Pour une réponse collective du monde du travail - Discours d'Arlette LAGUILLER au meeting du 4/10/2002

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Octobre 2002

Texte du discours d'Arlette LAGUILLER
Meeting du 4 octobre 2002, salle de la Mutualité à Paris

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,

Le succès de la manifestation des travailleurs d'EDF-GDF est un succès pour tout le monde du travail. Il montre que les travailleurs répondent présents lorsqu'ils sont appelés à l'action et que cela concerne leurs intérêts.

Une manifestation, même réussie, ne suffira évidemment pas à changer le rapport des forces entre le patronat, soutenu par le gouvernement, et les travailleurs. Mais elle peut contribuer à redonner confiance en la lutte.

Et la lutte, la riposte collective de l'ensemble des travailleurs, est le seul moyen pour arrêter l'offensive menée par le patronat et le gouvernement contre les classes populaires.

Dopé par son élection du 5 mai 2002, transformée en plébiscite par l'appel de la gauche en sa faveur, Chirac se croit tout permis à l'égard des classes populaires. D'autant que les législatives dans la foulée de son élection lui assurent une majorité parlementaire soumise. Les mesures anti-populaires du gouvernement Raffarin se suivent en rafales, en même temps que se succèdent les mesures en faveur des classes riches.

Le Parlement se prépare à adopter, ces jours-ci, définitivement la loi Fillon. Sous prétexte d'assouplir la loi Aubry, la loi Fillon reprend tous les aspects favorables aux patrons et néfastes pour les travailleurs. Elle reprend l'annualisation du temps de travail et la flexibilité des horaires. Mais, en plus, elle supprime la réduction du temps de travail pour les salariés des petites et moyennes entreprises. Plus de trois millions de travailleurs resteront donc aux 39 heures, tout en subissant tous les inconvénients de la loi Aubry modifiée Fillon. Cette loi autorisera les patrons à imposer davantage d'heures supplémentaires sans repos compensateur. Et, avec l'annualisation, ces heures supplémentaires ne seront même pas décomptées à la semaine, ce qui fait que le patron pourra imposer des semaines de 40 ou 42 heures, voire 50, lorsque ça l'arrangera, sans même payer d'heures supplémentaires, si au bout de l'année le contingent légal d'heures de travail n'est pas dépassé. Et, dans les entreprises de moins de 20 salariés, ces heures supplémentaires ne seront majorées que de 10 % au lieu de 25 %.

Mais, en revanche, on continuera à prélever sur le budget des dizaines de milliards d'euros accordés aux patrons en compensation de ces 35 heures... qu'ils n'ont même plus à appliquer !

Mais il y a encore un autre aspect de la loi Fillon qui prolonge la loi Aubry tout en l'aggravant. L'horaire de travail comme le taux de majoration des heures supplémentaires, même dans les grosses entreprises, devront résulter de négociations branche par branche, voire entreprise par entreprise.

C'est un retour en arrière considérable. Cela signifie qu'en fait l'horaire de travail n'est plus fixé par la loi et ne s'impose pas aux patrons. Négocier branche par branche ou entreprise par entreprise, c'est accepter que l'on divise les travailleurs. C'est accepter que le rapport des forces ne s'établisse pas à l'échelle de l'ensemble du monde du travail. Cela signifie défavoriser les secteurs de la classe ouvrière qui sont le moins en situation de se défendre.

Une autre attaque contre le monde du travail concerne le SMIC. Pour ne pas brusquer ces messieurs du patronat, la socialiste Aubry avait refusé l'augmentation globale de tous les SMIC. Elle avait créé six SMIC mensuels différents, dépendants du moment où le smicard était passé aux 35 heures. Le gouvernement affirme vouloir harmoniser tout cela. Mais cette harmonisation consiste à freiner la progression de celui des six SMIC dont le montant est le plus élevé jusqu'à ce que le SMIC le plus bas finisse par le rattraper. C'est une façon de bloquer les salaires de travailleurs déjà mal payés.

C'est d'autant plus inadmissible que, contrairement à ce qu'indiquent les initiales SMIC, ce n'est plus et depuis longtemps un salaire minimum. Trois millions de travailleurs, réduits à la précarité ou au temps partiel imposé, gagnent bien moins que les 1 035 euros du SMIC minimal qui est devenu en fait un salaire moyen concernant 2 700 000 travailleurs.

Dans le secteur public, c'est la politique de privatisation que le gouvernement actuel a reprise au gouvernement précédent qui sert de prétexte pour supprimer des emplois, pour s'en prendre aux retraites.

Que n'a-t-on entendu, hier, des commentateurs suant la haine anti-ouvrière expliquer que les travailleurs d'EDF et de GDF, qui ont manifesté contre la privatisation, ont surtout voulu défendre "leurs privilèges". Pour ces gens-là, partir à la retraite après une vie de travail, au bout de 37 ans et demi de cotisation, avec une pension convenable, est un privilège. On ne les entend jamais protester contre les revenus faramineux des parasites qui vivent de leurs dividendes ; on ne les entend pas protester contre ces possesseurs de capitaux qui désinvestissent de la production pour spéculer, quitte à ruiner l'économie.

Les travailleurs des services publics ont mille raisons de se défendre sur le manque de postes qui nuit à tout le monde : dans les hôpitaux, les écoles, les animateurs dans les quartiers !

Et nous devons nous dire que cette attaque contre la retraite de ceux de la Fonction publique, à qui Juppé n'avait pas réussi, en 1995, à imposer le passage de 37 ans et demi à 40 ans de cotisation, concerne l'ensemble des travailleurs. Balladur l'avait fait pour le privé. Juppé, du coup, avait prétendu que c'était injuste que les services publics soient mieux traités que le privé. Alors si, sous prétexte d'égalisation, le gouvernement réussissait à niveler par le bas la retraite de tous, il ne se gênerait pas pour continuer à ses attaques contre tous.

Alors, égalisation des systèmes de retraite pour tous, oui ! Mais en annulant le décret de Balladur appliqué sans état d'âme par Jospin. Il faut le retour aux 37 ans et demi de cotisation pour tous mais avec une retraite qui permette aux anciens de vivre dignement !

