Les résultats LO-LCR

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Mars-Avril 2001

Résultats des listes Lutte Ouvrière

Lors du premier tour des municipales, les 128 listes métropolitaines de LO ont recueilli 4,37 % des suffrages exprimés dans les communes concernées, soit 120 347 voix (Tableau 1).

Ce résultat est en nette progression par rapport à nos scores du même type de scrutin, c'est-à-dire les élections municipales de juin 1995.

Nous pouvons faire une comparaison précise surtout dans les municipalités (49) où nous nous sommes présentés à la fois en 1995 et en 2001. Dans ces communes, nous obtenons cette année 55 515 voix et 4,31 % des suffrages exprimés, contre 39 879 voix et 2,81 % en 1995. Nos scores en pourcentage ont doublé, voire plus, dans 15 de ces villes (Tableau 2).

Nous étions présents dans 109 villes différentes, compte tenu du fait qu'à Paris, Lyon et Marseille le découpage en arrondissements ou secteurs nécessite de présenter plusieurs listes dans la même ville.

Dans la majorité de ces villes, 62 sur 109, Lutte Ouvrière réalise un score de 5 % et plus, parmi lesquelles 8 villes où ce score a dépassé 10 %.

A l'issue de ce premier tour de scrutin, nous avons obtenu 30 élu(e)s (11 sont des femmes) dans 22 villes et 15 départements différents.

Enfin, nous avons pu être présents au second tour, le 18 mars, dans 3 villes : Laon (Aisne), La Chapelle-St-Luc (Aube) et Sin-le-Noble (Nord) et nous avons obtenu, sous notre propre nom et sans fusion, 3 élus à cette occasion. Soit un total de 33 élu(e)s à l'issue des deux tours dans 25 villes et 17 départements différents.

Dans ce type d'élection, le nombre d'élus n'est pas significatif car il est presque aléatoire et ne dépend pas vraiment du nombre de voix obtenues. S'il n'y a pas de deuxième tour, il faut avoir plus de 5 % pour participer à la répartition des sièges, mais on peut avoir un siège avec 5,5 % et aucun avec 8 ou 9 %. S'il y a deux tours, il faut obligatoirement avoir obtenu plus de 10 % au premier pour avoir une chance d'avoir un élu au deuxième, à moins de fusionner sa liste avec une autre pour le deuxième tour (et il faut pour cela ne pas être gêné de renoncer à ses idées pour un strapontin).

Malgré cela, nous avons obtenu 30 élu(e)s au premier tour et 3 au second tour (sur des listes nommées LO, sans fusion avec qui que ce soit).

Résultats des listes "présentées" ou "soutenues" par la Ligue Communiste Révolutionnaire

La LCR a "présenté" ou "soutenu", selon ses termes, 91 listes, intitulées "100 % à gauche" ou "Tous ensemble à gauche" ou "A gauche autrement" ou, pour certaines, "des dénominations plus locales" selon Rouge, comme par exemple "Bagnolet plurielle" dans la Seine-Saint-Denis, toutes dénominations destinées à ne pas annoncer toutes ces listes comme des listes de la LCR mais des listes "ouvertes", pluralistes, dont la LCR n'était qu'une composante plus ou moins affichée. Une composante parfois déterminante, parfois pas, mais dont ses associés n'avaient pas à admettre toutes les idées ni même à être vraiment solidaires.

De ce point de vue, la LCR a vraiment réussi, avec cette campagne, sa première tentative d'apparition notable dans des élections locales. Elle a trouvé l'électorat qu'elle souhaitait rencontrer, grâce à son ouverture vers des milieux qui ne souhaitent pas apparaître sous une étiquette politique ou avec un programme trop proche de celui affirmé par la LCR.

Si on compte Paris, Lyon et Marseille chacune pour une seule ville, les listes "100 % à gauche" et leurs variantes étaient présentes dans 77 villes différentes. Dans la majorité de ces villes, 40, elles ont réalisé un score de 5 % et plus, parmi lesquelles 13 villes où ce score a dépassé les 10 %.

Au premier tour, la LCR a obtenu au total, avec ces 91 listes, 93 182 voix, soit 4,52 % des suffrages et 26 élu(e)s dans 18 villes et 12 départements différents, auxquels il faut ajouter les élus du second tour (voir Tableau 3).

Ces chiffres sont à comparer à ceux de Lutte Ouvrière qui obtient, rappelons-le, 120 347 voix, soit 4,37 % des suffrages exprimés.

La LCR obtient au total moins de voix que LO, ce qui est normal puisque nous avons présenté plus de listes qu'elle, mais son pourcentage de voix, là où elle s'est présentée, est au total légèrement supérieur au nôtre.

Si l'on compare les scores là où la LCR était seule, elle obtient 6,21 % des voix. Là où LO est seule elle obtient 5,37 % des voix.

