Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, à Iguala, dans l'État du Guerrero, au sud du Mexique, des policiers ont attaqué des étudiants d'une école normale rurale avant de livrer 43 d'entre eux aux hommes de main d'un cartel local qui les a assassinés. Le caractère atroce de cette affaire a mis à jour la collusion entre la police, les gangs, le maire d'Iguala et le gouverneur du Guerrero, révélant le niveau de corruption mais aussi de décomposition du régime politique du Mexique.
La municipalité d'Iguala, comme beaucoup d'autres, était sous la coupe de criminels et de fonctionnaires corrompus. Le maire avait épousé la sœur de membres du cartel. Il avait d'ailleurs été choisi pour ce poste par un dirigeant de l'État du Guerrero à cause de ses liens familiaux. Ce cartel du Guerrero, comme tous les autres, s'est imposé par la terreur avec le soutien des pouvoirs locaux. Bien avant cette affaire, en effet, le gouverneur de l'État était complice des disparitions et exécutions de militants ou d'étudiants, liés à des organisations paysannes ou à des groupes d'autodéfense communautaires. Faire appel aux gangs pour réprimer la contestation est une pratique courante des pouvoirs locaux.
Le maire comme le gouverneur, qui ont dû quitter leurs fonctions du fait de ce scandale, appartiennent au Parti de la révolution démocratique (PRD) qui prétendait, en naissant il y a vingt-cinq ans, en finir avec la corruption et le clientélisme qui rongent le pays, et qui est désormais aussi corrompu que ses concurrents.
Les meurtres d'Iguala ne sont pas la première atrocité au Mexique. Bien d'autres avaient déjà affleuré dans l'actualité comme ces milliers de viols et d'assassinats de jeunes femmes dans la région de Ciudad Juarez, au nord du pays, au cœur des « maquilas », ces entreprises qui sous-traitent la fabrication de télévisions et d'ordinateurs pour le marché mondial en exploitant de jeunes ouvrières sous-payées et corvéables à merci. Il y a eu aussi l'affaire Florence Cassez qui suggérait que pouvoir politique, police, gangs et médias pouvaient être en très bons termes. Enfin, un peu avant Iguala, un rapport d'Amnesty international signalait que la torture pratiquée par des fonctionnaires d'État avait augmenté de 600 % ces dix dernières années. Le rapport dénonçait l'impunité des tortionnaires et l'inertie des deux institutions censées protéger les victimes, le procureur général et la Commission nationale des droits de l'homme.
À peine le massacre d'Iguala était-il révélé que les Mexicains découvraient un autre massacre. Après un affrontement armé entre des soldats et un groupe présenté comme un gang, on découvrit que ces militaires avaient froidement exécuté vingt personnes de ce groupe, dont une jeune fille de 15 ans. Ce massacre était dissimulé depuis juin 2014. Sa révélation après l'affaire d'Iguala tombait mal.
Ces affaires, et bien d'autres, sont les fruits de la corruption et du caractère répressif de l'État mexicain, auxquels s'est ajoutée ces dernières années la violence des cartels de la drogue qui ont pris un formidable essor. Cela gangrène un Mexique qui, sous le joug de sa bourgeoisie et de l'impérialisme nord-américain, est submergé par le chômage, la corruption, la misère, la violence, la répression, c'est-à-dire en pleine décomposition politique et sociale.
Le parti révolutionnaire institutionnel, héritier des fossoyeurs de la révolution
Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), chassé du pouvoir en 2000 après 71 ans de règne, est revenu aux affaires en 2012. Il en avait été écarté douze années par son frère ennemi, le PAN, un parti de droite né en 1939 d'une scission du PRI d'opposants proches de l'église et, alors, adversaires des réformes de Cárdenas.
Le PRI est l'héritier du parti fondé en 1929 par Plutarco Elias Calles qui changea deux fois de nom avant de devenir le PRI. Pendant la révolution mexicaine dont le radicalisme était dû à l'entrée en scène d'armées paysannes conduites par Pancho Villa et Emiliano Zapata, Calles fut d'abord leur allié puis il choisit le camp de ceux qui allaient profiter de cette révolution en faisant rentrer dans le rang les paysans insurgés.
La révolution avait éclaté en 1910 pour mettre un terme à 35 ans de dictature de Porfirio Diaz. Dans les dernières années du 19e siècle, celui-ci avait entamé l'industrialisation du pays notamment pour mettre une main-d'œuvre bon marché à la disposition des capitalistes étrangers, en tête le voisin nord-américain. « Pauvre Mexique, si loin de dieu et si près des États-Unis », avait lancé un jour le cynique dictateur. On construisit ports, routes et voies ferrées destinés à faciliter le pillage impérialiste des ressources du pays : sucre dans le centre, élevage dans le nord, café dans le sud, divers minerais et pétrole.
Les paysans pauvres, traités comme des esclaves, avaient soif de terres : 1 % de la population possédait 97 % de la superficie du pays, et 96 % de la population se partageaient 1 % des terres ! Cette concentration terrienne s'accompagnait d'une répression féroce contre toute contestation. En 1908, plusieurs soulèvements paysans furent durement réprimés.