Tout le monde sait que Chirac et Raffarin préparent pour l'année prochaine une offensive générale contre les retraites. Ils veulent ouvrir la porte à une retraite par capitalisation. Ce qui signifie que les travailleurs devront faire des économies supplémentaires, les placer dans un fonds, peu importe qu'il s'appelle fonds de pension ou autre chose, et que ce fonds gérera cet argent jusqu'à l'âge de la retraite en le plaçant. Mais cela se traduirait par une retraite drastiquement diminuée pour cette majorité de salariés qui ne gagnent pas assez pour faire des économies et les placer.

Il n'est pas question d'accepter qu'on enfonce les anciens dans la misère après une vie de travail. Et il n'est pas question d'accepter non plus que les économies de ceux des travailleurs qui pourraient cotiser soient jouées au casino boursier. De nombreux retraités américains se retrouvent ainsi sans le sou pour leurs vieux jours parce que l'entreprise qui a géré leur argent a spéculé et a fait faillite.

Pendant que le gouvernement Chirac-Raffarin multiplie les coups contre les classes populaires, il favorise de façon éhontée les classes les plus riches. Il en est ainsi avec la réduction de l'impôt sur le revenu. Les 6 % de réduction déjà décidés rapporteront des centaines de milliers d'euros aux plus gros contribuables, quelques dizaines d'euros aux petits et moyens contribuables, et rien du tout à cette moitié de la population qui gagne tellement peu qu'elle n'est pas assujettie à l'impôt sur le revenu. Ceux-ci aussi payent pourtant un impôt de près de 20 % sur leurs revenus, la TVA, cet impôt sur la consommation qui pèse lourdement sur leurs maigres ressources. Cette charge-là, il n'est pas question de l'alléger.

Mais pourquoi le gouvernement Chirac-Raffarin se préoccuperait-il plus de cette moitié de la population qui dispose des revenus les plus modestes, que ne l'a fait le gouvernement Jospin ?

A côté du cadeau fiscal que représente pour les hauts revenus la réduction de l'impôt sur le revenu, que pèse donc la prime pour l'emploi, cette invention de Fabius que Raffarin reprend à son compte, d'autant que les retraités n'ont même pas droit à ces quelques dizaines d'euros ?

Le gouvernement prétend qu'en baissant les impôts il laisse plus d'argent à la consommation et qu'une augmentation de la consommation est bonne pour l'économie. Mais le millionnaire à qui ce cadeau fiscal vaut des dizaines de milliers d'euros supplémentaires ne consommera pas plus. L'argent des réductions d'impôt ira surtout vers des investissements financiers, c'est-à-dire vers la spéculation.

Et passons sur les petits cadeaux jetés aux plus aisés, comme l'allégement d'impôt sur l'emploi de domestiques.

Passons sur le fait qu'il est question d'alléger l'impôt sur la fortune, pourtant pas bien pesant.

Les réductions de charges sociales des entreprises représentent un cadeau autrement plus important pour le patronat.

Dans une déclaration récente, le secrétaire général de FO, Marc Blondel, a affirmé que les exonérations de cotisations sociales des patrons correspondent à 800 000 emplois dans les service publics.

Ce que les patrons appellent les "charges sociales" est en réalité une partie du salaire, sa partie indirecte. Lorsque le gouvernement en fait cadeau aux patrons, c'est aux travailleurs qu'il la vole !

"Réduire les cotisations patronales favorise l'emploi ", voilà le slogan que nous rabâchent tous les gouvernements depuis trente ans, de la gauche à la droite, et que répète la presse aux ordres. Mais c'est une sinistre plaisanterie alors que, depuis, on est passé de 100 000 chômeurs à 2 400 000, voire à 5 millions, si l'on compte tous ceux qui n'ont un travail que par intermittence.

Les postiers, les agents hospitaliers, les cheminots, les enseignants, qui réclament désespérément plus d'effectifs, ont absolument raison du point de vue de l'intérêt de toute la société. Car c'est toute la société, et surtout la population laborieuse, qui subit les conséquences de l'insuffisance de personnel dans les services hospitaliers, du manque de personnel dans les écoles des quartiers populaires.

Le budget que vient de présenter Raffarin affiche clairement son caractère anti-populaire. Moins d'argent pour les services publics indispensables à la majorité de la population, plus d'argent pour les patrons et les classes aisées. On ôte aux plus pauvres ce qu'on donne aux plus riches.

Et même dans les dépenses publiques, les choix vont à l'encontre des intérêts des classes populaires.

Alors qu'il manque des logements corrects à des loyers abordables, on va construire un porte-avions nucléaire. Alors que les hôpitaux sont laissés dans une situation catastrophique, c'est à des sous-marins supplémentaires que l'on consacrera de l'argent. Moins de lits pour les malades dans les hôpitaux, mais des chars Leclerc en plus. Des maternités, des crèches, des garderies en nombre insuffisant, mais des flash-balls pour la police. Sans parler d'une intervention militaire en Afrique qui va peser ses millions d'euros.

Le gouvernement supprime plusieurs milliers d'emplois d'éducateurs et de surveillants dans les écoles, mais il a envisagé, pour se rétracter ensuite devant l'indignation, d'infliger une amende, allant jusqu'à 2 000 euros, aux familles des élèves coupables d'absences répétées et injustifiées. Au lieu d'éduquer les enfants des classes populaires, on punira les parents.

Le budget de l'Etat devrait permettre une certaine redistribution des richesses, une certaine correction des inégalités sociales par le biais des services publics. Mais, pour détourner toujours plus l'argent de l'Etat vers le patronat, c'est sur les services publics qu'on fait des économies.

