Textes des meeting parisiens - Mutualité - Paris - 17 mars 1995

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Mai 1995

Amis et camarades,

Pour ceux qui décident dans le pays, le chômage comme les bas salaires, ce ne sont que des données statistiques. Mais, pour les familles ouvrières, le chômage est un drame. Derrière le chiffre de plus de 3 millions de chômeurs, de 900 000 RMIstes officiellement recensés, combien de familles ouvrières touchées, combien de détresses ?

Mais combien de difficultés, aussi, pour ceux qui n'entrent pas dans les statistiques officielles mais qui font partie de ces deux ou trois millions supplémentaires qui n'ont qu'un emploi intermittent, qui galèrent de petits boulots en intérim, de stages bidons en CDD, et que l'on finit par présenter comme des privilégiés parce qu'ils gagnent 2 500 ou 3 000 francs !

Sans compter ceux qui ont de faibles retraites.

Tout le monde sait que l'aggravation du chômage est dramatique. Pour les travailleurs en premier lieu évidemment, mais aussi pour bien d'autres couches populaires dont les revenus sont liés d'une manière ou d'une autre aux salaires des ouvriers. Combien de villes de province, combien de régions se sont transformées en zones sinistrées après des fermetures d'entreprises ?

Personne n'ignore la gravité de la situation. Et pourtant, on ne fait rien pour la changer. Les gouvernements se sont succédé. Au Parlement, un va-et-vient périodique a fait passer la majorité tantôt à la gauche, tantôt à la droite. Mais le chômage n'a pas cessé de s'aggraver un seul moment, pas plus que n'a cessé de s'aggraver la situation générale de la classe ouvrière.

Parce qu'il n'y a pas de miracle : lorsque le chômage s'accroît, il y a une pression sur les travailleurs. Et le patronat, responsable du chômage, se sert de cette pression pour peser sur les salaires.

Ceux qui gouvernent ce pays non seulement n'ont pas trouvé de solution à la catastrophe qui menace la majorité de la société. Mais, en prétendant en trouver, ils n'ont fait qu'aider par une multitude de mesures la petite minorité la plus riche de ce pays : le grand patronat, les actionnaires, les gens de la finance, la grande bourgeoisie.

Depuis quinze ans, la politique de tous les gouvernements successifs s'est articulée autour d'un axe général : ils prétendent tous qu'il faut consacrer tout l'effort de l'État à aider les entreprises, c'est-à-dire le grand patronat, car ce sont les entreprises qui génèrent beaucoup de profits qui seraient susceptibles de créer des emplois.

Ils ont tout sacrifié à cette politique visant à accroître le profit.

Ils ont sacrifié le pouvoir d'achat des travailleurs en bloquant les salaires.

Ils ont sacrifié leurs emplois en facilitant les licenciements et en généralisant le travail précaire.

Ils ont sacrifié les services publics car c'est sur eux qu'on a fait des économies afin de pouvoir donner plus aux entreprises privées.

Ils ont sacrifié la Sécurité Sociale et même le budget de l'État car si les deux sont en déficit, c'est exclusivement en raison des dépenses plus grandes, en raison des aides aux patrons et des recettes diminuées, en raison des exonérations fiscales et des dégrèvements de cotisations d'assurance maladie.

Le taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui était de 50 % en 1985 encore, a été ramené à 33,3 % en 1994, c'est-à-dire qu'il a diminué d'un tiers. Et cela, alors que les profits explosaient. Résultat : avec un profit global déclaré supérieur au budget de l'État, les entreprises n'ont contribué, en 1994, que pour 8 % aux recettes fiscales de l'État.

Mais les cadeaux fiscaux consentis à la bourgeoisie ne passent pas que par l'intermédiaire d'avantages consentis aux entreprises. Sous prétexte de soutenir l'économie depuis des années, toute une série de placements, comme les emprunts successifs Giscard, Barre et Balladur, ont été exonérés totalement d'impôt.

La tranche supérieure d'imposition sur les revenus, celle qui concerne les plus riches, n'a cessé de diminuer. De 70 % en 1966, elle est passée à 65 % en 1982 et enfin à 56,8 % en 1994, sans compter que la diminution du nombre des tranches et la réduction de l'impôt sur les tranches moyennes a encore favorisé les plus riches et augmenté la part payée par les plus pauvres.

Lorsque les affaires de Tapie ont commencé à défrayer les chroniques, la presse a rapporté que différentes astuces tout à fait légales ont permis à ce monsieur de ne pas payer du tout d'impôt sur le revenu, alors qu'outre son yacht, son hôtel particulier, il bénéficiait tout de même de quelques biens qui devaient lui rapporter un peu plus que le SMIC.

Mais, pour un Tapie qui a focalisé sur sa personne l'attention des médias, combien de grands bourgeois qui se débrouillent pour ne pas payer d'impôt sur le revenu ?

Et ceci, sans même parler de la fraude qui consiste à ne pas déclarer une partie des revenus du capital. On estime officiellement que cette seule fraude a doublé entre 1988 et 1993, passant d'un peu plus de 100 milliards de francs à 220 milliards.

On en arrive à une situation où même l'impôt sur le revenu est payé, pour l'essentiel, par les salariés. En 1972 déjà, 72 % de l'impôt sur le revenu étaient payés par des salariés. Douze ans plus tard, on en était à 80 %, et cela alors même que, du fait du blocage des salaires, du fait aussi de l'explosion du chômage et de la précarité, la part des salariés diminuait dans la répartition de la richesse nationale.

Et l'impôt, sur la fortune ne rapporte que 0,6 % des ressources fiscales de l'État. Soit 15 à 16 fois moins que la seule taxe sur l'essence qui, elle, est payée uniformément que l'on soit riche ou pauvre.

Ces cadeaux à la bourgeoisie ont creusé le déficit de l'État. Pour compenser le déficit, on accroît la dette publique. Au point que les intérêts et le remboursement de cette dette publique représenteront, en 1995, le premier poste budgétaire. Mais ces intérêts colossaux, payés par l'État au détriment des services publics et de toute la population sont aussi une source de revenus croissante pour la bourgeoisie, un des principaux moyens aussi d'alimenter la spéculation mondiale.