Les ouvriers n'étaient guère mieux traités. En 1900 parut à Mexico le journal anarchiste Regeneracion, publié par les frères Florès Magon, qui entendait défendre les intérêts des ouvriers et des paysans pauvres. Les frères Magon durent quitter le Mexique en 1904 à cause de la répression. Mais la diffusion du journal continua. Il inspira les militants ouvriers qui allaient lancer des syndicats à partir de 1904. Regeneracíon appelait à une réforme agraire radicale, l'annulation des dettes des paysans, la restitution des terres communales (ejidos) et des terres en friche, mais aussi la journée de travail de huit heures, l'interdiction du travail des enfants, un salaire minimum, le repos dominical obligatoire, l'abolition des tiendas de raya (les commerces appartenant aux employeurs où s'endettaient les salariés), des droits pour les travailleurs, des indemnités pour les accidents de travail et des pensions de retraite ; un programme résumé en une formule : « terre et liberté ».
En 1904, plusieurs commerces de la capitale Mexico virent leurs employés lancer une pétition pour obtenir des heures de liberté le dimanche, déclenchant contre eux la colère des patrons. En 1906, dans la mine de Cananea (État du Sonora), les mineurs mexicains en grève exigèrent des salaires égaux à ceux des travailleurs nord-américains employés par la même mine et payés double. Des militants magonistes distribuèrent des tracts en faveur de la grève et un manifeste politique exigeant un gouvernement représentatif et la démission de Porfirio Diaz. Pendant la grève, des bâtiments furent brûlés, des magasins de la compagnie pillés et les affrontements entre grévistes et nervis de la compagnie minière tuèrent vingt personnes et firent autant de blessés. L'armée fédérale mit fin à la grève. Les dirigeants des mineurs furent jetés en prison.
La grève frappa ensuite le secteur textile. Les patrons obtinrent l'arbitrage de Diaz. Il rendit sa décision en 1907 : une poignée de mesures sociales mais la grève restait interdite. Les travailleurs d'Orizaba, où se concentrait le plus grand nombre d'usines textiles, rejetèrent cette décision. Parmi eux, les travailleurs de Rio Blanco, affamés mais décidés, donnèrent l'assaut aux magasins de la compagnie mais furent sauvagement réprimés. Il y eut 200 morts.
Malgré la répression, les cheminots se préparaient à la grève en 1908. Diaz les menaça de réquisition et la grève fut suspendue. Diaz reprit l'initiative en déclarant qu'il serait ravi que se crée un parti d'opposition. Ce qui n'était qu'une diversion fut pris au mot par un propriétaire foncier de la région du Morelos, Francisco Madero. Sa campagne pour l'élection présidentielle de 1910 fut un succès, Diaz le fit donc arrêter quelques jours avant le vote et fut réélu ! Madero s'évada, proclama la nullité des élections et appela à l'insurrection. Un groupe de petits paysans propriétaires, conduit par Pancho Villa, et des mineurs dirigés par Pascual Orozco, répondirent à cet appel. Les paysans espéraient obtenir des terres, les mineurs la journée de huit heures payées dix. En mars 1911, ils furent rejoints par des paysans du Morelos conduits par Emiliano Zapata, motivés par la promesse de Madero de restituer les terres communales.
Le 21 mai, Diaz partait en exil et le 7 juin, Madero entrait dans Mexico. Le 6 novembre, il était élu président. Comme il tardait à rendre les terres communales, Zapata et ses troupes se soulevèrent pour s'en emparer. Dans son programme, Zapata invitait les paysans à prendre ces terres et à les défendre les armes à la main. Il réclamait par ailleurs l'expropriation sans compensation des terres de l'Église catholique et la nationalisation sans compensation des biens des capitalistes et des propriétaires opposés à la révolution. En réponse, Madero lança contre eux l'armée du général Huerta. Mais l'insurrection paysanne s'étendit. Ayant renoncé à la réforme agraire qu'il avait prétendu incarner, Madero se retrouva isolé. Soutenu par les États-Unis, le général Huerta joua sa carte. Il emprisonna Madero et le fit assassiner le 22 février 1913.
À son tour, Huerta fut écarté par un autre grand propriétaire et politicien, Venustiano Carranza. Celui-ci s'attira le soutien des possédants et des États-Unis en annonçant que les propriétaires, mexicains ou pas, pourraient réclamer des indemnités pour les dommages causés par la révolution. Mais il lui fallait à son tour venir à bout de l'insurrection paysanne.