Les attaques contre les services publics, cela fait partie des attaques contre les classes populaires. Car, lorsqu'on réduit le nombre d'éducateurs ou de surveillants, lorsqu'on limite le nombre d'enseignants, on sait que ce sont les écoles des quartiers populaires qui en subiront surtout les conséquences. Alors que, dans la réalité, c'est précisément à ces écoles qu'il faudrait donner davantage de moyens, davantage de personnel, afin que l'Education nationale puisse compenser ne serait-ce qu'un peu tous les handicaps dont cette société de classe charge les enfants des couches les plus défavorisées.

Lorsqu'on pousse les transports publics ou, dans un autre ordre d'idées, les services postaux vers plus de rentabilité, cela signifie encore qu'on favorise ce qui rapporte, c'est-à-dire ce qui sert aux classes aisées, et on laisse à l'abandon ce qui est indispensable aux couches les plus pauvres. Ce sont les plus démunis qui subissent les conséquences de la suppression des lignes dites secondaires à la SNCF, de l'insuffisance des trains de banlieue ou de la fermeture de gares. C'est pour eux et, en particulier, pour les plus âgés que la vie est rendue plus difficile parce qu'on ferme un bureau de poste de quartier ou que l'on supprime des cabines téléphoniques dans les villages ou dans les quartiers populaires.

Alors, il ne faut pas les laisser faire ! Défendre les services publics, ce n'est pas défendre un statut juridique. Ce n'est pas seulement défendre des principes abstraits. C'est défendre les classes populaires qui, sans les services publics, ne peuvent pas avoir accès à une éducation correcte, à des soins corrects, ni à des transports corrects ou à des logements corrects.

Cette diminution de la part consacrée aux services publics est d'autant plus grave que le chômage, de nouveau en hausse depuis 16 mois, détériore encore le pouvoir d'achat des familles ouvrières. Rien d'étonnant à cela.

Les plans de licenciements dans les grandes entreprises se succèdent pour ainsi dire chaque jour. Alcatel supprime 23 000 emplois au total, 28 % de son effectif à l'échelle du monde. Mitsubishi supprime 1 000 emplois, Hewlett-Packard plus d'un millier, Daewoo ferme son usine de Lorraine, Aventis ferme son centre de recherches de Romainville. Et voilà maintenant que c'est Infograme, Bayer, Matra-Auto et Saint-Gobain qui viennent d'annoncer de nouveaux plans de suppressions d'emplois. Et ces licenciements nouveaux s'ajoutent évidemment aux plans de licenciements déjà en cours.

Combien de ces entreprises ont pourtant touché des subventions considérables, aussi bien de l'Etat que de la région, de l'Europe que du département ? Et il n'est même pas question de les obliger à rembourser l'argent indûment touché !

Ces licenciements se font avec la complicité du gouvernement qui pourrait s'y opposer s'il le voulait. Mais il ne le veut pas. Ce gouvernement de droite, qui n'a rien à envier à la gauche sur ce terrain, n'éprouve même pas le besoin de se justifier de sa complaisance et de sa complicité avec les patrons licencieurs. Pourquoi le ferait-il alors que son prédécesseur, le gouvernement socialiste, avait déclaré par la bouche de son chef Jospin, lors de l'affaire Michelin, que contre les licenciements il ne pouvait rien faire ?

Les attaques contre le monde du travail ne sont pas seulement matérielles. Les nouvelles lois en préparation au ministère de l'Intérieur ne sont pas seulement des lois attentatoires aux libertés individuelles. Ce sont aussi, clairement, des lois contre les pauvres. Jusqu'à maintenant, l'interdiction de la mendicité, par exemple, était de l'initiative seulement de quelques maires réactionnaires de toute étiquette, y compris socialiste. Ce sera désormais une loi.

Des immigrés aux sans-papiers, en passant par les gens du voyage, les lois Sarkozy ciblent les catégories populaires que la société a transformées en exclues.

Incapable de prévenir la pauvreté, sécrétée par cette société injuste et inégalitaire, les serviteurs politiques de la bourgeoisie choisissent de punir les pauvres comme l'avaient fait leurs prédécesseurs, au début du capitalisme, lorsqu'on emprisonnait ou on condamnait aux travaux forcés ceux qu'on appelait à l'époque les "vagabonds".

Tous ceux qui sont ici se rappellent comment, il y a seulement quatre mois, on nous avait présenté Chirac comme un barrage à Le Pen. Eh bien, on voit bien, avec les mesures de ce gouvernement Chirac-Raffarin, qu'il n'y a pas eu besoin que Le Pen vienne au pouvoir pour que le gouvernement applique la politique de Le Pen. Ce n'est même pas moi qui le dis. Je vous cite l'expression de la propre fille de ce démagogue d'extrême droite qui a déclaré il y a quelques jours au quotidien Le Parisien : "Raffarin parle le langage Le Pen ", en reprenant les thèmes sur lesquels elle fonde son jugement : "inversion des flux migratoires, priorité à la sécurité et à la défense, augmentation des crédits à la justice, etc.", et d'ajouter d'ailleurs que ce ne sont pas les lepénistes qui ont fait un pas vers la majorité de droite mais l'inverse.

Alors oui, avec ce gouvernement de droite, le patronat et la bourgeoisie avancent sans masque. C'est la seule différence avec la gauche. Ils ne cherchent même pas à dissimuler qu'ils sont là pour servir directement les intérêts des plus riches et que, pour les enrichir encore plus, ils appauvrissent davantage les classes populaires.

Oui, ils se sentent sûrs d'eux, tous ces gens, Chirac, Raffarin, Juppé, Sarkozy et tous les autres. Et quand certains ténors du Parti socialiste s'avisent de protester en disant que les 82 % de votes pour Chirac viennent en partie de l'électorat de gauche, leurs lamentations n'attirent que l'ironie dédaigneuse de Chirac, Raffarin et consorts qui méprisent ceux qui se sont aplatis. Ils savent bien, eux, que Chirac n'avait pas besoin des voix de gauche pour être élu et qu'ils ne doivent donc rien à personne.

Ce que la gauche a apporté à Chirac, c'est de transformer une élection assurée en triomphe personnel et en plébiscite politique. La gauche s'est agenouillée toute seule. Et aujourd'hui encore, elle en est fière !

