La situation économique
Il nous arrive, en parlant de crise de l’économie capitaliste, de faire un sort à part, d’un côté, à la crise de production, c’est-à-dire aux situations où, les marchés étant saturés, la production baisse ou stagne, avec toutes ses conséquences directes et en général immédiates pour les travailleurs, fermetures d’entreprises, faillites, licenciements en masse, etc. ; et, de l’autre, la menace de crises financières liées à la financiarisation de l’économie, à la spéculation.
Cette menace, qui pèse en permanence sur l’économie capitaliste, a failli se transformer en 2008 en crise systémique. Un peu du genre de ce qui s’est passé à partir du fameux Jeudi noir du 24 octobre 1929, suivi d’un Mardi noir le 29 octobre, et qui a été le point de départ de la Grande Dépression. Cette dépression aura duré une dizaine d’années, avec des hauts et des bas, surtout des bas, et n’a été surmontée que par une économie de plus en plus orientée vers la guerre dans les pays impérialistes et, finalement, par la guerre elle-même.
En 2008, l’intervention massive des États a évité le krach. Mais on est passés près de l’effondrement bancaire, tant les banques se méfiaient les unes des autres, au point de bloquer cette circulation permanente de crédits et d’emprunts qui constitue en quelque sorte la circulation sanguine de l’économie capitaliste.
Cette séparation des deux aspects de la crise du capitalisme peut être parfois utile pour certaines démonstrations, afin de mettre le doigt sur un fait d’actualité qu’on veut souligner. Mais il faut avoir en tête en permanence que le capitalisme est un et indivisible, que les grands capitaux passent du système financier à la production, et vice-versa, d’ailleurs plutôt vice que versa !
Et, plus important encore, les propriétaires de capitaux sont les mêmes : les grandes familles, pour parler des individus, ou les grandes entreprises, dont les activités sont interpénétrées et les principaux actionnaires rigoureusement les mêmes.
Pour parler avec notre terminologie marxiste, sans la méthode de raisonnement matérialiste dialectique, c’est-à-dire sans un type de raisonnement qui considère la contradiction, non pas comme un aspect à éliminer, mais au contraire comme l’expression de la réalité, on ne peut rien comprendre à ce qui se passe.
La financiarisation et le rôle prépondérant de la finance de cette ribambelle de banques, de sociétés financières, de compagnies d’assurances, ne menacent pas seulement d’un krach grave ou d’un effondrement, mais ils affectent de longue date et modifient l’activité productive.
L’économie capitaliste, c’est la concurrence, la guerre de tous les capitalistes les uns contre les autres, c’est la jungle. Mais, en même temps, ils sont tous maqués ensemble. Ce sont les mêmes grands actionnaires qui sont dans dix, vingt ou trente grandes sociétés, financières ou autres. Quand il y en a un qui peut dégommer l’autre, il en profite, mais en même temps ils sont liés comme cul et chemise.
La finance intervient et modifie déjà en permanence depuis des années le fonctionnement de l’économie productive. La prépondérance de la finance influe sur la gestion des entreprises capitalistes. Une direction peut être amenée à gérer davantage en fonction de la valeur boursière que prend l’entreprise qu’en fonction de la marchandise produite.
Le PCF n’a pas tout à fait tort de parler de « licenciements boursiers », lorsque le but est juste de montrer aux actionnaires que le patron est capable de faire grimper leurs dividendes et la valeur boursière de leurs actions.
Prenons un fait économique de l’actualité toute récente, lié à l’histoire et au morcellement d’un des trusts les plus puissants de l’histoire du capitalisme, General Electric. L’histoire de General Electric montre que c’est plus profond que ça. Un récent article des Échos titrait : « La finance a tué General Electric, le dernier éléphant ». Le titre déjà est éloquent.
Acheter des actions d’une grande société comme General Electric, ou comme Toshiba au Japon, c’est ce qu’on appelle un « placement de père de famille ». Généralement, les actions varient moins, avec une amplitude moins importante que pour les start-up.
Acheter des actions de start-up, c’est un pari sur l’avenir, c’est-à-dire une spéculation, où l’on peut perdre, en perdant peu, mais si on gagne, on peut gagner beaucoup.
Il y a quand même quelques start-up qui ont réussi et, parmi elles, il y a les Gafam (tous des start-up, au départ). Et le type dont on parle le plus en ce moment, c’est Musk, dont l’entreprise Tesla produit 700 000 voitures, mais vaut en Bourse cent fois plus que Renault, qui en produit près de trois millions.