Là où LO et la LCR se présentent simultanément, la LCR obtient 3,71 % des voix et LO 3,63 %. C'est le cas pour 44 listes (voir tableaux 4, 4bis, 4ter).

Même si les scores de LO ne sont pas spécialement une référence, il s'agit donc, sur le plan électoral, d'un réel succès pour la LCR.

La LCR a non seulement réussi à rassembler sur des listes "présentées" ou "soutenues" par elle, même si certaines ne sont pas du tout des listes LCR, des candidats d'horizons divers, associatifs, écologistes, anti-mondialistes, etc. Mais elle a surtout rencontré un électorat qui s'est reconnu dans cette appellation "100 % à gauche", "A gauche vraiment", "Tous ensemble à gauche", ou autre, qui se situe dans la "gauche" et non à l'extérieur.

La LCR souhaitait une vérification électorale de sa politique et elle l'a obtenue. Et cela va sûrement renforcer ceux qui en son sein souhaitaient un changement de nom de la LCR. Au congrès qui s'est prononcé sur ce choix, ils étaient une majorité pour le changement, mais il fallait une majorité des deux tiers pour y procéder. Sans doute cette condition se trouvera-t-elle remplie à la prochaine occasion.

Commentaire

La première réaction des partisans de l'unité à tout prix a été d'additionner les scores, comme le fait d'ailleurs François Olivier dans Rouge en affirmant en substance : "Voyez quel résultat nous aurions obtenu en nous présentant en commun". Le problème est que si nous ne nous sommes pas présentés en commun, c'est parce que nous n'avons pas la même politique à long terme. Cela s'est vu dans nos discussions et cela se vérifie dans la façon, sous quel nom et avec qui nous nous sommes respectivement présentés.

La LCR tenait absolument à ce que nos listes ne soient pas des listes intitulées seulement LCR-LO, elle souhaitait y associer d'autres milieux qu'elle appelle associatifs mais qui n'étaient pas prêts à s'intégrer dans une liste intitulée seulement LCR-LO. La LCR acceptait en principe cette appellation mais à condition de pouvoir la tempérer en permettant à d'autres organisations d'exprimer localement, sur la profession de foi, des points de vue différents.

Nous nous y refusions car cela signifiait renoncer à faire comme aux élections européennes où nous avons clairement annoncé notre couleur politique.

La LCR refusait absolument de faire comme pour les européennes et de nous présenter uniquement en tant que LO-LCR ; son congrès de juin 2000 a entériné cette position.

Le deuxième obstacle était que nous refusions d'appeler à voter au deuxième tour pour les partis de la gauche gouvernementale. La LCR tenait à l'annoncer avant même le premier tour et la seule transaction qu'elle nous a proposée c'est que chacune de nos deux organisations faisait ce qu'elle voulait. C'est ce que beaucoup de listes qu'elle soutenait ont fait en ne donnant pas les mêmes consignes au deuxième tour que la direction de la LCR mais, dans ce monde où ce sont les plus faibles qui sont les plus trompés, la clarté politique est indispensable.

Une autre raison qui n'est pas entrée en discussion écrite mais qui a été évoquée, c'était la possibilité de fusionner au deuxième tour avec les listes de gauche partout où nos listes communes dépasseraient les 5 %. Ce que nous considérions comme une trahison de toute notre politique soi-disant commune. On ne peut pas critiquer le gouvernement au premier tour et lui quémander des strapontins municipaux au second dès que les électeurs nous en ont donné la possibilité, pas forcément en le souhaitant.

La LCR a maintenu ses choix politiques, on l'a vu puisqu'elle a présenté ou soutenu 91 listes qui ne s'appelaient pas LCR mais qui portaient un nom relativement vague car "gauche", "droite" étant de nos jours des termes bien dévalorisés, voire dénués de sens, "100 % à gauche", "A gauche vraiment" ne le sont guère moins.

Ces listes ne se présentaient pas comme d'extrême gauche, elles ne se présentaient même pas comme étant à l'extérieur de la gauche gouvernementale, mais dans la gauche.

La LCR a appelé à voter au deuxième tour pour les listes du gouvernement et si certaines des listes qu'elle soutenait ont refusé de le faire, d'autres ont même fusionné avec les listes "gauche gouvernementale", y compris une conduite par un membre du MDC, le parti de Chevènement, ou l'ont demandé sans succès (par exemple, Canéjan en Gironde).

Alors la réaction la plus spontanée, qui n'est pas forcément la plus politique, est de dire : s'il y avait eu des listes communes "100 % à gauche soutenues par la LCR et LO", les voix des listes "100 % à gauche" et les voix des listes de LO se seraient additionnées. Il y aurait eu au total bien plus d'élus.