Même chose pour la Sécurité Sociale. Les cotisations patronales pour les allocations familiales, qui représentaient 16 % il y a une dizaine d'années, sont aujourd'hui à 5,4 %. Quant aux exonérations dont bénéficient les patrons, en vertu de toutes les mesures prétendument prises pour lutter contre le chômage, elles ont été estimées à 12 milliards de francs en 1992, 22 milliards en 1993 et 28 milliards en 1994. Rien qu'en trois ans, ce manque de recettes pour la Sécurité Sociale représente 63 milliards, c'est-à-dire plus que le trou annuel officiel de la Sécurité Sociale.

Cette politique a eu beau montrer son échec, car non seulement les emplois promis n'ont pas été créés mais le patronat continue à licencier, elle a été poursuivie contre vents et marées. Pas par stupidité, pas par méconnaissance de l'économie, mais par choix volontaire, par choix de classe !

Car, quand on nous dit que la lutte de classe n'existe plus, c'est par choix, pour dissimuler que les patrons, eux, mènent la lutte de classe, c'est-à-dire savent imposer aux autres couches sociales et, plus précisément, à la classe ouvrière les mesures qui correspondent à leurs intérêts. La seule lutte de classe dont ils ne veulent pas, c'est celle des ouvriers contre les patrons. En tous cas, les bourgeois ont une conscience aiguë de leurs intérêts de classe, même s'ils n'utilisent pas ce mot pour la décrire.

Si la politique menée par les hommes politiques de tous bords est catastrophique pour la classe ouvrière et nuisible pour toute la société, elle correspond aux intérêts du grand patronat et de la grande bourgeoisie.

Et voilà encore, dans cette élection, que l'on recommence comme si de rien n'était. Les trois candidats qui ont le plus de probabilités de figurer au deuxième tour de la présidentielle proposent, tous les trois, la même chose en matière d'emplois. Ils sont tous pour poursuivre l'allégement des charges pour les patrons.

Chirac propose ce qu'il appelle un "contrat initiative emploi", prévoyant une exonération totale des charges sociales et une prime mensuelle de 2 000 francs pendant deux ans pour les chefs d'entreprise qui embaucheront des chômeurs de longue durée.

Son frère siamois et néanmoins ennemi, Balladur, n'a eu aucun mal à ironiser sur cette mesure incitative qui incitera seulement les patrons à se débarrasser de certains de leurs travailleurs actuels pour en embaucher d'autres à leur place, sans créer de nouveaux emplois. Mais Balladur joue sur le même registre. Oui, mais lui est plus économe : il ne propose qu'une prime de 1 900 francs par mois pour les entreprises qui acceptent d'embaucher des chômeurs de longue durée. Pour le reste, musique connue..., il propose la réduction des charges sociales avec l'institution d'une franchise annuelle de 4 000 francs sur les cotisations patronales d'assurance maladie dont le taux sera ramené de 12,8 % à 6,8 %, c'est-à-dire divisé par deux.

Mais Balladur est débordé sur sa droite par le troisième larron qui se dit socialiste. Jospin, lui, est pour une franchise de 5 000 francs sur tous les salaires, sur laquelle l'employeur ne paierait aucune cotisation d'assurance maladie. Cela est censé être compensé par une majoration des charges sur les salaires plus élevés. Mais cela signifie de toute façon que, jusqu'aux salaires de 14 000 francs mensuels, les patrons auraient une diminution de leurs cotisations d'assurance maladie. Dans toutes les entreprises et elles sont la majorité dans ce pays où les salaires sont inférieurs à 14 000 francs, ce sera tout bénéfice pour les patrons et une perte sèche pour la Sécurité Sociale. Tout bénéfice et sans la moindre contrepartie. Voilà la mesure qui, accolée à la proposition de réduire l'horaire du travail de deux heures pour dans deux ans, mais sans dire si c'est avec ou sans diminution de salaire, a fait dire à la presse de droite que Jospin mettait vraiment la barre à gauche !

Et puis, depuis quinze ans, tous les gouvernements ont repris à leur compte et ont répercuté comme des vérités premières les arguments patronaux les plus éculés. Et je tiens à dénoncer la responsabilité particulière de la gauche à cet égard. C'est le gouvernement d'Union de la Gauche, y compris au début avec la participation du Parti Communiste, qui a commencé à "réhabiliter les entreprises", comme on dit pudiquement, c'est-à-dire à réhabiliter le patronat et le profit.

Il a, par la même occasion, accrédité l'idée mensongère que les intérêts des patrons et de leurs ouvriers sont liés.

C'est, en résumé, les dirigeants socialistes au gouvernement, cautionnés par le Parti Communiste, qui ont utilisé le crédit qu'ils avaient dans la classe ouvrière non pas à organiser sa résistance aux attaques patronales mais, au contraire, à favoriser ces attaques et à désarmer les travailleurs en propageant l'idée qu'il n'y a pas d'alternative, qu'il n'y a pas d'autre politique possible que celle qui consiste à aider le patronat.

Le programme de Jospin contient quelques propositions, présentées comme radicales mais qui sont surtout creuses, du genre, je cite : "retrouver un meilleur équilibre entre les salaires et le profit constitue une nécessité sur le plan économique et une urgence sur le plan social".

Mais je constate que, même maintenant, alors qu'ils sont dans l'opposition, les dirigeants socialistes ne reviennent absolument pas sur leur politique passée. Au contraire, toute l'argumentation d'une Martine Aubry, par exemple, porte-parole principale de Jospin dans sa campagne, est que les "restructurations" du passé et les licenciements ont été nécessaires et inévitables, même si elle fait le voeu, tout platonique, que les travailleurs bénéficient enfin des fruits d'une si bonne politique.

Même dans leurs délires démagogiques, les dirigeants socialistes restent sages et responsables devant la bourgeoisie. On n'a entendu aucun d'entre eux dire qu'on avait eu tort de jeter à la rue des dizaines de milliers de travailleurs de la sidérurgie !

Mais comment s'étonner que Martine Aubry tienne ce langage ? Si elle bâtit sa carrière politique dans le cadre du Parti Socialiste, sa carrière professionnelle, elle l'a construite auprès notamment d'un grand patron comme Gandois, aujourd'hui président du CNPF, mais qui, il y a quelques années, était PDG de Péchiney dont Martine Aubry était au même moment directeur général !