L’article des Échos explique très bien pourquoi les grandes banques ont depuis plusieurs années tendance à favoriser les start-up, plus fragiles que de grandes entreprises bien établies, mais qui, justement pour cela, se prêtent davantage à la spéculation : « GE, General Electric, dont l’origine remonte à Thomas Edison, en 1878, va disparaître par scission en trois : santé, énergie et aviation iront chacune de leur côté. Pour nombre d’investisseurs de la jungle capitaliste, l’éléphant n’est plus d’époque. […] Même Toshiba, fondé en 1875, y songe : le Japon éternel n’est pas épargné par les tirs de la finance. Quand on sait que les multiples cessions, ventes et acquisitions précédentes de GE ont permis aux banques de Wall Street de toucher 7 milliards de dollars en commissions depuis vingt ans, selon le Financial Times, on se dit que la condamnation à mort par la finance est, à tout le moins, intéressée. Le juge est partie prenante. »
Et Les Échos rappellent que « General Electric en 2000 était la plus haute valorisation de la Bourse, à 600 milliards de dollars ».
« Le groupe centenaire qui avait inventé l’ampoule, le moteur à réaction, le nucléaire et les éoliennes, avait loupé l’informatique, mais il tenait encore sa place dans toutes les industries électromécaniques. Jack Welch, le PDG mythique, avait créé une filiale lucrative de financement de ses clients acquéreurs de centrales ou de moteurs. La finance représentait 80 % des bénéfices de l’ensemble. » Le travail de 300 000 ouvriers rapporte donc moins (20 %) que les activités financières !
Mais voilà que « la crise financière de 2008 met à mal la filiale financière, coupable de mauvais placements. Les autres divisions apparaissent nues, peu rentables. S’ensuit une cascade de ventes, de la télévision NBC, des plastiques, de l’électroménager, et de la finance elle-même. Rien n’arrête la dégringolade. Le titre perdra 75 % en quelques années.
La “contrainte financière” est impitoyable. GE doit couper dans ses coûts, y compris ceux de ses laboratoires de recherche (le budget stagne à 4,5 milliards de dollars, puis baisse), tandis que ses banquiers, JP Morgan, Citi, Goldman Sachs, le bombardent de propositions de rachats de soi-disant « pépites » pour grossir ses résultats. Elles servent surtout à toucher au passage des commissions. »
« Pourtant, les conglomérats ne sont pas morts, continuent Les Échos. Quand Wall Street tombe dans la déraison (les bitcoins ou l’art virtuel), ils peuvent justement redevenir des havres pour des placements sérieux de long terme. Les sages éléphants sont plus utiles que les sauterelles. »
Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! Traduisons : pour spéculer, il vaut mieux parier sur des sauterelles. Elles coûtent moins cher pour les faire se battre et, quant à ce que ça rapporte, ça dépend du montant des mises. Les Chinois ont inventé les combats de grillons, paraît-il, à l’époque des Tang, il y a mille ans et, à ce qu’il paraît, ça reste encore populaire aujourd’hui. Mais la richesse vient quand même des entreprises « éléphants », c’est-à-dire de la plus-value extorquée de leurs travailleurs.
La situation internationale
Dans la première partie du texte sur la situation internationale, intitulée « Pandémie, chaos économique, affrontements armés, menaces de guerre », il s’agit des relations entre États, des menaces de guerre, etc.
Nous voudrions insister sur un autre aspect, qui concerne à des degrés divers toutes les puissances impérialistes, c’est-à-dire tous ces pays riches dont la bourgeoisie était et est encore assez riche pour se payer un système parlementaire, une démocratie bourgeoise.
Il ne s’agit pas du tout de la majorité des quelque 200 pays de la planète. Oh, depuis disons les années soixante, le parlementarisme démocratique est à la mode, même dans la majorité des pays pauvres ! Un grand nombre de pays, qui sont des dictatures féroces ou pourris jusqu’à l’os par la corruption, préfèrent s’intituler républiques plutôt que monarchies, ou démocraties plutôt que dictatures. Même la Barbade, ancienne colonie sucrière anglaise des Antilles, devenue indépendante depuis les années 1960 mais toujours membre du Commonwealth et sous le règne d’Elizabeth II, vient de suivre la mode en se proclamant république.