On pourrait rajouter surtout d'élus LCR car les militants de la LCR auraient ainsi pu bien plus souvent se retrouver sur les listes de la gauche plurielle au deuxième tour.

Mais reposons la question : est-ce que les voix Lutte Ouvrière et "100 % à gauche" ou autre se seraient vraiment additionnées ? A l'évidence non ! La LCR le savait en ne se présentant pas sous le nom de LCR et en présentant des listes à la composition et à l'intitulé variables, simplement "soutenues" par la LCR plus des alternatifs plus d'autres. Bon nombre d'électeurs de telles listes n'auraient pas voté pour LO. Et il est vraisemblable et souhaitable qu'il en eût été de même du côté des électeurs de LO.

Il est donc plus que vraisemblable que le désaccord entre LO et la LCR dans ces élections ait abouti au résultat paradoxal que plus de voix se sont portées sur les listes des deux organisations que s'il n'y avait eu que des listes communes. D'ailleurs, dans nos discussions, la LCR se préservait la possibilité, dans certains endroits, comme elle l'a fait, de présenter des listes qu'elle revendique mais qui ne portent pas le nom de la LCR même sous la forme "soutenue par la LCR".

Le succès électoral de la LCR sera peut-être aussi un succès politique. Mais ce n'est pas le type de succès politique que nous souhaitons.

Notre but est de construire le Parti qui manque aux travailleurs, un parti qui en toutes circonstances défende les intérêts politiques du monde du travail et qui ne se place pas seulement "à gauche", pas en soutien de la gauche gouvernementale, mais en adversaire.

Ce n'est pas facile, mais il n'y a pas d'autre voie.

Rassembler des écologistes, des antimondialistes, des antilibéralistes et quelques autres en les baptisant "objectivement anticapitalistes" alors qu'ils ne le disent pas eux-mêmes, est peut-être plus facile aujourd'hui, mais ce n'est pas la voie que nous voulons prendre, car le succès relatif de la LCR, en rejoignant nos scores, n'est pas le succès que nous souhaitons.

Nous ne le considérons pas comme un succès politique au sens de la construction d'un parti révolutionnaire prolétarien, d'un parti 100 % communiste et pas 100 % "à gauche".

Ce qui signifie que nous ne regrettons pas de nous être présentés séparément, bien au contraire. Nous n'avons pas la même politique, ces élections le prouvent, et pas non plus tout à fait le même électorat. La LCR a réussi, du premier coup, à gagner un électorat, nous verrons si elle le gardera. Et si cela se traduira positivement pour son organisation.

Nous avons accueilli bien des militants d'associations et d'organisations populaires diverses sur nos listes, car nos militants, trop peu nombreux pour avoir des activités dans tous les domaines, ne prennent pas l'initiative de créer et de faire vivre de telles organisations. Ils les soutiennent quand ils le peuvent, ne serait-ce que par leur présence dans les manifestations ou même une aide locale. Mais les militants associatifs qui étaient sur nos listes n'ont pas exigé qu'elles ne soient pas des listes LO. Ils n'ont pas été gênés d'être présentés comme des candidats de LO et pas des candidats "soutenus" par LO. Certains considéreront cela comme une nuance. Nous la considérons comme une différence fondamentale.

Discussion des scores

Dans les résultats que nous avons donnés ci-avant, nous avons noté, comme l'a fait Rouge, toutes les listes revendiquées par la LCR sous la forme "listes présentées ou soutenues par la LCR aux municipales".

Nous avons donc intégré les scores de toutes ces listes dans les résultats que nous avons donnés dans les articles précédents et tous les tableaux.

Cependant, nous l'avons dit, certaines de ces listes méritent qu'on s'y attarde et qu'on examine de plus près, en fonction de la nature politique de certaines de ces listes ou de leur composition, les résultats attribués à la LCR par la presse.

Notons que la LCR ne les revendique pas vraiment comme étant LCR car Rouge annonçait modestement : "Résultats des listes présentées ou soutenues par la LCR". Il ne fallait pas, non plus, choquer tous ceux qu'elle avait associés en les annexant au lendemain du scrutin.

Cependant, il est difficile d'avoir une idée précise de ce que représentent les résultats attribués à la LCR sans posséder le matériel électoral (profession de foi, bulletin de vote, tracts divers et déclarations à la presse) de toutes ces listes.

Nous n'avons eu entre les mains, pour cette discussion, le matériel électoral que de 37 de ces listes (sur 91), ce qui n'est donc qu'un peu plus d'un tiers.

