L'Eglise chrétienne sut offrir ses services en tant que gardienne de l'ordre social aux nouveaux royaumes barbares qui s'édifièrent sur les ruines de l'empire romain.
Dans la mentalité de cette époque, le pouvoir, même sur une vaste province, ne se concevait que comme un patrimoine domestique transmis d'une génération à la suivante à des personnes du même sang. Ce qui ne passait pas nécessairement par une forme de mariage comme celle que nous connaissons. On n'observait plus les lois romaines, et la délimitation entre mariage et concubinage était extrêmement floue. Les seigneurs répudiaient ou enlevaient les épouses, et les prêtres chrétiens eux-mêmes vivaient de la même façon la plupart du temps, avec femme ou concubine et enfants.
Cependant, à partir des Xe-XIe siècles, les temps changèrent en Europe. Avec l'accroissement de la population, le développement du commerce et la réapparition de villes, la richesse augmenta. Si bien que les puissants, c'est-à-dire les seigneurs et y compris parmi eux les seigneurs abbés ou évêques, se mirent à se préoccuper sérieusement de la manière de consolider leur contrôle sur cette richesse. Les détenteurs de patrimoine cherchèrent à établir des lignées familiales stables, en le protégeant contre le morcellement des domaines qui était de règle précédemment. Les aînés furent donc privilégiés, du moins bien vite les aînés de sexe masculin. Car, outre l'éviction des fils cadets, l'éviction des femmes de la propriété des domaines fut un grand moyen pour réduire quasiment de moitié le nombre des ayants-droits.
Les intérêts des seigneurs féodaux ecclésiastiques allait dans le sens général. Ils trouvèrent en plus l'inspiration divine dans leur fonds de commerce déjà ancien, et, le plus sûr moyen de ne pas voir dilapider ses richesses entre des héritiers étant de n'en point avoir (du moins officiellement), la hiérarchie de l'Eglise imposa à ses prêtres d'être célibataires. Moyennant quoi l'Eglise devint une institution temporelle d'une richesse et d'une puissance considérables, qui connut un apogée au XIIIe siècle.
Désormais, elle ambitionnait d'exercer son pouvoir sur les autres grands seigneurs, et sur la société tout entière, à travers, en particulier, le contrôle des mariages. Le mariage, disait-elle alors, a été institué directement par Dieu au Paradis terrestre. L'Eglise allait faire du mariage un de ses sacrements fondamentaux.