Alors, quand je dis et je répète que tous ces responsables politiques, les socialistes comme ceux de la droite, sont des représentants du patronat, ce n'est pas un simple raccourci pour caractériser leur programme. Non ! Ces politiciens sont liés par toutes leurs relations, par tous leurs sentiments, par toutes leurs expériences et, plus important encore, par toute leur carrière, au patronat, à la bourgeoisie. Combien d'entre eux passent et repassent des cabinets ministériels à la direction d'entreprises privées, de la politique aux affaires et vice versa.

Alors, quand ils nous parlent de l'intérêt des travailleurs, c'est toujours pour mentir.

Ils nous répètent depuis des années, par exemple, pour justifier le blocage des salaires, qu'entre les salaires et les emplois, il faut choisir. Cela fait pourtant quinze ans que les salaires stagnent, le pouvoir d'achat des travailleurs baisse, et il n'y a pas eu d'emplois pour autant. Mais c'est avec ce type d'argument qu'ils veulent accréditer l'idée que, si la situation de l'emploi ne s'améliore pas, c'est la faute à ceux qui ont du travail et qui n'acceptent pas assez de sacrifices.

Mais ces gens-là ne parlent jamais de sacrifices sur les revenus des bourgeois.

Et, quand ils parlent de solidarité face au chômage, c'est pour demander aux travailleurs qui ont du travail et un salaire de six mille ou de huit mille francs d'accepter de gagner moins.

Ils ne demandent jamais aux bourgeois d'être solidaires, ne serait-ce que sur une infime part de leur luxe !

On nous répète aussi cette stupidité sortie de la bouche de je ne sais quel économiste distingué : "Les bénéfices d'aujourd'hui sont l'investissement de demain et les emplois d'après-demain".

Que sont donc devenus les bénéfices cumulés depuis plusieurs années par les grandes entreprises ? Ils ne se sont certainement pas transformés en investissements productifs. Pas en totalité, en tout cas, loin de là. Pour la bonne et simple raison que la spéculation rapporte plus. Et puis, les investissements dans de nouvelles usines, dans des machines supplémentaires, cela immobilise trop les capitaux, et trop longtemps. Les opérations financières, cela rapporte tellement plus vite !

On nous dit aussi que, pour survivre et assurer l'emploi, les entreprises doivent être compétitives et réduire le coût du travail. Mais pourquoi donc c'est sur le coût du travail qu'il faut faire des économies ? Pourquoi pas sur les bénéfices ?

On pourrait, sans mal, faire l'économie de toute cette partie du bénéfice qui n'est pas consacrée aux investissements productifs. On pourrait sans mal pour la société faire l'économie de toute cette partie du bénéfice qui est distribuée sous forme de dividendes à des actionnaires. On pourrait sans mal faire des économies sur ce qui est consacré à payer des salaires faramineux à des Suard, Haberer et consorts.

De temps en temps, on me dit : "Oui, mais vous oubliez les petits patrons, les PME, les PMI, etc.". Oh, invoquer les petits pour aider les gros, c'est bien un procédé traditionnel des politiciens. Ils en ont usé et abusé pour les paysans, les pêcheurs ou pour les artisans. Petit patron pour petit patron, il y a tout de même une différence entre l'artisan travaillant avec un ou deux compagnons et ces patrons de PME de plusieurs centaines d'ouvriers style Gattaz, ou ces patrons qui n'ont que quelques dizaines d'ouvriers mais qui ont une vie confortable et qui constituent l'infanterie de la bourgeoisie. Mais même les couches inférieures de la classe des possédants vivent infiniment mieux que la classe ouvrière.

Et qu'on ne me cite pas le nombre des entreprises qui font faillite ! D'abord parce, dans ce nombre, il y en a beaucoup qui sont des entreprises bidons, résultant du fait qu'on a poussé des cadres ou des techniciens à sortir de leur condition de chômeurs en créant leurs propres entreprises. Pour une tentative réussie, il y en a beaucoup qui échouent...

Et puis, quand il s'agit d'entreprises plus importantes, la faillite des entreprises, si elle signifie toujours le licenciement de leurs ouvriers, ne signifie pas toujours la ruine de leurs propriétaires.

Les entreprises en faillite constituent même une branche d'activité pour une certaine catégorie de capitalistes, une source d'enrichissement pour ceux qui les rachètent pour le franc symbolique, qui les restructurent avec l'aide des banques. De Tapie à Arnault en passant par Pinault, combien de margoulins, médiatiques ou discrets, ont utilisé ce créneau pour accumuler des fortunes considérables ?

Alors oui, la politique menée jusqu'à maintenant a fait faillite.

La politique nécessaire doit être à l'exact opposé de celle qui a été poursuivie jusqu'à présent.

La première des urgences, c'est le chômage. Mais il ne faut pas faire confiance au patronat, ni au libéralisme économique sauvage, pour créer des emplois. Il faut cesser de verser de l'argent à fonds perdus aux patrons. Il faut arrêter les mesures incitatives. Il faut des mesures autoritaires.

La mesure la plus immédiate devrait être d'arrêter toutes les aides, toutes les subventions qui sont versées au patronat. Ces sommes doivent être utilisées par l'État, d'abord pour embaucher directement dans les services publics existants et, au-delà, pour effectuer des investissements massifs pour améliorer les services publics.

Il faut que l'État embauche immédiatement du personnel dans les hôpitaux. Il faut qu'il en embauche immédiatement dans les transports en commun, à la RATP et dans les transports collectifs en province comme à la SNCF. Il faut qu'il embauche des instituteurs, des professeurs, du personnel technique pour l'Éducation nationale.

Oui, jusqu'ici c'est sur les services publics qu'on a économisé pour pouvoir donner aux patrons. Il faut inverser le mouvement. Il faut reprendre aux patrons pour donner aux services publics. Et ceci pour une double raison. D'abord parce que les services publics sont utiles à la population. Ensuite parce qu'il faut empêcher que' l'argent public serve uniquement à produire du profit privé.

On nous amuse à faire mine de découvrir ce que ces gens appellent des "gisements d'emplois". On nous gave de discours sur les "emplois de proximité", sur l'"aide familiale", sur "le travail à temps partiel", sur "les petits boulots qui valent mieux que le chômage"...