Nous avons noté que 20 de ces listes pouvaient réellement être considérées comme des listes LCR mais que 17 autres l'étaient moins, voire pas du tout. Evidemment nous n'extrapolerons pas cette proportionnalité à toutes les listes LCR et le sujet de notre discussion se limitera à ces 17 listes de notre deuxième groupe, comme si elles étaient les seules sur 91 (insistons sur le fait que nous n'avons choisi aucune de ces listes, c'est uniquement celles dont nous avons pu nous procurer le matériel).

Les 20 listes du premier groupe sont présentées sur les professions de foi comme sur les bulletins de vote comme "100 % à gauche, soutenue par la LCR", voire avec des "militants du mouvement associatif" (Perpignan), "et le mouvement Résister" (Marseille 1er, 2e, 3e et 6e secteurs), "et par les associatifs" (Strasbourg). A notre connaissance, elles sont le plus souvent (sinon toujours) conduites par des militants de la LCR. Ces listes peuvent donc réellement être considérées comme des listes de la LCR.

Le fait, de la part de cette organisation, de choisir une appellation "de gauche" qui ne l'isole pas trop de la majorité gouvernementale étant une autre question même si elle n'est pas moins significative.

Mais parmi celles des autres listes considérées par la presse comme LCR et dont nous avons pu consulter le matériel électoral, on trouve :

- à Lyon (69), les listes "A gauche autrement" soutenues par la LCR, conduites par Marylène Cahouët, une élue du PCF, et le Progrès de Lyon du 3 février 2001 affirme que "les listes à gauche autrement refusent l'appellation d'extrême gauche".

- à Orléans (45), la liste "A gauche vraiment", soutenue, dans l'ordre, par le PCF, la LCR, Bâbord de Loire et des militants du mouvement syndical, féministe et associatif", liste conduite par Michel Ricoud du PCF, tentera de fusionner au 2e tour avec la liste gauche plurielle conduite par Sueur (PS) qui refusera.

- à Villers-les-Nancy (54), la liste "La gauche villeroise", soutenue par le PCF, la LCR et les alternatifs et conduite par Marie-Odile Terruel du PCF. Il y a un seul militant LCR (un jeune étudiant) sur cette liste (en 10ème position). Un de leurs tracts commence par : "Chères concitoyennes et chers concitoyens..."

- Au Kremlin-Bicêtre (94), liste "100 % à gauche avec les travailleurs, les chômeurs, les immigrés et pour l'écologie" (sans mention de la LCR sur le bulletin de vote, ce qui n'est de toute façon pas rare mais plus significatif ici), liste conduite par le PCF, le maire-adjoint sortant. L'une des deux candidates LCR, Carine Barbier, est en deuxième position. Au deuxième tour, la liste fusionne avec MDC, PS, Vert, PRG, PCF. Carine Barbier, la seule LCR sur la liste au deuxième tour, se retrouve en 24e position mais fait quand même partie du lot d'élus (la tête de liste, Laurent, devenu maire, est un chevènementiste).

- à Gennevilliers (92), liste "100 % à gauche" (pas de mention de la LCR sur le bulletin de vote) soutenue par, dans l'ordre : "Gennevilliers pour tous, LCR, Socialisme par en bas, associatifs, citoyens aux convictions communistes, écologistes désireux qu'une autre voix se fasse entendre à gauche". Cette liste peut être considérée comme LCR puisqu'elle a eu deux élus membres de la LCR au premier tour, mais son intitulé ne fait guère penser à une liste d'extrême gauche.

- à Savigny-le-Temple, liste "100 % AGAS (à gauche autrement à Savigny)", liste soutenue "par la LCR, des associations, gens de Savigny et Déclic", cependant conduite par un militant LCR (qui n'affiche pas son appartenance).

- Lorient, "Tous ensemble à gauche" (TEAG). Profession de foi : "Nous sommes résolument à gauche, souvent militants associatifs, laïques, syndicaux ou politiques". Sans mention d'un soutien de la LCR sur le bulletin de vote.

- A Rouen, "Tous ensemble à gauche - TEAG", constituée et soutenue par, dans l'ordre, "le R.U.T., la LCR, les Mauves, le CIRC, Baracanna, des militants des Verts et des militants associatifs".

Mais si les têtes de ces listes appartiennent à la LCR (ce qui est loin d'être connu du public), leurs déclarations comme la constitution des listes n'ont rien qui les désigne comme d'extrême gauche.

Et ce ne sont pas les seules car il y avait de telles listes à Miramas, à Vitrolles, ce qui fait que les scores des listes "présentées ou soutenues par la LCR" ne sont pas réellement des scores attribuables à l'extrême gauche, du moins l'extrême gauche révolutionnaire et surtout prolétarienne.

Les scores de toutes ces listes font partie des résultats annoncés par la LCR, nous ne les retrancherons pas car il n'ya pas de raison puisque cela fait partie de l'objectif recherché par la LCR et caractérise politiquement ses résultats.

31 mars 2001