L’espérance de vie aux États-Unis est en recul. Ce déclin, amorcé en 2010, touche d’abord la population active. Loin d’être une bizarrerie statistique, cette baisse est symptomatique des attaques généralisées que la classe capitaliste mène contre les travailleurs depuis cinquante ans.
Suppressions d’emplois…
Le capitalisme a toujours cherché des moyens de payer à moindre coût sa main-d’œuvre. Et le premier moyen pour y parvenir est souvent de supprimer des emplois et de forcer les travailleurs qui restent à accepter davantage de travail. Tout en prétendant que c’est la technologie qui fait disparaître les emplois, les capitalistes organisent et réorganisent le travail pour supprimer autant de postes que possible.
Contrairement à ce que prétendent les médias, le problème n’est pas la disparition des travailleurs, c’est celle des emplois.
Même les statistiques officielles le montrent. Seuls 62,5 % des personnes en âge de travailler font aujourd’hui partie de la population active, c’est-à-dire occupent un emploi ou sont en recherche active d’emploi. Ce chiffre est en baisse constante depuis 2000. Aujourd’hui, il est retombé à ce qu’il était au début des années 1970.
Et ce n’est qu’une partie du tableau. Parmi ceux qui ont un emploi, 10 % sont des travailleurs intérimaires, dont l’emploi est par définition précaire. 20 % sont des travailleurs de type Uber ou à temps partiel, souvent forcés de cumuler deux ou trois emplois pour survivre.
D’ailleurs, le ministère américain du Travail, qui compile ces chiffres, considère qu’une personne est employée même si elle n’a travaillé qu’une heure au cours d’une semaine donnée. Combien d’emplois d’une heure faut-il pour survivre ?
La réduction du nombre d’emplois n’a pas touché uniformément les différentes catégories de travailleurs. Au sein de la population active, la part des hommes âgés de 20 à 64 ans a diminué, tandis que celle des personnes âgées, des femmes et des enfants a augmenté.
Le fonctionnement normal du capitalisme conduit à ce que des personnes âgées, des femmes et des enfants aient besoin de travailler, tandis que le travail des hommes entre 20 et 64 ans, lui, coûte davantage aux capitalistes. De fait, depuis les années 1950, cette catégorie de travailleurs s’est retrouvée moins sollicitée. Et, avec la crise économique actuelle, cette tendance s’est renforcée : les capitalistes ont recours plus encore qu’avant aux fractions les plus vulnérables de la classe ouvrière.
Les travailleurs âgés en particulier ont été poussés à retourner sur le marché du travail. Parce que la société capitaliste a réduit et supprimé les pensions de retraite, les prestations sociales versées par l’État et le niveau de Medicare, le travail est devenu davantage une nécessité, même pour les plus âgés. Depuis le reflux de la pandémie de Covid, la plus forte augmentation du nombre de personnes qui travaillent a été constatée dans la classe d’âge des plus de 55 ans, notamment au-delà de 65 ans.
De même, la part des femmes dans la population active n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, 47 % des travailleurs sont des femmes et 53 % des hommes. En 1995, la proportion était de 40 % pour les femmes et 60 % pour les hommes et, en 1950, elle n’était que de 30 % pour les femmes et 70 % pour les hommes.
Certaines personnes considèrent le travail des femmes comme un signe d’ouverture de la société à leur égard. Ce serait peut-être vrai… si les femmes étaient payées autant que les hommes. Mais le salaire des femmes n’a pas rattrapé celui des hommes. L’accès croissant des femmes à l’emploi coïncide avec le désir des capitalistes d’accroître la partie de la main-d’œuvre qui leur coûte moins cher. C’est pour cette même raison qu’une partie importante de la classe capitaliste fait pression pour faire venir davantage d’immigrés, rendus particulièrement vulnérables par leur absence de statut légal.
