapeau commun, était la Catalogne indépendante. La CUP accepta de soutenir la coalition gouvernementale de la droite et de la gauche nationalistes à deux conditions. La première était que Mas, dont le passé était trop compromettant, fût remplacé par Puigdemont, dont les combats en faveur de l’indépendance étaient connus de longue date. La deuxième était l’engagement par Puigdemont d’organiser un référendum sur l’indépendance et de la déclarer si le oui l’emportait. Tout cela ne changeait en rien le caractère bourgeois et bien de droite de cette coalition à laquelle la CUP se joignait.
Jugé pour corruption, trop compromis, Mas céda la place en janvier 2016 à Carles Puigdemont. Une coalition entre CDC, l’ERC et la CUP fut formée le 9 janvier 2016, avec l’indépendance pour objectif. C’est alors que Puigdemont a accédé à la présidence de la Généralité et est devenu le dirigeant de CDC, rebaptisé Parti démocrate européen catalan (PDECAT) en juillet 2016. Toute l’activité de cette majorité catalane fut désormais orientée vers l’organisation du référendum d’indépendance, qui a finalement eu lieu le 1er octobre 2017.
Le référendum accélère la crise politique
De 2012 à 2017, l’État central a fait la sourde oreille aux revendications catalanes. La droite de Rajoy au pouvoir à Madrid méprisait la droite de Mas et de Puigdemont au pouvoir à Barcelone. Pour Puigdemont, l’organisation du référendum était la seule voie possible non seulement pour se maintenir, en préservant sa coalition avec la CUP, mais surtout pour tenter de contraindre Rajoy à bouger. Pour établir un tel rapport de force, Puigdemont avait besoin d’un soutien populaire. La droite construisit pour cela des organisations de masse dans la petite bourgeoisie : l’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural. Omnium Cultural est une association créée en 1961 pour promouvoir la langue et la culture catalanes et qui compte 70 000 membres. C’est elle qui, en 2010, a rassemblé à Barcelone un million de personnes de tous bords politiques contre la décision de la Cour constitutionnelle de censurer une partie du nouveau statut d’autonomie. Quant à l’ANC forte de 40 000 adhérents, elle dispose de trois millions d’euros par an, pour faire la promotion de l’indépendance. Comme l’écrit un journaliste, « l’ANC est une institution unique en Europe, une organisation progouvernementale, populaire, qui sert de pont avec la société, capable de mobiliser et de contrôler des dizaines de milliers de personnes ».
La préparation du référendum, annoncé début septembre 2017 pour le 1er octobre, fit effectivement bouger l’État central… dans le sens du raidissement. Perquisitions, arrestations, mises en examen : le gouvernement de Rajoy utilisa tous les moyens de l’État pour discréditer cette initiative. À chaque fois, des milliers de jeunes Catalans, répondant notamment aux appels de l’ANC et d’Omnium cultural, s’opposèrent aux policiers. Le jour du référendum, des milliers d’entre eux protégèrent les bureaux de vote au prix de centaines de blessés. La violence déployée par Rajoy choqua, à juste titre, nombre de Catalans et d’Espagnols. Au final, le 1er octobre, le référendum mobilisa 43 % des 5,5 millions d’électeurs, qui votèrent à 90 % oui à l’indépendance, une mobilisation à peine supérieure cependant au référendum symbolique du 9 novembre 2014 auquel avaient participé 40 % des électeurs catalans. Le 1er octobre, la participation ne fut donc pas un succès éclatant pour le camp indépendantiste, mais elle était considérable. L’électorat indépendantiste est en partie un électorat de droite, constitué pour une bonne part d’électeurs petits-bourgeois ou des membres les mieux lotis de la classe ouvrière, mais aussi très largement par des petites gens des classes populaires, qui pensent qu’ils vivront mieux dans une Catalogne indépendante. La classe ouvrière de Catalogne est loin d’être toute acquise à l’idée de l’indépendance. Nombreux sont ceux parmi les travailleurs qui n’ont pas participé au référendum, d’autant plus que la classe ouvrière est en bonne partie composée de travailleurs originaires d’autres régions, en particulier d’Andalousie, et plus récemment d’immigrés du Maghreb.
La bourgeoisie siffle-t-elle la fin de la partie ?
Puigdemont ne s’est exprimé sur l’indépendance que dix jours après le référendum. Entre-temps, la grande bourgeoisie lui avait signifié qu’il lui fallait arrêter sur cette voie. Pendant plusieurs jours, banques et grandes entreprises présentes en Catalogne se sont succédé dans la presse pour annoncer qu’elles déménageaient leur siège social hors de Catalogne. La bourgeoisie européenne est allée dans le même sens. Le gouvernement français et d’autres gouvernements ont déclaré que la Catalogne était une affaire espagnole, signifiant ainsi leur soutien à Rajoy. Les institutions européennes ont affirmé qu’elles ne joueraient pas le rôle de médiateur que Puigdemont et les siens attendaient d’elles et ont précisé que la Catalogne indépendante se mettrait de fait hors de l’Europe.
Le gouvernement de Madrid se doit de mettre un coup d’arrêt aux ambitions séparatistes pour combattre toutes les velléités d’indépendance des autres régions d’Espagne. Et les dirigeants européens veulent contenir les tendances séparatistes des nationalistes d’autres pays, en Écosse, dans les Flandres, en Italie du Nord, qui cherchent eux aussi à prendre le large.