Au nord, Pancho Villa conduisait une armée de dizaines de milliers d'hommes qui l'emporta à plusieurs reprises sur les troupes de l'État fédéral tandis que, dans le Morelos, les paysans armés de Zapata lançaient une réforme agraire radicale. Fin 1914, au faîte de leur puissance, les deux armées entrèrent dans Mexico. Villa et Zapata se firent photographier dans les fauteuils du gouvernement, mais retournèrent dans leurs fiefs respectifs. Dirigeants d'une révolution paysanne, ils ne se voyaient pas exercer le pouvoir à Mexico. Comme l'a écrit un historien de la révolution mexicaine : « Exercer le pouvoir exige d'avoir un programme. Appliquer un programme impose d'avoir une politique. Mettre en œuvre une politique exige un parti. Mais les paysans n'avaient rien de tout ça. »
La classe ouvrière dans la révolution mexicaine
La classe ouvrière, dont les luttes avaient été un prologue à la révolution, aurait pu donner une base à la révolution dans les villes. Mais les principaux dirigeants ouvriers de la Casa del obrero mundial (Maison de l'ouvrier du monde), qui organisait 50 000 ouvriers, avaient des préjugés contre les paysans et ne cherchèrent pas à s'allier avec eux. De plus, de formation anarchiste, ils ne comprenaient pas la nécessité pour la classe ouvrière de prendre le pouvoir. Après des hésitations, ils finirent par négocier avec le général Alvaro Obregón qui, d'abord avec Carranza puis sans lui, allait être l'artisan de la reconquête du pouvoir par la bourgeoisie. Après avoir publié un décret qui rendait les terres communales aux paysans, Carranza plaça la compagnie de téléphone Ericcson sous le contrôle du syndicat des travailleurs de l'électricité qui mit à la tête de l'entreprise le dirigeant syndical Luis Morones qui allait devenir un important allié d'Obregón et Carranza.
En promettant de reconnaître les syndicats et d'accorder des droits aux travailleurs, Obregón put enrôler dans son armée jusqu'à 10 000 travailleurs dans des bataillons ouvriers, ce qui allait être d'un apport décisif dans la lutte contre les armées de Villa et Zapata. Certains militants s'y opposèrent. D'autres restèrent neutres. Et d'autres encore rejoignirent les armées paysannes.
En 1915 se noua donc une alliance décisive entre l'État et la classe ouvrière qui, en absence d'une politique indépendante, allait donner son caractère original au régime bourgeois qui sortirait de dix années de luttes révolutionnaires. Obregón, plus que Carranza, avait compris que pour que leur clan l'emporte, cette alliance avec le mouvement ouvrier était indispensable. Il y eut encore cinq ans d'affrontements jusqu'en 1920. Sans alliés dans les villes, les paysans insurgés restèrent isolés dans leurs différentes régions et le général Obregón put ainsi en venir à bout. Les bataillons ouvriers démobilisés, il y eut en 1916 un regain des luttes ouvrières et les affrontements furent violents. Obregón l'emporta en fermant la Casa.
Puis Carranza et Obregón s'affrontèrent. Mais, là encore avec l'appui de Morones et de la nouvelle centrale syndicale lancée en 1919, la Confédération régionale des ouvriers mexicains (Crom), Obregón l'emporta. Président de 1920 à 1924, il reprit une partie des revendications paysannes en même temps qu'il faisait assassiner Zapata et Villa. En 1924, Plutarco Calles lui succéda. S'étant heurté aux milieux conservateurs, notamment l'Église catholique, Obregón fut assassiné en 1928 par un catholique. Calles ne pouvant plus se représenter, il continua à tirer les ficelles de la politique derrière des présidents de paille jusqu'en 1934, date à laquelle il fut à son tour écarté par Lazaro Cárdenas.
Tout au long des années 1920, aussi bien Obregón que Calles bénéficièrent du soutien de la Crom qui reçut en échange des postes gouvernementaux. Dans un premier temps, les bureaucrates de la Crom conservèrent le langage lutte de classe de leurs origines anarchistes. Mais, en 1927, ils avouèrent ne pas être « des ennemis du capital, mais plutôt ses collaborateurs ». Ils contrecarrèrent l'influence des militants anarcho-syndicalistes ou communistes dans plusieurs secteurs du mouvement ouvrier, sans toutefois juguler la corporation la plus combative, les cheminots. Dans le secteur pétrolier en revanche, les patrons étaient tout-puissants et imposaient leur dictature aux salariés en s'appuyant sur des nervis, les gardes blanches. Enfin, une large part de l'économie, les mines, le bois, le café, le coton, le caoutchouc ou le sucre, restait entre les mains du capital étranger. Les affrontements avec les forces conservatrices eurent aussi pour conséquence de renforcer le poids du capital étranger, ce qui exacerba le sentiment national, un sentiment dont Cárdenas allait tirer avantage.
Un sextennat de concessions aux travailleurs
La crise de 1929 n'épargna pas le Mexique. Les masses ouvrières et paysannes entrèrent à nouveau en mouvement. Les grèves se multiplièrent à partir de 1932 et devinrent intenses en 1934-1936. La crise avait affaibli la Crom et une nouvelle organisation syndicale, dirigée par Lombardo Toledano, était apparue. En 1934, Lazaro Cárdenas fut élu. Plus encore que les précédents dirigeants du Mexique né de la révolution, Lazaro Cárdenas avait conscience de la nécessité d'encadrer les ouvriers et paysans. Il fit sa campagne électorale en invitant, dans tout le pays, ouvriers et paysans à s'organiser. Il changea le nom de son parti qu'il baptisa Parti de la révolution mexicaine avec pour devise « une démocratie pour les travailleurs ».