À une échelle beaucoup plus réduite mais significative, plus d’enfants travaillent, dont certains ont moins de 10 ans. Nous ne sommes pas encore de retour au 19e siècle, pendant lequel le travail des enfants était endémique, même dans les plus grandes entreprises. Mais il est en augmentation aujourd’hui. En 2023, le ministère du Travail a répertorié 5 792 enfants mineurs qui travaillaient, presque le double des chiffres de 2020. Cela peut sembler insignifiant par rapport à la population active, qui compte aujourd’hui plus de 167 millions de personnes. Mais le ministère du Travail ne peut prétendre qu’il est à l’affût des infractions, car 99,99 % des lieux de travail ne sont jamais inspectés. Les 5 792 enfants recensés ne donnent qu’une idée très sous-estimée du nombre d’enfants réellement exploités dans l’industrie. Le jeune migrant tué dans une usine de volailles du Mississippi, l’enfant qui a perdu une partie de son bras dans une usine de transformation de viande de l’Iowa, le garçon de ferme de 16 ans qui est mort dans une scierie du Wisconsin : ces trois-là n’étaient pas entrés tout seuls dans de grandes entreprises.
Quand il découvre une infraction, le ministère du Travail dénonce « autant » les employeurs qui mettent les enfants dans de telles situations que les parents ou tuteurs qui les laissent aller travailler. C’est le rôle habituel de l’État qui, pour dédouaner le système qui régit cette maison de fous, pointe du doigt ses habitants.
Réduction des salaires…
Au cours des cinquante dernières années, les capitalistes ont diminué la part du revenu dévolue aux salaires des travailleurs.
Le salaire minimum n’a pas évolué depuis 2009. En dollars constants, il est inférieur à ce qu’il était en 1959. Aujourd’hui, quelqu’un qui gagne le salaire minimum pour une semaine de 40 heures, 52 semaines par an, sans aucun jour de congé, ne gagnera que 20 dollars de plus sur l’année que ce qui est nécessaire pour rester au-dessus du seuil de pauvreté. Et il s’agit là de la pauvreté telle qu’elle est définie par le gouvernement, non de la réalité. Certes, seule une très faible proportion de la main-d’œuvre est rémunérée au salaire minimum, peut-être moins de 2 %. Mais le fait de fixer un seuil si épouvantablement bas vise à tirer tous les salaires vers le bas.
Dans l’ensemble, les salaires ont été diminués. Cela ne veut pas dire que tous les salaires versés par les patrons à leurs salariés, pris un par un, ont été systématiquement baissés, bien que cela soit parfois arrivé. Mais la masse salariale versée par la classe capitaliste a été réduite. Les travailleurs salariés âgés qui ont perdu leur emploi ont été généralement incapables d’en retrouver un dont le salaire soit comparable à celui de l’emploi qu’ils occupaient précédemment. Les nouveaux travailleurs débarquant sur le marché du travail ont découvert qu’ils dépendaient d’une grille salariale complètement différente, très défavorable par rapport à celle de leurs parents et grands-parents.
Au-delà, l’inflation a eu pour effet de réduire la valeur des dollars touchés en salaire. Le point culminant des salaires, en dollars constants, a été atteint au début des années 1970.
De 2010 jusqu’à 2020, les prix ont connu une hausse régulière mais pas spectaculaire, généralement d’un à deux pour-cent par an. Puis, en trois ans, de 2021 à 2023, les salaires ont perdu plus de valeur qu’au cours des onze années précédentes, et l’inflation est devenue un problème majeur, dont pratiquement tout le monde est devenu conscient.
Le problème n’est pas l’inflation en soi. C’est qu’elle se concentre sur les articles de première nécessité. Le logement, la nourriture, les transports, les soins médicaux ont tous connu une explosion des prix. En trois ans, le prix des voitures neuves a augmenté de 31 %, celui des voitures d’occasion de 40 %. Même lorsque le prix des voitures a connu une baisse partielle, il a été loin de retrouver le niveau antérieur, et certainement pas un niveau correspondant au pouvoir d’achat des travailleurs, même avec un emprunt sur six ans.
Quant aux gros titres qui proclament que l’inflation baisse, c’est vrai s’ils veulent dire que le taux d’inflation est légèrement inférieur à ce qu’il était il y a six mois. Mais les prix n’en continuent pas moins d’augmenter.