Comme s'il fallait inventer des "trucs", comme s'il fallait inventer des activités, dont certaines sont utiles mais d'autres parfaitement bidons !

Mais, tout de même, les besoins réels mais aujourd'hui non satisfaits sont immenses !

Depuis des années, on supprime des hôpitaux de proximité dans les petites villes de province. Il faut, au contraire, les rénover et en bâtir d'autres.

Depuis des années, on supprime des lignes de chemin de fer dites secondaires, mais qui ne le sont jamais pour ceux qui les utilisent. Il faut les remettre en fonctionnement et, le cas échéant, il faut construire de nouvelles lignes.

La construction de logements populaires stagne ou recule. Et quand elle ne recule pas, c'est parce qu'elle donne l'occasion de contrats juteux pour les gros requins de l'immobilier, et elle constitue accessoirement une source de revenus occultes pour le personnel politique.

Eh bien, il faudrait que l'État prenne directement en charge la construction de logements populaires en embauchant directement des maçons, des architectes, des manoeuvres, des techniciens. Mais en les embauchant directement, sans verser au passage de quoi enrichir des propriétaires, des promoteurs ou des sociétés de construction.

Et il y en a des choses à faire en matière de transport. Rien qu'ici, dans la région parisienne, le réseau de métro épouse les contours d'un Paris du début du siècle... Oh, on a ajouté quelques stations de plus ici ou là, mais sans commune mesure avec les besoins d'une ville qui de quelque 2,5 millions d'habitants est passée à une agglomération de 10 millions.

Cela fait des décennies que tout le monde dénonce la mauvaise desserte des banlieues de plus en plus lointaines, l'absence d'interconnexions des lignes de métro, l'impossibilité de se déplacer directement de banlieue à banlieue. Tout le monde en parle mais personne ne fait rien. Au total, les villes sont asphyxiées par le nombre de voitures qui, bientôt, ne pourront même plus circuler...

La seule façon d'éviter l'asphyxie par les voitures individuelles, c'est de développer un réseau de transports collectifs satisfaisant et qui fonctionne jour et nuit et pas seulement aux heures où il sert à charrier plus qu'à transporter dans des conditions convenables de la main-d'oeuvre pour les entreprises.

Il y aurait de quoi donner du travail aux entreprises d'automobiles y compris à celles comme Chausson qui ferment pour construire des autobus ou des wagons de métro ou de tramway.

Depuis vingt ans, on nous dit qu'il y a plusieurs dizaines plusieurs centaines peut-être de CES Pailleron qui sont encore en fonctionnement, dans lesquels les élèves sont en danger en cas d'incendie. Là aussi, on parle et on ne fait rien. Faudra-t-il attendre le prochain incendie ?

Et l'État pourrait ouvrir de grands travaux dans bien d'autres domaines encore : enterrer par exemple, partout, les réseaux électriques, développer des infrastructures, créer des parcs ou des espaces verts dans les villes et les banlieues où la population est entassée.

Et qu'on ne me dise pas qu'il n'y a pas d'argent ! L'État pourrait dégager des centaines de milliards de recettes supplémentaires rien qu'en revenant en arrière sur tous les avantages accordés au cours des années précédentes, aussi bien aux grandes entreprises capitalistes qu'aux bourgeois en tant qu'individus.

Il faut augmenter les ressources de l'État en ramenant au moins l'impôt sur les bénéfices des sociétés des 33 % actuellement en vigueur aux 50 % d'il y a dix ans.

Il faut rétablir, au moins à leur niveau antérieur, les tranches supérieures d'imposition sur le revenu.

Il faut supprimer tous les abattements et dégrèvements sur les revenus du capital.

Il faut supprimer tous les passe-droits genre avoir fiscal, qui permettent à certains grands patrons de payer moins d'impôt que leurs ouvriers les plus mal payés.

Il faut un véritable impôt sur les grandes fortunes.

Et il faut, surtout, obliger les bourgeois à payer. Aujourd'hui, ils ne paient même pas le peu que, légalement, ils doivent. La fraude fiscale ne peut pas être le fait des salariés, dont les revenus sont contrôlés aussi bien par le patron que par l'État.

Voilà les mesures qu'il faut prendre immédiatement. Elles pourraient dégager immédiatement plusieurs centaines de milliards de francs.

Il faut aussi arrêter les subventions aux patrons au détriment de la Sécurité Sociale. Tous les hommes politiques y vont de leur couplet sur le trou de la Sécurité Sociale. Mais on a vu d'où vient le déficit.

Il faut supprimer tous les dégrèvements de charges et il faut obliger les patrons à payer réellement, ce que même l'État-patron ne fait pas vraiment. Cela seul suffirait certainement à ce que disparaisse le trou de la Sécurité Sociale, si tant est qu'il existe vraiment et s'il a vraiment l'importance qu'on lui donne.

La santé publique est aujourd'hui presque entièrement à la charge de la Sécurité Sociale. Alors, on ne peut pas plus demander à la Sécurité Sociale d'être équilibrée qu'on ne le demande à l'Éducation nationale !

Les mesures d'économie dont un Balladur est si fier visent à contraindre les médecins à prescrire moins de médicaments, en récompensant leur collaboration par une hausse sensible des tarifs de consultations.

Si on poursuit la politique actuelle, il y aura une médecine à deux vitesses, et une fraction croissante de la population ne se soignera plus. Alors, assez de diminution des remboursements, assez de cadeaux aux patrons au détriment de la Sécurité Sociale !

Il faut interdire les licenciements sous peine d'expropriation immédiate sans indemnité ni rachat, à commencer par les entreprises qui licencient en faisant des bénéfices.

Oui, il faut réquisitionner immédiatement les entreprises qui licencient.

L'État bourgeois lui-même sait, en temps de guerre, réquisitionner les entreprises et les obliger à produire ce que l'État leur demande. Eh bien, la guerre au chômage, la guerre à la misère exige une politique aussi autoritaire. Mais pas dans le même but. Et pas sous le contrôle des mêmes.

Il faut faire fonctionner les entreprises réquisitionnées, sous le contrôle des travailleurs et plus généralement de la population. Et les faire fonctionner sans verser de profit à quiconque, et même les faire éventuellement fonctionner à perte pour certains produits indispensables. Toutes ces mesures sont de simples mesures de survie, comme est une mesure de survie pour les travailleurs et pour la société le contrôle des comptes de toutes les grandes entreprises.