En 1935, les dirigeants des principaux syndicats décidèrent de le soutenir. Cárdenas était pour une centrale unique regroupant « les blancs comme les rouges ». Cette centrale, la Confédération des travailleurs mexicains (CTM) vit le jour en 1936. Les grèves continuèrent chez les électriciens, puis dans l'industrie du pétrole en 1937. Les compagnies pétrolières anglo-saxonnes, ne voulant rien céder aux ouvriers, passèrent outre aux injonctions des tribunaux mexicains. Pour les travailleurs en lutte, pour les dirigeants syndicaux, mais aussi pour une partie des gouvernants, l'expropriation était désormais à l'ordre du jour. Cárdenas en fit son affaire, celle de l'État mexicain contre les compagnies. Le 18 mars 1938, il annonça leur expropriation avec la limite cependant que les compagnies expropriées furent finalement indemnisées, en même temps qu'il refusait que ces compagnies soient placées sous administration ouvrière. Cárdenas n'ayant pas cédé aux compagnies étrangères, il laissa l'image d'un champion de l'indépendance du Mexique face à l'impérialisme.
Par ailleurs, il renforça les droits accordés aux syndicats et lança la plus vaste réforme agraire depuis la révolution. Les sept réformes agraires précédant celle-ci avaient fait 780 000 bénéficiaires. Celle de Cárdenas en fit 730 000, quasiment autant. De cette manière, ce président renforça les liens entre les classes populaires et l'État, s'appuyant sur ce soutien pour faire avancer sa politique nationaliste.
Trotsky écrivit à ce sujet : « Dans les pays industriellement arriérés, le capital étranger joue un rôle décisif. D'où la faiblesse relative de la bourgeoisie nationale par rapport au prolétariat national. Ceci crée des conditions particulières du pouvoir d'État. Le gouvernement louvoie entre le capital étranger et le capital indigène, entre la faible bourgeoisie nationale et le prolétariat relativement puissant. Cela confère au gouvernement un caractère bonapartiste sui generis particulier. Il s'élève, pour ainsi dire, au-dessus des classes. En réalité, il peut gouverner, soit en se faisant l'instrument du capital étranger et en maintenant le prolétariat dans les chaînes de la dictature militaire, soit en manœuvrant avec le prolétariat et en allant même jusqu'à lui faire des concessions et conquérir ainsi la possibilité de jouir d'une certaine liberté à l'égard des capitalistes étrangers. »
C'est cette dernière option qu'avait prise Cárdenas. Ses successeurs allaient choisir l'autre. En 1946, le Parti de la révolution mexicaine prenait le nom quelque peu contradictoire de Parti révolutionnaire institutionnel.
Après-guerre, le PRI continua de s'afficher comme l'héritier de la révolution mexicaine. Mais il renforça son système de parti unique qui s'appuyait sur les notables locaux, les « caciques », les nouveaux propriétaires parvenus de la révolution, les fonctionnaires d'État et les dirigeants syndicaux. Tous dans leur secteur agissaient comme des « parrains » d'une mafia d'État, distribuant emplois, aides et protection.
Malgré un système électoral appuyé sur un mandat de six ans non renouvelable, le régime politique était de fait une dictature qui entendait encadrer la population, empêcher les soulèvements populaires et permettre à la bourgeoisie de vaquer à ses affaires et d'entretenir de fructueuses relations avec le grand voisin du Nord, les États-Unis.
Dans un pays où la misère est restée un mal endémique, où aujourd'hui encore des dizaines de millions de Mexicains ne mangent pas à leur faim et survivent avec des petits boulots, la contestation ouvrière et paysanne n'a jamais manqué de se manifester. Quand le paternalisme du régime ne suffisait plus, la répression s'abattait fermement pour écraser ceux qui relevaient la tête.
Le PRI contre les classes populaires en lutte
En 1946, la CTM intégra le PRI, ce qui réveilla différentes oppositions au sein du mouvement syndical. Le syndicat des cheminots, influencé par des militants comme Valentin Campa, venu du Parti communiste mais en rupture avec lui, était à la pointe de cette opposition. Ce syndicat rompit en 1947 avec la CTM et lança sa propre confédération, la CUT qui, ralliant divers militants combatifs, entendait exiger des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Le gouvernement réagit rapidement. Il calomnia l'un des dirigeants du syndicat des cheminots. Puis un accident causé par des cheminots négligents fut désigné comme un sabotage qu'on colla sur le dos de Campa qui fut emprisonné pour quatre ans. Puis ce fut l'attaque en règle contre le syndicat des cheminots et la CUT s'effondra. L'État s'attaqua ensuite aux travailleurs du pétrole, aux mineurs et aux métallos. Dans les années cinquante, les attaques visèrent le syndicat des enseignants et à nouveau les cheminots.
