Trois ans après sa fondation, où en est le NPA ?

Εκτύπωση
juillet-août 2012

Au sortir des deux élections de ce printemps 2012, les scores du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et de Lutte Ouvrière ont été sensiblement les mêmes - c'est-à-dire plus que modestes. En ce qui nous concerne, cela ne nous a nullement surpris, car nous étions convaincus que, dans cette période de recul et de profonde démoralisation, les révolutionnaires ne pouvaient pas espérer rallier sur leurs candidatures un nombre important de voix.

Malgré les apparences, et les commentaires appuyés des journalistes qui ne voient pas au-delà de celles-ci, Lutte Ouvrière et le NPA n'ont pas fait la même campagne, ni sur le fond, ni sur la forme, et n'ont pas milité sur les mêmes objectifs. À la différence de Nathalie Arthaud, qui a fait campagne dans le seul but de populariser des idées susceptibles de guider les luttes de l'avenir, la campagne du NPA s'est davantage déroulée comme en contrepoint de celle du Front de gauche (FdG). Cette course entre le NPA et le Front de gauche ne pouvait évidemment que tourner à l'avantage du second. Mais, nous le verrons, le NPA y a perdu des plumes, des militants, et une partie de sa direction. Cette situation n'est aucunement le fruit du hasard, mais bien davantage la conséquence des choix politiques et organisationnels du NPA depuis 2009.

2009-2012 : un petit tour et puis s'en vont...

Rappelons que la dissolution de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et la fondation du NPA datent de février 2009, faisant suite aux petits succès électoraux d'Olivier Besancenot aux présidentielles de 2002 et de 2007. Les dirigeants de la LCR avaient alors estimé que le moment était venu de jeter à la benne, au propre comme au figuré, l'héritage trotskyste de leur organisation, et de créer un parti « anticapitaliste », dont le ciment était bien plus la nouvelle popularité d'Olivier Besancenot qu'un programme politique clair. Se réclamant tout à la fois de l'anticapitalisme, de l'écologie, du féminisme, de l'antiracisme, de l'altermondialisme, du socialisme, du syndicalisme, bref, de tout, sauf du communisme, le NPA a, dans les premiers temps, suscité un petit engouement non seulement dans les milieux intellectuels de gauche regrettant que le Parti socialiste se « droitise » de plus en plus, mais y compris parmi certains travailleurs ou militants syndicaux séduits par l'idée de construire « un parti vraiment à gauche ». Pas un parti communiste, même pas un parti révolutionnaire ! Un parti, pour reprendre les termes mêmes des textes fondateurs du NPA, qui « se nourrit du féminisme, de l'anticolonialisme, de l'antiracisme comme des luttes contre toutes les discriminations. Un parti qui donne une tonalité clairement anticapitaliste à l'écologie politique radicale et une tonalité clairement écologiste à l'anticapitalisme. Un parti soucieux des aspirations individuelles à la reconnaissance et à la créativité face à l'uniformisation marchande de la vie quotidienne. »

Avec un tel programme, le NPA a tout naturellement attiré un certain nombre de militants fort éloignés des conceptions révolutionnaires, certes, mais tout disposés à essayer de construire un parti réformiste « à la gauche de la gauche ». Ce sont, pour beaucoup, ces militants qui n'ont fait qu'un bref passage au NPA avant de revenir en arrière entre 2009 et aujourd'hui, et se raccrocher au char, beaucoup plus prometteur en termes de résultats électoraux, du Front de gauche. Quoi d'étonnant à cela ? Pour plagier une célèbre formule de Lénine, si l'on peut attirer les opportunistes avec des formules, leur ralliement ne peut durer plus longtemps que leurs illusions. Lorsque les quelques intellectuels de gauche, altermondialistes et autres « animateurs du mouvement social » qui l'avaient rejoint ont compris que le NPA, malgré ses efforts, ne deviendrait pas un parti réformiste important, ils sont rentrés au bercail.