Eh oui, les grands partis de gauche ont préparé politiquement le terrain pour la droite, comme bien souvent dans le passé. Ils l'ont préparé en menant eux-mêmes une politique de droite, et bien des mesures qui sont appliquées aujourd'hui par le gouvernement Raffarin ont été préparées par les hauts fonctionnaires des ministères sous le gouvernement précédent.

C'est pourquoi ils ont perdu les élections, et il n'est pas besoin d'ouvrages sur la psychologie de Jospin ou sur l'incompréhension des classes populaires pour le comprendre.

Oui, il y a de quoi être indigné par les projets de privatisation du gouvernement Chirac-Raffarin. D'abord, du point de vue des travailleurs de ces entreprises. Car, pour réussir à vendre au privé tout ou partie de France Télécom, d'Air France ou de la Snecma, le gouvernement cherchera à plaire aux marchés financiers en freinant les salaires, en supprimant des acquis, en réduisant les effectifs. Tout projet de privatisation implique forcément une dégradation des conditions de travail des salariés.

Mais ce ne sont pas seulement les travailleurs des entreprises privatisées, ce sont toutes les classes populaires qui subissent les conséquences des privatisations ou même de la recherche de rentabilité lorsqu'il s'agit de services publics. Car services publics et recherche de profit sont absolument contradictoires. Or, tous les gouvernements qui se succèdent depuis longtemps poussent dans ce sens à la SNCF comme à la Poste, en passant par France Télécom ou même dans les hôpitaux.

Et le comble du cynisme, c'est qu'aujourd'hui, par exemple, la presse patronale s'en prend à la gestion étatique de France Télécom pour dénoncer la dette calamiteuse que l'entreprise nationale a accumulée. Mais si France Télécom s'est endettée, ce n'est pas du tout pour mieux accomplir sa vocation de service public. Ce n'est pas pour mieux desservir les quartiers populaires ou les villages reculés ; ce n'est pas pour embaucher du personnel supplémentaire. France Télécom s'est endettée pour racheter des entreprises aux quatre coins du monde à des prix spéculatifs : elle s'est endettée pour racheter des parts de marché, existantes ou hypothétiques, sur le marché mondial des télécommunications.

Si le gouvernement de droite peut affirmer sans honte qu'introduire les intérêts privés dans les services publics en améliorera le fonctionnement, c'est que la gauche lui a mâché les arguments. Mais on a vu, avec la faillite de la société américaine Enron, ce qu'il en coûte de livrer la fourniture d'énergie au profit privé. Et, là encore, ce sont les travailleurs de cette entreprise qui payeront parce qu'ils perdent leur emploi, et, de plus, ils ont perdu l'argent de leur retraite. Et les chemins de fer britanniques privatisés comme, récemment, le contrôle aérien privatisé de l'espace aérien suisse ont fourni des illustrations dramatiques sur les conséquences de la recherche de rentabilité dans ces secteurs.

Alors oui, il faut s'opposer à ces processus de privatisation. Mais il faut une bonne dose de cynisme aux dirigeants du Parti socialiste ou du Parti communiste pour protester contre la privatisation d'Air France, d'EDF-GDF ou de la Snecma, alors que les travailleurs de ces entreprises savent très bien que ces projets ont été préparés, voire en partie mis en application, sous Fabius et Gayssot. Il leur faut bien du cynisme pour protester contre la baisse de l'impôt sur le revenu des plus riches alors que cette baisse d'impôt avait déjà été décidée par Fabius.

Aujourd'hui, le Parti socialiste essaie de se refaire une santé dans l'opposition.

Mais il aura du mal. Les travailleurs ne sont pas sans conscience et sans mémoire, et ils n'oublieront pas de sitôt ces ministres socialistes, obséquieux devant le patronat, méprisants envers les classes populaires. Ils n'oublieront pas de sitôt que la gauche au pouvoir n'a en rien amélioré leur vie quotidienne. Elle ne les a en rien aidés face aux licenciements collectifs, face à l'avidité patronale. Même aujourd'hui, alors qu'ils ne sont plus ministres, quel travailleur peut se reconnaître dans ce que dit, dans ce que fait et dans ce qu'est un Fabius ou un Strauss-Kahn ?

Fabius et Strauss-Kahn continuent, même dans l'opposition, à tenir un langage aussi ouvertement pro-patronal que la politique qu'ils ont menée lorsqu'ils étaient au gouvernement. Tout au plus est-il assorti de quelques critiques sur les méthodes. C'est le visage rassurant que le PS veut, même dans l'opposition, offrir à la bourgeoisie.

Mais, pour servir la bourgeoisie au gouvernement, il faut avoir une majorité, donc être élu. Alors, une répartition des tâches s'opère en ce moment à l'intérieur du PS, dont une partie essaie de montrer un visage un peu plus radical en direction des classes populaires.

"Un nouveau monde" rien que ça ! , voilà la dénomination que vient d'adopter le nouveau courant qui se veut la gauche du PS. Mais les initiateurs de ce "nouveau monde" sont des vieux chevaux de retour des postes ministériels. Henri Emmanuelli, une des deux têtes pensantes de ce nouveau courant, a été ministre sans discontinuité de 1981 à 1986. Il n'avait pas démissionné lorsque son gouvernement avait décidé le blocage des salaires ou la restructuration drastique de la sidérurgie en jetant sur le pavé des milliers des travailleurs de ce secteur. Et lui qui, aujourd'hui, essaie de trouver des accents radicaux contre "le social-libéralisme de soumission" représenté, selon lui par Fabius, n'a pas eu d'état d'âme pour être ministre dans le gouvernement de ce dernier. Quant à Mélenchon, il a été ministre jusqu'au dernier jour du gouvernement Jospin. Il en partage totalement la responsabilité dans tous les coups que ce gouvernement a portés aux travailleurs et qui ont conduit à l'échec électoral de Jospin.

Et puis, il suffit de les écouter, même maintenant, même dans l'opposition : comme ils sont prudents, comme ils ne veulent pas susciter d'espoir et surtout de combativité avec des exigences trop précises !