D'abord parce que la seule façon d'éviter les "affaires" est de les rendre publiques. Il faut que les travailleurs de chaque entreprise, il faut que les consommateurs sachent où va l'argent et pourquoi.

Aujourd'hui, c'est tout juste si on ne reproche pas aux employés du Crédit Lyonnais la débâcle de leur banque. Une des questions que les journalistes me posent souvent est "mais avez-vous dénoncé vous-même ce qui se préparait ?".

Cette question, il faut évidemment la poser à Mauroy, à Rocard, à Chirac, à Balladur, à tous les ex-chefs de gouvernement ou ministres. Parce que c'est le gouvernement qui nomme les Présidents.

Quant aux employés, ils apprennent en général par la presse ce que leur direction se propose de faire ou pas quand ils l'apprennent. Même les membres de cet organisme sans prérogatives qu'est le Comité d'Entreprise sont censés observer le secret sur les informations limitées sinon falsifiées que la direction veut bien leur distiller.

Au Crédit Lyonnais, comme dans toutes les entreprises, les décisions sont prises par un petit groupe d'individus incontrôlés, mais en revanche, c'est aux employés qu'on va essayer de faire payer la note avec un plan de licenciements déjà en préparation.

Même chose dans l'affaire Suard. La richesse de cette entreprise et son accession à la deuxième ou troisième position dans la liste des plus grandes entreprises françaises résultent du travail de 200 000 personnes. Ses activités principales, c'est-à-dire la téléphonie, les TGV, concernent des millions de consommateurs et finalement même tout le monde puisque c'est grâce aux commandes de l'État que cette entreprise fonctionne. Et, pourtant, les décisions sont prises par une douzaine de personnes, dans le secret le plus complet, sans contrôle sinon après coup et limité. Les décisions de ce petit noyau concernent pourtant la vie de milliers de personnes et peuvent léser toute la collectivité.

Eh bien, les comptes de toutes ces grandes entreprises doivent devenir transparents ! Il faut supprimer tout le secret commercial, tout le secret sur les relations entre clients et fournisseurs, tout le secret sur les opérations bancaires !

Et, dans les mesures d'urgence, il y a, aussi, l'augmentation des salaires.

Assez, du blocage officiel des salaires, décidé en 1982 par le gouvernement socialiste et poursuivi depuis aussi bien par Chirac que par Balladur ! Assez du blocage de fait venant des patrons des grandes entreprises. Renault a réalisé, l'an passé, 3 milliards de bénéfices et a le cynisme provoquant de proposer 1 % d'augmentation pour ses salariés.

Mais si les travailleurs de Renault, à juste raison, sont choqués que leur entreprise ne leur accorde même pas la hausse donnée aux travailleurs de Citroën, les 2 % lâchés par Calvet ne font certainement pas le compte.

Cela fait quinze ans que les salaires prennent du retard. Cela fait quinze ans que la quantité de salaire distribué dans ce pays diminue dans des proportions considérables par rapport aux revenus du capital.

Alors, rien que pour compenser le pouvoir d'achat perdu, 1 500 francs d'augmentation par mois sont un minimum.

C'est ce que revendiquent les travailleurs de Renault. C'est ce que revendiquaient hier les ouvriers d'Alsthom-Belfort. Il reste à créer le rapport de forces capable de l'imposer au patronat.

Voilà ; camarades, les mesures d'urgence sans lesquelles la classe ouvrière continuera à s'effondrer dans la pauvreté et la société continuera à s'acheminer vers la débâcle.

Les journalistes qui m'interrogent sont toujours ébahis devant l'idée que les travailleurs puissent contrôler, voire faire marcher les entreprises.

Ce n'est pas étonnant de la part de ceux qui s'interrogent déjà gravement sur l'existence ou non de la classe ouvrière. Comment, dans leur pauvre imagination, cette classe ouvrière inexistante pourrait-elle contrôler des capitaux, eux, bel et bien existants !

Il y a quelques jours, le 8 mars, on commémorait la journée des femmes. C'était à l'occasion de cette journée, il me semble, au début des années vingt que Lénine avait affirmé que n'importe quelle ménagère était capable de gérer les affaires de l'État. Eh bien, je vous assure que n'importe quelle employée du Crédit Lyonnais gèrerait cette entreprise avec plus de bon sens que ses dirigeants bardés de diplômes ! Et, s'il manquait aux employées une compétence dans un domaine ou dans un autre, rien ne les empêcherait de faire, dans ce domaine, comme les bourgeois : eux savent bien, même lorsqu'ils sont parfaitement ignorants en tout, faire appel aux services de gens plus compétents qu'eux. Les bourgeois, eux, le font en y mettant le prix qu'il faut. Eh bien, je suis persuadée que les employées trouveraient les quelques spécialistes dont elles auraient besoin de façon désintéressée.

Eh oui, même en faisant les pires erreurs de gestion, les employés du Crédit Lyonnais n'auraient pas fait autant de dégâts que les Maxime Lévêque ou autre Haberer, que ces énarques grassement payés. Car les employés n'auraient pas fait les mêmes choix. Pas le choix de spéculer avec, pour seul souci, de produire du profit. Pas le choix d'aider, avec l'appui de l'État, les aventuriers de la bourgeoisie à faire fortune dans des opérations hasardeuses.

Eh bien, les travailleurs sont capables de faire marcher les entreprises. Oh, pas les travailleurs tels que les bourgeois voudraient qu'ils soient ! Mais justement, les travailleurs mobilisés et ayant compris qu'il s'agit pour eux et pour leurs enfants d'une question de survie.

Pour imposer les mesures d'urgence indispensables, il faut une mobilisation massive, consciente de la classe ouvrière ! Pas seulement pour changer le rapport de forces et pour imposer à l'État, au patronat des mesures qui, pour une fois, les lèseraient, pour sauver le monde du travail et la société. Mais aussi pour faire marcher le contrôle, pour faire marcher les réquisitions, pour faire marcher les entreprises.

Et, d'ailleurs, tous ceux qui travaillent, en particulier dans les grandes entreprises, savent que si tous les ouvriers, en particulier ceux qui sont en bas de l'échelle, obéissaient passivement aux ordres, aux règlements, l'entreprise s'arrêterait rapidement. C'est dix fois par jour que leurs initiatives personnelles doivent intervenir pour que tout fonctionne.