Le Liban est une démocratie. La Birmanie l’était au temps de Aung San Suu Kyi et n’est redevenue une dictature dans le vocabulaire international qu’à cause d’un coup d’État militaire, sans que rien ne change, ni la persécution des minorités Rohingyas et quelques autres, ni la misère des masses, ni l’oppression au quotidien.
La chaîne de télévision internationale France 24 a annoncé récemment qu’« Interpol a élu à sa tête le général émirati Ahmed Nasser al-Raisi, pourtant accusé de tortures et visé par des plaintes en France et en Turquie ». Mais les grandes puissances « démocratiques » qui font la pluie et le beau temps dans cette internationale policière ne vont tout de même pas aller chercher des noises pour si peu au général d’un pays qui vient de passer à la France commande de plusieurs Rafale et hélicoptères, ce qui fait tant plaisir à Dassault et à quelques autres.
Nous voudrions parler de ces quelques pays impérialistes qui, grâce au pillage des pays pauvres et à la mainmise qu’ils exercent sur leurs ressources, peuvent se payer le parlementarisme bourgeois.
Ce parlementarisme est miné depuis bien des années par beaucoup de choses, mais essentiellement par la crise économique.
On en a l’exemple ici, en France, avec la crise de l’alternance gauche-droite, avec l’augmentation de l’abstentionnisme. L’arrivée au pouvoir de Macron était déjà l’expression de cette crise, avec son « ni droite ni gauche », c’est-à-dire avec l’une et l’autre, et surtout la droite. Il a su en tirer profit pour son ambition. Mais il n’a pas résolu le problème.
Le problème, c’est la déconsidération globale des gouvernements issus du parlementarisme, qui sont de moins en moins crédibles. Cette déconsidération est une vieille histoire, liée au fait que la bourgeoisie impérialiste décadente est de moins en moins encline à jeter quelques miettes à l’aristocratie ouvrière. Le temps du réformisme triomphant est passé. La crise a épuisé les bases économiques de la démocratie parlementaire des pays impérialistes. Il ne s’agit pas de l’accélération actuelle, mais de cette longue « crise séculaire » qui, depuis les années 1970, pousse la bourgeoisie à une attitude plus offensive contre la classe ouvrière. Cela s’est fait progressivement, de façon étalée dans le temps. Avec l’aggravation actuelle de la crise, la démocratie parlementaire bourgeoisie est définitivement condamnée.
Il y a ce sur quoi, aux États-Unis, un Trump a basé son ascension politique pour devenir président, c’est-à-dire la méfiance vis-à-vis des « élites ». Il mise sur la même méfiance pour revenir au pouvoir aux prochaines élections. Au point qu’un grand quotidien américain, le Washington Post, qui passe pour être sérieux, a titré un article (23 septembre 2021) : « Notre crise constitutionnelle est déjà là », pour poursuivre : « Donald Trump sera le candidat républicain à la présidence en 2024. L’espoir et l’attente qu’il perde de sa visibilité et de son influence ont été illusoires », concluant : « Les États-Unis se dirigent vers leur plus grande crise politique et constitutionnelle depuis la Guerre Civile, avec une chance raisonnable, au cours des trois à quatre prochaines années, d’incidents de violence de masse, une rupture de l’autorité fédérale et la division du pays en terres rouges et enclaves bleues. »
Sur la situation politique en France
Cela nous ramène, ici en France, à la fulgurante ascension de Zemmour dans les sondages. Un éditorial récent du Parisien affirme que « la trajectoire de Donald Trump fait rêver Zemmour ». Et peut-être aussi Bolloré, le manager qui le fait courir. C’est d’autant plus vraisemblable que l’exemple inspire de longue date Victor Orban en Hongrie et son régime « illibéral ». La démocratie parlementaire bourgeoise garde ses oripeaux mais vidés de tout contenu.
La première condition d’une démocratie parlementaire bourgeoise est que les gens croient en elle, qu’ils croient à l’alternance gauche-droite et à l’alternance Parti républicain-Parti démocrate. Eh bien, ils croient de moins en moins en cela !
Autant la bourgeoisie se fout des alternances, c’est là l’affaire de son personnel politique, autant elle a besoin d’un État qui fasse face aux troubles. Il faut que l’autorité de l’État soit respectée ! On n’entend que cela à longueur d’antenne, que ce soit à propos des gilets jaunes ou, comme en ce moment, à propos des Antilles.