En juin 1958, passant outre les dirigeants de leur syndicat, les cheminots se mirent en grève pour une augmentation de salaire. Ils reçurent le soutien des travailleurs du pétrole, d'enseignants et d'étudiants qui manifestèrent avec eux. Le principal dirigeant de ce mouvement était Demetrio Vallejo. Il convainquit le syndicat des électriciens et celui des enseignants de soutenir la grève qui s'étendait à 100 000 travailleurs et paralysait tout le système de transport. Il y eut des affrontements avec la police et l'armée, mais les cheminots ne cédèrent pas. Dans le syndicat, les bureaucrates furent désavoués. L'affaire devenait politique et le dirigeant des grévistes s'adressa directement au président d'alors, López Mateos. En conséquence, les salaires furent augmentés de près de 17 %. Mais cette victoire fut de courte durée, l'État et les dirigeants de la CTM préparaient la revanche.
En mars 1959, le syndicat des cheminots menaçait d'une nouvelle grève pour faire appliquer l'augmentation des salaires dans des secteurs où les patrons traînaient à s'exécuter. La nouvelle équipe dirigeante crut pouvoir compter cette fois encore sur la présidence. Mais l'armée attaqua les grévistes, il y eut des morts. 10 000 cheminots furent licenciés et 15 000 perdirent leur ancienneté. Les dirigeants furent condamnés et emprisonnés. Vallejo allait purger douze années de prison.
Le régime ne fut pas plus tendre avec ceux qui voulaient faire appliquer la réforme agraire, voire la relancer. C'était l'ambition d'un ancien combattant de la révolution mexicaine, Ruben Jaramillo. À 16 ans, il avait rejoint l'armée de Zapata. La présidence de Cárdenas avait relancé la réforme agraire mais elle retomba après 1940. Jaramillo comprit que son mouvement paysan avait besoin du soutien des ouvriers. Dans les années quarante, avec la guerre mondiale, le PC mexicain étant pour l'union sacrée avec le gouvernement, il se rapprocha des trotskystes, alors les seuls pour la lutte de classes et contre l'impérialisme. En 1948, il se présenta comme candidat au poste de gouverneur de Morelos. Il reçut un bon accueil des paysans et ouvriers. Ayant dénoncé la fraude du PRI dans cette élection, une pratique commune de ce parti, il fut mis hors la loi et se réfugia dans la Sierra avec ses compagnons tout en poursuivant son agitation en direction des paysans. En 1953, il fut amnistié. Il devint le défenseur incontesté des droits des paysans pauvres. À la campagne présidentielle de 1958, Lopez Mateos s'arrangea pour être photographié à ses côtés et lui proposa même un poste gouvernemental que Jaramillo refusa.
Il continua la lutte, conduisant notamment des milliers de paysans à occuper de grands domaines. Il dénonça également les agissements de la direction d'une raffinerie de sucre, se faisant ainsi des ennemis mortels parmi les riches et les puissants. Il fut finalement assassiné en 1962 par la police à son domicile, en même temps que sa femme enceinte et ses trois fils. Seule sa fille y échappa de justesse.
Pas étonnant donc qu'en 1968, les étudiants qui manifestaient contre le régime à la veille des Jeux olympiques furent à leur tour massacrés. Un de leurs meetings sur la place des Trois-Cultures, à Mexico, fut encerclé par les forces de répression qui tirèrent, faisant plusieurs centaines de morts.
Le régime du parti unique à l'agonie
Le système du parti unique donna des signes de craquements quand la crise de 1982 frappa le Mexique. La baisse du prix du pétrole le plongea dans une forte récession. En réaction, les dirigeants du PRI commencèrent à remettre en cause le rôle de l'État dans l'économie. Cette politique allait conduire, comme ailleurs dans le monde, au démantèlement des entreprises et des services publics, mais aussi des terres communes dans les campagnes, remettant ainsi en cause l'héritage du sextennat de Lazaro Cárdenas. La bourgeoisie entendait ainsi garantir ses profits. Les temps devenant plus difficiles, il lui fallait diminuer la part des classes populaires.
Le mécontentement populaire s'exprima lors de l'élection présidentielle de 1988. Les électeurs votèrent contre le PRI officiel en donnant leurs suffrages au « courant démocratique » apparu au sein du PRI et qui présentait Cuauhtémoc Cárdenas, le fils de Lazaro. Il prétendait rétablir les droits sociaux que le PRI avait remis en cause. Mais les dirigeants du PRI lui barrèrent la route. En pleine élection, ils annoncèrent une panne informatique rendant impossible le décompte des voix, assurant ainsi la désignation du candidat du PRI, Carlos Salinas de Gortari.
En 1989, le courant de Cárdenas devint le Parti de la révolution démocratique (PRD). Il attira à lui la plupart des militants de la gauche mexicaine, du Parti communiste à l'extrême gauche maoïste et trotskyste, notamment la majorité du PRT (Parti révolutionnaire des travailleurs), une organisation liée au courant du Secrétariat unifié de la IVe Internationale, ainsi que divers groupes militants de quartier, tous alors convaincus que leur heure viendrait en 1994.
