Les trahisons de la social- démocratie

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7 novembre 1997

La responsabilité de la social- démocratie dans la défaite de la révolution ouvrière en Allemagne et, partant, dans le coup d'arrêt à toute la vague révolutionnaire, est déterminante. Ce n'est pas une responsabilité indirecte, par inexpérience, par absence de compétence, ou pour n'avoir pas été assez préparée pour des événements révolutionnaires. Non, les chefs de la social- démocratie allemande ont choisi, en toute conscience, le camp adverse en se mettant à la disposition de l'état-major militaire le plus puissant et le plus réactionnaire peut-on dire, d'Europe.

Le dirigeant social-démocrate Noske avait même proclamé que, si pour vaincre les masses insurgées il y avait besoin d'un chien sanglant, il serait celui-là.

Il est impossible de deviner l'impulsion qu'un pouvoir prolétarien à l'échelle d'une grande partie de l'Europe, voire de sa totalité, aurait pu donner à l'économie et à la civilisation mondiale. On ne peut réécrire différemment l'histoire.

Cela au moins aurait certainement bouleversé les rapports entre les peuples au sein de l'Europe. Cela aurait constitué, surtout sur des bases étatisées, une autorité économique capable de contrebalancer les USA et, sans doute, d'opposer le prolétariat le plus puissant du monde, le sien, à la bourgeoisie américaine.

Mais ce que l'on sait, en revanche, c'est ce que la survie du système capitaliste a coûté à l'humanité, dès les années suivantes et jusqu'à nos jours.

Dans l'immédiat après guerre, le traité de Versailles consacre la balkanisation de l'Europe, des peuples coupés en deux par des frontières artificielles dont nous avons vu récemment en Bosnie-Herzégovine, les conséquences lointaines . L'établissement d'une série de dictatures, Horthy en Hongrie, Pilsudski en Pologne et d'autres en Roumanie, en Bulgarie, en Yougoslavie, Mussolini qui, en Italie, a inventé le fascisme, y compris le nom.

Et puis, onze ans seulement après la Première Guerre mondiale, le krach à la Bourse de New York, suivi de l'effondrement de l'économie américaine. Les usines fermées les unes après les autres. Des millions d'ouvriers jetés à la rue. La paysannerie ruinée. Des centaines de milliers de familles errant sur les routes, de ville en ville, à la recherche désespéré d'un travail. La soupe populaire. En trois ans, la production industrielle américaine, de loin la plus puissante du monde, a chuté de 50%.

Puis, la crise s'est étendue partout dans le monde capitaliste, dont l'Europe. L'économie allemande s'est effondrée à son tour. Des millions de travailleurs se sont retrouvé brutalement au chômage, en même temps que de centaines de milliers de commerçants, de boutiquiers, d'artisans étaient ruinés. Les base objectives du nazisme étaient là.

Et, alors que les troupes de choc de Hitler commençaient à représenter un danger menaçant pour la classe ouvrière et pour la société, la social-démocratie a été, de nouveau, la principale force pour lier les mains des travailleurs, pour les désarmer. C'est en particulier grâce à la trahison de la social-démocratie, de la démission de ses dirigeants devant le combat inévitable, qu'Hitler a pu arriver au pouvoir, briser la classe ouvrière allemande, et s'engager dans une politique d'armement pour le repartage du monde en faveur de la bourgeoisie allemande.

Alors, oui, puisqu'on parle de responsabilité politique, elle est là. Celle de la social-démocratie est écrasante, même si à partir d'une certaine période, son rôle a été complété par celui du Parti communiste allemand sous la direction de Staline. Certains des propres dirigeants de la social-démocratie allaient être victimes de Hitler, mais cela n'enlève rien à leur responsabilité, ni pour l'ascension du nazisme, ni pour la marche vers la Deuxième Guerre mondiale que cela devait entraîner. Car c'est elle qui, par deux fois en quinze ans, a ligoté la classe ouvrière ! Que sont les conséquences comparées de la révolution russe à côté de cela ?

Et quatre-vingt ans après on peut encore parler de la responsabilité écrasante de la social- démocratie dans la survie de la société capitaliste et de son cortège de misère, de guerres et d'infamies.

Comme l'affirmait Trotsky à l'époque : "L'histoire s'est déroulée de telle sorte qu'à l'époque de la guerre impérialiste la social-démocratie allemande s'est avérée - et l'on peut maintenant l'affirmer avec une objectivité parfaite - être le facteur le plus contre-révolutionnaire dans l'histoire mondiale".

C'est ce rôle contre-révolutionnaire à l'échelle européenne de la social- démocratie qui a isolé la révolution russe et la réduite à un camp retranché.

Et, de ce point de vue, en complément de son rôle dans le maintien et la consolidation du capitalisme en Europe et dans le monde, la social-démocratie a créé les bases économiques et sociales qui ont fait dégénérer l'Etat russe et permis à Staline de surgir du fumier bureaucratique.