Pour prendre un exemple entre cent, citons le cas de Philippe Marlière, maître de conférences en sciences politiques à l'University college de Londres qui, après vingt années passées au Parti socialiste, a décidé de rejoindre le NPA dès 2009. La lettre ouverte de démission qu'il adressa alors à Martine Aubry illustre la profondeur de son radicalisme : « Trop de dirigeants socialistes utilisent le PS comme un marchepied pour leurs carrières personnelles. » Il affirmait rejoindre le NPA non parce que celui-ci incarnait l'idéal révolutionnaire, naturellement, mais parce que « rassemblant diverses traditions progressistes, le NPA incarne le mieux à gauche la résistance à la réaction sarkozyste ». Notons que Philippe Marlière quittait le PS sans être fâché, puisqu'il concluait sa lettre par l'expression « de (ses) sentiments les meilleurs » à la première secrétaire du PS. Comme bien d'autres, Marlière n'a pas mis très longtemps à se rendre compte qu'en matière de construction d'une force à la gauche de la gauche, le NPA ne jouait pas dans la même cour que le Front de gauche. En février 2011, il a quitté le NPA sans « sentiments les meilleurs », mais en dénonçant rien moins que ses positions « sectaires, arrogantes et stupides ».

Cette trajectoire et son protagoniste sont anecdotiques, mais ils résument assez bien ce qui a marqué, pendant ces trois dernières années, l'évolution du NPA et les conséquences de ses choix politiques de départ : rompre avec les idées communistes pour tenter d'attirer plus de militants ne pouvait l'amener qu'à se positionner au milieu d'une espèce de marais politique qui ne pouvait guère faire illusion bien longtemps lorsque la grosse machinerie du Parti communiste, derrière Jean-Luc Mélenchon, se mettrait en branle. Ce qui ne tarda pas, puisque, par malheur pour le NPA, la construction du Front de gauche s'est faite de manière concomitante à la tentative du NPA, dès 2009.

Les trois années qui viennent de se dérouler ont été marquées par de nombreuses défections semblables à celles de Marlière : celles de simples militants - d'un congrès ou d'une consultation à l'autre, les effectifs des votants ont largement fondu - et celles de dirigeants qui ont rapidement été démangés par l'idée d'aller trouver une petite place dans le mouvement animé par Mélenchon. Cela commença d'ailleurs dès mars 2009, avec Christian Picquet et son courant Gauche unitaire, qui y a gagné, au prix d'un simple petit renoncement aux idées qu'il avait défendues depuis des dizaines d'années, de ramasser quelques miettes de la popularité de Mélenchon, puisque celui-ci l'a autorisé à dire quelques mots dans chacun de ses grands meetings de 2011-2012. Cela continua à l'occasion des élections régionales de 2010, où le NPA se vit déchiré entre plusieurs tendances, certaines souhaitant déjà, à tout prix, se présenter avec le Front de gauche, et d'autres se présenter indépendamment, la décision finale ayant été que chacun fasse comme bon lui semble. Vint ensuite le désastreux épisode de la « candidate voilée », à la suite duquel les atermoiements du NPA lui permirent de perdre non seulement certaines militantes féministes, mais également ceux qui espéraient se servir du parti comme d'une tribune pour la défense de la religion, comme Abdel Zahiri.

C'est après le congrès de février 2011 que partirent des membres comme Philippe Marlière que nous avons cité, ou Raoul-Marc Jennar, ancienne tête de liste du NPA dans le sud-est aux élections européennes et apôtre de la décroissance. Ils seront rejoints peu après par les militants du courant L'Appel et la pioche de Leïla Chaïbi, laquelle claironnera dans Libération que « le NPA n'est pas ce qui était marqué sur le carton d'invitation », se plaignant notamment de ce qu'on « a essayé de nous formater, de nous transformer en militants de la LCR », c'est-à-dire en trotskystes. La jeune femme a préféré hériter au Parti de gauche du titre bien ronflant, mais quelque peu ridicule, de « secrétaire nationale à l'abolition du précariat ».

La dernière défection en date est certainement la plus grave, du point de vue du NPA : en plein milieu de la campagne présidentielle de 2012, trois des principaux dirigeants du parti, dont une de ses porte-parole, Myriam Martin, et l'ancien bras droit d'Olivier Besancenot, Pierre-François Grond, appelaient publiquement à voter... Jean-Luc Mélenchon. Et c'est dans la presse qu'ils faisaient connaître leurs intentions à leurs camarades, via une tribune parue dans Libération le 22 mars dernier. Ils y écrivaient notamment qu'avec « beaucoup de colère », ils avaient vu le NPA « renoncer à l'engagement pris lors de sa fondation : rassembler tous les anticapitalistes dans un parti de masse ». Les « masses » se rendant visiblement en beaucoup plus grand nombre dans les meetings de Mélenchon que dans ceux de Philippe Poutou - ou de Nathalie Arthaud - Grond et ses camarades firent donc le choix de tous les opportunistes du monde : aller dans le sens du vent.