Une période de crise comme celle que nous vivons peut nécessiter un pouvoir fort, autoritaire, pour imposer à la population des mesures indispensables à la bourgeoisie. Cela peut en rester aux moyens purement étatiques. Le fascisme au pouvoir n’est pas l’idéal de la bourgeoisie, même de sa frange la plus réactionnaire. Dans la mobilisation même très réactionnaire de la petite bourgeoisie, il y a une trop large part faite à ce que la grande bourgeoisie considère avec mépris : la « populace ».
Dans la période qui a fait surgir Mussolini, la Marche sur Rome était davantage un spectacle destiné à dissimuler l’accord de l’armée et de la police, et du roi, pour que Mussolini parvienne au pouvoir. En Allemagne, Hitler n’a pu consolider son pouvoir, même une fois devenu chancelier, qu’en montrant patte blanche à l’appareil d’État, en l’occurrence l’armée, c’est-à-dire son état-major, en massacrant les SA qui l’avaient porté au pouvoir. En Espagne, il y avait une organisation fasciste, la Phalange, qui a été utile à la dictature de Franco pour encadrer la population, mais c’est l’armée qui avait pris le pouvoir.
Au-delà de la petite personne de Zemmour et des circonstances précises de son émergence comme substitut éventuel à Marine Le Pen, du cadeau que Bolloré lui a fait en lui donnant une tribune télévisée quotidienne, etc., il y a un phénomène bien plus général.
Pour le moment, Zemmour reste un phénomène électoral. Mais en tant que tel, s’il prend la place de Le Pen comme porte-parole de l’extrême droite, ce sera le signe d’une évolution de l’opinion publique de droite et d’extrême droite, dans le sens d’une plus grande radicalité dans le langage. Ce sera la démonstration que Marine Le Pen, à force de se dédiaboliser, aura perdu une partie de son électorat. Si les deux maintiennent leur candidature, cela pourrait empêcher l’extrême droite d’être présente au deuxième tour. Mais cette division n’aura pas diminué l’ensemble de l’électorat d’extrême droite, au contraire, cela l’aura augmenté.
Zemmour bénéficie déjà du soutien d’un Bolloré et sans doute de quelques autres grands bourgeois, mais cela ne signifie pas que la bourgeoisie souhaite le voir gouverner le pays.
Mais, dans l’ombre de Zemmour et de Le Pen, il y a déjà des individus, des groupes qui ont des projets ouvertement fascistes. La « zemmourisation » des esprits pourrait encourager certains de ces groupes à tenter leur chance et faire sortir la menace du domaine essentiellement électoral.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous diffusons des bulletins sans subir d‘attaques, même pas du côté des stals. Nous vendons notre presse sans être embêtés par quiconque. On peut se réunir, faire nos meetings, nos CLT, sans avoir affaire à des bandes fascistes.
Pour comparer avec notre passé, nous avons subi plus d’agressions lors des ventes de notre presse à une époque où nous étions quelques dizaines que par les temps qui courent. Et, au temps de Poujade, même les vendeurs de L’Humanité subissaient périodiquement des attaques, et nous ne parlons pas de la période de l’OAS, où le danger fasciste était bien plus menaçant qu’aujourd’hui.
En Italie, un groupe d’extrême droite a profité d’une manifestation anti-passe sanitaire pour attaquer le siège de la centrale syndicale CGIL. Cette attaque est restée pour l’instant sans lendemain. Elle a été facilitée par le fait que la CGIL défend le passe sanitaire (exigé de tous les travailleurs) et apparaît comme complètement solidaire du gouvernement. Au point que certains gauchistes sont prêts à trouver ça bien d’attaquer la CGIL, indépendamment de qui l’attaque.
Avant d’avoir besoin de recourir à des bandes fascistes comme supplétifs de l’appareil d’État, la bourgeoisie peut se contenter de son appareil d’État, d’un régime bonapartiste. Avant d’être appelé au pouvoir par la bourgeoisie, Hitler a été précédé par des Brüning, Schleicher, von Papen, etc., qui étaient des politiciens aussi réactionnaires qu’autoritaires.
Alors, sans avoir la capacité de deviner le destin de Zemmour ou, plus exactement, l’offre politique patronnée par Bolloré, le rôle du premier peut n’être que la couverture politique d’extrême droite d’un pouvoir bonapartiste s’appuyant sur l’armée et sur les appareils de répression officiels.
