Avertissement : Les lecteurs de Lutte de Classe savent qu'il existe au sein de notre organisation une tendance minoritaire qui soumet des textes différents de ceux de la majorité aux votes de nos camarades, lors de nos conférences nationales. Ces textes sont systématiquement publiés dans nos colonnes. Ces camarades ont demandé à se constituer en tendance structurée, c'est-à-dire en fraction. Ils s'expriment désormais régulièrement dans ces colonnes.
Cette tribune est rédigée indépendamment des autres articles de Lutte de Classe, et peut donc aborder, ou ne pas aborder, un sujet traité par ailleurs dans cette revue.
Bien des travailleurs ont du mal à résister au chantage du « vote utile », du « moins pire ». Cela traduit évidemment une manque de confiance en eux-mêmes, en leur force extra-électorale, en leurs propres capacités à changer le rapport de force. On ne croit plus en la gauche gouvernementale, mais dans ce contexte de durcissement social contre toutes les couches populaires, on ne croit toujours pas en ses propres forces. Du moins pas encore.
L'actualité sociale, c'est l'offensive toute azimuts contre les salariés et les couches populaires : pas une semaine sans l'annonce d'un plan de licenciements ou de suppressions d'effectifs. Au sein des entreprises privées comme publiques, on retrouve partout le durcissement des conditions de travail, l'augmentation du stress, les techniques de harcèlement, les mesures de rétorsion contre les plus combatifs, les sanctions, les provocations voire les procédures de licenciement contre les militants syndicaux.
Tout cela, pas dans un contexte de crise économique. Loin de là. Jamais les profits n'ont été aussi élevés. Mieux, ou plutôt pis : jamais la part des profits distribuée en dividendes aux actionnaires n'a été aussi importante. Jamais depuis des décennies, les riches ne se sont autant enrichis et plus rapidement, au détriment de la grande majorité (cf. notre dossier). D'un côté l'explosion des profits et le boom des industries de luxe ; de l'autre la baisse des salaires, la smicardisation d'une partie des salariés, la généralisation de la précarité y compris chez les classes moyennes, la crise du logement, la dégradation des services publics, de la santé, la marginalisation des plus pauvres.
Oui, la classe ouvrière est sur la défensive. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est prostrée. Aujourd'hui, et c'est caractéristique de ces dernières années, on assiste à toute une série de protestations, rassemblements, débrayages ou grèves localisées soit contre les conditions de travail ou des plans de restructurations, soit, et c'est notable ces derniers mois, pour des augmentations de salaires. Le problème, c'est ce que ces différents mouvements restent dispersés et somme toute quasi invisibles pour l'ensemble des travailleurs.
Cela tient bien sûr à une politique d'émiettement délibéré des centrales syndicales. Prenons le dernier exemple en date avec Airbus et Alcatel Lucent. Qu'est-ce qui aurait empêché les différentes confédérations de proposer des manifestations nationales et européennes communes des salariés de ces deux trusts, et un plan de mobilisation d'ensemble, au niveau national et même européen, contre les plans de licenciements ? Cela donnerait au moins un véritable objectif.
Ces objectifs, inutile de les attendre des confédérations syndicales ou des partis politiques prétendument de gauche qui ne songent qu'à accompagner tant bien que mal les mesures de la bourgeoisie.
En revanche, c'est cette perspective que seuls les révolutionnaires trotskystes présentent à l'occasion de ces élections. Les travailleurs qui se retrouvent dans ce message-là, n'ont surtout pas intérêt à se censurer au nom d'un prétendu vote « utile ». Leur intérêt, c'est d'abord de se faire entendre auprès du reste des salariés. Voilà, à l'occasion de ces élections, ce qu'il importe que la classe ouvrière dans son ensemble entende clairement de sa fraction la plus consciente et combative.
À l'extrême gauche, c'est Arlette Laguiller, en ayant refusé d'emblée de s'égarer dans les molles ambiguïtés d'un rassemblement « à la gauche de la gauche », qui représente le plus résolument cette perspective. Car pour donner envie à la classe ouvrière d'avoir confiance en ses propres forces, les révolutionnaires doivent montrer qu'ils ont d'abord confiance en leur propre programme. Oui, à une époque où les rapports de classe se durcissent et se radicalisent, les révolutionnaires peuvent se faire entendre et comprendre par de larges fractions de la classe ouvrière, au-delà même des résultats d'un scrutin.
18 mars 2007
Editorial du numéro 50 de Convergences révolutionnaires
Revue publiée par la fraction de Lutte Ouvrière