Lors de leur réunion fondatrice à Argelès-sur-Mer, lorsque Mélenchon a pris un ton de guerillero latino-américain pour s'écrier "feu sur les quartiers généraux", ce n'est pas le quartier général de l'armée qu'il entendait par là, ni celui du patronat, mais celui de la direction du Parti socialiste. Le radicalisme de tout ce beau monde se réduit à vouloir écarter François Hollande, le secrétaire du PS, pour prendre sa place. Et quand ces gens-là prétendent "réconcilier radicalité et responsabilité", la radicalité verbale est réservée aux électeurs, et la responsabilité à la bourgeoisie.

Quant au Parti communiste, on a vu avec la récente fête de L'Humanité qu'il continue à disposer d'un rayonnement populaire considérable. La fête de L'Humanité n'en a été qu'une des concrétisations, visible par tout le monde. Mais tous ceux qui militent dans les classes populaires savent que, dans la plupart des entreprises, en tout cas dans les grandes, ce sont bien souvent encore les militants ou les ex-militants du PC qui animent la CGT. Et ce sont encore eux qui, dans les quartiers populaires, animent bien souvent des associations de locataires, de parents d'élèves, des comités de chômeurs et bien d'autres qui, sur tel ou tel point, jouent un rôle utile dans la défense du monde du travail.

Oui, malgré la défaite électorale de Robert Hue, conséquence des cinq ans de participation et de soutien sans faille à un gouvernement anti-ouvrier, oui, malgré le vote politiquement désastreux en faveur de Chirac, le PC compte encore des milliers de militants et de sympathisants, prêts à donner de leur temps et de leur énergie. Mais beaucoup de ces militants sont découragés, démoralisés et se sentent perdus car leur direction ne leur donne aucune perspective, si ce n'est celle justement qui a conduit au résultat calamiteux de Robert Hue.

Aujourd'hui que le PC se retrouve bien malgré lui dans l'opposition, ses dirigeants essaient de renouer avec un langage plus radical. A la fête de L'Humanité, Marie-George Buffet s'est revendiquée de "la validité et la force d'une visée communiste ". Elle a affiché sa volonté de "construire une alternative à l'ordre capitaliste du monde".

Mais, en revanche, pas un mot de critique de la politique récente du PC. Pas un mot pour dire ce qu'ils n'ont pas fait pendant cinq ans au gouvernement et qu'ils auraient dû y faire puisqu'ils continuent à affirmer qu'il fallait y participer !

Pas un mot pour dire quelles sont les lois qu'ils auraient dû voter en faveur des travailleurs, quelles sont celles qu'ils auraient dû empêcher de faire passer, sachant que sans les députés communistes le gouvernement Jospin n'avait pas de majorité !

Alors, quelle confiance ceux des militants du PC qui réfléchissent peuvent-ils accorder à cette direction lorsqu'elle affirme que "les communistes vont s'engager de toutes leurs forces dans la résistance aux mesures gouvernementales" ? Car, si cette résistance reste purement parlementaire, il est ridicule d'en parler vu l'insignifiance de la représentation du PC au Parlement par rapport à la majorité écrasante dont dispose la droite.

En revanche, bien sûr, si les dirigeants communistes voulaient s'appuyer sur les luttes des travailleurs pour combattre le gouvernement, alors oui, le PC aurait un rôle important à jouer étant donné le nombre de ses militants et leur présence un peu partout. L'énergie que représentent tous ces militants a été gaspillée à mauvais escient pendant les années de collaboration gouvernementale. Elle a été usée à défendre le gouvernement socialiste, à le présenter comme un point d'appui pour le monde du travail, alors même qu'il menait une politique violemment anti-ouvrière. Eh bien, cette énergie militante pourrait enfin se déployer pour remobiliser le monde du travail. Mais la direction du PC ne fera rien pour que ce soit le cas, même maintenant qu'il est dans l'opposition et qu'aucun pacte gouvernemental ne le subordonne au PS. Car, pour être admis à gérer de nouveau les affaires et les intérêts de la bourgeoisie, il est exclu qu'il s'appuie sur les travailleurs.

Alors, Robert Hue et Marie-George Buffet, même lorsqu'ils s'affirment toujours communistes, trompent encore les travailleurs, à commencer par leurs propres militants.

Si la base du PC est malgré les déceptions du passé encore vivante, sa tête est politiquement morte, et depuis très longtemps. Elle est politiquement morte depuis que sa stratégie fondamentale est celle de l'association avec le PS, pour gérer périodiquement au gouvernement les affaires et les intérêts de la bourgeoisie. Cette politique est en faillite depuis bien longtemps, et pas seulement depuis que Robert Hue a pris les commandes du parti. Mais cette fois-ci, la faillite est visible.

Et si les militants du PC veulent continuer à agir en tant que communistes, ils ne peuvent le faire qu'en débordant le cadre de la politique que leur parti leur propose.

Travailleuses, travailleurs,

Les grèves de novembre-décembre 1995 qui, même limitées aux principaux services publics, firent reculer Juppé sur la question des retraites des fonctionnaires et qui furent à l'époque une lutte extrêmement puissante, avaient été préparées, durant toute l'année 1995, par une mobilisation progressive sous la forme de journées d'actions qui virent une participation de plus en plus importante, jusqu'à ce que la grève éclate.

Les travailleurs, qui avaient repris confiance dans leurs forces, suivirent donc l'appel à la grève illimitée, grève qu'ils reconduisirent dans des assemblées générales tous les jours, où la participation fut très nombreuse et très démocratique... jusqu'au jour où la CGT décida brutalement la reprise.

La grève générale ne se décrète pas en appuyant sur un bouton. Pour que les travailleurs s'engagent dans les sacrifices d'une grève de longue durée, il faut non seulement qu'ils en aient assez de ce qu'on leur fait subir, mais il faut aussi et c'est naturel qu'ils aient confiance dans les possibilités de la lutte et espoir de réussir.