La mise en place au 1er janvier 1994 de l'Alena, l'accord de libre-échange nord-américain associant les États-Unis, le Canada et le Mexique, allait se révéler surtout profitable pour les deux premiers. Il fut néanmoins présenté par les dirigeants du PRI comme une aubaine pour la population mexicaine. Mais l'Alena, qui fit la fortune de quelques capitalistes mexicains prêts à surexploiter leurs ouvriers pour satisfaire la demande de biens de consommation à destination des États-Unis ou de l'Europe, fit surtout la fortune des grandes multinationales internationales et aggrava encore l'exploitation des travailleurs mexicains. En même temps que ce marché économique commun se mettait en place, les États-Unis renforçaient la frontière pour bloquer la route des émigrants mexicains. L'entrée en vigueur de l'Alena fut saluée par la première manifestation organisée par les militants et sympathisants de l'EZLN, l'Armée zapatiste de libération nationale basée dans le Chiapas. Cette action entendait rappeler qu'on peut résister à l'impérialisme et aux attaques contre les classes populaires, et reçut comme telle une certaine sympathie de la population, mais resta symbolique.
Le mirage de la transition démocratique
Aux élections de 1994, le PRD n'obtint pas le même succès qu'en 1988. Le PRI succéda au PRI et Salinas fut remplacé par Ernesto Zedillo. Ce dernier fut choisi et élu par défaut car deux autres dirigeants du PRI avaient été assassinés, le secrétaire général Ruiz Massieu et le candidat officiel à la présidence choisi par le PRI, Luis Donaldo Colosio. Très discrédités par ce scandale, les dirigeants du PRI commencèrent à évoquer une « transition démocratique » pour 2000.
Pour le PRI, cette transition ne devait pas profiter au PRD, d'autant plus que, depuis 1997, le PRD était à la tête du district fédéral de Mexico et y menait une action sociale appréciée par la population. Le PRI se tourna donc vers le PAN, une vieille scission du PRI et un parti de droite qui présentait toutes les garanties de maintenir l'ordre établi. C'est ainsi que le dirigeant du PAN et représentant de Coca-Cola au Mexique, Vicente Fox, se retrouva président de 2000 à 2006. De 2006 à 2012, lui succéda un autre dirigeant du PAN, Felipe Calderón.
Officiellement, la démocratie apparut donc en 2000 avec l'éviction du PRI. Le Mexique était censé entrer dans une ère nouvelle. En fait, c'était un simulacre. Les clans dirigeants du PRI et du PAN avaient négocié entre eux pour que, au-delà de l'alternance, rien ne change. L'élection de 2006 fut à nouveau exacerbée par la fraude massive qui barra cette fois encore la route au candidat du PRD.
Après quatre jours de suspense, Felipe Calderón était proclamé vainqueur de l'élection présidentielle. Le candidat du PRD, Andrés Manuel López Obrador, AMLO pour ses partisans, fit appel, sans succès. Ce résultat fabriqué fut entériné par l'Institut fédéral électoral (IFE), censé empêcher la fraude mais y prenant sa part. Cette fraude engendra un profond mécontentement populaire dans les rues de Mexico. Plusieurs manifestations massives de soutien à AMLO parcoururent les rues de la ville. Dans la ville d'Oaxaca, une région très pauvre, le mécontentement contre le PRI et le PAN prit un tour insurrectionnel. Il fallut des mois pour qu'un mouvement qui avait commencé par une grève d'enseignants, que la répression avait élargie à l'ensemble de la population et étendu aux villes voisines, rentre dans le rang.
Le second sextennat du PAN aggrava encore la situation des classes populaires. Les privatisations successives multiplièrent le nombre des chômeurs. Le Mexique était emporté dans la crise mondiale de 2008. Mais le fait le plus marquant des douze années de règne du PAN fut la montée en puissance des cartels de la drogue avec ce qui l'accompagne, l'explosion de la violence.
L'expansion des cartels de la drogue
L'histoire des cartels de la drogue au Mexique est largement dépendante de la proximité des États-Unis qui en furent sinon les initiateurs du moins bien souvent les prescripteurs. En 1914, les États-Unis avaient interdit l'opium et la coca à usage non thérapeutique. Le pavot était alors cultivé légalement au Mexique, mais pas la coca, qui l'était en Bolivie, Colombie ou Pérou. Le pavot poussait dans les États mexicains du nord-ouest, notamment le Sinaloa. La commune de Badiraguato fut même surnommée la Sicile mexicaine. Dans les années 1920, le Mexique interdit à son tour la production et la vente de marijuana et d'opium.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis manquant de morphine pour leurs soldats, le président Roosevelt fit relancer la culture du pavot au Mexique. Dans les années soixante, la consommation de drogue de la jeunesse américaine stimula la production de marijuana puis de pavot. Les trafics prirent leur essor. Les chefs des cartels mexicains s'imposèrent bientôt comme intermédiaires dans le transport vers les États-Unis, de la cocaïne venant de Colombie.
Dans les années 1980, les États-Unis, par l'intermédiaire de la CIA, favorisèrent ces liens pour financer leurs mercenaires, les contras, en guerre contre les sandinistes du Nicaragua. Certains contras furent entraînés dans des ranches du cartel de Sinaloa. Depuis, les cartels mexicains contrôlent le marché local - le Mexique est le troisième producteur mondial d'opium derrière l'Afghanistan et la Birmanie - et le trafic de cocaïne vers les États-Unis, premier consommateur mondial. Et l'argent produit par ces trafics inonde les circuits bancaires internationaux.
