En 1973, ce fut la crise du pétrole, qui elle-même montrait que les compagnies pétrolières internationales tablaient sur un moindre accroissement de la consommation et voulaient rentabiliser leurs investissements en augmentant les prix. Mais les masses d'argent supplémentaires correspondantes commencèrent à revenir sur les marchés financiers, plus que jamais à la recherche de placements rémunérateurs.
Ces masses d'argent allaient encombrer les circuits financiers, parce que leurs possesseurs étaient de moins en moins enclins à les investir dans la production industrielle. L'année 1973 marqua même carrément un tournant vers la crise économique. Cette année-là fut en effet le début de la plongée vers une période marquée par la stagnation générale de l'économie et souvent même par des reculs, une période qui dure maintenant depuis vingt-cinq ans. Et en vingt-cinq ans le coût de cette crise est incalculable, qu'il s'agisse de l'extension du chômage dans les pays industrialisés ou de l'aggravation dramatique de la situation dans les pays du Tiers-Monde, sans parler des crises politiques et des guerres qui en sont la conséquence.
Durant ces vingt-cinq ans après le tournant de 1973, les crises financières se sont enchaînées les unes derrière les autres pendant que toutes les possibilités pour faire fructifier malgré tout les sommes d'argent disponibles étaient testées.
L'une d'elles a été la spéculation sur la dette des Etats. Ceux-ci ont en effet tenté de remplacer les investissements privés défaillants par les leurs propres, au travers de grands programmes de dépenses d'Etat, allant de l'immobilier aux travaux publics, aux commandes d'armement ou d'équipements divers. Pour engager ces dépenses, les Etats ont accru leur endettement, en prenant des emprunts auprès des banques ou des institutions financières. Il leur fallait bien sûr pour cela payer un intérêt aux financiers prêteurs. Et c'est ainsi en fin de compte l'Etat qui a prélevé de l'argent sur l'ensemble de la population pour assurer les profits de ces capitalistes.
Ceux-ci se disputent donc les Bons du Trésor ou les différentes formes d'obligations ou d'emprunts émis par les Etats, tous ces titres ayant l'avantage de rapporter un intérêt sans courir de risque. Et l'on peut aussi s'échanger ces titres, spéculer sur l'évolution de leurs rendements, sur le fait par exemple que tel Etat va émettre un emprunt plus intéressant que les Bons du Trésor que l'on détenait jusque-là et que l'on va tenter de revendre... La dette publique des Etats est devenue ainsi un objet de spéculation financière sans fin.
A cela s'ajoute la spéculation sur les monnaies, devenue d'autant plus facile à mesure que les Etats ont abandonné le contrôle des changes. Il ne reste plus aux Etats, pour se défendre contre la fuite des capitaux à l'extérieur du pays, que "les lois du marché". Par exemple, pour retenir les capitaux, il faut que l'Etat du pays concerné leur garantisse un taux d'intérêt élevé. C'est ce que l'on voit dans les périodes de crise financière aiguë, lorsque la confiance dans une monnaie est ébranlée et que les Etats en viennent même à emprunter des capitaux en échange de taux d'intérêt allant jusqu'à 50, 100 voire 200 % pour les garantir contre l'inflation prévisible. Mais il est évident qu'ils ne font ainsi qu'accroître très rapidement leur dette. Et ils doivent capituler tôt ou tard car sur ce terrain, les Etats ne sont pas les plus forts.
Aujourd'hui en effet, les banques centrales ont moins de réserves que les spéculateurs internationaux. Et quand elles sont contraintes de céder devant eux, la conséquence peut être une chute catastrophique de la monnaie qui entraîne une hausse des prix de tous les produits importés, une aggravation de la situation économique et finalement un appauvrissement parfois très rapide de la population pendant que les capitaux se retirent en ayant encaissé leur profit.
Les banques occidentales ont aussi, pendant les années soixante-dix, multiplié les prêts aux pays du Tiers-Monde. La dette extérieure de ces pays a alors augmenté très rapidement. Mais très souvent ces prêts ne finançaient que des dépenses de prestige, des commandes faites par ces pays à des entreprises occidentales sans entraîner le moindre développement réel. Ces prêts rapportaient aux banques et aux bénéficiaires des commandes passées dans les pays occidentaux, mais ils représentaient une charge difficilement supportable pour les pays du Tiers-Monde. Ainsi, en 1982, le Mexique se trouva incapable de payer ses traites. Pour éviter un écroulement du système bancaire, il fallut lui accorder des prêts d'urgence, puis imposer à la population des plans d'austérité draconiens. Ce fut une crise de confiance autour de la dette du Tiers-Monde, qui incita les institutions financières à chercher d'autres solutions pour investir les masses d'argent qu'elles détenaient.