À l'heure où nous écrivons, Grond et sa tendance sont toujours membres de la direction du NPA, bien qu'ayant fait campagne publiquement pour Mélenchon. Cette situation est probablement appelée à évoluer lors de la conférence nationale du NPA les 7 et 8 juillet, la tendance de Grond ayant de toute façon clairement manifesté son intention d'entrer au Front de gauche « comme courant indépendant » (tribune de la Gauche anticapitaliste dans Tout est nous, 21 juin 2012).

***

On pourrait se dire, au vu de cette litanie de défections, qu'il s'agit d'un processus de décantation naturelle, et que le NPA se renforce en voyant partir les plus réformistes, ou les plus opportunistes de ses membres. Mais il est loin d'être sûr que ce soit le cas, car cette évolution n'a absolument rien changé à la ligne politique du parti de Besancenot et Poutou. Et quand bien même ! Si c'était pour se retrouver à la fin entre anciens de la LCR, cela ne valait pas la peine de jeter aux orties le programme et l'héritage du trotskysme, et ce dans une période de crise où il est vital de porter bien haut le drapeau du communisme. Car il advient finalement que, vu ce qu'il en reste, le NPA d'aujourd'hui, c'est la LCR d'hier... le « communiste » de son nom en moins.

Deux campagnes bien différentes

Reste que le NPA a tout de même, bien que laborieusement, réussi à dégager une majorité pour se présenter en son nom propre à l'élection présidentielle. C'est-à-dire que la majorité de sa direction a résisté aux courants qui l'enjoignaient de se rallier directement à Jean-Luc Mélenchon. Qui plus est, le parti a choisi de présenter à l'élection un ouvrier. En outre, le fait que le NPA ait réussi à trouver, en quelques mois, les 500 parrainages nécessaires au dépôt de la candidature, prouve que cette organisation dispose encore de militants énergiques et dévoués. Ce n'est pas nous qui nous en plaindrons.

Une fois la campagne commencée, combien de fois avons-nous entendu des journalistes demander et demander encore pourquoi LO et le NPA se présentaient séparément ! Comme l'a bien souvent répondu Nathalie Arthaud, nous ne sommes pas partisans du parti unique, et le fait que les électeurs puissent choisir y compris entre plusieurs tendances se réclamant d'un même courant d'idées, est bénéfique. Mais au-delà de ce constat, et des « slogans » communs que nous avons pu défendre pendant plusieurs mois, comme l'interdiction des licenciements, nos campagnes ont, en réalité, été fort différentes.

Dans l'une de ses premières interviews, Philippe Poutou a déclaré qu'il voulait bien accepter d'être « un ouvrier candidat », mais pas l'étiquette de « candidat ouvrier ». Derrière la boutade, la différence est en effet bien réelle, et révélatrice. Un « ouvrier candidat », c'est en quelque sorte une définition sociologique, alors que le « candidat ouvrier » aurait eu une signification politique: celle d'être le porte-parole des intérêts de la classe ouvrière. Une telle définition sentait probablement un peu trop le communisme pour le NPA. Si la campagne de Poutou a été le reflet des multiples aspirations de ce parti, entre écologie, antinucléaire, anticapitalisme ... son leitmotiv en a été de « dégager Sarkozy » essayant ainsi de surfer sur le sentiment largement partagé dans les classes populaires du « tout sauf Sarkozy ». Alors que Philippe Poutou répétait que « le premier objectif », que « le minimum syndical » dans cette élection était de « virer » Sarkozy, Nathalie Arthaud n'a eu de cesse de dénoncer le leurre que constitue l'alternance électorale, expliquant a contrario que le pire pouvait venir avec Hollande parce que la période de crise économique dans laquelle nous sommes plongés ne laisse pas d'autre possibilité au gouvernement que d'être un gouvernement de combat au service de la bourgeoisie pour aggraver l'exploitation.