Les salaires horaires ne sont pas la seule raison pour laquelle les revenus des travailleurs ont chuté de manière catastrophique. Aujourd’hui, les régimes de retraite et de soins de santé disparaissent, sauf pour les cadres et les professions libérales. Aux États-Unis, contrairement à la plupart des autres pays industrialisés, ce qu’on appelle les « prestations sociales » ne sont pas financées par la société mais par l’employeur individuel. Les pensions de retraite et d’invalidité versées par l’État, les seules exceptions, ont décroché par rapport à l’inflation, de sorte qu’à elles seules elles ne permettront pas aux retraités d’échapper à la pauvreté. Et le financement de Medicare, autrefois vanté comme le moyen d’étendre la couverture sociale aux personnes âgées, absorbe aujourd’hui une part plus importante du revenu des retraités que les soins médicaux ne le faisaient avant son avènement.
… de quoi permettre aux capitalistes d’augmenter rapidement leur part des richesses
Aujourd’hui, le pays compte 756 milliardaires. Au total, ce petit groupe de personnes possède 4 480 milliards de dollars. C’est, à quelque chose près, l’effectif de la classe capitaliste. Leur économie étant engluée dans une crise sans fin, ils se sont protégés en aggravant l’exploitation de la classe ouvrière.
Voici le résultat : les 1 % les plus riches de la population possèdent collectivement près du double de la richesse détenue par les 90 % les plus pauvres, soit 291 millions de personnes.
Cette accumulation de richesses entre les mains de la classe capitaliste et de ses alliés a eu un impact notoire sur la vie des classes laborieuses et provoqué une flambée des maladies et maux liés à la pauvreté. Malnutrition et obésité, diabète, hypertension artérielle et problèmes cardiaques afférents, mortalité maternelle élevée, maladies infantiles qu’on avait pu croire éradiquées : tout cela est en augmentation, de même que sont en augmentation des plaies sociales telles que l’absence d’un toit, les addictions à la drogue, aux médicaments antidouleur et à l’alcool, les suicides et les meurtres entre personnes qui se connaissent.
En d’autres termes, l’accumulation de richesses au sommet conduit la population laborieuse à une mort plus précoce.
Un électorat en évolution, mais toujours pas de parti de la classe ouvrière
Président en exercice, Biden est communément tenu responsable de la situation dans laquelle se trouvent la plupart des travailleurs. Néanmoins, Trump aussi a ses problèmes. Son taux d’impopularité a récemment atteint les 57 % de la population, juste derrière les 59 % de Biden. Mais les 57 % qui détestent Trump appartiennent à une autre couche sociale que les 59 % qui détestent Biden.
Le problème n’est pas seulement, comme le disent les médias, que le paysage politique est fracturé et que les gens se polarisent de plus en plus.
Nous constatons la poursuite, et peut-être le renforcement, d’un réalignement de l’électorat des deux partis, réalignement entamé il y a plusieurs décennies, mais qui s’est indéniablement accéléré lors des deux dernières campagnes présidentielles.
Des pans de l’électorat ouvrier blanc, en particulier dans les régions rurales ou semi-rurales, ont commencé à glisser vers le Parti républicain depuis l’époque de la guerre du Vietnam. À cette époque, le Parti républicain a progressé en jouant sur le mécontentement réel des travailleurs blancs, mais il cherchait à orienter leur colère dans le sens d’un ressentiment raciste envers les Noirs ou les immigrés. Mais quand Trump est entré en scène, il a recouvert le racisme inhérent au Parti républicain avec un discours « de classe ».
Il s’est adressé à ces « Américains qui travaillent dur, qui ne récoltent pas le fruit de leur travail ». Il s’est fait un plaisir de ridiculiser les « élites », les diplômés de Harvard qui « veulent vous expliquer comment vivre votre vie, comment élever vos propres enfants ». Avec son aplomb de démagogue, son côté racoleur et sa verve d’escroc de l’immobilier, Trump a dénoncé le marigot de privilégiés issu des grandes écoles, dont il provient lui-même et dans lequel il évolue encore.
Au début, il a rencontré un écho essentiellement parmi les travailleurs blancs mais, plus récemment, il a obtenu le soutien de milieux latinos, et même parmi la population noire – et pas seulement parmi leurs couches petites-bourgeoises « privilégiées ». Aux travailleurs noirs et latinos, il adresse sa propagande sur le flot de « nouveaux » immigrés qui viendraient prendre leurs emplois, et sa campagne rencontre un écho parmi ces deux catégories. Des sondages réalisés à l’automne dernier montrent que Trump est soutenu par plus de 20 % de la population noire, et même plus de 30 % des hommes noirs, surtout les plus jeunes. En 2022 déjà, Trump avait remporté certains districts du Texas et du Sud-Ouest, et dans les sondages de 2024 il continue de gagner des parts de l’électorat latino, bien au-delà des électeurs d’origine cubaine traditionnellement de droite.
