Comme on sait, Maastricht est cette petite ville des Pays-Bas dans laquelle, en décembre 1991 et février 1992, furent mis au point et signés le Traité d'Union Economique et Monétaire et le Traité d'Union politique qui l'accompagnait. Le Traité d'Union monétaire venait couronner une autre mesure, dont la mise en place s'achevait le 1er janvier 1993, le fameux Acte unique européen. Celui-ci, prévoyant la fin des contrôles des changes, des barrières douanières et de toutes les entraves à la circulation des marchandises au sein de la communauté européenne, et la réalisation d'un marché unique, débouchait directement sur une autre phase : celle de la réalisation de la monnaie unique.
Mais, tout comme pour le marché unique, la question était de savoir qui paierait les frais de la mise en place du système.
Là aussi, un âpre marchandage se déroula. Les Etats européens autres que l'Allemagne avaient protesté contre le fait de devoir faire les frais de la réunification de celle-ci. Mais réciproquement, les banquiers allemands firent savoir qu'ils ne tenaient pas à devoir payer les frais d'une inflation trop forte en Italie, voire en France. Ils posèrent donc leurs conditions pour l'admission de tel ou tel pays dans la monnaie unique. Ce furent les fameux "critères de convergence de Maastricht".
On sait en quoi consistent ces critères. Il s'agissait, avant de choisir la liste définitive des Etats participants à la monnaie unique, d'imposer qu'ils convergent sur une politique monétaire et financière semblable. Les critères de politique monétaire concernaient les taux d'inflation, les taux d'intérêt pratiqués dans chaque pays, et le maintien des taux de change pendant au moins deux ans sans dévaluation. Deux autres critères concernaient la politique budgétaire : l'un imposait que le déficit du budget de l'Etat ne dépasse pas 3 % du Produit Intérieur brut, l'autre que la dette publique soit inférieure à 60 % de ce même Produit Intérieur brut.
Lors du traité de Maastricht, ni les gouvernants français ou italiens, ni les autres, n'ont alors crié au diktat des banquiers allemands, ou quoi que ce soit de ce genre. Et ceci pour une bonne raison : en représentants du grand capital, en particulier du grand capital financier de leur pays, ils étaient d'accord, tout simplement.
La monnaie unique met évidemment fin à la possibilité pour chaque Etat de manipuler sa propre monnaie et d'alimenter ainsi sa propre inflation. D'où les protestations de certains, y compris à gauche, sur la "perte de souveraineté". Mais il ne faut pas oublier que si les manipulations monétaires sont une arme qu'une bourgeoisie utilise à l'occasion contre une bourgeoisie concurrente, ces manipulations monétaires et la politique inflationniste sont toujours avant tout une arme de la bourgeoisie contre ses propres masses populaires.
Et il faut ouvrir une parenthèse pour évoquer déjà, ici, la guerre purement verbale que le PCF mène contre Maastricht, reprochant à ce traité la politique d'austérité contre les travailleurs. Maastricht est un traité entre brigands impérialistes et il n'est certainement pas fait pour avantager les travailleurs. Mais, on l'a vu, ce n'est pas la signature du Traité de Maastricht intervenue seulement en 1992 qui a entraîné des politiques d'austérité. Ce sont à l'inverse les politiques d'austérité mises en oeuvre quelques dix ans plus tôt, notamment en France par un gouvernement socialiste avec la participation du PCF, qui ont abouti à cette convergence des politiques budgétaires qui allait rendre la monnaie unique possible.
Et il faut ajouter que détourner l'opposition à la politique d'austérité, en une opposition aux critères de Maastricht et ses obligations de diminuer le déficit budgétaire et l'endettement de l'Etat, c'est militer pour le droit de l'Etat français, c'est-à-dire de la bourgeoisie française, de voler les travailleurs par l'inflation.
Le problème des travailleurs, ce n'est pas le montant du déficit budgétaire, mais qui le paye : les classes pauvres, ou la bourgeoisie ?
Si le gouvernement, au nom de Maastricht ou pas, veut réduire le déficit budgétaire, qu'il le fasse, mais pas au détriment des travailleurs et de la population. Que l'Etat cesse immédiatement toute subvention, toute aide au patronat, et il n'y aura plus de déficit. Qu'il augmente l'impôt sur les hauts revenus et il y aura largement de quoi financer les services publics et les dépenses sociales, sans creuser pour autant le déficit. Et si le gouvernement veut réduire l'endettement de l'Etat, qu'il fasse donc payer ceux au profit de qui l'Etat s'est endetté !
Reste évidemment que Maastricht et ses obligations fournissent un prétexte commode aux gouvernements au service du grand capital et le gouvernement actuel l'est tout autant que ses prédécesseurs pour imposer des mesures préjudiciables aux travailleurs. Mais ce sont les mesures qu'il faut combattre, pas les prétextes. Et il faut les combattre au nom des intérêts de classe des travailleurs, pas au nom d'une autre politique de la bourgeoisie, aux relents plus nationalistes.