L'autre différence de taille a été notre positionnement par rapport à la campagne du Front de gauche. Alors que le NPA s'est défendu de ne pas être unitaire, expliquant qu'il l'avait été plus même que tous les autres mais que les choses avaient été rendues impossibles par l'attitude de Mélenchon, alors que Philippe Poutou préférait insister sur les points communs entre le NPA et le Front de Gauche, notre candidate a souligné tout au long de la campagne les différences politiques inconciliables qui séparaient le Front de gauche de LO.

La campagne de Nathalie Arthaud s'est donné comme unique objectif de diffuser aux travailleurs des idées pour l'avenir, des idées qui seront indispensables lorsque, les illusions sur Hollande passées et la crise s'aggravant, ceux-ci chercheront les voies pour des luttes victorieuses. Cela a été une campagne dont l'objectif était de défendre des idées qui seront indispensables demain. Le NPA, lui, a choisi de faire ce qu'on ne peut appeler qu'autrement qu'une campagne de communication visant, selon une expression à la mode, à « faire le buzz », c'est-à-dire à faire parler de Philippe Poutou dans les médias. Cela a sans doute permis de le faire connaître. Mais quelles leçons politiques les travailleurs, ne serait-ce que la fraction la plus consciente d'entre eux, pouvaient tirer des « clips » de campagne du NPA du style question pour un champion ? Selon la presse, beaucoup ont trouvé ces clips « drôles ». Le NPA s'est réjoui qu'à la suite de ces clips le score de Philippe Poutou ait très légèrement décollé, si l'on peut utiliser ce terme aux niveaux qui sont les nôtres. Peut-être. Et alors ? Le problème des militants que nous sommes est-il de « faire des voix », à tout prix, quitte à dire et faire n'importe quoi pour cela, ou de chercher à donner des perspectives à notre classe sociale ? Même si la campagne télévisée de Poutou lui avait permis de faire 3, 4, ou 5 %, cela n'aurait pas été plus utile au monde du travail. Quant à nous, nous espérons que le discours de Nathalie Arthaud a été entendu et retenu ne serait-ce que par une petite fraction des travailleurs, et que ce qu'ils en ont retenu leur sera utile lors des luttes décisives de demain. Se présenter à une telle élection, pour des révolutionnaires, n'a pas d'autre utilité.

« Et maintenant ? »

Une fois la campagne présidentielle passée, est venue celle des législatives. Rien de nouveau sous le soleil : le NPA, là encore, s'est illustré par un relatif suivisme vis-à-vis du PS, en claironnant qu'après avoir « dégagé Sarkozy et sa bande » de l'Élysée, il convenait de « virer » le plus grand nombre de ses amis des bancs de l'Assemblée nationale. En dehors de cela, comme lors des européennes de 2009, l'organisation de la campagne a été marquée par le chacun pour soi : selon les contextes et les sensibilités de chacun, il a été laissé le libre choix de présenter une candidature NPA, de soutenir des candidats du Front de gauche, de se présenter avec des décroissants du MOC (Mouvement des objecteurs de croissance). La tendance Gauche anticapitaliste de Pierre-François Grond a elle eu droit à 40 candidats.

Il est intéressant en revanche de se pencher sur les analyses d'après-campagne parues dans Tout est à nous - la revue, le mensuel du NPA. La campagne de Lutte Ouvrière ayant fait l'objet d'un article spécifique, nous répondrons à quelques-uns des arguments du rédacteur. Mais notons d'emblée que le plus révélateur est la présence de deux articles dans cette revue, émanant tous deux de la majorité du NPA, l'un appelant à des discussions en vue de l'unité d'action avec Lutte Ouvrière, et l'autre appelant à des discussions en vue de l'unité d'action avec... le Front de gauche.