Eh bien, si les travailleurs étaient mis en situation de consacrer à eux-mêmes, à leurs propres intérêts, un dixième de cette capacité d'initiative, de cette conscience professionnelle qu'ils consacrent aujourd'hui aux patrons, alors, oui, la société commencerait à changer de base !

Parce que le contrôle ouvrier sur les entreprises, ce n'est pas un article de loi, ce n'est pas un artifice juridique. Un contrôle ouvrier, cela veut dire que chaque travailleur d'une entreprise peut regarder, surveiller, contrôler, relever et rendre public ce qui va à l'encontre de l'intérêt des travailleurs ou de la société !

Tous ceux qui dirigent la société actuellement, les bourgeois mais aussi les énarques, tous les administrateurs, tous les laquais bien payés du patronat, tous les hauts cadres des entreprises, et les médias, sont ligués, consciemment ou non peu importe, pour propager cette idée que les travailleurs ne sont capables que d'exécuter les tâches subalternes que leurs patrons veulent bien leur donner. Mais c'est un mensonge !

Les entreprises ne fonctionnent que grâce aux travailleurs, manoeuvres comme ouvriers, employés comme techniciens, ingénieurs comme ouvriers professionnels. Si la collaboration collective des travailleurs, ouvriers et employés, manoeuvres, professionnels ou techniciens, qui fait déjà marcher l'entreprise devenait consciente, réfléchie, je vous garantis qu'on pourrait se passer des Suard, Haberer, Calvet et autres. Et, à. plus forte raison, on pourrait se passer des véritables bourgeois qui, eux, ne se donnent même pas la peine de gérer et qui se contentent d'acheter, et d'acheter cher, les talents de larbins de haute volée. Les membres de la famille Peugeot ou les Bettencourt, qui possèdent l'Oréal, n'ont pas à se donner la peine de connaître la gestion de leurs entreprises, et je ne suis même pas sûre qu'ils sachent exactement ce que leurs entreprises produisent... Ils se contentent d'encaisser.

On me dit parfois : "Oui, mais si on fait ce que vous dites, les capitaux vont fuir le pays, le franc va s'effondrer...".

Comme si, aujourd'hui, alors pourtant que malheureusement les travailleurs ne contrôlent encore rien, la fuite des capitaux n'était pas endémique ?

Comme s'il ne suffisait pas de la mauvaise nouvelle économique venant du Mexique ou des rumeurs sur les difficultés du Brésil pour déclencher des mouvements spéculatifs désordonnés qui font fuir des capitaux de France pour aller se porter sur le mark allemand ou le yen japonais !

Comme si ces mouvements spéculatifs désordonnés, auxquels participent toutes les entreprises, y compris celles qui sont censées appartenir à l'État, ne mettaient pas à mal, périodiquement, les finances de l'État et ne contraignaient pas, la Banque de France à épuiser ses réserves ?

Alors, oui, l'évasion de capitaux existe, et c'est même un des moyens de fonctionnement du capitalisme d'aujourd'hui. C'est un phénomène dont toute la population est victime, sauf les spéculateurs. Et même les gouvernements n'y peuvent rien. Même aujourd'hui les capitaux vont s'investir là où cela les arrange. Ils se déplacent d'un bout à l'autre du monde pour spéculer sur tout ce qui peut rapporter gros, du jour au lendemain, un jour les actions, un autre les monnaies, un troisième les obligations étatiques, un quatrième les matières premières.

Aujourd'hui, le déplacement des capitaux ne correspond pratiquement plus à des échanges de marchandises ou à des investissements productifs. Non. Pour 1 000 francs qui se déplacent dans le monde en un moment donné, il n'y a qu'un franc qui corresponde à des échanges de marchandises. 1 pour 1 000 !

Le reste, c'est la spéculation.

Et, pour attirer les capitaux, l'État paie de gros intérêts. A l'heure actuelle, on paie un service de la dette colossal. Et, lorsque quelque part dans le monde, un placement apparaît plus intéressant, le gouvernement ne peut empêcher les capitaux de fuir autrement qu'en leur offrant mieux ici. Mais ce mieux pour les capitaux, c'est nous tous qui le payons. Nous le payons par l'appauvrissement général ; car c'est l'État qui paie, et l'État, depuis des années, fait de plus en plus supporter aux classes populaires la charge de ses dépenses.

Alors, en contrôlant l'économie de façon autoritaire, en expropriant les capitaux qui n'obéissent pas aux décisions prises dans l'intérêt de la société, la situation ne serait pas pire que la situation actuelle.. Car, pour aider les financiers, on appauvrit tout le monde. C'est cela la crise, c'est cela la cause de la misère.

Si les entreprises ont trop de liquidités, qu'elles les réinvestissent et qu'elles augmentent les salaires ! Au moins, cela retournera dans la consommation.

Alors, tout cela, c'est du dirigisme ? Oui, c'est du dirigisme ! C'est de l'étatisme ? Oui, c'est de l'étatisme ! Mais, il faut que cet étatisme soit sous le contrôle des travailleurs. Car ce ne sont évidemment pas les ministres, l'actuel État et ses hauts fonctionnaires issus de la bourgeoisie ou liés à elle, qui pourront et qui voudront imposer au patronat le contrôle strict, rigoureux et autoritaire que seuls les travailleurs pourraient imposer.

Cet État-là est entièrement au service de la bourgeoisie. Il en faut un autre. Il faut que la classe ouvrière s'érige elle-même en État. Il faut qu'elle exerce elle-même le pouvoir politique et qu'à travers ce pouvoir, elle contrôle et oriente l'économie.

Aller jusqu'au bout des mesures indispensables pour préserver la classe ouvrière, cela signifie qu'on ne craint pas, de s'en prendre au fondement même de l'économie actuelle, à la propriété privée des capitaux et des moyens de production et à l'organisation de l'économie autour de la loi du marché et de la recherche du profit. '

Oui, il faut produire ce qui est utile à la collectivité et pas se contenter de produire seulement ce qui rencontre une clientèle solvable et qui est générateur de profits.

Oui, il faut un plan de production pour cela, un plan de production qui ne craigne pas d'imposer aux entreprises de produire en fonction d'autres critères que le profit.