Voilà dans quel sens il y a une certaine répartition des rôles de fait entre Macron et Zemmour. Le premier habitue la population à des mesures autoritaires. D’abord avec la répression policière contre les gilets jaunes ; plus récemment, en profitant de « la guerre contre le coronavirus » pour mettre au pas la population.
Le second, Zemmour, donnera, s’il en a la possibilité, une expression plus achevée, plus ouvertement réactionnaire, au rôle de l’appareil d’État.
Notre campagne
Le premier de nos objectifs, en utilisant la légalité du parlementarisme bourgeois, est de défendre et de propager nos idées communistes révolutionnaires.
Le chaos économique et sanitaire, les crises écologique, migratoire, le retour de la famine en Afrique, l’évolution réactionnaire avec le renforcement de l’extrême droite et des idées racistes témoignent tous les jours de la nécessité de changer la société et le monde tout entier.
C’est un constat qui est fait bien au-delà des révolutionnaires. Parce que tout le monde sent bien que l’humanité ne s’achemine pas vers une ère de prospérité, de paix et d’harmonie.
Ce qui nous distingue de tous les autres candidats, y compris du NPA, c’est que nous affirmons que la seule force capable de transformer la société, c’est la classe ouvrière. Nous affirmons que, si les travailleurs ne se battent pas pour renverser l’exploitation et l’obstacle que constitue la propriété privée capitaliste, la société continuera de s’enfoncer dans le chaos. Plus aucun parti, plus aucun politicien ne raisonne à partir du prolétariat, à partir de ses besoins et de ses intérêts. Pour un tas de gens, le mot même de prolétariat ne veut plus rien dire, les ouvriers n’existent plus et même l’usage du mot travailleur est questionné.
Eh bien oui, le prolétariat ne devient visible que lorsqu’il se bat. Et, quand il ne se bat pas à l’échelle de la société, il ne peut apparaître comme une force politique que s’il se donne un parti. Il ne dépend pas de nous de déclencher des luttes massives, mais il dépend de nous de nous acharner pour construire un parti dans la classe ouvrière.
Notre orientation fondamentale est d’affirmer cette confiance dans la classe ouvrière, c’est de militer en direction du monde du travail pour construire un parti ouvrier révolutionnaire. Sur cette orientation fondamentale, nous sommes seuls et cela justifie que l’on ne chercher pas à s’allier avec Pierre, Paul, Jacques. Si nous ne portons pas, nous, cette perspective de construire un parti des travailleurs, personne ne le fera.
Il faut utiliser au maximum les deux campagnes électorales pour avancer dans cette construction.
Ces deux campagnes doivent nous servir à rayonner plus largement que d’habitude, même si c’est forcément limité par la situation.
Et cela ne se fera pas au travers des quelques interviews médiatiques de Nathalie Arthaud. Tout cela dépend de notre campagne militante et des efforts militants de chacun.
On peut déjà faire un petit bilan intermédiaire de la campagne. Elle a commencé en septembre. Il y a eu une série de fêtes locales et de banquets… le meeting du 9 octobre, et puis, pour aider à la mobilisation et motiver les troupes, Nathalie Arthaud s’est déplacée dans une trentaine de villes pour animer des réunions larges, quoique non publiques, mélangeant des militants, des sympathisants et des connaissances.
Le premier bilan que l’on peut faire de cette activité est encourageant et, bien sûr, il reflète le combat permanent que l’on a à mener dans la période.
Un combat, d’abord, parce que faire en sorte que les gens se déplacent, ce n’est jamais simple. Mais nous parlons de combat aussi parce que les participants à ces réunions reflètent l’état d’esprit morose, pour ne pas dire découragé, des travailleurs. Ils sont défaitistes et répercutent ce qu’ils entendent : « Faire grève ce n’est plus possible. Les patrons sont trop forts. Ils ont gagné. Et puis il y a la répression. C’est David contre Goliath… Mais les gens autour de moi ne veulent plus entendre parler des syndicats ou de la politique. » Et puis bien sûr, il y a le fait que l’extrême droite et Zemmour ont le vent en poupe.
Dans une même réunion, on peut avoir des écorchés vifs, souvent d’ex-gilets jaunes qui ne veulent pas s’avouer vaincus, et puis, à l’opposé, d’autres qui raisonnent en syndicalistes et qui reprochent aux gens de ne pas vouloir se mobiliser. Ces réactions reflètent toutes deux, de façon opposée, le même découragement et la perte de confiance dans la classe ouvrière.