Le premier article, signé Jean-François Cabral, s'intitule « Lutte Ouvrière : une campagne ordinaire ? » Le reproche principal que l'auteur adresse à Lutte Ouvrière est de ne pas avoir défendu de perspectives assez concrètes mais plutôt « des formules générales et abstraites » ; et de ne pas avoir de contre-projet à opposer au Front de gauche : « C'est d'autant plus ennuyeux que les réformistes à leur manière semblent offrir une réponse sur le terrain institutionnel. Il est vrai que les formules autour de l'Assemblée constituante et de la VIe République ne sont pas non plus d'une grande clarté pour la plupart des gens. Mais elles existent. (...) Si les révolutionnaires se contentent de lever le drapeau pour plus tard, en quoi combattent-ils efficacement la politique des réformistes ici et maintenant ? »

On voit à travers ces lignes à quel point divergent les approches de LO et du NPA. En ce qui nous concerne, nous ne faisons pas de la politique en contrepoint du Front de gauche, ni d'aucun autre parti que ce soit. « Combattre les réformistes », dans une période où il n'y a pas de luttes, suppose obligatoirement de se placer sur leur terrain et non sur le nôtre, et c'est précisément ce que nous ne souhaitons pas faire. Nous ne cherchons pas à trouver les « bons arguments », les « bons slogans » - la LCR appelait cela naguère les « mots d'ordre opératoires » - susceptibles de convaincre un public aujourd'hui profondément réformiste et électoraliste. Nos idées politiques (le marxisme) nous conduisent à penser que la conscience ne naît pas à l'écoute d'un bon slogan, comme on serait touché par la grâce, mais qu'elle se développe à travers des événements, à travers l'évolution des conditions de vie, des situations politiques et des bouleversements sociaux. N'en déplaise au NPA, ce ne sont pas de bonnes formules qui ont permis aux révolutionnaires bolcheviques de 1917 d'emporter l'adhésion de millions de travailleurs, mais l'adéquation d'une politique juste à une situation dans laquelle la conscience des masses progressait à la vitesse de la lumière.

Les travailleurs d'aujourd'hui sont profondément démoralisés, ils veulent croire aux solutions prônées par les réformistes de gauche, et soulignons au passage que ce ne sont pas les solutions de Mélenchon qui ont emporté la majorité mais celles du très droitier Hollande. Nos idées ne peuvent avoir du poids qu'à partir du moment où les masses entrent en lutte, c'est-à-dire quand elles ont déjà balayé un certain nombre d'illusions réformistes. Et, nous l'avons dit, c'est à cela et à cela seul que nous voulons nous préparer et préparer ceux qui nous écoutent. Croire qu'avec des formules qui puissent faire concurrence à la « VIe République de Mélenchon », on ferait avancer la cause de la révolution, est une profonde erreur. Tout au contraire, cela ne signifie rien d'autre que se placer précisément sur le terrain des réformistes. Certes, c'est toute la politique du NPA que d'essayer de faire cela, c'est-à-dire de faire plus de voix que les réformistes en étant aussi réformistes qu'eux, mais cela ne rend pas cette politique plus juste.

L'auteur de l'article nous reproche également de nous dire communistes sans parler réellement de ce qu'est le communisme, sans expliquer quel est « l'horizon au-delà des luttes et des résistances ». Cela lui permet d'ironiser sur le fait que Nathalie Arthaud s'est définie comme « candidate communiste » sans autre contenu que celui défendu par le NPA. Et d'estimer que cette formule n'était destinée qu'à « capter l'attention d'une partie (du) public »... du Front de gauche. Décidément, le Front de gauche est une obsession pour le NPA qui n'arrive visiblement pas à comprendre que l'on puisse avoir comme autre « horizon » que de s'adresser à lui !

Nathalie Arthaud a fait sa campagne sous le drapeau du communisme, non pour complaire à des électeurs de Mélenchon, mais pour affirmer que le communisme est l'avenir du monde, et défendre l'idée qu'il n'y a pas d'autre « remède » à la crise que l'expropriation de la bourgeoisie et la prise du pouvoir par le prolétariat. Et que cette prise du pouvoir passera par une prise de conscience, qui elle-même ne pourra se faire qu'à travers des luttes profondes où les travailleurs défendront des objectifs incompatibles avec le maintien de la dictature de la bourgeoisie. Ce sont ces objectifs que nous avons mis en avant dans cette campagne. Il n'est de toute façon pas exact que Nathalie Arthaud n'ait pas parlé de « l'horizon » communiste lui-même dans la campagne[Au meeting du Zénith, le 15 avril, Nathalie Arthaud concluait son discours par : « Débarrassée de la mainmise des intérêts privés sur les richesses et les moyens de les produire, débarrassée de l'exploitation et de la course au profit, la collectivité pourra maîtriser consciemment sa vie économique. Elle pourra alors produire tout ce qui est utile et nécessaire, mais rien que ce qui est utile et nécessaire, dans le respect des hommes et de la nature afin que tous les êtres humains profitent du progrès et accèdent à l'éducation, à la culture, aux loisirs.