Les instruments de cette planification existent en réalité dès maintenant. Le système bancaire, par exemple, a déjà le moyen de contrôler l'essentiel de la vie économique, la production, les investissements et même les dépenses de consommation, ne serait-ce que celles qui sont effectuées par l'intermédiaire des chèques et des cartes bancaires. Le problème est de savoir qui contrôle le système bancaire.

Aujourd'hui, les banques ont le moyen de contrôler les dépenses de leurs clients et n'hésitent pas à intervenir lorsqu'ils ont des découverts, quand il s'agit de petits clients. On dresse même les employés à traquer les dépenses qui engendrent des découverts lorsque la banque ne veut pas les assumer.

Mais, contrôler de la même manière les grandes fortunes ne serait pas plus compliqué.

Alors, il faut nationaliser, sous le contrôle des travailleurs, toutes les banques. Mais pas pour qu'elles fonctionnent en concurrence les unes avec les autres comme aujourd'hui. Cette concurrence fait que les banques d'État se comportent aujourd'hui comme les banques privées. Il faut réunir toutes les banques en une banque unique soumise au contrôle des travailleurs, cette banque unique pourrait empêcher l'utilisation de capitaux à des buts spéculatifs. Elle pourrait peser sur la production, l'orienter ne serait-ce que par une politique de crédits correspondant aux intérêts de la population, c'est-à-dire en accordant du crédit pas cher, voire gratuit, pour la production de biens indispensables et du crédit cher pour tout ce qui n'est pas nécessaire.

Oui, c'est tout le fonctionnement de l'économie qu'il faut changer radicalement. C'est une économie folle qui, pour fabriquer de la richesse d'un côté, fabrique la pauvreté et l'exclusion de l'autre. Pauvreté et exclusion même ici, dans les pays industriels développés, où pourtant il est manifeste qu'il y a de quoi assurer une vie convenable à toute la population, en travaillant bien moins qu'aujourd'hui.

Mais pauvreté et exclusion plus encore à l'échelle du monde où, contrairement aux stupidités des économistes autoproclamés et des journalistes qui parlent d'autant plus fort qu'ils sont ignorants, la pauvreté dans le monde ne diminue pas. Elle s'accroît, comme s'accroissent les inégalités entre pays riches et pays pauvres, c'est-à-dire entre la bourgeoisie des pays riches et les masses populaires des pays pauvres.

Alors, oui, il faut une réorganisation globale de toute l'économie.

Il faut enlever au seul marché le soin de réguler l'économie.

Il faut un système de planification à l'échelle du monde, c'est-à-dire au-delà des limites étriquées des États actuels qui, de toutes façons, n'ont plus aucune prise sur les grands mouvements de capitaux.

Il y a un vieux mot pour résumer ce programme qui est infiniment plus actuel, infiniment plus moderne que cette bouillie de phrases creuses que les uns ou les autres nous servent à l'occasion de cette élection : c'est le programme communiste.

Alors, bien sûr, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique, précédé de celui de la plupart des régimes qui ne se maintenaient que grâce au soutien de l'Union soviétique, on nous parle de faillite du communisme. Cela fait bien longtemps que ce qu'il y avait en Union Soviétique, n'était plus qu'une caricature du communisme, qu'une caricature abjecte et dictatoriale, que le courant que nous représentons a combattu pendant des décennies au nom, justement, du communisme.

Mais, même si la révolution ouvrière qui s'était fixé pour objectif la transformation communiste de la société a échoué dans le seul pays où elle s'est produite, en Russie, il n'y a eu donc faillite que dans un seul pays, et dans un pays pauvre au départ.

Mais la crise économique actuelle n'est pas due au communisme, ni même à l'URSS !

C'est une crise du capitalisme. Le capitalisme est en crise permanente, c'est-à-dire en faillite permanente.

Sa faillite est patente dans cette majorité sous-développée de la planète, dans tous ces pays où, de l'Inde à la Côte d'Ivoire, de la Bolivie au Bangladesh, l'écrasante majorité de la population vit dans une misère indescriptible.

Mais le capitalisme est en faillite aussi dans les pays les plus riches, aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, dans tous ces pays dont la production depuis longtemps dépasse pourtant celle des autres et qui, de surcroît, pillent depuis longtemps les autres.

Eh bien, même dans ces pays, la pauvreté, loin de disparaître, s'accroît depuis plusieurs années. Même dans ces pays, des centaines de milliers de personnes sont privées de toit. Même dans ces pays, dans certains quartiers, on retrouve la misère et la violence de l'Afrique ou de l'Amérique latine, voire pire.

Alors, si ce n'est pas un échec, si ce n'est pas une faillite, qu'est-ce donc ?

Oui, la société est mûre pour le communisme. Nous le réaliserons.

Je voudrais dire, aussi, quelques mots sur l'Europe. L'Europe actuelle, divisée en une multitude d'États dont même les plus grands sont ridiculement petits par rapport aux États-Unis ou la Russie, dont chacun est accroché à ses frontières, à sa monnaie, cette Europe-là est un anachronisme.

Cette Europe-là est, par rapport aux nécessités de notre époque, ce qu'était la dispersion entre féodalités par rapport aux nations modernes. Alors oui, je crois que l'avenir c'est les États-Unis socialistes d'Europe, c'est-à-dire une fédération libre de peuples sur un continent unifié, où les hommes et les produits circulent librement. Une libre fédération d'États qui ne soient pas aux ordres et au service de la bourgeoisie mais au service et sous le contrôle de toute la collectivité, sans que les puissances de l'argent puissent acheter la plupart des journaux, les radios, les chaînes de télévision ainsi que les hommes politiques, et sans avoir, non plus, les moyens de pression économique qu'elles ont à l'heure actuelle.

Et je voudrais dire, à ce propos, à quel point je trouve déplorable la campagne nationaliste du Parti qui s'appelle pourtant "communiste", à propos de l'Europe.

Si ses dirigeants prétendent avoir débarrassé le Parti Communiste de ses aspects staliniens, ils n'ont apparemment pas retrouvé le souvenir qu'être communiste c'est être internationaliste. En outre, la bataille d'arrière-garde contre Maastricht n'est pas seulement dérisoire, mais c'est une façon de tromper les travailleurs en leur désignant comme adversaire un épouvantail.