Quant à Rajoy, ce conflit lui a seulement permis de masquer sa corruption et sa politique antiouvrière. Il est parvenu à unir derrière lui une partie de la population. Le fait que des milliers de drapeaux espagnols soient apparus sur les balcons des quartiers populaires était impensable auparavant. En même temps que les nationalistes catalans, la droite espagnoliste et réactionnaire s’est maintenant renforcée, avec le soutien du Parti socialiste (PSOE).
Quelle politique pour les travailleurs ?
Le conflit permet opportunément aux dirigeants de l’État central et à ceux de Catalogne de masquer leur politique antiouvrière. Et du même coup de faire oublier les scandales de corruption qui gangrènent la vie politique et dans lesquels les dirigeants des deux camps sont compromis. D’un côté, Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, joue à l’homme fort et fait intervenir la police et la justice contre les Catalans ; et de l’autre, les catalanistes cherchent au travers de leurs menées indépendantistes à se maintenir en poste. Ces deux nationalismes, celui de l’Espagne et celui de Catalogne, s’alimentent l’un l’autre.
Quelle que soit l’issue de cette crise, les idées nationalistes en sont renforcées. Ce qui est une catastrophe pour la classe ouvrière, celle d’Espagne comme celle de Catalogne. Dans les familles populaires, il n’est pas rare que chacun campe sur des positions nationalistes opposées. La classe ouvrière risque d’être détournée loin de ses positions de classe, loin du combat contre les frontières, contre l’exploitation, pour l’unité des travailleurs contre leurs exploiteurs.
Il est tout à fait contraire aux intérêts de la classe ouvrière, en Catalogne comme dans le reste du pays, de se placer à la remorque des partis nationalistes et de manifester derrière la droite et la gauche gouvernementales et le patronat catalan. Les mots d’ordre de république catalane et de lutte pour l’indépendance sont des leurres. Il est inacceptable qu’ils aient été repris par l’extrême gauche regroupée autour de la CUP. En Catalogne, des révolutionnaires devraient au contraire expliquer que le sort des travailleurs ne s’améliorera pas dans un pays indépendant, même devenu république. Les travailleurs, les classes populaires auront à se défendre contre ce nouveau pouvoir comme aujourd’hui contre Rajoy. Et cela d’autant plus que le patronat et le gouvernement utiliseront l’union sacrée pour imposer aux travailleurs des sacrifices, au nom de la nouvelle nation à construire face à la concurrence. Le mot d’ordre de république catalane sera utilisé pour abaisser la conscience de classe, en cultivant la division au sein de la classe ouvrière de Catalogne, en opposant les travailleurs catalans à ceux qui viennent d’Andalousie, de Galice, d’Afrique du Nord, en cultivant la division avec la classe ouvrière du reste de l’Espagne, en laissant croire que les Catalans vivraient mieux du simple fait qu’ils seraient exploités et dirigés par des bourgeois catalans ! Le devoir des révolutionnaires est de mettre en relief des frontières de classe, de désigner sans ambiguïté les ennemis du monde du travail. Il faut dire ce qu’est ce mouvement indépendantiste : une façon de détourner les colères populaires vers une voie de garage.
Il faut dénoncer le piège de la droite et de Puigdemont et affirmer que la classe ouvrière doit lutter ensemble pour ses intérêts et qu’une république catalane aux mains des mêmes que toujours serait un régime contre les travailleurs. Appeler à voter oui au référendum de Puigdemont tournait le dos à toute politique de défense des intérêts généraux des travailleurs. Ne pas se ranger derrière les champions du catalanisme n’empêche pas les travailleurs de Catalogne de s’opposer aux brutalités de Rajoy. Mais ils doivent le faire en toute indépendance, sur un terrain de classe.
Les travailleurs conscients ne peuvent pas être solidaires de Rajoy. Ils doivent le dénoncer. Rajoy use des mêmes méthodes policières à l’encontre des Catalans qu’à l’encontre des travailleurs d’Espagne. Il utilise le nationalisme espagnol, comme Puigdemont utilise le nationalisme catalan, pour se servir des peuples comme d’une masse de manœuvre. Penser que la crise catalane va affaiblir Rajoy est une illusion et en convaincre les travailleurs est une mystification, pour ne pas dire une trahison. Quelle que soit l’issue du conflit, Rajoy pourra dire aux travailleurs qu’il faut se serrer la ceinture à cause de ces maudits Catalans. Cette crise sert à faire passer au second plan les problèmes concrets en Espagne : le chômage, les salaires. Le droit des Catalans de voter est un droit élémentaire à défendre, mais là encore sans se mettre à la remorque du séparatisme.
Cette montée du séparatisme est une des manifestations de la crise capitaliste. Les travailleurs d’Espagne, comme ceux du Royaume-Uni, de Belgique, d’Italie, où se manifestent les mêmes tendances, ne doivent pas se donner comme objectif la dislocation du pays dans lequel ils vivent et sont exploités. Il faut au contraire affirmer que l’issue aux contradictions de ce système capitaliste passe par son renversement, par l’union des travailleurs, unis par-delà les frontières actuelles au sein d’une fédération socialiste des peuples ayant exproprié la grande bourgeoisie. Dans une telle fédération, il y aurait une place pour toutes les cultures. La camelote nationaliste que colportent les Rajoy et les Puigdemont est à l’opposé d’une telle perspective.
26 octobre 2017