L'exploitation disparue, disparaîtront les autres formes d'oppression en fonction du sexe ou de la nationalité. L'humanité pourra alors constituer un seul et même peuple, avec une seule patrie : la Terre. »], mais de toute façon, le communisme, ce n'est pas seulement décrire ce que sera la société idéale, ce n'est même pas du tout cela ! Être communiste aujourd'hui, c'est avant tout donner des perspectives de classe aux travailleurs, expliquer inlassablement que l'avenir de l'humanité repose entre les mains du prolétariat, et que toutes les autres solutions ne sont que de la poudre aux yeux électoraliste. C'est proposer une politique concrète, un « programme de lutte » qui réponde aux problèmes de la situation présente du point de vue des intérêts de classe du prolétariat. En cette période de tempête économique et peut-être, demain, de tempêtes sociales, nous estimons qu'il est plus que jamais vital de défendre ces perspectives et celles-là seules.

Car, oui, il y a une crise profonde qui rend la situation politique particulière ! Nous le rappelons puisque l'auteur de l'article s'interroge en ces termes sur notre refus d'appeler à voter François Hollande au second tour : « En 2007, l'engagement (de LO) en faveur de Ségolène Royal était pourtant assez explicite, sans qu'on comprenne bien la différence avec aujourd'hui » (souligné par nous) ! Nous ne pouvons qu'inciter l'auteur de ces lignes à jeter un coup d'œil à la presse économique. Il ne devrait alors pas lui échapper que le monde capitaliste est frappé par une crise d'une tout autre ampleur qu'en 2007, et que, en conséquence, le gouvernement socialiste va très probablement être amené à prendre des mesures antiouvrières d'une violence bien supérieure à celle de ce Sarkozy que le NPA est si fier d'avoir contribué à « dégager ». En ce qui nous concerne, nous n'avons pas eu envie de donner un blanc-seing, même à notre modeste échelle, à ce futur gouvernement de choc contre les travailleurs, et nous l'assumons pleinement.

Passons sur les reproches de l'auteur sur notre incompréhension des problèmes écologiques, et venons-en à la conclusion de l'article : il faut « une politique de front unique audacieuse et offensive qui offre une issue immédiate aux problèmes auxquels est confrontée la classe ouvrière. (...) » Il existerait donc une « issue », et « immédiate » qui plus est, aux problèmes des travailleurs, sans renverser le capitalisme, sans même un début de commencement de mobilisation dans ce sens ?

« Mais, poursuit l'auteur, pour rassembler, et quel que soit le niveau visé, l'unité pour les luttes ou la construction d'un parti, on a besoin de tout le monde et on n'écarte personne a priori surtout lorsqu'on se réclame de la révolution et du communisme. La discussion reste donc ouverte plus que jamais avec les camarades de LO. »

Puisque l'on « n'écarte personne », Lutte Ouvrière est conviée à discuter avec le NPA... et le Front de gauche, d'une « politique de front unique offensive et audacieuse ». Ce que le NPA, à l'instar de son ancêtre la LCR, appelle « un front unique » est la construction à l'avance d'un appareil susceptible de diriger les luttes quand il y en aura, appareil qui réunirait les révolutionnaires, le Front de gauche, les alternatifs et sans doute bien d'autres encore... c'est-à-dire un appareil qui, vu les rapports de force, serait exclusivement dirigé par Mélenchon et le PCF.

Nous remercions donc le NPA de ne pas nous « écarter a priori » mais en ce qui nous concerne, la seule « unité » qui nous intéresse est celle des travailleurs, celle qui se forgera à la base dans les luttes elles-mêmes. Et nous sommes, de plus, convaincus que la direction du Front de gauche, qu'il s'agisse de celle du Parti communiste ou de celle du Parti de gauche, ne sera pas du même côté de la barricade que nous le jour où des luttes sérieuses éclateront - l'Histoire l'a assez amplement prouvé. Expliquer cela aux travailleurs, plutôt que de tresser des couronnes à Mélenchon, est également selon nous un des devoirs des révolutionnaires dans la période actuelle.