En 1985, l'assassinat d'un fonctionnaire de la DEA, le département antidrogue des États-Unis, refroidit les relations avec les cartels. L'agence antidrogue sous l'autorité du président mexicain fut dissoute. La police judiciaire hérita de sa mission, mais il s'avéra bientôt que son chef favorisait le cartel du Golfe du Mexique. En 1995, un général fit arrêter un parrain du cartel de Sinaloa. L'année suivante, ce général était nommé par le président Zedillo à la tête de l'institut national pour combattre les drogues. Mais en 1997 ce même général était emprisonné pour complicité avec le cartel de Juarez. En 1999, les présidents Clinton et Zedillo se rencontrèrent pour coordonner la lutte antidrogue chez Hernández Ramírez, soupçonné d'être impliqué dans le trafic de cocaïne.
Telle était la situation quand le PAN arriva à la tête de l'État en 2000. Le président Fox nomma un militaire procureur général qui lui-même plaça d'autres militaires à des postes-clés. Dès lors, le ministère de la Défense allait jouer un rôle central dans la lutte antidrogue. En 2005, l'opération « Mexique sûr » provoqua l'arrestation de quelques dirigeants de cartels et de milliers de comparses, mais le même volume de drogue entrait toujours aux États-Unis.
Président de 2006 à 2012, Felipe Calderón rencontra lui aussi le président George W. Bush pour parler drogue. Il claironna qu'il allait lui faire la guerre. Des dizaines de milliers de militaires et policiers furent déployés contre les cartels concurrents du cartel de Sinaloa qui semblait avoir les faveurs des dirigeants mexicains comme des États-Unis. Ce que les cartels démantelés ne livraient plus, Sinaloa s'en chargeait. Son chef, « El Chapo » (le petit) Guzman, fut même répertorié dans les grandes fortunes du magazine Forbes.
Ces attaques contre plusieurs cartels firent monter la violence. Les arrestations ou les morts de chefs de cartel déclenchaient guerres de succession et règlements de compte sanglants. En outre, les mouvements des troupes censées les combattre s'accompagnaient de très nombreuses d'exactions, quelquefois très cruelles, contre la population.
Des notables liés aux cartels attaqués furent démis de leurs fonctions : un ex-gouverneur d'État ; le chef de la lutte antidrogue ; des collaborateurs du ministre de la Sécurité publique ; le chef de la police de Cancun et de nombreux policiers ; une dizaine de maires ; un juge et divers fonctionnaires d'État. Indirectement, ces arrestations montraient à quel point l'argent des cartels irriguait tout l'appareil d'État.
En 2010, suite à la mort d'un douanier nord-américain, une enquête parlementaire américaine découvrit que les chemins qui amenaient de la drogue aux États-Unis, ramenaient au retour armes et explosifs aux cartels, avec la complicité des douaniers américains qui avaient la consigne de leur hiérarchie de fermer les yeux. Cette affaire, et d'autres éléments rendus publics, indiquait que le gouvernement américain avait pris fait et cause avec le cartel de Sinaloa. Une journaliste mexicaine, Anabel Hernandez, arriva à des conclusions voisines : la politique du PAN, la « guerre antidrogue », avait surtout renforcé le cartel du Sinaloa qui contrôle la plupart des points de passage à la frontière avec les États-Unis.
Le résultat est que la violence a atteint un niveau sans précédent. Plus d'une fois, on a découvert des charniers comparables à l'assassinat des 43 étudiants du Guerrero. Cette extrême violence permet tous les règlements de compte y compris contre les opposants au régime. Les assassinats de journalistes fouineurs, de syndicalistes combatifs, de militantes féministes, de maires incorruptibles ou de personnes opposées à cette violence sont courants. Cela gangrène toute la société et la population civile en paye le prix fort. Depuis 2006, il y a eu au moins 80 000 morts, 25 000 disparus et 1,6 million de personnes déplacées.
En mai 2012, le président Calderón dut admettre que la corruption avait permis la pénétration du crime organisé au sein des institutions. 80 % des municipalités seraient sous son emprise. Il faut dire que les moyens financiers des cartels sont illimités : ils dépassent largement le budget de la Défense. Ce cancer, limité au départ à deux États, s'étend maintenant à plusieurs autres, y compris Mexico.
Le discrédit de Calderón, rendu impopulaire par les conséquences de son prétendu combat contre la drogue, déclencha une crise au sein du PAN qui ne parvint pas à imposer un successeur. Et Vicente Fox accepta finalement un partenariat avec le candidat du PRI à l'élection présidentielle, Enrique Peña Nieto.
Ni PRI, ni PAN, ni PRD
Le succès du PRI marqua les élections de mi-mandat en juillet 2009. Le PAN perdit la moitié de ses députés. Le PRI récupéra la majorité au parlement. S'ajouta une montée de l'abstention et des votes nuls, exprimant le rejet des classes populaires pour le PRI et le PAN, mais aussi le PRD qui régressa. C'était une des conséquences de ses divisions internes.