C'est la mobilisation progressive qui peut redonner cette confiance et cet espoir à tous. C'est pourquoi les journées comme celle d'hier sont utiles. Mais ne sont utiles que si les dirigeants syndicaux annoncent qu'il s'agit là d'une première étape et qu'il y aura d'autres rendez-vous. Et pour que le gouvernement cède, il faudra que ces autres rendez-vous voient une participation de plus en plus nombreuse pour que les dirigeants syndicalistes, même malgré eux, soient de plus en plus fermes.

Malgré la volonté clairement exprimée de nombre de militants et de certaines sections de base, les fédérations de cheminots, par exemple, se sont contentées d'envoyer des délégations symboliques. Elles appellent à une autre mobilisation en novembre.

Le gouvernement et le patronat mènent leur offensive contre l'ensemble des travailleurs. Ils ont une stratégie claire. Ils annoncent ouvertement la direction dans laquelle ils vont agir pendant les mois qui viennent. Ils veulent s'en prendre aux retraites de tous. Ils veulent réduire le nombre d'emplois dans le secteur public. Ils veulent rétablir, au détriment des salariés, l'équilibre de la Sécurité sociale, mis à mal par les exonérations consenties aux patrons et par leurs retards de cotisations. Ils veulent continuer à peser sur les salaires.

Leur tactique est tout aussi visible. Ils s'en prennent aux travailleurs, secteur par secteur ou problème par problème. Et, dès qu'ils remportent une bataille sur un terrain, ils attaquent sur un autre terrain.

A ce plan de combat dans l'intérêt du patronat, il est indispensable d'opposer un plan de mobilisation du monde du travail.

Seule la riposte collective de l'ensemble des travailleurs peut arrêter cette offensive.

Cette contre-offensive ne se décrète pas, elle demande la remobilisation du monde du travail. Justement, le rôle des organisations qui se revendiquent de la classe ouvrière devrait être d'avancer un plan de mobilisation où chaque journée d'action prépare la suivante, de façon claire pour l'ensemble des travailleurs.

Pendant des années, les confédérations syndicales, au lieu de mobiliser les travailleurs, les ont surtout démobilisés, liées qu'elles étaient à leurs amis politiques qui étaient au pouvoir.

Mais, même maintenant que le pouvoir gouvernemental appartient à des adversaires ouvertement déclarés du monde du travail, les organisations syndicales, au lieu de se battre pour remobiliser le monde du travail, s'échinent à le disperser.

La manifestation d'hier ne pouvait que redonner confiance à ceux qui y ont participé. Mais pourquoi avoir appelé la RATP à l'action il y a quinze jours et les cheminots seulement dans un mois alors que leurs problèmes et leurs revendications sont tellement semblables ? Pourquoi proposer une journée d'action différente pour les enseignants alors que les défaillances et les insuffisances du système éducatif concernent en premier lieu les enfants des classes populaires ? Pourquoi des journées d'action encore différentes pour la Poste et France Télécom ou pour les travailleurs de l'Imprimerie nationale ? Pourquoi avoir avancé d'un jour les débrayages prévus pour protester contre les licenciements à Alcatel, uniquement pour qu'ils n'aient pas lieu le 3 octobre ? Si les confédérations syndicales voulaient disperser et morceler le mouvement avant même qu'il soit engagé, elles ne s'y prendraient pas autrement ! Et pourquoi même avoir présenté, de fait, la journée du 3 octobre comme une action sans lendemain, au lieu d'annoncer par avance des étapes suivantes ?

Lors d'un récent meeting à Strasbourg, le secrétaire général de la CGT, Thibault, avait trouvé des phrases fort justes pour dénoncer la politique anti-ouvrière du gouvernement. Marc Blondel, de son côté, lors d'un récent comité confédéral de FO, a appelé à l'offensive et à la mobilisation sur les retraites, la Sécurité sociale et les salaires. Fort bien. Mais où est la politique pour concrétiser ces affirmations ? Où sont les propositions ? Quelles sont les étapes annoncées ? Et que l'unité syndicale ne serve pas une fois de plus à ce que les confédérations qui se veulent les plus combatives en paroles finissent par se dire obligées de s'aligner sur les plus timorées !

Malgré tous les atermoiements des directions syndicales, il faut cependant que les travailleurs répondent présents dans les secteurs concernés. C'est dans ce sens qu'agiront en tout cas tous nos militants. Car j'ai la conviction qu'une fois de plus, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui, en se mobilisant, imposeront aux confédérations syndicales une politique dont elles ne veulent pas vraiment.

Car, si les travailleurs ont été trompés, ils n'ont rien perdu de leur force. Et le jour où la coupe sera pleine, face aux provocations du patronat et à l'arrogance du gouvernement, face aux licenciements qui se multiplient et aux conditions de vie qui se dégradent, les grands partis de gauche auront peut-être plus de mal à détourner la colère. L'avenir du monde du travail réside dans le fait de ne plus croire les bonimenteurs qui prétendent les défendre dans l'opposition pour mieux les trahir au gouvernement. L'avenir, c'est réagir avec ses armes de classe, des grèves solidaires, interprofessionnelles, accompagnées de manifestations de masse. C'est le seul moyen de faire reculer et le patronat, et le gouvernement.

Camarades et amis,

Pour ce qui nous concerne, nous Lutte ouvrière, nous avons à militer pour nos idées. A commencer par la défense de la politique correspondant aux intérêts du monde du travail.

L'activité politique ne se limite pas aux campagnes électorales.

Nous aurons à intervenir sur toutes les questions qui touchent de près la classe ouvrière. Nous aurons à apporter notre contribution à propager l'idée de la nécessaire contre-offensive généralisée de la classe ouvrière. Nos forces ne sont pas comparables à celles dont disposent le PC ou les grandes confédérations. Mais, sur ce terrain, nous pouvons trouver l'oreille de bien des militants ouvriers.

Nous aurons bien sûr à participer, je le répète, aux actions proposées par les syndicats, pour limitées qu'elles soient et insuffisantes par rapport à la nécessité de remobiliser les travailleurs. Nous devrons en être parmi les meilleurs militants. Mais nous aurons en même temps à défendre en permanence l'idée de la généralisation des luttes.