Dans le même temps, les démocrates ont fait une mue très prononcée, en essayant de gagner les voix de la petite bourgeoisie périurbaine privilégiée et diplômée. En partie à cause de l’arrêt de la Cour suprême qui a annulé la décision Roe v. Wade, et du rôle du Parti républicain depuis, qui a essayé de limiter et de criminaliser l’avortement, cela a fonctionné. Cela a indéniablement permis aux démocrates de garder le contrôle du Sénat en 2022. Et cela a conduit les démocrates à faire tourner leur campagne autour de problèmes dont ils pensent qu’ils plairont davantage à la petite bourgeoisie diplômée.
Certes, il y a toujours une partie de la classe ouvrière, en particulier dans les syndicats, qui considère les démocrates comme son parti, ou du moins qui voit les républicains comme le danger principal. Et la plupart des couches les plus privilégiées de la population s’identifient toujours comme républicains – sinon comme des partisans de Trump. Le réalignement des deux partis est loin d’être achevé.
Mais aujourd’hui, les démocrates sont confrontés à une classe ouvrière mécontente. Ce sont eux qui sont aux commandes, donc vus comme responsables des difficultés de l’économie et des guerres. Il semble qu’ils aient choisi de tout miser sur la propagande qu’ils utilisaient déjà : premièrement, Biden est la seule protection pour la « démocratie » menacée par Trump et, deuxièmement, le programme économique de Biden « fonctionne » – la preuve étant que le taux de chômage officiel baisse, tout comme le taux officiel de l’inflation – un tour de passe-passe statistique qui ne peut pas masquer la réalité quotidienne vécue par les travailleurs.
Il se peut aussi qu’ils misent sur le projet de loi défendu par Bernie Sanders pour une semaine de 32 heures payées 40 – encore une promesse électorale qui n’attend que d’être trahie. Le fait que Sanders et Shawn Fain jouent les rabatteurs de voix pour le Parti démocrate attirera-t-il des travailleurs ? Peut-être.
Néanmoins, ce sont les démocrates eux-mêmes qui, en répétant que les choses vont bien, ont permis à Trump de gagner des voix dans la population laborieuse. Pour le moment, ses meetings et ses discours portent sur des questions qui mettent les travailleurs en colère : les suppressions d’emplois, la disparition de certaines industries, le profond ressentiment qu’éprouvent les travailleurs, en particulier dans les régions semi-rurales, qui voient leur monde s’effondrer, et la colère suscitée par l’impression que le gouvernement met ses moyens au service de « ces gens à l’étranger » et de leurs guerres. En fait, Trump joue sur l’idée que les guerres qui ont lieu à l’étranger représentent une menace pour les gens ici, et sur l’inquiétude ressentie par bien des habitants des régions rurales au sujet de l’impact que pourraient avoir ces guerres sur leurs enfants qui, faute de trouver du travail, s’engagent dans l’armée.
Le plus grand danger dans cette élection, ce n’est pas Trump lui-même, c’est le fait que des franges de la classe ouvrière se reconnaissent en lui.
Peu importe qui gagnera cette élection. Ce que celle-ci met en lumière une fois de plus, c’est qu’aucun parti ne se place dans le camp de la classe ouvrière ni ne représente les intérêts des travailleurs. Aucun parti ne propose à la classe ouvrière d’unir ses forces dans une lutte pour imposer la satisfaction de ses besoins, dans une société où s’accumulent toujours plus de richesses sur son dos.
Et aucun parti ne soulève les deux problèmes auxquels le sort de la classe ouvrière est lié : à savoir, une crise économique qui dure et s’aggrave, tirant la classe ouvrière toujours plus bas, et les préparatifs pour une nouvelle guerre, mondiale, qui tôt ou tard engloutira la population laborieuse de ce pays, comme le reste du monde.