Le courant dirigeant du PRD était plus préoccupé de trouver des arrangements avec la présidence Calderón que de se faire l'écho des préoccupations des classes populaires, ce qui lui fit perdre des municipalités. López Obrador, désormais oppositionnel, appela à voter uniquement pour les candidats de son courant, accentuant ainsi le recul du PRD et le découragement de ses électeurs. En 2011, López Obrador a rompu avec le PRD et lancé un nouveau mouvement, Morena, Mouvement pour la régénération nationale, une sorte de répétition de la création du PRD à ses débuts.
Il reste qu'en 25 ans d'existence, le PRD n'a pas réussi à supplanter le PRI et le PAN. Le nationalisme réformiste de Cuauhtémoc Cardenas qui l'animait à ses débuts et pouvait laisser croire que le PRD allait ramener une période de réformes comparables à celle de son père, a fait long feu. Aujourd'hui, le PRD ne se différencie plus guère du PRI et du PAN, au point que et Cuauhtémoc Cardenas et López Obrador ont pris leurs distances.
Étant donné le discrédit du PAN, le PRI n'a pas eu beaucoup de mal à capter la colère des électeurs, y compris en dénonçant de façon démagogique une privatisation des services publics de santé en cours, alors que le PRI au gouvernement aurait mené la même politique. La corruption devenue proverbiale du PAN fit oublier 71 ans de corruption du PRI, tandis que la fraude électorale du PAN en 2006 avait effacé celle du PRI en 1988. Voter PRI devenait le « vote utile » et préservait cette fois encore le vieil appareil d'État corrompu. L'élection présidentielle du 1er juillet 2012 a donc ramené au pouvoir le PRI avec comme président Enrique Peña Nieto. Cette élection comme celles de 1988 et de 2006 a été marquée par la corruption, la fraude et les protestations dans les rues de Mexico des électeurs floués.
Plusieurs manifestations au lendemain de l'élection dénoncèrent alors l'achat de votes et à nouveau la complicité de l'IFE, l'officine censée veiller à la bonne marche de l'élection et qui valida cette fois encore une élection plus que douteuse. Peña Nieto ayant fait réprimer avec violence un mouvement étudiant quand il était gouverneur, les étudiants se portèrent à la tête de la mobilisation d'abord contre sa candidature puis contre la fraude électorale. Même si ces manifestations n'empêchèrent pas l'intronisation de Peña Nieto, elles ternirent le retour du PRI aux affaires.
Pour maintenir un système politique vermoulu, le PRI a donc remplacé l'ancien système du parti unique par un système associant par un pacte les trois partis censés représenter la droite (PAN), le centre (PRI) et la gauche (PRD), sous l'autorité du président avec pour objectif de satisfaire les exigences des capitalistes, mexicains ou étrangers - en tête la privatisation de l'entreprise pétrolière mexicaine Pemex. Cette complicité entre les trois partis du système explique que dans certaines régions, l'abstention aux élections atteint 70 %. Bien des électeurs des classes populaires n'attendent plus rien de ces partis.
Si la société mexicaine n'a cessé de se déplacer sur la droite au cours de ce dernier quart de siècle, c'est d'abord parce que les partis au pouvoir, en même temps qu'ils favorisaient toutes les exigences des capitalistes, mexicains ou étrangers, n'ont cessé de continuer de porter des coups au mouvement ouvrier. Les privatisations successives ont multiplié les chômeurs. Et tous les gouvernements s'en sont pris aux travailleurs qui cherchaient à résister aux attaques, comme le fit le président Calderón qui mobilisa la force publique contre les travailleurs du syndicat des électriciens en 2009.
En absence d'une opposition ouvrière organisée, défendant ses intérêts de classe, le capitalisme a poursuivi sa route, de façon de plus en plus débridée et menaçante pour toute la société avec pour conséquence, au Mexique, que 7 millions de jeunes de 18 à 30 ans ne suivent pas d'études et n'ont aucun travail et que 30 millions de personnes, le quart des Mexicains, travaillent dans le secteur informel.
S'attaquer à la dictature du capital est donc une nécessité. La seule force sociale qui peut mener ce combat jusqu'au bout est la classe ouvrière. Or, le Mexique est le cinquième producteur mondial de pétrole, un très grand producteur de gaz, le premier producteur d'argent. Il dispose d'une industrie automobile, de sidérurgie ou de pétrochimie. Il existe donc une classe ouvrière importante. Surexploitée, elle a vu ses salaires réels diminuer et bien peu disposent d'une couverture sociale du fait de toutes les attaques endurées au cours du dernier quart de siècle.
Dans le passé, les travailleurs mexicains ont montré une grande combativité, mais il leur a manqué ce que Trotsky relevait en mars 1939 : « Au Mexique, actuellement il n'y a aucun parti ouvrier, aucun syndicat qui développe une politique de classe indépendante et qui serait capable de lancer une candidature indépendante à des élections. Dans ces conditions ce que nous pouvons faire est limité à la propagande marxiste et à la préparation du futur parti indépendant du prolétariat mexicain. »
C'est toujours d'actualité.
24 mars 2015