Et le NPA en est bien loin. Car, comme nous l'avons dit, il consacre, dans la même revue et sous la plume de François Sabado, un article au Front de gauche, sous le titre « Et maintenant ? » Cet article cherche par tous les moyens à caresser le Front de gauche dans le sens du poil, tout en ayant l'air de timidement le critiquer. Après des louanges adressées à Mélenchon pour sa « bonne campagne », où il a su « renouer dans ses discours avec l'imaginaire révolutionnaire des textes de Victor Hugo et avec les heures glorieuses du mouvement ouvrier », après avoir listé les nombreuses « positions communes » du NPA et du FdG, Sabado souligne certes un point « qui divise profondément » : le nucléaire. Mais en dehors de ce point, le NPA dénonce seulement les « ambiguïtés » de Mélenchon et l'appelle « à être conséquent ». Le principal reproche politique fait à Mélenchon est d'être par trop « républicain », c'est-à-dire de chercher à « subordonner, rendre compatible le mouvement de masse avec les institutions de la République » !

Parler ainsi revient à participer par opportunisme à l'escroquerie que représente Mélenchon - nous espérons du moins que c'est le cas, et que François Sabado ne croit pas à ce qu'il dit. Ou alors, s'il suffit de citer trois phrases de Victor Hugo pour éblouir un dirigeant du NPA et lui faire oublier ce que c'est qu'un politicien bourgeois, cela augure mal de l'avenir de cette organisation comme parti même seulement « anticapitaliste ». « Ambigu », Mélenchon ? Inconséquent ? Certainement pas ! La campagne du Front de gauche a été parfaitement conséquente et sans la moindre ambiguïté, c'est-à-dire qu'elle a été celle d'un homme politique bourgeois au langage certes un peu radical, à la bouche remplie de ce que Blanqui appelait avec mépris « des phrases sonores d'avocat » lorsqu'il flétrissait « la détestable popularité des bourgeois déguisés en tribuns. » Qu'y a-t-il d'« ambigu » dans le discours de Mélenchon ? À aucun moment il ne parle réellement de luttes, à aucun moment il n'appelle à autre chose qu'à bien voter et à faire avancer les choses par la voie des urnes. À aucun moment, au-delà de ses phrases ronflantes, il ne cherche à s'appuyer sur l'initiative des travailleurs. Et les mots utilisés par le NPA ont leur importance : contrairement à ce que dit Sabado, Mélenchon ne cherche pas à « subordonner le mouvement de masse aux institutions de la République » ; il cherche, et il cherchera plus encore demain, à le subordonner aux intérêts de la bourgeoisie. Mais cela, le NPA ne le dira pas, parce qu'il n'a pas envie de froisser quiconque au sein du Front de gauche.

On le voit, le NPA n'a rien envie d'apprendre de l'échec de sa politique. Il continue de s'adresser aux réformistes en parlant leur langue, et en espérant sans doute toujours que cela poussera quelques-uns à le rejoindre. Vu les résultats des élections, parions que cela a de moins en moins de chance d'arriver.

Avec la politique qui est la sienne, depuis 2009, le NPA n'a aucune possibilité de construire un parti révolutionnaire, au sens de révolution prolétarienne du terme. Il est vrai que ce constat est un peu vain, dans la mesure où le NPA n'en a jamais eu l'intention. Mais il n'a même aucune chance de construire un parti qui soit réellement utile aux travailleurs. Nul ne sait aujourd'hui ce que l'avenir nous réserve et rien n'exclut qu'à plus ou moins brève échéance, lorsque Ayrault se sera carbonisé par une politique violemment antiouvrière et que les travailleurs menaceront d'entrer en lutte, un Mélenchon soit appelé à l'aide par la bourgeoisie pour calmer, ou réprimer, les mouvements sociaux. À quoi auront alors servi les appels du NPA au « front unique » avec Mélenchon, sinon à tout embrouiller et à avoir contribué, si peu que ce soit, à entretenir des illusions sur les adversaires de la classe ouvrière ?

En ce qui nous concerne, nous restons convaincus que la tâche de l'heure est plus que jamais de militer pour la construction d'un parti communiste révolutionnaire, et que cette tâche ne peut être menée à bien que sur la base d'un programme politique clair, le programme que nous ont légué Marx, Engels, Lénine et Trotsky.

27 juin 2012