Les guerres en cours à travers le monde sont « made in USA »
Jusqu’à présent, les États-Unis ont certes évité d’envoyer leurs propres troupes dans les guerres en Ukraine et désormais à Gaza. Mais ils y sont directement impliqués, et pas seulement par la fourniture d’armes et de financements, bien que ces deux contributions soient énormes. L’armée américaine est aussi impliquée dans les décisions qui ont abouti à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et à l’attaque d’Israël sur Gaza. Dans ces guerres, elle contribue à la planification des batailles et à l’extension de ces conflits, à la collecte d’informations nécessaire à cette planification. Même les armes que les États-Unis choisissent d’envoyer déterminent la forme que prendront ces guerres. Ce sont des guerres américaines, même si les États-Unis ont jusqu’à présent réussi à éviter de fournir eux-mêmes les corps qui servent de chair à canon.
Mais, tout en voyant ces guerres à la télévision ou sur son écran d’ordinateur, la population américaine, en général, ne voit pas le rôle qu’y jouent les États-Unis, et ne se sent pas menacée par la possibilité qu’elles puissent s’étendre ailleurs.
Peu de gens aux États-Unis, derrière les murailles que représentent les deux océans, comprennent viscéralement ce que veut dire une guerre. Les soldats qui partent combattre à l’étranger, peut-être. Mais pas la population. La population n’a pas connu de guerre sur son sol depuis la guerre de Sécession ou, pour les Amérindiens, depuis ce qu’on a appelé les « guerres indiennes ».
Dans la mesure où ces deux guerres en cours suscitent des discussions dans les milieux populaires, ces discussions tournent surtout autour de l’argent ou, plutôt, de ce à quoi pourrait servir l’argent dépensé pour les guerres dans d’autres pays s’il était dépensé ici, pour « nos problèmes ». Placés au cœur de l’impérialisme le plus puissant que le monde ait jamais connu, les travailleurs qui raisonnent de la sorte adhèrent à une vision étriquée, patriote jusqu’au fanatisme, de la situation politique.
Le fait est que les États-Unis consacrent des sommes colossales à la guerre, et pas seulement à ces deux guerres-là. Aujourd’hui, en dollars constants, ces dépenses sont plus grandes qu’elles ne l’étaient en 1944, c’est-à-dire dans la phase finale de la Deuxième Guerre mondiale. Les États-Unis représentent environ 40 % des dépenses militaires mondiales, soit autant que les dépenses militaires cumulées des quinze pays qui les suivent dans le classement.
Il ne s’agit pas simplement, comme le prétendent les deux partis, de sommes consacrées à la « défense ». Il s’agit de l’engagement des États-Unis pour imposer leur ordre sur la planète, à travers les guerres qui ont cours aux quatre coins du monde aujourd’hui. Au-delà, il s’agit de la préparation matérielle pour intervenir directement, ouvertement, dans une autre guerre à l’avenir.
Dans la mesure où les deux partis justifient ces dépenses militaires, ils le font souvent comme si la guerre était un programme de création d’emplois, en mettant en avant les régions du pays qui bénéficient de la production d’armes et d’autres matériels militaires. Biden a utilisé le même argument récemment quand il a demandé au Congrès une augmentation des sommes consacrées à l’armement pour l’Ukraine et pour Israël.
De telles idées permettent de donner une image aseptisée de la guerre, comme si elle était relativement inoffensive – et inoffensive, elle l’est sans doute jusqu’à un certain point pour les privilégiés qui ont les moyens de s’abriter derrière la muraille de l’océan.
Mais, pour les peuples du reste du monde, c’est-à-dire nos frères et sœurs de classe, il n’y a jamais eu d’océan derrière lequel s’abriter, pas plus que ces océans n’ont protégé les jeunes hommes et femmes de ce pays qui se sont engagés ou ont été appelés sous les drapeaux et envoyés à la guerre. 40 % des anciens combattants qui ont été au combat en Afghanistan et en Irak en sont revenus avec des séquelles à vie, physiques et/ou mentales. Le nombre d’anciens combattants qui se sont suicidés est quatre fois plus élevé que le nombre des soldats morts au combat. C’était le cas au Vietnam aussi.
La population des États-Unis pourra-t-elle encore longtemps se retrancher derrière un océan ? En fin de compte, ce n’est pas la question. Ce qui importe, c’est que la classe ouvrière commence à comprendre la réalité de la guerre de demain, que l’impérialisme américain prépare pour les travailleurs d’ici et du monde entier.
24 mars 2024