Bien sûr, nous ne sommes pas pour cet accord qui n'est qu'un traité entre requins capitalistes de différents États pour mieux se partager le marché. Mais l'ennemi des travailleurs, c'est le capitalisme, c'est la bourgeoisie, ce n'est pas telle ou telle de leurs alliances momentanées et renégociables.

Le patronat a commencé à imposer aux travailleurs des mesures d'austérité bien avant que Maastricht ait été signé et il continuera même si ce traité était renégocié. Et la bourgeoisie française n'a pas besoin des "oukases de Bruxelles" pour vider les poches des travailleurs.

Le Parti Communiste qui prétend encore juger les hommes et les formations politiques en fonction de leurs positions au référendum pour ou contre Maastricht et se pose en champion du "non à Maastricht", oublie trop facilement que son "non" dans ce référendum l'a amené à faire voter comme Le Pen ou De Villiers. Et pour ce qui est d'aujourd'hui j'observe en passant que tout champion du "non à Maastricht" que le PC est, il ne cache pas son intention d'appeler à voter, au second tour, pour Jospin, un Maastrichien pourtant et qui s'affiche comme tel.

Mais ce qu'il y a à dire aux travailleurs de plus immédiat, c'est que, face au patronat et son gouvernement, nous avons à nous défendre. Nous pouvons le faire si nous le faisons tous ensemble. Je ne sais pas si les grèves actuelles sont annonciatrices de luttes plus importantes dans un futur proche. Mais je sais que c'est la seule voie pour imposer au patronat et à l'État les revendications indispensables qui sont les nôtres, pour sauvegarder notre niveau de vie et notre vie tout court. Il faudra se battre. Ce sera dur, peut-être, mais cela ne pourra pas être plus dur que de les laisser faire, que de les laisser pousser un nombre croissant de travailleurs vers le chômage et vers ce que cela signifie. Car l'accroissement continu du chômage ne signifie pas seulement une misère plus grande, mais aussi des difficultés plus grandes pour se défendre. L'accroissement du chômage signifie une pression plus grande sur ceux qui travaillent. Il signifie que le nombre de ceux qui sont en situation de prendre le patronat à la gorge diminue. Il favorise, et c'est peut-être pire, la montée du désespoir et la perte de la conscience de classe qui va bien souvent avec. Il favorise par là même la montée des idées réactionnaires, de ces idées racistes, de ces idées religieuses ou intégristes qui, en dehors de leur aspect réactionnaire et stupide en lui-même, divisent les travailleurs entre eux, les détournent du véritable combat à mener.

Mais je suis sûre que nous avons encore les moyens de changer le rapport de forces. La classe ouvrière a reçu des coups graves, sur le plan matériel comme sur le plan de la conscience politique, mais elle n'a pas subi de défaite grave.

Alors, nous avons la possibilité d'arrêter leurs robinets à profits. Nous avons la possibilité de leur imposer des concessions s'ils craignent de tout perdre. Et, je dirais même, nous avons la possibilité de leur faire tout perdre et, nous, de tout gagner.

C'est dans cette perspective que se situe ma candidature. Elle aura été utile si la fraction la plus combative de la classe ouvrière l'utilise pour affirmer qu'elle en a assez de la politique actuelle, quelle que soit la composition du gouvernement qui l'applique, quelle que soit l'étiquette du président de la République.

Elle aura été utile aussi en permettant à tous ceux qui se revendiquent de la transformation communiste de la société, à tous ceux qui se revendiquent de l'internationalisme à exprimer leurs convictions

Alors, dans cette élection présidentielle, vous devez vous prononcer et convaincre le maximum de femmes et d'hommes de se prononcer pour le programme suivant :

- la réquisition immédiate de toutes les entreprises qui licencient, à commencer par celles qui font des bénéfices ;

- l'arrêt de toute subvention aux patrons sous le prétexte de les inciter à créer des emplois et la création directe de ces emplois par l'État avec la somme ainsi économisée ;

- une politique de grands travaux afin de donner aux services publics les moyens matériels qui leur manquent, financée par des prélèvements sur la bourgeoisie ;

- la suppression immédiate de tous les avantages fiscaux et de tous les dégrèvements de cotisations sociales, consentis au patronat depuis le début de la crise ;

- le rétablissement de l'impôt sur les bénéfices des sociétés au moins à son niveau de 50 %, au lieu des 33 % actuellement ;

- le rétablissement et l'augmentation des tranches. supérieures de l'impôt sur le revenu et la suppression de tout passe-droit permettant aux bourgeois de payer moins d'impôt que les salariés, genre avoir fiscal ;

- une augmentation. générale de tous les salaires d'au moins 1 500 francs.

Camarades et amis, voilà donc autour de quelles idées nous devons faire notre campagne.

Voter et faire voter pour ma candidature, c'est se prononcer pour ce programme afin qu'il devienne le programme des luttes de demain, de ces luttes dont les grèves actuelles sont, je l'espère et je le souhaite, le signe annonciateur.

Il faut faire connaître ce programme, le défendre autour de nous, dans nos entreprises, dans nos quartiers ; en discuter partout avec les travailleurs. Nous n'avons jamais dit, ni dans nos campagnes électorales passées, ni dans celle-ci, que le bulletin de vote peut changer le sort des travailleurs. Seule la lutte collective le pourra. Mais il est important que ces idées, que ce programme politique devienne celui des travailleurs, car si cela ne suffit pas pour déclencher les luttes nécessaires, lorsque, tôt ou tard, elles se déclencheront, cela doit devenir leur objectif.

Nous devons faire en sorte que le nombre de voix que nous recueillerons augmente de façon significative. 3 % ou 5 % de votes de plus que notre score habituel, cela ferait bien plus d'effet, cela aurait bien plus de répercussion politique que la même augmentation pour Robert Hue, sans parler bien sûr, de Lionel Jospin. Cela apparaîtra bien plus comme un signe de ralliement de l'ensemble des travailleurs et de leurs luttes à venir.

Cela serait l'indice qu'une fraction de la classe ouvrière est en train de retrouver une perspective politique et que les idées que nous avançons aujourd'hui, retrouveront droit de cité dans la classe ouvrière en lutte.

Alors, camarades et amis, au travail et bonne campagne !