Nous participerons, comme nous l'avons toujours fait, au combat des catégories particulièrement vulnérables du monde du travail, comme en ce moment les sans-papiers qui se battent à juste raison pour la régularisation de leur situation. Et nous expliquerons en quoi ce combat rejoint les intérêts généraux de la classe ouvrière. Car ces travailleurs privés de papiers ne sont pas seulement transformés en gibier pour la police ou pour les marchands de sommeil. Ils sont aussi livrés aux patrons qui peuvent leur imposer des salaires d'autant plus bas qu'ils sont vulnérables. Et ce ne sont pas seulement les petits margoulins du capitalisme, dans la confection ou le bâtiment, qui utilisent des sans-papiers. Ce sont aussi nombre de grandes entreprises, si ce n'est directement, en tout cas par l'intermédiaire de sous-traitants. Mais le salaire bas des uns fait pression, dans le sens de la baisse, sur le salaire des autres.

Alors oui, nous continuerons à revendiquer la régularisation immédiate de tous les sans-papiers. Comme nous continuerons à revendiquer pour eux, comme pour l'ensemble des travailleurs immigrés, l'intégralité des droits politiques, associatifs et syndicaux, y compris bien sûr le droit de vote dans toutes les élections. Et je vous rappelle que refuser le droit de vote à tous les travailleurs immigrés, c'est aussi diminuer le poids électoral de l'ensemble des travailleurs.

Nous participerons, bien sûr, aux protestations qui s'organiseront contre les manifestations de l'infamie du système impérialiste, et elles sont nombreuses.

Nous continuerons à manifester notre solidarité au peuple palestinien opprimé dans son propre pays avec la complicité de toutes les grandes puissances de ce monde qui osent prétendre qu'elles incarnent la démocratie. Nous continuerons à dénoncer la politique du gouvernement israélien menée, là encore, avec la complicité des grandes puissances, dont le seul résultat est d'avoir transformé cette région en ghetto pour tout le monde, pour les Arabes comme pour les Juifs.

Nous participerons aux manifestations qui pourront se faire contre les gesticulations guerrières des dirigeants américains envers l'Irak. Saddam Hussein est un dictateur infâme, mais les Etats-Unis comme la Grande-Bretagne ou la France en protègent bien d'autres, tout aussi infâmes. Et d'ailleurs, ils ont protégé Saddam Hussein lui-même lorsqu'il se contentait d'opprimer son propre peuple ou d'écraser la minorité kurde et lorsque, sur ordre des puissances impérialistes, il déclencha une guerre meurtrière contre l'Iran. Et si les Etats-Unis parvenaient à renverser Saddam Hussein, ce ne serait pas pour établir un régime favorable au peuple irakien mais seulement un régime qui soit plus obéissant. Cela fait des années que les puissances occidentales, la France comprise, participent à un embargo qui ne punit que le peuple irakien pour les crimes de ses propres dirigeants. Cela fait des années aussi que des avions occidentaux bombardent ce pays. Alors, nous sommes contre toute escalade militaire.

Et nous aurons peut-être à protester contre une intervention, directe ou indirecte, de notre propre impérialisme en Côte d'Ivoire. Cette intervention est déjà un fait.

Elle a été présentée dans un premier temps comme une intervention humanitaire, chargée de protéger les citoyens étrangers à la Côte d'Ivoire et à ses problèmes internes. Il est cependant significatif de cet "humanitarisme" que, si les troupes françaises cherchent à protéger les citoyens français, américains, libanais, présents dans le pays que, d'ailleurs, personne n'a attaqués , elles ne songent nullement à protéger les citoyens burkinabés ou maliens, pourchassés pourtant par les sbires du régime Gbagbo. Mais, là, il s'agit de travailleurs migrants ou de paysans pauvres, et l'armée française n'a manifestement pas pour vocation de protéger ceux-là.

Aujourd'hui, on n'en est même plus aux prétextes humanitaires. L'armée française prend parti. Elle a commencé par offrir son soutien logistique à l'armée gouvernementale. Mais, à ce que laissent comprendre les informations, le soutien n'est plus aujourd'hui simplement logistique car les militaires français s'interposent entre les deux camps en conflit en bouchant le passage devant la progression des mutins.

Et puis, bien au-delà de cet aspect des choses, si la situation s'est dégradée jusqu'au point où elle en est en Côte d'Ivoire, c'est en raison de la politique des dirigeants locaux patronnés par nos gouvernements et, plus encore, en raison du pillage séculaire de ce pays par notre impérialisme. Et si une intervention se fait, ce ne sera pas à l'avantage du peuple ivoirien, qu'on continuera à laisser croupir dans la misère, mais pour permettre à Bouygues, à Bolloré et à bien d'autres de continuer à faire des affaires juteuses dans ce pays.

Oui, ce ne sont pas les occasions d'agir qui manqueront dans la période à venir. Mais en participant à tout cela, nous n'aurons fait qu'une partie de notre travail, et peut-être même pas la plus importante, car il y a autre chose.

Il nous incombe de continuer à garder levé le drapeau du communisme.

Ce drapeau, le parti qui se dit encore communiste l'a abandonné depuis longtemps. Le fait de participer à un gouvernement de la bourgeoisie, comme l'a fait le Parti communiste de Robert Hue, et avant lui celui de Marchais, et avant encore celui de Thorez, est déjà en lui-même une indication que ce parti n'est pas communiste, parce qu'on ne peut pas se poser en combattant de la société future et en même temps se ranger parmi les défenseurs gouvernementaux de la société actuelle.

Et même si, aujourd'hui, la direction du Parti communiste remet le mot en service, quelle confiance peut-on faire à un parti qui ne radicalise son langage que lorsque la bourgeoisie le rejette après usage ?

Nombreux sont, je l'espère, à la base du PCF, les militants qui n'ont pas perdu leur conviction qu'une société égalitaire est possible. Ceux-là, je les considère comme des frères d'armes. Mais comment imaginer que la direction de ce parti puisse de nouveau incarner les idéaux communistes ?