Face à cela, la seule chose que nous avons à leur proposer, c’est notre propre révolte, le capital politique que nous a légué le mouvement ouvrier révolutionnaire et notre démarche militante et volontariste. Alors, bien sûr, c’est un combat, toujours, pour les toucher, pour leur redonner le moral, pour leur donner envie d’être avec nous, pour les entraîner malgré les doutes qu’ils peuvent avoir.
Mener ce combat dans un cadre collectif est un gros avantage. Cela prouve, même petitement, qu’on n’est pas seuls et qu’il existe ne serait-ce qu’un noyau du parti que nous voulons construire.
Et c’est ça l’aspect encourageant. Il y a en quelque sorte deux milieux qui se télescopent : des convaincus, des solidaires de tout ce que l’on peut dire, et ceux qui nous découvrent, ouvrent de grands yeux ou expriment leurs désaccords. Cela fait presque toujours des réunions très animées, avec des gens qui livrent leurs sentiments et qui sont contents aussi d’entendre et d’écouter ce que les autres ont à dire.
La semaine dernière, une ouvrière de la SAM, la fonderie qui est mise en liquidation dans l’Aveyron, a été interviewée à la radio et elle a dit qu’elle était passée par plusieurs phases : « la fatigue, la colère, la résignation et le combat ». Eh bien, ces réunions mêlent des personnes qui sont dans ces quatre états d’esprit.
Mais globalement, il en ressort une grande solidarité et une fraternité.
Se lancer dans la campagne, et surtout lancer dans la campagne nos proches, est compliqué, parce que les médias ne relaient pas notre campagne. Nathalie Arthaud n’a droit qu’à quelques interviews sporadiques et, à moins de s’intéresser et d’être un peu politisé, il est difficile de savoir qu’elle est candidate. Mais on ne peut pas attendre qu’elle soit visible dans les médias, elle ne le sera que dans les derniers jours. Nous n’aurons droit qu’à la toute petite visibilité que constituent les débats des deux semaines de campagne officielle, s’il y en a. Quant aux réunions publiques, elles arrivent aussi très tard.
Tisser des liens militants avec tous ceux qui nous entourent – et pas seulement leur demander de se déplacer aux réunions que l’on peut organiser –, essayer de voir quel geste militant chacun peut faire, comme du porte-à-porte avec eux dans leur immeuble, voire distribuer des tracts dans des boîtes aux lettres, réunir quelques proches chez eux un samedi après-midi, tout cela nécessite beaucoup de temps. Cela veut dire prendre le temps pour discuter, pour réfléchir et s’organiser avec eux. Si nous attendons trop, nous ne pourrons pas le faire.
Les fêtes de fin d’année arrivent très vite maintenant. En fait, quand on regarde, il nous reste trois mois utiles : janvier, février, mars, parce que début avril c’est déjà fini. Trois mois, c’est très peu vu le boulot qui s’offre à nous. Il faut essayer d’y mettre toutes nos forces.
Vers la jeunesse
Le « camp des travailleurs » ne parle peut-être pas à la jeunesse étudiante. Mais tout ce que nous y mettons, l’internationalisme et la perspective de la révolution et du communisme, fait partie des discussions que l’on a en permanence avec les jeunes. En élevant la voix en faveur des migrants, de la liberté de circulation, on donne une bouffée d’oxygène aux jeunes immigrés et à tous ceux que l’expression d’un racisme décomplexé écœure. Le surgissement de Zemmour, la droitisation de la vie politique, tout cela suscite des questions. On peut essayer de s’en saisir pour organiser des réunions.
Comme la crise climatique pousse une partie de la jeunesse à réfléchir et, peut-être, à se politiser, l’écologie et la nécessité de réorganiser toute la société est d’ailleurs une façon très simple de parler expropriation de la bourgeoisie, communisme et rôle révolutionnaire des exploités.
Essayons d’utiliser toutes les possibilités que nous offre la campagne présidentielle, aussi petites soient-elles. Le fait de nous battre dans cette campagne, en ne cédant à aucune mode ni démagogie et en assumant le fait d’être à contre-courant des idées réactionnaires, cela peut aussi enthousiasmer des jeunes révoltés. Que nous nous bagarrions contre l’apolitisme et le réformisme pour porter une parole révolutionnaire, oui, cela peut enthousiasmer certains jeunes, comme cela continue de nous enthousiasmer.