Une partie de l'extrême gauche elle-même est aujourd'hui honteuse de sa filiation communiste. La perspective dans laquelle elle milite est celle d'une gauche plus combative, d'une gauche plus radicale, d'une gauche vraiment à gauche ou, comme elle dit pour ratisser le plus large, 100 % à gauche. Bien malin celui qui saura distinguer ce langage-là du langage nouveau que veut se donner la gauche du PS. Ce dernier ne cache d'ailleurs pas son ambition d'une OPA sur sa gauche. Et ce ne sont sûrement pas les thèmes de l'anti-mondialisme, du féminisme ou de l'écologisme qui le gêneront. Ce sont des mots utilisés justement pour servir de pont entre les différentes nuances de l'éventail qui se réclame de la gauche, mais dont le noyau sera de toute façon la gauche qui se dit à vocation gouvernementale, c'est-à-dire, pour parler clair, la gauche bourgeoise.

L'émergence d'une gauche tenant un langage plus radical n'est après tout pas impossible, si la droite est solidement installée au pouvoir et pour longtemps. Mais cela ne ferait que recréer, au mieux, une version moderne de l'ancien PSU.

Eh bien, ce n'est certainement pas dans cette perspective que nous militons. Il nous reste à incarner fièrement une autre perspective, celle d'un parti représentant réellement les intérêts politiques de la classe ouvrière. Il nous reste à oeuvrer pour que se construise un parti qui ne vise pas à s'intégrer dans l'ordre social actuel, fût-ce avec la prétention stupide de pouvoir le faire évoluer dans le bon sens, mais qui, au contraire, combat pour la transformation radicale de la société.

Un parti qui reste systématiquement dans le camp des exploités, des opprimés, sans abandonner ce camp pour quelque poste ministériel que ce soit.

Un parti qui n'abandonne pas ses convictions pour s'adapter à la politique des dirigeants réformistes même lorsque ceux-ci sont dans l'opposition.

Un parti qui ne veut pas dissimuler la réalité de la lutte de classe car cela ne sert que les intérêts de la classe exploiteuse qui, pour mener sa lutte de classe, n'a pas besoin de la nommer.

Mais un parti qui, au contraire, cherche à mettre le doigt sur le caractère de classe de la politique menée pour que les travailleurs opposent à la lutte de classe de la bourgeoisie leur propre lutte.

Un parti qui ne se contente pas de dénoncer les abus du règne du fric ou de la domination des trusts sur une économie mondialisée mais qui se donne pour objectif d'organiser la seule classe sociale capable de mettre fin au capitalisme et à son sous-produit l'impérialisme mondial, c'est-à-dire le prolétariat mondial. Un parti qui ne se contente pas de participer de temps à autre à une manifestation internationale, mais qui milite jour après jour dans les entreprises, dans les quartiers populaires, pour organiser les travailleurs dans le but de transformer la société.

Oui, l'aspect fondamental de notre activité continuera à être la défense du programme d'émancipation de la classe travailleuse, le programme communiste. Défendre ce programme avant tout dans la classe ouvrière car c'est d'elle, et d'elle seule, que dépend sa réalisation future. Le défendre en particulier auprès des travailleurs qui se sont retrouvés pendant longtemps dans ou autour du Parti communiste et qui sont découragés, désorientés et à qui il faut redonner confiance et montrer que le courant communiste n'a pas disparu et que l'avenir lui appartient. Bien sûr, nous sommes calomniés, mais c'est parce que nous sommes réellement communistes. Nous le sommes comme l'était, dans un passé déjà lointain, le Parti communiste lorsqu'il méritait réellement ce nom.

Mais il faut aussi gagner à ces idées une génération de jeunes, de jeunes travailleurs aussi bien que des étudiants. Il faut non seulement leur montrer que le monde qui est le nôtre est invivable, que les concentrations de richesses entre quelques mains pendant que la pauvreté se généralise sont insupportables. Comme est insupportable l'idée que la recherche du profit de quelques-uns conduit la terre vers une catastrophe écologique.

Il faut aussi leur montrer qu'il est possible de transformer la société et que chacun, travailleur ou étudiant, peut y jouer son rôle.

Il faut les éclairer pour qu'ils ne soient pas abusés par ceux qui présentent de vieilles idées réformistes sous des couleurs modernes pour pouvoir mieux les tromper. Qui cherchent à les tromper en présentant quelques réformettes, une taxe par ci, un allégement de dette par là, comme des idées de l'avenir, alors que tout cela est non seulement inefficace mais cautionne encore et toujours l'idée que le capitalisme est réformable.

Eh bien, non, le capitalisme n'est pas réformable.

Voyez les milliards qui partent en fumée dans la crise boursière actuelle. Oh, bien sûr, ce sont pour une large part des capitaux fictifs. Mais l'exploitation qui les a engendrés n'est pas fictive. Combien de souffrances, combien de vies d'exploitation pour que s'accumulent ces milliards qui, aujourd'hui, partent en fumée ?

Alors, nous ne savons pas si le fait que le gouvernement soit de droite amènera plus facilement les travailleurs à la conviction qu'ils ne peuvent rien en attendre. Nous ne savons pas si, après avoir subi les coups de la gauche puis ceux de la droite, ils ne se contenteront pas d'écouter, à nouveau, les bateleurs de foire de la gauche bourgeoise ou si, dégoûtés de tout, ils se réfugieront dans l'apolitisme.

Mais nous savons que la combativité peut revenir très vite. Et c'est peut-être justement le fait que le patronat et le gouvernement se croient tout permis qui déclenchera la colère ouvrière.

Nous ne savons pas non plus par quelle voie, à travers quelle expérience politique collective, ce regain de combativité ouvrière conduira une partie du monde du travail vers les idéaux et vers le programme communistes.

Ce que nous savons, c'est que les idées que nous défendons, il n'y a que nous pour les défendre. Alors, quel que soit le vent, nous continuerons à les défendre.